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Cours de Philosophie Hermétique ou d’Alchimie 1/2

L ‘AUTEUR n’a pas cru devoir faire précéder d’une préface, ce Traité et Cours d’alchimie, ni devoir dire les raisons qui l’ont obligé à le rendre public.

Il n’a pas cru non plus devoir le dédier à personne ; ne désirant pas, comme nombre d’auteurs, se faire prôner ni appuyer par le crédit de quelque grand personnage.

A qui pourrait-il dédier cette clé d’alchimie, pour donner une marque de sa reconnaissance ? A un homme !... il n’en a trouvé aucun qui ne fût incrédule, dur, inhumain, fourbe et flatteur : tous n’ont cherché qu’à le surprendre, pour lui enlever le secret des secrets.

Il n’a toujours trouvé que des hommes peu portés à l’aider ou à lui être utiles, pour finir son travail alchimique : il n’a donc aucune marque de reconnaissance à donner à personne.

Pour remplir justement et complètement ce devoir sacré de reconnaissance, il doit dédier à Dieu, auteur de tout don, ce présent trésor de philosophie hermétique : science qu’il ne tient que de lui seul.

Les envieux, après avoir lu cet ouvrage, se mettront en colère ; parce qu’ils n’auront pas pu parvenir eux-mêmes à ce degré de bonheur, et ils croiront ne pouvoir pas mieux se venger de leurs infructueuses recherches qu’en invectivant la créature favorisée et en faisant passer la science hermétique pour fausse ; ils se dessécheront de rage ! ils mourront !... Et l’alchimie restera.

Mais le philosophe reconnaissant, qui a toujours mis sa confiance en Dieu, et qui ne l’a obtenue qu’à force de persévérance et de prières, l’en remerciera et le bénira tous les jours de sa vie, de ce qu’il a bien voulu lui donner une aussi grande marque de son amour. De l’avoir sorti de l’état d’humiliation, de misère et de privations dans lequel il était resté grand nombre d’années, et de l’avoir fait triompher de tous ses ennemis, ainsi que de tous les hommes orgueilleux et parents incrédules qui l’avaient complètement méprisé, abandonné !

Si quelque amateur d’alchimie, après avoir attentivement lu les dix-neuf leçons suivantes, en formant le cours complet, le reconnaît pour un... (comme il pourra en juger par la théorie et la pratique que son ouvrage renferme) et désire lui parler, qu’il veuille s’adresser à l’imprimeur du présent, qui lui donnera son adresse, ou à M. Rivet, rue Judas, n° 8, Montagne Sainte-Geneviève.

ABRÉGÉ DU GRAND ŒUVRE.
CELUI qui, par un travail un peu long et fatigant, pourra parvenir à extraire des métaux, leur terre rouge feuillée et saura, par un moyen naturel (connu aux seuls philosophes hermétiques), la joindre à l’eau mercurielle purifiée, pour la rendre toute, terre fluidificante ; et que pour finir et compléter son œuvre, il pourra, par le moyen du feu, et par sa vertu, congeler et rendre en pierre ces deux eaux réunies : celui-là peut se vanter d’avoir fait une grande découverte ; d’avoir trouvé une chose très précieuse, et d’une plus grande valeur que tout l’or du monde, et que toute autre chose : puisqu’il aura trouvé la médecine universelle (principe de tout ce qui a vie) avec laquelle il peut se tenir toujours en bonne santé, et prolonger ses jours de beaucoup.

Les moyens de parvenir à obtenir cette précieuse découverte sont complètement montrés et expliqués dans les dix-neuf leçons suivantes : il faudra donc les lire, et les relire souvent, et avec beaucoup d’attention.

§ Première Leçon.

EN juin 1819, Louis-Paul-François Cambriel fit insérer, dans les Petites Affiches, un avis, semblable à celui qui est à la fin du présent traité, intitulé (Offre d’un grand bénéfice), et il en reçut, en réponse la lettre dont copie est ci-après :

Signée, E. B. K.

Paris, le 19 juin 1819.

« Monsieur,

Une personne qui a quelques notions de chimie, ayant pris connaissance :

1° De l’avis inséré sous le n° 8056 des Petites Affiches du 18 courant, offre de faire la somme demandée ; mais elle y met pour condition, que le bénéfice proposé, ne soit que du remboursement du principal prêté : plus une somme égale au principal : le tout à obtenir dans deux ans ;

2° Que l’auteur de la découverte énonce, dans une lettre qu’il adressera à Mr E. B. K., chez le limonadier du café des Arts, n° 9, rue du Coq-Saint-Honoré ; l’objet précis de sa découverte, ainsi que les principes chimiques sur lesquels elle repose ;

3° Le prêteur s’engage dès à présent, et il est prêt à mettre sous la meilleure forme ledit engagement, pour la sûreté de l’auteur de la découverte, et à ne pas faire maintenant, ni à l’avenir, et sous aucun prétexte, aucune révélation, aucun emploi de ladite découverte

4° Si sous ces clauses, l’auteur veut répondre à la personne susdite, il peut adresser sa lettre comme ci-dessus : et si après les premières ouvertures, les auteur et prêteur conviennent entre eux des susdites propositions ; ils pourront se mettre en communication personnelle et intime.

J’ai l’honneur de vous saluer,
E. B. K. »

Copie de la lettre de Louis-Paul-François Cambriel à Mr E. B. K., qu’il a crû être un philosophe hermétique, en réponse à la sienne du 19, et par laquelle, il veut lui prouver, qu’il est dans le cas de remplir l’offre qu’il a faite par des Petites Affiches.

Paris, le 24 juin 1819.

« Monsieur,
Je m’empresse de répondre à la lettre que m’a fait l’honneur de m’écrire Mr E. B. K., et je tâcherai (quoique n’ayant jamais appris la chimie dans les écoles) de lui prouver la possibilité de la transmutation métallique, tant discréditée.

Je crois que (si j’ai bien pris le sens de sa lettre) c’est tout ce qu’il exige de moi ; du moins quant à présent, sauf à remplir à notre première vue toutes les autres conditions qu’il pourrait désirer.

L’objet et la découverte même, est comme je le dis ci-dessus, la pierre philosophale, à laquelle je suis parvenu, avec l’aide de Dieu, le secours d’un ami, et par un travail pénible et continué pendant vingt-sept ans (1).

II s’agit de faire par un travail de vingt-quatre mois, une poudre rouge comme le coquelicot ou poudre de projection qui, comme la fleur à cailler le lait, opère sur le mercure vulgaire chauffé dans un creuset, le même effet que la fleur à cailler fait sur le lait : et dans une heure, une pincée de cette poudre rouge comme une prise de tabac mise dans ledit creuset (dans lequel on aura mis quatre livres de mercure), le caillera ou le fixera et le réduira en or le plus fin à vingt-quatre carats et plus, ce qui paraîtra extraordinaire, même impossible, quoique naturel et très vrai.

Pour faire cette poudre rouge de projection, il faut (ce qui paraîtra impossible à tout homme, quand il jugera de l’alchimie comme en jugent le commun des hommes) parvenir à force de travail à mollifler et à rendre en eau, par une solution naturelle, une pierre, qui, quoique composée de deux, même de trois, n’est toujours qu’une, et laquelle par une destruction réitérée: lavages, sublimations, mêmes distillations, donne le soufre rouge ou corps fixe, coagule essentiel (ou le livret d’or du Trévisan, philosophe hermétique) qui se réduit en eau par ladite solution. — Ce qui nous donne l’eau double, l’eau animée, le rebis des philosophes hermétiques, enfin le mercure philosophal.

Mais on ne peut parvenir à acquérir cette eau divine qu’en mettant le corps fixe dans sa propre terre ou molle montagne, dont parle Sendivogius autre philosophe hermétique (bien préparée par un long et pénible travail), et après avoir beaucoup souffert par le feu des cuisines. — Alors seulement on est parvenu à faire remonter l’eau vers sa source et à faire rentrer l’enfant dans le ventre de sa mère.
La fable nous apprend que Vulcain surprit dans son filet Mars et Vénus en adultère. — Si le philosophe hermétique ne fait pas comme Vulcain, et s’il ne l’emploie pas dans son opération, jamais il ne parviendra à obtenir la pierre des philosophes, dont il ne saurait se passer.

II faut donc qu’il tende son filet, et qu’il sache profiter du seul moment propice pour surprendre et attraper les adultères, parce qu’il doit savoir qu’il n’y a qu’une heure pour cela, laquelle passée il ne faut pas en attendre une autre à sa place (dit Zachaire, autre philosophe hermétique de France). Alors on n’attrape plus rien, et les amoureux se détruisent et s’évaporent.

Quand une fois l’eau animée est faite, et qu’elle a acquis sa perfection par l’union des éléments principiants, et le pouvoir de revenir en terre par la vertu qu’elle a acquise, produite aussi de l’union qui s’est opérée naturellement des éléments principiés, contenus et cachés dans les natures, et par l’alliance du feu naturel avec le feu innaturel, laquelle alliance nous a procuré l’eau tant désirée, renfermant en elle un troisième feu, nommé feu de contre nature, portant avec lui tous les principes de la vie, acquise et manifestée par l’effet de la fermentation ; enfin l’eau double et la réunion première des eaux supérieures avec les eaux inférieures contenues dans les métaux. — Et comme tout dans ce monde manifeste ses qualités par l’odeur qui s’en exhale, que la rhue et la rosé répandent une odeur différente, que l’ail et l’oignon répandent une odeur très forte, de même notre eau répand aussi une odeur très forte qui annonce sa perfection et sa fin, ce qui nous réjouit. Et c’est alors et à ces signes que nous sommes convaincus que cette eau parfaite nous donnera dans l’espace de neuf mois l’enfant tant désiré qui viendra avec des joues très vermeilles, et qui chassera dans une heure la lèpre des métaux (après qu’il aura pris un peu de force) en les rendant semblables à lui et éclatants comme lui.

C’est là la véritable poudre de projection, qui, à sa sortie, rendra des services bien plus grands en guérissant les créatures malades, et leur rendant la vigueur de la jeunesse. C’est là le véritable ennemi de toutes les maladies dont l’homme se trouve attaqué, soit par celles produites par sa mauvaise manière de vivre, soit par celles qu’il apporte en naissant ou originelles, lesquelles ne nous viennent ainsi qu’aux métaux qu’à cause de la première désobéissance. Ce qui ne serait pas, si notre première mère, Eve, s’était contentée de ne manger que du fruit de l’arbre de vie, au lieu de manger et de s’unir à celui qui devait la conduire à la mort.

Cet arbre de vie qui porte de si bon fruit, n’est produit que de cet arbre double, nommé l’arbre de la science et d’alliance, du bien et du mal ou composé de deux, l’un bon, l’autre mauvais ; l’un fixe, l’autre fuyant ; l’un dur, l’autre cassant ; l’un blanc, l’autre rouge ; l’un mâle, l’autre femelle ; enfin matière et forme. — Et tout cela cependant ne fait qu’un, et n’est produit que d’un ; mais en lui sont les deux natures, les trois principes, les quatre qualités, et contient aussi en lui le principe universel, cet esprit divin dont le Tout-Puissant s’est servi pour former et créer toutes choses, qui, lors de la séparation du premier chaos dont il faisait partie, et d’après l’ordre et volonté du Tout-Puissant se mouvait sur les eaux inférieures, et ne demandait qu’à exécuter et à remplir la bénédiction et volonté du Créateur : croître et multiplier.

Mais avant que d’obtenir ce cher enfant, il faut que notre œuvre passe par toutes les couleurs, que la putréfaction fasse paraître la noire (marque certaine de la réussite), et que la blanche, la verte, la jaune et la rouge se succèdent, et que dans l’intervalle de l’apparition de toutes ces couleurs, et avant la deuxième et dernière réunion des eaux supérieures des métaux avec les eaux inférieures (qui avant étaient séparées par le firmament des philosophes hermétiques), la rosée de mai vienne humecter notre embryon et le disposer à cette parfaite réunion, d’où résultera la médecine universelle ou panacée et la poudre de projection.

Voilà, mon cher monsieur, ce qu’un philosophe hermétique peut écrire de sa science pour répondre à l’honneur de votre lettre.

J’y ajouterai cependant que, si on ne sait pas unir les corps parfaits par le nombre mystérieux des philosophes (2) l’ouvrage ira fort mal, et il y aura ou trop, ou trop peu de sécheresse, et le mariage (pour former cette union) n’étant pas fait selon les règles de la nature, le produit ne remplira jamais les désirs du philosophe labourant, il y sera donc pour la perte de son argent, de sa peine et de son temps.

Si ce que j’ai dit est un peu trop obscur, et qu’on ne puisse pas bien se fixer pour commencer, qu’on fasse le dur mol et le mol dur.

Ou bien : qu’on prenne la terre fixe ou l’or mâle, et qu’on lui fasse des ailes pour la réduire en eau volatile ; puis, que par un long temps on parvienne à fixer cette eau volatile, et à la rendre en terre comme nous l’enseigne notre père Hermès (à quoi on parviendra en lui administrant une chaleur au même degré qu’est celle de l’homme).

Ou bien, qu’après une longue coction on parvienne à lui couper les ailes et à l’empêcher de voler, alors on verra la fin de son ouvrage, et il ne faudra qu’en augmenter la quantité et la vertu, à quoi on parviendra en la remettant plusieurs fois dans la même terre d’où elle a pris naissance.

Les désirs du philosophe labourant seront alors accomplis, puisqu’il possédera tout.

Et si Dieu, très bon et très grand, donne à l’homme (comme j’en suis convaincu par moi-même) (3) une aussi grande marque de son amour, qu’il l’en remercie toujours ; qu’il lui en rende de continuelles actions de grâce, et qu’il tâche de s’en rendre toujours digne par une bonne conduite, en tendant une main secourable à tous ceux qui en auront besoin et qui le mériteront. — Loué soit Dieu tout puissant qui n’abandonne jamais celui qui met sa confiance en lui.

Si par ma présente réponse (quoique très embrouillée et très claire en même temps) j’ai pu satisfaire la personne qui a eu la bonté de m’écrire, qu’elle veuille me répondre et me donner son adresse, ainsi que le jour et l’heure auxquels je pourrai avoir une conférence philosophique avec elle ; par ce moyen, il me sera facile d’aplanir les doutes qui pourraient rester (que je n’ai pu éclaircir par la présente), et parvenir à fixer son opinion sur celui qui a l’honneur d’être son très humble serviteur,

Louis CAMBRIEL. »

l. Je commençai mes recherches alchimiques la même année que le général Buonaparte revint d’Egypte, et détruisit le Directoire qui avait pris pour principe d’appauvrir et d’affaiblir la France, et d’humilier les Français que ce grand homme, avant son départ pour l’Egypte, avait laissés couverts de gloire. — Après trois ans passés environ, ce grand homme étant arrivé à Paris par miracle, fit cesser le mal, toutes nos défaites, et rejeta avec usure, sur tous nos ennemis coalisés, les humiliations dont ils nous avaient abreuvés pendant son absence. — II fut nommé premier consul, monta une forte armée, et redonna à la France, que le malheureux Directoire avait réduite à deux doigts de sa perte, sa première gloire, et comme nation le premier rang. — Il traversa le mont Saint-Bernard avec la forte armée qu’il avait rassemblée au camp de Dijon, attaqua et détruisit l’armée autrichienne à la bataille de Marengo. — Victorieux comme il l’avait toujours été, treize ou quatorze places fortes d’Italie lui furent remises, et nous. Français, nous fûmes pour la deuxième fois maîtres de ce beau pays. — Après celle grande victoire, je me rendis pour la deuxième fois à Paris pour y continuer mon ouvrage alchimique, et j’y restai assez longtemps pour être témoin du grand amour et confiance que les Français avaient pour ce grand général, dont la majeure partie la portèrent jusqu’à le proclamer empereur des Français, titre dont il s’était rendu digne. — Je fus présent à son couronnement, à son mariage avec Marie-Louise d’Autriche, j’y étais aussi pendant que ce général (valeureux comme il n’y en a jamais eu) a remporté nombre de victoire sur les armées de Prusse, d’Autriche et de Russie, et mis les Français à un si haut point de gloire, que la France, qui avait été vendue, trahie par le Directoire, fut si agrandie par lui-même que ses limites allaient depuis Naples, Trieste, Venise, Rome, Gènes, jusque et y compris la Hollande, et à un tel point de prospérité et de gloire, que toutes les nations désiraient d’être nos alliées et nos amies, et souhaitaient faire partie de ce vaste empire. — Triomphante et richissime, la France n’avait été portée à ce haut point de triomphe que par le courage, le talent et l’amour que ce grand général portait aux Français, et auquel ils devaient leurs richesses, et qu’une trop forte ingratitude envers lui nous prouve combien le Français est léger et peu reconnaissant. — Il avait comblé de fortune la ville de Paris, et quand les ennemis coalisés se sont présentés sous ces murs, c’est cette même ville qui l’a abandonné.

— Il n’a été trahi en France que par ceux qu’il avait trop comblés de biens, et par les Anglais chez lesquels il s’était rendu, et ce par l’abus des lois établies dans ce pays, qu’ils n’auraient jamais transgressées, et desquelles le plus pauvre matelot anglais aurait joui, furent méconnues par cette nation en faveur de l’homme qui s’était mis avec trop de confiance entre leurs mains, et que par suite de cet abus fut déporté à l’île de Sainte-Hélène, où il y fut continuellement maltraité par le gouverneur Udson Low, et dans laquelle il a fini ses jours.

1 — Mon désir à moi est que Dieu le récompense de tout le bien qu’il nous a fait, ainsi que de celui qu’il avait l’intention de nous faire. — Amen.

La veuve du marquis Duchilau, ancien amiral de France, m’a raconté plusieurs fois l’anecdote suivante :

« Lorsque l’empereur Napoléon se rendait en Angleterre, accompagné de plusieurs de ses généraux, il crut prudent de les laisser pendant 48 heures, et de se rendre, sans leur faire part de son dessein, avec un —seul d’eux dans une campagne où s’était retiré le marquis Duchilau, ancien amiral de France.

Ce dernier fit quelque difficulté de le recevoir, à cause des Bourbons auxquels il tenait beaucoup ; mais, voyant que Napoléon persistait à vouloir lui parler, il y consentit.

Etant ensemble, l’Empereur lui dit : Honnête amiral, la confiance que j’ai en vous m’a fortement porté, avant de me rendre en Angleterre, à venir vous consulter pour savoir de vous, qui avez combattu pendant nombre d’années cette nation et qui la connaissez parfaitement, si je dois me mettre ou non entre leurs mains, et si on me fera jouir de l’avantage de leurs lois, notamment de celle de l’habeas corpus 7 c’est ce que je désire savoir ; j’ai laissé mes amis pour venir vous consulter sur ce que je dois faire : parlez-moi franchement.

— En homme franc, lui dit l’amiral, je vous dirais que vous ne devez pas vous rendre chez des gens qui abuseront de votre confiance. Vous êtes leur ennemi, ne comptez pas sur leur générosité ; renoncez à votre projet, tel est mon conseil : je ne saurais vous en donner un meilleur. — Que ferai-je donc ! où dois-je me rendre, dites-le moi ? — II faut vous rendre à Bordeaux. Je vais vous donner une lettre pour un capitaine de vaisseau ; c’est un homme qui me doit la vie ; sans moi, il aurait été pendu. Changez de costume et rendez-vous promptement chez lui. Je le charge de vous conduire en pleine mer et de vous mettre dans le premier vaisseau que sans doute il trouvera : lequel vous transportera en Amérique, vous seulement. C’est un homme discret, vous n’avez rien à craindre ; il fera tout pour moi, en reconnaissance du service que je lui ai rendu : c’est le seul moyen de vous mettre à l’abri des Anglais, qui ne suivront aucune loi en votre faveur.

Napoléon reçut avec plaisir ce conseil et quitta l’amiral, très décidé à le suivre. S’il l’avait suivi, que de désagréments il se fût épargné. Sans doute, ceux qui l’accompagnaient crurent trop à la générosité anglaise et le portèrent à s’en aller à Londres, comptant toujours sur l’entière exécution de leurs lois. »

Français crédules et confiants, fiez-vous à cette nation ! Comptez sur la générosité anglaise !... C’est à Sainte-Hélène qu’on vous en donnera des preuves ! C’est dans cette île que le gouverneur en a fait complètement jouir l’empereur Napoléon.

2. Ce nombre n’est qu’un assemblage de V à C et V.

3. Jamais je ne serais parvenu à trouver les opérations nécessaires et indispensables pour faire la pierre philosophale, et me procurer la médecine universelle (moi qui ne connaissais rien en chimie). Si Dieu, qui dans tous les temps de ma vie, m’a donné des marques de son amour, ne m’avait inspiré en trois différentes fois, et à quatre années de distance d’une inspiration à l’autre, la manière de bien faire l’opération alchimique que j’ignorais, et que je n’aurais jamais pu trouver de moi-même, si une voix forte (qui toujours était précédée d’un fort coup de vent à mon oreille droite), et que pour la première fois j’ai fort bien entendue, étant dans mon lit & sept heures du matin (réfléchissant sur mon ouvrage que je ne pouvais continuer) ne m’était venue redresser en me disant : Il faut s’y prendre de telle manière. Je suivais l’inspiration, et l’opération que j’ignorais se faisait parfaitement bien.

Cette inspiration qui fut la première, ne me vint qu’après avoir été consulter les trois plus grands chimistes de Paris, qui ne purent me donner le moyen que je leur demandais. — Cela m’arriva dans la maison de madame la veuve Brocard, rue des Boucheries-Saint-Germain à Paris.

La deuxième inspiration, fut précédée comme la première, par un fort coup de vent à mon oreille droite : ce fut en plein midi, et dans le fond d’une diligence, entre Lyon et Paris, où je me rendais pour y continuer mon ouvrage alchimique. — Je fus averti de cette manière : Tu le trompes, les livres hermétiques disent comme cela.

Et la troisième inspiration, qui fut plutôt une vision, vint m’éclairer quatre ans après dans la maison de madame la veuve Maçon, rue Mazarine, n° 60, au jeu de paume. — L’opération et la perfection du travail que je faisais se présenta devant mes yeux, et mon odorat, par l’odeur qui s’en exhalait, me prouva (comme il est dit dans Nicolas Flamel de Paris) qu’elle était bonne et bien faite, et me donna la conviction que j’étais parvenu à la fin de la première partie de mon ouvrage alchimique ou de la pierre du premier ordre, ce qui me réjouit beaucoup. J’ai donc raison de dire, que je suis convaincu par moi-même de l’amour que Dieu accorde à ses créatures.

Pour convaincre ceux qui me liront, que je n’écris aucun mensonge dans ce présent Traité d’alchimie, je joindrai à la note ci-dessus une autre grande marque d’amour que Dieu a eu la bonté de m’accorder pendant mon enfance, de laquelle je n’ai parlé à personne, et que je crois être obligé de faire connaître à mes semblables.

Tableau fidèle principe premier ce qui a été créé, des perfections de Dieu, créateur de l’univers, et de mouvement, par conséquent de la vie, de tout mis à la vue des hommes par sa créature.

Louis-Paul-François Cambiel.

Plusieurs de ceux qui liront ce tableau, pourront et croiront avoir le droit de dire que ce tableau n’est pas fidèle comme je le dis.

Comment ledit Cambriel a-t-il pu supposer et se convaincre de la vérité des perfections du Tout-Puissant ? A-t-il été au ciel ? Quelque esprit céleste l’a-t-il instruit ? Cela ne paraît pas possible.

Je répondrai à ces observations que je dis la vérité, mais que je ne veux pas dire comment je l’ai apprise cette vérité.

A une époque de ma vie, Dieu qui m’a toujours donné des marques de son amour, a voulu que je fisse le tableau fidèle de ses perfections corporelles quant à la vue, mais spirituelles quant à lui.
Il a voulu que j’en fusse convaincu moi-même, pour pouvoir convaincre ceux qui me liront, que Dieu est comme l’homme, comme sa créature.

Nous sommes donc, comme il est dit dans les Ecritures-Saintes, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et nous devons nous en glorifier, et ne pas en douter par trois raisons : la première, parce que l’enfant ressemble toujours en tout & son père ; la deuxième, parce que nous avons été créés immortels comme lui ; et la troisième, parce que notre corps est plus parfait dans son intérieur que dans son extérieur, et que nous avons eu en nous un corps immortel, lequel n’est devenu mortel que par la première désobéissance, une âme immortelle, faisant partie de la divinité même, et un esprit terrestre, alliant l’âme céleste au corps terrestre formant la créature, et unissant par sa médiocrité le haut avec le bas, le céleste avec le terrestre.

DIEU EST d’une taille et corpulence comme pourrait être l’homme le plus parfait, ayant six pieds six pouces de taille, proportionné dans toutes les parties qui le composent, mais toujours en plus de perfections que l’homme le plus parfait que je lui compare.

Il est majestueux, sa peau est de la couleur de la flamme d’une bougie ; ses pieds, ses genoux, ses cuisses, ses mollets sont si parfaits, que quoique j’en dise, je serai toujours en dessous pour en pouvoir représenter la perfection.

Les ongles de ses pieds sont d’une beauté incomparable, le plus bel ivoire ne peut pas leur être comparé.

Les mollets de ses jambes sont si beaux, si parfaits, et comme il est tout esprit, je voyais à travers comme à travers le cristal le plus clair.

Mais ce qu’il y a de plus beau dans toute cette beauté de perfections réunies, c’est l’arrangement des muscles qui le forment. Ils sont arrangés comme des petites poires, de trois en trois, deux haut et un bas ou au milieu des deux premiers, et dans chaque muscle on ne voit qu’un mouvement continuel de rayons de lumière gazeux, qui se croisant dans tous les sens et sans se séparer, montant et descendant, forment et font apparaître un million de perfections dans l’intérieur de chaque muscle.
De cette manière, que le Tout-Puissant, d’après mon idée, mon jugement, d’après ce que j’ai vu, est tout mouvement, sans cependant se bouger, tout perfections, tout vie.

Il est principe de mouvement, par conséquent principe de la vie de tout ce qui a été créé, et de tout ce qu’il voudra créer encore. Telle est mon idée sur les perfections de Dieu, et on ne pourra se faire un tableau plus fidèle, plus vrai de ce que j’avance, qu’en examinant les perfections intérieures de sa créature, de ses enfants.

D’après le tableau fidèle des perfections de Dieu, nous ajouterons trois mouvements.

Le premier mouvement est Dieu même, créateur de l’univers. Il est le principe premier de la chaleur, et la chaleur le principe de la vie de tout.

Le deuxième est le mouvement élémentaire. Il est multipliant, et aidé par les rayons solaires ou troisième mouvement, il met en fermentation toutes les semence ; des trois règnes, et ne se manifeste que par leurs productions et croissance ; il participe et dépend du premier, il sera tant que le monde durera.

Le troisième mouvement est le mouvement des rayons du soleil, aidant et fortifiant toute créature affaiblie par la vieillesse.

Le premier mouvement est éternel comme Dieu, son principe.

Les deux autres en dépendant ne seront que tout autant que le Créateur tout puissant le voudra. Ce qui fixera la fin des temps et le commencement de l’éternité.

Le froid, produit du repos, est l’opposé des deux derniers mouvements ; il est le principe de la mort, et la démontre partout où il domine.

§ Deuxième Leçon.

Passant un jour devant Notre-Dame de Paris, j’examinais avec beaucoup d’attention les belles sculptures dont les trois portes sont ornées, et je vis à l’une de ces trois portes un hiéroglyphe des plus beaux, duquel je ne m’étais jamais aperçu, et pendant plusieurs jours de suite j’allais le consulter pour pouvoir donner le détail de tout ce qu’il représentait, à quoi je parvins. — Par ce qui suit, le lecteur s’en convaincra, et mieux encore en se transportant de lui-même sur les lieux.

A l’une des trois grandes portes d’entrée de l’église Notre-Dame, cathédrale de Paris, et sur celle qui est du coté de l’Hôtel Dieu, se trouve sculpté sur une grosse pierre au milieu de ladite porte d’entrée, et en face du Parvis, l’hiéroglyphe ci-dessus, représentant le plus clairement possible (pour ceux qui savent expliquer les hiéroglyphes) tout le travail, et le produit ou le résultat de la pierre philosophale. — Cet hiéroglyphe a été sculpté lors de l’érection de cette belle église, fondée par Guillaume, évêque de Paris, et je vais expliquer le mieux qu’il me sera possible pour me rendre utile, et aider les amateurs de la philosophie hermétique, et me faire connaître à mes semblables.

I

Au bas de cet hiéroglyphe, qui est sculpté sur un long et gros carré de pierre, se trouve au côté gauche du côté de l’Hôtel Dieu, deux petits ronds de pleins et saillants, représentant les natures métalliques brutes ou sortant de la mine (qu’il faudra préparer par plusieurs fusions et des aidants salins).

II

Du côté opposé sont aussi les deux mêmes ronds ou natures, mais travaillées et dégagées des crasses qu’elle apportent des mines, lesquels ont  servi à leur création.

III

Et en face du côté du Parvis, sont aussi les deux mêmes ronds ou natures, mais perfectionnés ou totalement dégagés de leurs crasses par le moyen des précédentes fusions. Les premières représentent les corps métalliques qu’il faut prendre pour commencer le travail hermétique.

Les deuxièmes travaillées, nous manifestent leur vertu intérieure, et se rapportent à cet homme qui est dans une caisse, lequel étant entouré et couvert de flammes de feu, prend naissance dans le feu.
Et les troisièmes perfectionnées ou totalement dégagées de leurs crasses, se rapportent au dragon babylonien ou mercure philosophal, dans lequel se trouvent réunies toutes les vertus des natures métalliques.

Ce dragon est en face du Parvis et au-dessus de cet homme qui est entouré et couvert de flamme de feu, et le bout de la queue de ce dragon tient cet homme, pour désigner qu’il sort de lui et qu’il en est produit, et ses deux serres embrassent l’athanor pour désigner qu’il y est ou doit y être mis en digestion, et sa tête se termine et se trouve dessous les pieds de l’évêque.

Il ne faut pas croire que ce soit un cadavre dans une bière, si c’était ainsi il serait couché à plat, au lieu que celui-ci est presque droit et est entouré et couvert de flammes de feu (1).

Je dirai donc que de cet homme qui à pris naissance dans le feu, et par le travail des aigles volants représentés par plusieurs fleurs formées de quatre feuilles jointes dont est entouré le bas de sa caisse, et est produit le dragon babylonien dont parle Nicolas Flamel, philosophe hermétique de la ville de Paris ; ou le mercure philosophal.

Ce mercure philosophal est mis dans un œuf de verre, et cet œuf est mis en digestion ou en longue coction dans l’athanor, ou fourneau terminé en rond ou voûte, sur laquelle sont placés les pieds de l’évêque, et dessous lesquels (comme je l’ai dit) se trouve la tête du dragon (2)-De ce mercure il résulte la vie représentée par l’évêque qui est au-dessus du dit dragon.

Et pour prouver que c’est réellement cela, je dirai que si c’était un évêque (et non un ressemblance ou démonstration de la vie), on l’aurait placé de manière que ces pieds fussent posés à plat et sur un terrain plat, et non sur la voûte ou dôme qui couvre l’athanor. — Il est donc représenté comme sortant de l’athanor ou fourneau de lampe, dans lequel le mercure philosophal a été mis en digestion.
Cet évêque porte un doigt à sa bouche, pour dire à ceux qui le voient et qui viennent prendre connaissance de ce qu’il représente : Si vous me reconnaissez et devinez ce que je représente par cet hiéroglyphe, taisez-vous ! N’en dites rien ! — Il a donc représenté tout ce qui était nécessaire, ainsi que toutes les opérations manuelles pour pouvoir parvenir à faire la pierre philosophale ; mais il n’a rien représenté de ce qui regarde la multiplication de cette divine pierre. — Comme lui je me tairai, je n’en dirai rien.

Je dirai seulement que le résultat de l’ouvrage de l’alchimie est la vie même, et que cette vie est représentée (comme il est dit ci-dessus) par l’évêque qui est placé sur la voûte de l’Athanor.

La pierre philosophale (qui n’est aujourd’hui regardée que comme une folie aux yeux d’un grand nombre d’hommes) ne peut se faire que par la réunion du sang (ou esprits métalliques) contenu dans les natures. Pour l’obtenir, il faudra (comme il est dit par Nicolas Flamel) égorger, assassiner plusieurs innocents (3) pour tirer d’eux, et le pousser de puissance en acte, ce sang vital dont nous avons besoin, lequel nous devons mettre (après qu’il aura été séparé et bien dépuré de ses parties charnelles ou terrestres) dans des bouteilles à long col, pour parvenir à obtenir de lui la panacée et la poudre de projection que nous désirons, laquelle nous ne pourrons posséder qu’après avoir égorgé plusieurs innocents.

(1) Il faut que je fasse observer à tous ceux qui voudront pénétrer dans ce qui est caché en cet homme, que sur la caisse dans laquelle il est entouré et couvert de flammes de feu, sont sculptés en long les quatre éléments, et au côté droit ou derrière la même caisse sont sculptées aussi en long les natures qui les contiennent. — Il est donc produit de ces deux natures qui contiennent les quatre éléments.

(2) Autour de cet Athanor (qui est porté sur quatre colonnes et où est cramponné le dragon babylonien) se trouve sculpté en long les deux natures, et dessous les trois principes, et devant la quintessence des quatre éléments, et le mercure philosophal (représentés par ce dragon qui les contient), lequel par leur union en a été produit.

(3) Je parle des métaux ayant vie.

§ Troisième Leçon.

M de Gabriac, sous-préfet du Vigan, département du Gard, étant à Paris, allait chaque soir à la société de M. le ministre, le comte de Cases. Là se trouvaient réunis plusieurs solliciteurs de places, et en attendant de les obtenir, ils s’entretenaient toujours de la pierre philosophale et des moyens de grossir leur fortune ; goût que le besoin fait naître chez tous les hommes. Il me fit part de leur conversation, et me dit : II n’y a que vous qui puissiez me dire les preuves que je dois fournir pour me défendre, et pour prouver à l’un, l’existence de la pierre philosophale ; à l’autre, qui n’en doute pas, ce que c’est que la transmutation métallique ; l’or potable, et autres termes qui nous embrouillent, et qui portent le plus grand nombre de cette société à douter de la vérité de cette science. — Puisque la vérité n’est qu’une, et qu’en lisant les livres hermétiques, on y voit que les philosophes traitant de cette science, se servent de plusieurs noms au lieu de ne se servir que d’un seul pour exprimer la même chose. — C’est ce qui fait qu’on s’égare en causant de cette science, et qu’on finit par en douter. — Quant à moi, j’y crois fermement par tout ce que vous m’avez dit dans le temps. — Je lui répondis tout ce que je vous dirais pour convaincre ces Messieurs de la vérité de la pierre philosophale ; vous l’oublieriez : je vais vous écrire une lettre avec laquelle vous vous défendrez, et vous en prouverez la réalité, ainsi que les grandes vertus qu’elle a en elle. — Ce que je fis de suite.

A M. de Gabriac, sous-préfet du Vigan, département du Gard, présentement à Paris.
Paris, le 2 février 1820.

« Monsieur,

Vous trouverez ci-bas les termes techniques dont les philosophes hermétiques de tous les pays se sont servis, et qu’ils ont généralement reconnus entre eux pour désigner (quoique en des langues différentes) le travail hermétique et son produit, dit généralement pierre philosophale, ou pierre occulte : et autant que mes connaissances dans cette science me l’ont pu permettre. Qui sont :

1° Pierre philosophale, ou pierre occulte ;
2° Médecine des trois règnes, ou médecine universelle ;
3° Transmutation métallique ;
4° Or potable, ou panacée.

Premier état

Par le mot pierre philosophale, ou pierre occulte : ces mêmes chimistes, dans tous leurs ouvrages traitant de cette science, ont entendu désigner les matières et les opérations que nécessite la chimie hermétique, dont le but est d’obtenir par un travail long et fatigant, une poudre rouge (dans laquelle réside la vertu de fixer le mercure), ou un or exalté : comme serait l’eau-de-vie réduite et poussée aux trois-six ; eu égard au vin, son principe ou véhicule.

Deuxième état

Cette poudre rouge a plusieurs noms et propriétés, et dans le deuxième état parfait (qui est toujours, ainsi que nous l’avons dit, un or exalté), prend celui de médecine des trois règnes, ou de médecine universelle : et est généralement reconnue ainsi par tous les philosophes hermétiques.

Troisième état et premier emploi

Quand le commun des hommes parle de la pierre philosophale, on entend parler de la transmutation métallique, ou de l’élévation des métaux ordinaires en or parfait. — Les philosophes hermétiques ne désignent cette opération, ou premier emploi, que par le mot transmutation métallique. — Et c’est toujours cette même poudre rouge (qui alors prend le nom de poudre de projection, ou de médecine des métaux) qui est le principe et le ferment de la transmutation métallique, laquelle conserve toujours le nom de médecine des trois règnes, ou de médecine universelle. — Cette opération ne demande qu’une heure.

Quatrième état et deuxième emploi
Dans le deuxième emploi elle prend le nom d’or potable et de panacée, ou de médecine universelle des animaux et des végétaux. — Et c’est toujours cette même poudre rouge (à un degré connu aux seuls philosophes hermétiques), qu’on délaye dans un demi-verre d’eau, ou autre véhicule, et qu’on donne au malade (ou qu’on verse sur la racine de la plante), par la vertu de laquelle on parvient à le guérir de quelque maladie qu’il se trouve attaqué : ce qui paraît impossible quoique très vrai.

Dans ce quatrième état et deuxième emploi, le malade est guéri dans un jour ou un mois, suivant la gravité de la maladie.

Cette divine panacée fait encore plus : elle met l’homme âgé, décrépit, qui en use pendant un temps connu aux seuls philosophes, dans un état de santé et de force complètes ; elle lui rend sa jeunesse et sa fraîcheur, et elle le rétablit dans un état parfait : c’est-à-dire dégagé de tout germe de maladies.

Dans ce quatrième et même état, employées sur le végétal, certaines plantes poussent dans vingt-quatre heures, feuilles, fleurs et fruits en parfaite maturité : ce qui doit être regardé comme un miracle de la nature.

Donc les mots :

1° Pierre philosophale, ou pierre occulte ;

2° Médecine des trois règnes, ou médecine universelle ;

3° Transmutation métallique ;

4° Or potable, ou panacée : sont les mêmes et désignent le travail et le produit du magistère des philosophes hermétiques, ou du grand œuvre : la chose même et ses vertus.

Il n’est donc pas étonnant que les hommes qui ignorent le travail de l’alchimie confondent les mots dont les adeptes se servent et se serviront toujours pour désigner la pierre philosophale et sa vertu dans le règne ou elle est employée. — Cela ne peut être exactement expliqué et désigné que par les vrais philosophes hermétiques. — Toute autre personne (quoique très savante dans les autres sciences) ne peut que s’égarer dans celle-ci, de laquelle les philosophes hermétiques n’ont écrit et parlé que par des énigmes, et d’une manière toujours très obscure. — Voilà, mon cher monsieur et ami, ce que je puis vous dire pour éclaircir et bien appliquer à chaque état et emploi de la pierre philosophale ses noms propres (ainsi que les vertus de la médecine universelle) confondus généralement par tous les hommes.

Je vous salue,

L. CAMBRIEL. »

§ Quatrième Leçon.
De la fermentation métallique, de ses besoins, et des grands avantages qu’elle produit.

Sans la fermentation, la semence des métaux n’acquerrait pas la vertu de se multiplier : elle est donc indispensable. — C’est elle qui, dans le règne végétal développe et manifeste la vertu vitale et végétative : sans cette vertu aucun des deux règnes végétal et animal ne pourrait ni naître, ni se multiplier. — Le règne minéral n’y parvient que par l’aide et le secours de l’artiste, dont il ne peut se passer, n’ayant pas de mouvement visible.

Il faut donc que l’artiste, labourant à l’œuvre d’alchimie, ne manque pas à la fermentation, et ne croie pas pouvoir s’en passer. — Il doit se convaincre que tout sperme, toute semence, de quelque règne qu’ils soient, ne peuvent produire leurs semblables, et pousser leur germe qu’à l’aide de la putréfaction qui met la semence à même de pouvoir se développer. — Il faut que l’artiste examine le grain de blé et des légumes, il faut que l’artiste examine le grain de blé et des légumes, qui quoique que mis en dans la terre, qui est leur matrice, leur mère : s’ils ne s’y gonflent et ne se pourrissent pas, jamais leur germe vital ne poussera, ne se manifestera pour produire leurs semblables et les multiplier. Un homme savant, l’abbé Sausse, chapelain de Louis XVIII, roi de France, dont je fis de la connaissance, travaillait depuis plus de trente années à la pierre philosophale : il était comme le plus grand nombre des chercheurs qui se figurent toujours avoir réussi ou espèrent d’y parvenir.  Cet abbé était parvenu à rassembler beaucoup de rayons du soleil céleste, ayant la couleur et la sécheresse de la forme métallique. Surpris d’une pareille ressemblance avec le livret d’or du Trévisan je me pus m’empêcher de lui témoigner mon étonnement de sa découverte ; le reconnaissant le plus avancé de tous ceux qui travaillaient à découvrir la pierre philosophale, et celui qui s’en était le plus approché : de quoi et il fut très satisfait.

En homme vrai, je ne pu m’empêcher de lui dire : mon cher abbé, c’est parce que vous avez trouvé cela, que vous ne parviendrez pas à finir la pierre philosophale.- Et pourquoi non, me répondit-il, si comme vous le dites, j’ai déjà les rayons solaires, qui sont la forme et le mâle, sans lesquels on ne peut féconder la matière féminine pour parvenir à faire la pierre philosophale.  Je lui dis, vous vous trompez : - et pour vous convaincre, mon cher abbé, que vous êtes dans l’erreur, faites bien attention à ce que je vais vous dire. La pierre philosophale ne peut se faire sans le mâle et la femelle métallique (et des aidants ) qui en sont les deux natures. Mais il faut, comme au règne animal, que ses deux natures opèrent conjointement, et unissent leurs feux dans la même seconde pour produire l’enfant orifique qui doit sortir d’elles ; et que l’union de leurs semences, il résulte un troisième produit que nous nommerons humide radical ; après qu’il aura été nettoyé été de ses impuretés et qu’il leur aura acquis par la fermentation la vertu désirée, sans laquelle la semence masculine et la matière féminine restent froides et engourdie, et ne peuvent manifester la vie qui est en elles ; ni cette vertu multiplicative qui n’est visible aux philosophes hermétiques que par les yeux de l’esprit de l’imagination.

Ce que je vous dis mon cher abbé, vous contrarie ; mais je me suis fait un devoir de dire la vérité, et je ferais toujours de même.

Pour vous donner une preuve de ce que je vous dis, et de la sincérité de mes observations je vais vous en faire un tableau facile.

Supposons qu’un homme se fut mis dans l’esprit de pouvoir parvenir à engendrer son semblable, en s’y prenant autrement que l’on ne doit s’y prendre naturellement, et que pour y parvenir, il fût allé à Versailles chercher et se procurer de la semence masculine, laquelle il aurait bien reçu et mise dans une bouteille. — Et pour se procurer la matière ou semence féminine, il fut allé la chercher à Fontainebleau. — Et qu’ayant porté à Paris et dans son logement, les semences des deux natures, il se fut figuré en obtenir un enfant par leur réunion seule sans cette vertu indispensable, essentielle pour l’engendrement, qui ne peut, comme nos l’avons déjà dit, y être introduite par la fermentation, laquelle ne se manifeste qu’après l’union des deux semences mises dans la même seconde, dans la matrice de leur règne (1).

C‘est donc la fermentation qui ajoute à cette confection ou compost ; cette vertu générative et multiplicative qui ne peut y être ajouté que par cette seule matière. — Alors seulement cette réunion des deux semences se nomme première matière.

Convaincu par mon observation qu’il était dans l’erreur, et qu’il était bien loin d’avoir ce qu’il désirait ; il me pria, me supplia de lui dire et de lui donner le moyen de pouvoir parvenir à bien faire cette réunion, pour obtenir cette vertu que l’on ne peut avoir autrement. Je lui répondis que j’étais venu pour le voir, que je ne lui demandais aucun de ses secrets, et que je ne pouvais pas lui donner le mien.

Ce qui le désola et le dégoûta pendant plusieurs mois du travail alchimique.

Je lui des ; cependant, travaillez toujours, ne vous écartez jamais du règne métallique, suivez la nature qui, toute puissante qu’elle est, ne peut rien faire, rien produire dans aucun des trois règnes sans la vertu fermentative qui est des moyens dont elle se sert : lequel dans le règne animal seulement (après avoir donné aux natures l’existence, la vie temporelles, la seule que la nature leur donne), (2) les facilite, les aide, et met à même de pouvoir d’elle-même parvenir à se multiplier. Ce qui n’arrive pas de même aux autres deux règnes, puisqu’ils ont besoin d’être aidés par l’homme. C’est donc la fermentation seule qui la procure cette vertu, et qui facilite à la forme métallique renfermée dans les métaux (après qu’elle en est extraite et mise dans sa propre terre ou matrice), le moyen de manifester le pouvoir que Dieu lui a donné de féconder la matière féminine, de la faire croître et de la faire multiplier. Mais il faut distinguer le degré de cette fermentation, et pour ne pas s’en écarter dans ce travail, il faudra bien réfléchir sur ses trois différents degrés ; lesquels sont très bien expliqués dans le 3e volume des Fables égyptiennes et grecques dévoilées, par Pernety.

La note ci-dessus me fait naître le désir de voir rendre par le gouvernement une ordonnance qui définit expressément d’enterrer personne sans que la putréfaction du corps se fut manifestée. Alors on serait bien convaincu que les éléments terre et eau qui constituaient le corps, se sont séparés de ceux air et feu qui l’animait, et qu’il n’y a plus en lui de vie terrestre, végétative, laquelle servait de lien et unissait le corps matériel périssable avec l’âme immortelle, divine, ainsi qu’il a été dit ci-dessus.

Par cette précaution l’homme ne serait pas exposé à être enterré vivant : ce qui arrive quelques fois à ceux qui meurent subitement par quelque attaque d’apoplexie ou autre.

On a vu des hommes qu’on a exhumés vivre encore plusieurs années en bonne santé, ainsi que d’autres qui, ayant été enterré vivants, ont été trouvés s’étant rongé et mangé les poings.

Il y a 80 ans dans un hôpital de village, un malade qu’on crut trépassé et sur lequel on avait jeté un drap, fut visité six heures après par une dame charitable qui lui jetait de l’eau bénite dessus : celui-ci lui dit : quelle bonne âme vous envoie ici pour me rendre à la vie !…Ce qui étonna beaucoup la dame charitable.

Une autre résurrection ou empêchement de mourir moins ancienne est arrivée au sieur Candy, lyonnais, lors de son premier voyage à Paris, il était âgé alors de 18 ans, et avait une danseuse de l’Opéra pour maîtresse : une maladie le prend, il devint si mal que les assistants le voient mort. —Sa bonne amie, désolée de sa perte, va trouver M. Leriche, maréchal-ferrant et philosophe hermétique, rue du Faubourg Saint Antoine, près de l’Abbaye, qu’elle savait avoir fait revenir d’autres personnes à la vie ; le sollicite, le prie de venir donner ses soins, ses secours à son ami décédé ; il le lui promet, et se rend de suite à la maison du mort. Etant au moment de monter l’escalier, une personne qui le descendait lui dit : M. Leriche, il est inutile de monter, il est mort depuis six heures. —Puisque je suis ici, répondit M. Leriche, je vais monter ; ce qu’il fit : vit le cadavre, le toucha et le trouva froid dans toutes les parties de son corps, sauf au creux de l’estomac où il trouva encore un peu de chaleur : alors il dit, il y a encore de l’espoir. —Vite, il fait faire un grand feu, prépare le tout, donne ses soins, chauffe le corps et l’oint en entier de la médecine universelle dissoute dans de l’esprit de vin, et une heure et demi après avoir opéré de même, présente un miroir à la bouche du prétendu mort, lequel fut couvert et taché de son haleine et souffle : ce qui lui fit dire, il vivra. —Fait chauffer le lit, et quand le malade eut donné une plus forte marque de retour à la vie, il l’y fit mettre dedans. — Continue à lui administrer intérieurement un peu de médecine universelle qu’il lui fit avaler, et l’homme qu’on eut enterré dix huit heures après fut rétabli en vie. Depuis il se porte bien, et aucune maladie sérieuse ne l’a atteint. Il a 84 ans, et habite pour la deuxième fois Paris depuis 40 ans. Son corps sans doute fortifié par la médecine universelle ; fut mis et se tient encore dans un état de santé parfaite (3).. On peut se convaincre de la vérité de ce que j’avance en se transportant place du Chevalier du Guet, N° 6, ou ledit ressuscité demeure. On le trouvera exerçant le métier de mécanicien, et on saura du sieur Candy lui-même la vérité ; il se fera un plaisir de la raconter, il y ajoutera même des choses très curieuses et relatives à ma narration concernant M. Leriche, maréchal-ferrant et philosophe hermétique, ainsi que le motif qui causa la mort du fils de ce dernier.
Si le corps du sieur Candy eût été sans une petite partie de cette vie terrestre végétative, la vie céleste n’y eût pu rester, et la médecine universelle qui lui fut administrée par le philosophe n’eût rien opéré : parce qu’il est de principe fondamental que la vie n’opère que sur la vie en l’augmentant, et jamais sur un corps mort, par conséquent privé de cet esprit terrestre, élémentaire, ou première vie.

1. O n reconnaît la fermentation bonne et véritable dans le règne métallique, par l’odeur forte qui s’en exhale. Et dans le règne animal, elle se manifeste chez les femmes, nouvellement fécondée, par une envie de cracher, et quelque fois de vomir continuelles ; par des faiblesses et des maux d’estomacs, occasionnés par les vapeurs qui s’élèvent dans leur matrice ; enfin, par une indifférence totale d’elles-mêmes et de tout goût précèdent.

2. L’homme a deux vies en lui : la première, terrestre et végétative (de laquelle je traite), par conséquent sujette à périr : elle lui vient de ses père et mère. La deuxième, céleste, divine, par conséquent éternelle, comme son auteur. La première finit un jour par la séparation des mêmes éléments qui l’ont produite ; ce que je nomme mort corporelle, ou cessation de vie visible. La deuxième, que l’auteur de toutes choses envoie à la créature après qu’elle a été conçue et formée dans la matrice humaine, par la vertu de la semence masculine, est immortelle. Elle part de ce foyer de lumière pour venir s’unir à ce corps nouvellement formé ; et pour le faire participer à la gloire céleste, comme créature formée à l’image et à la ressemblance de Dieu ; et pour nous faire, des petits Dieux, sans cependant que cette séparation de la lumière et don de Dieu diminue en rien sa puissance, sa vertu, sa perfection. Elle est comme une bougie allumée qui ne perd jamais sa clarté, quoiqu’elle donne et communique sa lumière à un million d’autres bougies ; qui comme la première, peuvent la communiquer, la multiplier à l’infini. Telle est l’idée que j’ai pu me faire de la Divinité ; laquelle étant toute lumière, n’en perd jamais une étincelle quelques dons qu’elle en fasse. La première vie de l’homme est un esprit terrestre, la deuxième est un esprit céleste. Toutes les deux constituent par leur réunion un corps animal parfait. Et quoique le corps de l’homme soit animé célestement, il est condamné à finir. Cependant le corps matériel de l’homme ne laisse pas que de garder toujours en lui une petite partie de cette immortalité que Dieu accorda à la nature humaine lors de la création ; et que nous n’avons perdue que par la première désobéissance, laquelle petite partie d’immortalité se montre (quand le corps de l’animal, parfait ou imparfait est mis dans la terre), par la production que tout le corps mort manifeste à par l’effet de la corruption, soit en vers qui ont vie, soit en herbes, dont d’autres animaux se nourrissent, ce qui a donné naissance à la métempsycose. L’immortelle ne quitte le corps de l’animal parfait et ne se sépare pas de lui ; tant que celui-ci garde en lui une petite partie de cette vie terrestre, végétative ou première vie, qui est le résultat et production du deuxième degré de la fermentation ou de la putréfaction des semences qui la contenait ; et un esprit produit par les éléments, lequel sert de milieu entre le corps matériel humain, et l’âme divine qui lui donne la perfection. C’est donc cet autre esprit terrestre (que l’on nomme, dans tout animal imparfait, iustinel), qui unit le corps humain matériel, périssable, avec l’âme divine, éternelle : le haut avec le bas, le céleste avec le terrestre, ce qui ne se voit que dans le règne animal, et en l’homme seulement. Les autres animaux n’ayant que la vie végétative, et esprit terrestre, ou instinct, sont privés de cet avantage.

3. Le corps du sieur Candi, par la grande vertu de la médecine universelle, fut si fortement dépuré de tout germe de maladies, et tellement fortifié, que dans les deux voyages qu’il fit en Turquie et en Egypte, quelques années après, il y fut atteint deux fois de peste (ayant été mis avec des pestiférés), et il en fut guéri sans prendre aucun remède. Il a encore tous ses cheveux noirs, quoique âgé de quatre-vingt-quatre ans.  

§ Cinquième Leçon.
Des principes visibles nécessaires pour l’œuvre, de la destruction desquels on compose un chaos.

Premier Chapitre

1. Le sel, le soufre et le mercure métallique. — Ils doivent être purifiés par eux-mêmes.

2. Le mâle, la femelle, et le sel nitre fondant et dépurant. — Lisez avec sagesse.

3. La pierre des philosophes ou leur composé. Fondement de la pierre philosophale. — Détruisez, dépurez et unissez, alors vous aurez la pierre des philosophes.

4. Le chaos humide, ou tous les éléments seront confondus. — Desséchez-le ; faites les sortir par ordre, et faites en une nouvelle pierre.

La matière première de la pierre philosophale ne s’obtient que par l’union des esprits contenus dans les corps métalliques : je veux dire, que la perfection de la chose qui pourra parfaire toutes choses vient de l’union et de la purification des esprits contenus dans les productions laissées imparfaites par la nature.

C’est donc dans les corps parfaits que tu trouveras, si tu sais ouvrir les métaux, cette semence première, contenant l’esprit universel de la pierre philosophale. — Que Vulcain soit de la partie, il te sera utile ; mais cependant méfie-t’en, car il pourrait abuser de ta confiance si tu la lui accordais entièrement ; sois donc très réservé avec lui.

Deuxième Chapitre.
Des trois manières d’opérer, nécessaires pour parvenir à parfaire l’œuvre hermétique.

On parviendra à finir cette divine œuvre, en suivant exactement les trois manières suivantes d’opérer :

La première consiste ç réduire une pierre, ou l’or philosophique, en eau : parce que dans toute génération les semences de tous les trois Règnes, ne représentent qu’humidité et tiennent plus de l’élément de l’eau, que des trois autres.

La deuxième consiste à parfaitement dépurer le produit des matières, principe ; de toute saleté.
Et la troisième consiste à faire la coction du mercure philosophal dans un vaisseau rond à long col, hermétiquement fermé, par élixation et assation.

Quand les métaux philosophiques, le soleil et la lune, seront réduits en eau mercurielle et qu’on aura bien nettoyé cette eau de toutes fèces, on la mettra en digestion dans un athanor et on y administrera le feu convenable, en se conformant à la troisième manière d’opérer. — Tout consiste donc à réduire les métaux philosophiques en eau, et puis, par une longue digestion, à réduire cette eau en pierre, d’où elle a pris son origine : voilà sa fin.

Troisième Chapitre.
D’où il faut partir pour commencer le travail d’alchimie.

La meilleure manière de procéder, pour arriver avec moins de difficulté à trouver la pierre philosophale, c’est de partir d’un principe connu, pour pouvoir arriver à l’inconnu que nous cherchons : qui est la médecine universelle et la poudre de projection ; et ce sera toujours en vain qu’on travaillera pour y arriver, si l’on part d’un principe inconnu.

Il faudra donc partir d’un bon chemin, qui est le principe connu, pour pouvoir arriver au but inconnu auquel on désire parvenir. — Le bon chemin n’est guère suivi. Plusieurs ce ceux qui travaillent à la pierre philosophale se figurent qu’ils y arriveront sans connaître les principes nécessaires, ou les deux serpents hermétiques qui seuls contiennent et sont à la base de la semence première des métaux. — Le connu, sont le mâle et la femelle métalliques ; l’inconnu, c’est la médecine universelle et la poudre de projection. — Et c’est où veulent arriver les chercheurs sans prendre aucune peine : à quoi ils ne parviendront jamais, tant qu’ils ne partiront pas du principe connu qui est le seul moyen pour pouvoir arriver à l’inconnu, qui est l’ouvrage fini.

Quatrième Chapitre.
Des deux voies : sèche et humide.

Quand les philosophes hermétiques parlent de deux voies, pour faire l’œuvre, ils n’entendent pas qu’il faille en choisir une des deux, comme font beaucoup d’amateurs qui se figurent que l’une est plus longue que l’autre. — Mais bien, ils montrent que l’ouvrage doit se commencer par la voie humide, en réduisant les métaux philosophiques en eau ; et qu’il faut le continuer et finir par la voie sèche, en réduisant cette eau (qui est devenue première semence) en pierre. — A quoi on parvient par le moyen du feu extérieur qui aide et excite le feu intérieur, ou de contre nature, et le mer à même de réduire cette eau en pierre, en la desséchant par sa chaude vertu.

Mon but, en faisant ce Cours d’alchimie, n’a pas été de mettre les amateurs dans l’erreur ; différent dans ma manière d’écrire, de celle de mes prédécesseurs, je ne présenterai pas deux voies, comme ils ont fait, ou bien deux chemins différents pour arriver au même résultat : mais bien un seul. — Et quoique les philosophes disent qu’il y a deux voies ou moyen pour y arriver, il ne faut pas cependant prendre pour vrai tout ce qu’ils disent : ils ont des raisons pour parler ainsi ; ils ne peuvent ne doivent s’expliquer clairement, parce que la science doit être tenue cachée. Moi-même je la cache aussi ; et quoique cela, je suis très convaincu que je m ‘explique trop clairement : ce qui me fait craindre qu’un jour mes semblables me feront des reproches de ce que j’ai écrit.

Cinquième Chapitre.
Des opérations nécessaires pour parvenir à bien faire la séparation, et réunion des principes pour l’œuvre.

La fusion, les mariages, la pulvérisation, la distillation, le blanchiment, la sublimation et la calcination, ainsi que la séparation et réunions des principes, ne désignent pas toujours une entière opération de l’œuvre ; mais bien une partie, et sont indispensables pour parvenir à la bien finir. — Donc le vaisseau, le mâle et la femelle, le corps et l’esprit, la chose sèche qui doit être ramassée et ce qui doit la contenir, ne sont pas toujours des choses séparées : les philosophes hermétiques savent les unir et les séparer suivant le besoin du moment. Mais parce que le travail est trop long en faisant les opérations ci-dessus séparément ; et qu’on pourrait l’abréger de beaucoup en faisant deux opérations en même temps, et qu’on pourrait l’abréger encore davantage en faisant trois ou quatre par une seule (à quoi je suis parvenu, après avoir travaillé longtemps pour en trouver le moyen qui m’a bien réussi). J’invite ceux qui travaillent et cherchent à découvrir cette belle science, à trouver ce moyen ; et s’ils y parviennent, alors il leur sera facile de faire parfaitement le magistère. — Mais il faut qu’ils fassent attention que les chaux, métaux, sels, esprit et soufres, que pendant quatorze ans j’ai quelquefois préparés et purifiés séparément (ce qui m’obligeait à me servir de plusieurs fourneaux en même temps), ne se séparent et ne s’évaporent pas ; je les avertis de ne faire sous le vase, les contenant, qu’un feu qui convienne aux différentes matières y réunies. — Voilà le seul moyen d’abréger et de le bien faire.

§ Sixième Leçon.

Premier Chapitre.
Montagne philosophique.

Il est essentiel de la voir ou de se la représenter, et plus encore d’y pouvoir monter. — Il faut donc que, pour pouvoir achever l’ouvrage hermétique (qui est un don de Dieu), le philosophe parvienne à y faire monter, promener et sauter ses aigles volant. C’est sur cette montagne, que les aigles ou oiseaux hermétiques se dépouilleront de leurs mauvaises plumes et y acquérront un plumage tout blanc, un peu doré en dedans. Amenons-y donc nos oiseaux ; faisons-les y monter par gradation, et ne permettons pas qu’ils s’éloignent les uns des autres. Si nous parvenons à pouvoir leur faire parcourir ladite montagne jusqu’à son sommet et à les en faire descendre lentement, nous serons bien près de la fin de notre ouvrage (puisque alors seulement ils seront parvenu à blanchir parfaitement leurs ailes, qui serviront de draps et de lit dans lequel doivent coucher les époux hermétiques, (Apollon et Diane), et notre bonheur n’en sera que la suite et la fin ; c’est par la patience et l’aide de Dieu qu’on y parviendra.

Deuxième Chapitre.
Des chaos métalliques contenant les principes de l’œuvre.

Les alchimistes, pour ne pas s’égarer dans le long travail du grand œuvre, sont obligés à reconnaître et composer plusieurs chaos, et à se diriger d’après le nombre. Et c’est presque toujours de leur destruction, composition et coction d’un seul, que doit sortir leur élixir (leur médecine) ; lequel ne peut être parfait s’il ne réunit en lui les quatre qualités des éléments, ni nous donner cette médecine divine, qu’après avoir passé par toutes ses couleurs, dont chacune marque la dénomination d’un élément particulier dont il doit être composé. — Les premiers se composent de la destruction des corps ou métaux parfait, du soleil et de la lune, qui dans cette opération doivent être détruits séparément, et les autres, après avoir été réuni en un seul corps. — Les seconds se composent de la parfaite purification des premiers et de leur union avec leur esprit. — Les premiers sont ordinairement secs, chauds. — Les seconds sont presque toujours humides. Et c’est de leur parfaite purification, alliance et réunion des quatre éléments, que dépend la réussite de notre ouvrage hermétique.

Troisième Chapitre.
Aigles volants de l’œuvre.

Nous diviserons les aigles volants en plusieurs parties.

Les premiers comme préparatoire,

Les seconds comme essentiels,

Et les troisièmes comme finales : par conséquent indispensables.

Par ce détail nous pourrons parvenir à convaincre les amateurs labourant à l’œuvre, comme nous le sommes nous-mêmes, que l’ouvrage de l’alchimie ne saurait parvenir à sa perfection sans ces trois manières d’opérer. — Elles doivent donc être égales, progressives et lentes. — Enfin, il faut que le philosophe hermétique, labourant, se pénètre bien que la réussite de son ouvrage alchimique en dépend.

Quatrième Chapitre.
Conduite et proportion à garder pendant la pratique.

En employant les matières, on fera bien attention à la quantité, qualité et pureté ; et on suivra par entier, demi, fraction, etc., augmentations, additions, lavages, regrattement des crasses, et on n’emploiera que de l’eau pure, nette, et l’on fera sécher la pâte blanche au soleil et sur du papier blanc très propre.

On fera beaucoup d’attention aux détonations que notre matière occasionnera par la séparation des principes (séparation nécessaire) que le feu sera faire, et l’on aura soin de ne le pousser toujours que jusqu’à la fusion, ou bien quelquefois à la parfaite siccité de la matière restant dans le vase servant à l’opération : c’est essentiel. Et on se rendra compte de la perte, diminution, ou augmentation de la matière restante, par le moyen des balances dont on ne pourra se passer et qui doivent être toujours en permanence.

§ Septième Leçon.

Premier Chapitre.
Des éléments principiants et des éléments principiés.

Les philosophes hermétiques, différents des philosophes de l’école et des chimistes, n’admettent et ne reconnaissent que quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu ; et sont convaincus que ce sont les éléments principiants. De ces quatre éléments principiants, il en résulte les éléments principiés, ou les trois principes, qui sont : le sel, le soufre et le mercure. Et de ces trois réunis, le mercure parfait, ou la première matière des métaux.

De ces trois principes, (qu’il nous arrive souvent de toucher avec nos mains), la nature en forme les deux natures ; le mâle et la femelle, et ces deux derniers, dans quelques opérations du travail hermétique, manifestent le sel et le soufre métalliques, dont ils sont composés ; et joint avec le mercure, ils sont le fondement de notre œuvre. — Ils sont donc seuls suffisants pour procréer leurs semblables, et pour les multiplier à l’infini, ainsi que Dieu l’a voulu. Dans ces deux natures, qui contiennent les principes de notre œuvre, se trouvent les qualités et les vertus des quatre éléments principiants, de même que celles des trois principes, ou des éléments principiés.

Ces deux natures n’existant plus, ayant changé de forme, ne font plus partie de l’arbre généalogique hermétique, de même que dans la Genèse, Caïn et Abel sont mis dans l’oubli, quoiqu’ils aient été nécessaires, ayant été reconnu pour le fondement et la souche de la postérité humaine. Les nôtres le sont aussi de la postérité métallique et alchimique… Quelle injustice de les oublier ?

Deuxième Chapitre.
Des corps et des esprits nécessaires pour faire l’œuvre.

Sans les corps métalliques, nous n’aurons jamais l’âme ou les esprits vitaux nécessaires. C’est donc des corps qu’il faudra les sortir, et pour les sortir, il faudra les ouvrir : et par cette opération nous nous convaincrons de la vérité de la science.

Sans l’extraction des esprits contenus dans les premiers corps, qui en les sortant par l ‘aide de Vulcain, en forment quelque fois un nouveau : l’union essentielle et parfaite desdits esprits principes, qui y sont cachés, d’avec ceux qui en sont séparés, ne se ferait jamais, et la première matière des m étaux nous manquerait.

Il faudra donc, pour obtenir cette première matière des métaux, réduire tous les nouveaux corps en esprit, en eau, et par ce moyen nous cacherons, à tous ceux qui en sont indignes, le moyen de trouver et de voir la vérité de l’alchimie, et puis nous corporifierons ces esprits réunis.

Détruisez, formez, purifiez et unissez. Ce sera donc par l’union des esprits tirés de corps parfaits, que nous parviendrons à faire les miracles d’une seule chose, comme nous l’a montré notre père Hermès.

Troisième Chapitre.
Des feux en général et des sublimations.

Il y a trois feux intérieurs, et trois feux extérieurs, ou trois manières de les employer ou de s’en servir, et deux de les unir.

Il y a aussi trois sublimations, ou trois manières de les faire.

Il y a aussi trois manières de diriger les feux.

De leur union et de leur direction et emploi, dépend la réussite de l’ouvrage hermétique.

§ Huitième Leçon.

Premier Chapitre.
Traité du sel, premier principe, par ordre de travail.

Le sel, qui est généralement reconnu pour être le premier principe dans notre œuvre, se trouve toujours invisible, ou n’est vu que par les yeux de l’imagination, quoique réel, excepté que, par un coup de maladroit, (et au moment de sa formation) l’artiste ne le rende visible ; il nous est toujours plus favorable quand il est invisible. — Mais ce qu’il y a difficile à comprendre, c’est que, de trois principes essentiels, dont deux sont toujours visibles et palpables, le sel, ne l’étant pas, et ne devant pas l’être, puisqu’il n’est produit que par la destruction corporelle de ses frères, soit mis au premier rang, joue (quoique se tenant toujours caché derrière le rideau philosophique), le premier rôle, et devienne l’objet indispensable de notre œuvre ; il le faut ainsi, puisqu’il est reconnu pour principe fondamental, dans toutes les opérations philosophiques ; que de deux, il en doit toujours être produit un troisième, qui devient lui-même premier, et alors il est dépositaire des vertus de ses pères et mère, pour les représenter au besoin.

Ce sel ne peut être mieux représenté, que comme celui qui pousse sur la terre, et qu’on voit bien souvent dans les caves quand on y descend, qui n’est qu’un nitre propre à la fabrication de la poudre à canon.

N’allez pas croire pour cela que celui dont je traite soit le nitre commun, ni le sel marin, ni le sel de tartre ; celui dont je traite, quoique végétal, animal et minéral, tient plus à ce dernier règne, puisqu’il en est la base, et qu’il est toujours incombustible ; avantage que n’ont pas les autres sels. — Il faut donc le trouver incombustible et propre à se réduire en eau mercurielle, d’où il est tiré ; parce qu’il est aussi de principe fondamental, que pour parvenir à la transmutation métallique, il faut que les principes corporels servant à notre œuvre, redeviennent ce qu’ils étaient avant ; c’est-à-dire, qu’il faut qu’ils changent de forme et redeviennent eau.

Il faut donc travailler la matière jusqu’à ce que nous en ayons extrait ce sel invisible, qui n’est qu’un esprit métallique, qu’il faudra dégager de ses impuretés, pour qu’il conserve en lui cet amour pour ses frères, et ne puisse pas devenir ingrat de la vertu qu’il aura de fixer ; avantage qu’il ne tiendra que d’eux. — Ce ne sera donc que quand il sera réduit en mercure, qu’il pourra manifester sa vertu. Alors, de concert avec le soufre et le mercure, avec lesquels il devra être uni, il pourra être regardé comme étant en chemin d’acquérir par la coction, le pouvoir d’exercer sa puissance ; laquelle, la poudre de projection dont il sera partie essentielle, contiendra parfaitement.

Deuxième Chapitre.
Traité du soufre, deuxième principe : par ordre de travail.

Le soufre a été regardé pour le deuxième principe dans l’ouvrage d’alchimie ; ses vertus sont de donner à la matière liquide, la forme et la couleur. — Il est d’un rouge terne, et taché de blanc ; il se réduit facilement en poudre, à cause de sa sécheresse, mais travaillé jusqu’à plus qu’il ne faut, il redevient métal, malléable.

Malheureux est l’artiste, quand il le pousse à ce point, qui est la preuve de son ignorance, de son peu d’expérience et la perte de son temps. Dans cet état il ne peut nous être utile, ayant repris sa forme corporelle, qui lui a fait perdre la vertu et l’avantage de pouvoir revenir dans ses premiers principes. Ce sont des esprits liquides, qu’il nous faut, (mais non des corps) ou des produits les ressemblant et pouvant le devenir.

Troisième Chapitre.
Traité du mercure ; troisième principe : par ordre de travail.

Le mercure, qui est reconnu pour le troisième principe de l’œuvre, pourrait être mis le premier, puisque ce n’est que par lui que le philosophe hermétique parvient à ouvrir le métal, et à rendre l’invisible visible, et que ce n’est aussi que par son moyen, que l’union des autres deux principes se fait. — C’est donc lui qui reçoit les autres deux, et qui les nourrit ; c’est lui qui est le vase dans lequel ils se baignent : il est donc eau ; et c’est dans cette eau que le grain fixe est mis pour s’y putréfier, et qu’il pousse son germe.

Observation.
Lorsque j’ai traité des trois principes, sel, soufre et mercure, je n’ai pas entendu parler de ceux dont nos deux natures sont formées par la nature ; mais bien de ceux (quoique les mêmes) qui dans le cours du travail, (à commencer du premier mariage, jusqu’au deuxième, ou pour mieux dire, jusqu’à l’eau double) forment la terre feuillée ; d’où est produite la terre des feuilles.

§ Neuvième Leçon.

Premier Chapitre.
Première nature du feu chaud.

Le mâle a toujours été regardé, par tous les philosophes hermétiques, pour la première nature sans laquelle la matière froide, ou la femelle, ne pourrait être fécondée. — Il faut donc le choisir sain et vigoureux ; il est de très grand prix quand aucune imperfection ne diminue pas en lui la qualité de vertu prolifique, ou d’esprit formateur nécessaire pour travailler la matière  menstruelle minérale et pour parvenir à la perfection désirée. — Il faut ouvrir ce mâle, sans cependant le tuer (parce que rien de mort ne peut servir à notre œuvre), et tirer de lui son sang ou cette forme, et cet esprit, ou feu naturel chaud duquel nous ne pouvons nous passer. — On y parvient facilement, mais non sans peine. Notre mâle est rude et bien souvent intraitable ; mais nous parvenons à l’adoucir en lui donnant une femelle belle, jeune et tendre, à laquelle il se rend. C’est un amoureux passionné pour le beau sexe ; la lui promettre et la lui donner, c’est le seul moyen d’adoucir en lui ce qu’il a de rude et farouche : il est indomptable sans cela. — Différent de l’homme, il est amoureux même dans l’âge décrépi ; et le sperme chaud qui est en lui ne diminue pas de force  ni de vertu, quelque vieux qu’il soit. On peut donc le prendre à tout âge, pourvu qu’il soit beau, bien fait et dégagé de son rude poil. Il faudra lui donner une femme : parce que rien dans ce monde ne vient d’un mâle sans l’union avec sa femelle. C’est de cette deuxième nature que nous allons traiter au chapitre suivant.

Deuxième Chapitre.
Seconde nature, ou feu froid et humide.

La femelle a été regardée, par tous les philosophes hermétiques, pour la deuxième nature (elle contient le feu innaturel froid) ; ses qualités sont d’être froide et humide, quoique chaude par tempérament ; ses menstrues sont très corrosives. — Il faut la choisir belle, brillance, peau blanche. — Quoique très amoureuse, elle est bien souvent indifférente et volage. — Ce défaut, qui est naturellement trop attaché en elle, ne lui permet pas bien souvent de s’unir à son époux ; elle le repousse. — Délicate comme nos petites maîtresses ; pleine de prétentions et d’orgueil le mari qu’on veut lui donner ne saurait lui plaire : mais en l’habillant et le rendant beau, elle se laisse approcher. — Et quoiqu’il y ait entre eux un amour naturel et aimantin, on ne saurait parvenir à les unir, si Vulcain, qui est l’entremetteur de nos beaux mariages, ne se trouvait humilié et son amour propre blessé de ne pas réussir à faire ce beau lien ; duquel, comme de celui de Dejodée, il en doit naître les plus beaux enfants. — Il faut donc qu’il use de finesse, qu’il leur ménage une, et même plusieurs entrevues ; à quoi il parvient par quelques petits mensonges pardonnables à celui qui, comme Vulcain, a d’aussi bonne intentions. — Il parvient à unir nos beaux époux et a soin de ne leur laisser que ce qu’ils ont de plus beau en vêtements, et les allie si fortement que leurs vertus opposées (froide et chaude), il en fait un produit qui est de très grand prix, et duquel le philosophe hermétique et expérimenté sait tirer le plus grand parti pour l’ouvrage philosophique. — Vulcain quoique boiteux (étant mal accoutumé en fait de femmes, ayant épousé Vénus la plus belle), devient un être à craindre ; il pourrait fort bien se rendre amoureux de l’objet allié et mettre la division dans notre beau ménage. — Pour donc prévenir ce malheur, le philosophe labourant a soin de ne jamais le laisser seul : soit avec la femme, soit avec le mari. Cette précaution n’est pas la précaution inutile, si l’on veut la paix et si l’on veut être certain que notre époux puisse se convaincre d’être le père de l’enfant que sa femme mettra au monde, et qu’il puisse aussi être assuré que son enfant, pour lequel il a sacrifié son existence entière, jouira non d’une vie valétudinaire, mais bien de la longue, vigoureuse et puissante vie qu’il lui a donné et communiquée en le formant. — Parce que, comme je l’ai dit ci-dessus, elle est très volage, et cela lui sied un peu ; cela ranime les soins de son maris ; cela lui donne comme une espèce d’autorité sur lui, qui cependant doit finir par être cédée en entier au mari : parce qu’il est de principe fondamental que la forme doit l’emporter sur la matière, et c’est même de droit. Et pour que tout cela se fasse avec ordre et que tout soit bien observé, et que le produit soit de bon acabit et de bonne espèce, il faudra avant tout faire laver nos métaux dans un vinaigre très aigre, ou, à défaut, dans de l’urine du vieux Saturne ou bien dans celle d’un jeune enfant ; dans laquelle ils se plairont et se dépouilleront de leur péché originel, et seront rendus plus propres à devenir et à se montrer parfaits.

§ Dixième Leçon.
De la pierre des philosophes et de la pierre philosophale.

Deux pierres, commencement et fin de l’ouvrage philosophique, embrouillent tellement les amateurs de cette science qu’ils ne savent pas laquelle des deux est la bonne ; ils s’en forment milles idées. — Pour ne pas les tromper dans leurs recherches et en même temps leur rendre facile le moyen d’y parvenir, je leur dirai que l’une et l’autre sont nécessaires et qu’on ne peut pas s’en passer. La première, qui est la pierre des philosophes, nous trace le chemin pour arriver à la pierre philosophale, et ne s’en sépare point ; elle est le principe de l’ouvrage d’alchimie, comme l’autre en est la fin.

J’y ajouterai, pour éclaircir ce que j’en ai écrit ci-dessus et pour aider les amateurs labourant dans la science hermétique, que la pierre des philosophes est si nécessaire pour faire la pierre philosophale, qu’on ne peut s’en passer et qu’on ne peut y suppléer par autre chose.

Il faut donc que le philosophe labourant, fasse comme le serrurier qui est obligé de faire une clé pour ouvrir la serrure qu’il doit faire en même temps. — De même le philosophe labourant doit imiter le serrurier ; il doit commencer par faire une clé pour ouvrir la serrure hermétique ; et cette clé essentielle, qui n’est autre chose que la pierre des philosophes du premier ordre, quand elle sera bien faite, lui servira et le mettra à même de pouvoir visiter tous les cabinets intérieurs cachés aux commençants et amateurs de l’alchimie), et lui procurera le moyen d’ouvrir et de fermer à volonté, ou de se représenter la partie la plus secrète de la philosophie : et alors il parviendra bien plus facilement à faire la pierre philosophale, à laquelle seule il vise.

Il faut donc, je le répète, qu’il fasse comme le serrurier : qu’il commence son ouvrage alchimique par cette clé, qui, quoique n’étant pas faite d’aucun métal (mais bien de l’union et confusion, ou mélange des quatre qualités des éléments métalliques), lui devient indispensable pour y réussir.

Il est vrai qu’il est très facile de trouver cette clé essentielle, et qu’il n’y a que les vrais adeptes qui la reconnaissent et la trouvent bien plus facilement quand ils veulent s’en servir, que ceux qui en sont les amateurs ; quoique ceux-ci passent souvent leur vie entière à la chercher par une lecture continuelle des livres hermétiques. — Toute autre personne, quoique possédant de grandes connaissances, s’y trompera toujours : tant la nature l’a si fortement cachée dans ses cabinets.

Réfléchissez sur ce que j’ai dit ci-dessus, et n’employez jamais de principes ni de matières d’un règne étranger à celui que vous voulez élever et pousser à sa perfection.

§ Onzième Leçon.

Premier Chapitre.
De la sublimation et lessive hermétique.

La sublimation, selon Geber, philosophe hermétique, est l’élévation qui se fait par le feu d’une chose sèche : en sorte qu’elle s’attache au vaisseau. Comme il n’y a que les philosophes qui comprennent Geber et qui, par leurs connaissances voient ce qu’il a voulu dire dans ce peu de mots ; que d’ailleurs ils connaissent et ont tenu dans leurs mains la chose sèche et le vaisseau : ce n’est donc pas à eux qu’il a caché cette opération de l’alchimie ; mais bien aux commençants.

Pour leur parler avec moins de finesse, je leur dirai que la sublimation est une opération par laquelle le philosophe (à l’exemple de la femme qui fait la lessive) nettoie, lave, purifie, sépare et dégage enfin son linge philosophique de toutes saletés, hétérogénéités et ordures, et le dispose par ce travail à recevoir la perfection. — Sa perfection consiste à le rendre blanc, si le linge est fond blanc ; ou bien à le rendre rouge, si le linge a été naturellement teint de cette couleur. — Si le teinturier (je veux dire le philosophe) a bien su connaître l’heure et le moment de lui communiquer et lui unir l’une de ces deux couleurs, et de même toutes les deux en même temps, le résultat ne peut être que blanc ou rouge.

Deuxième Chapitre.
Des feux intérieurs contenus dans un des derniers chaos.

Nous avons traité dans un chapitre précédent des trois feux ; de la manière de les diriger et de les unir : mais comme nous n’avons pas tout dit et que nous ne nous sommes pas assez étendus, nous y ajouterons le chapitre suivant. Les philosophes hermétiques reconnaissent trois feux dans leur ouvrage, lesquels ne sont visibles qu’aux yeux de l’imagination : par conséquent spirituels. Le premier est le feu naturel masculin, formateur, agent. — Le second est le feu innaturel féminin, matériel, patient. — Et le troisième est le feu de contre nature, produit par l’union des deux premiers, toujours disposé à se putréfier à une chaleur convenable : par conséquent à procréer l’enfant philosophique. — Et l’on peut dire que ces trois feux sont ensemble contenants et contenus ; et qu’ils ne peuvent être sortis d’autre part que du soleil et de la lune, pour par leur union, les soins et le travail de l’artiste, former et composer la pierre des philosophes du premier ordre, de laquelle ils sont seuls les principes. Ce troisième feu est le feu philosophique ; il est minéral et pas toujours égal ; il est l’âme de notre pierre philosophale, étant composé comme il est dit ci-dessus, des deux feux joints.

§ Douzième Leçon.
De la terre feuilletée et de la terre des feuilles.

La terre des feuilles est tout ce que le philosophe labourant se propose d’obtenir ; parce que cette terre renferme en elle tout ce qu’il faut pour l’œuvre et le sel, le soufre et le mercure en son la base et le fondement, et que la purification et le dégagement des superfluités de la terre feuillée s’est opérée par les aigles volants de Philalète, et les proportions des principes constituant le mercure philosophal y ont été observées par le conseil du cosmopolite.

Il faut donc aspirer premièrement à posséder la terre feuillée, puisqu’elle contient tout et que nous pouvons tout avoir par elle, et que c’est aussi par elle que nous obtenons la terre des feuilles tant désirée. — Mais pour y parvenir, nous avons beaucoup de travail à faire, de soucis et de chagrins à supporter ; beaucoup d’erreur à réparer, et beaucoup d’opérations à recommencer avant que de parvenir à la fin.

Aussi, ce n’est pas sans une grande raison que les philosophes hermétiques ont dit : qu’heureux et très heureux était celui à qui Dieu donnait les connaissances nécessaires pour découvrir le travail et les opérations de la science hermétique, puisque ce don était une très grande marque de son amour et que rien au monde ne pouvait lui être comparé.

Cette terre feuillée ne se trouve pas sur la terre : il faut que le philosophe la rende manifeste en la créant, ou pour mieux dire en la sortant de là où elle est. — Notre père Hermès nous en donne le moyen, quand il nous dit que c’est la terre qui a été ramassée. La nature ne peut pas nous la donner d’elle-même ; il faut que l’homme favorisé de Dieu y mette les mains, et que ce produit divin soit le résultat de son travail (avec lequel seul il parviendra à faire la terre des feuilles). — Les métaux et les minéraux, les sels, les soufres et les mercures y concourent mutuellement et s’aident de même ; l’artiste dépure, dégage, unit, broie, sépare, distille, pulvérise, amalgame, pétrit et est dans son ouvrage (qui est aussi celui de la nature) comme un général d’armée, plein de zèle et de courage, se portant partout où sa présence se trouve nécessaire, soit pour encourager, soit pour changer les ordres donnés ou pour tout autre travail que le moment exige.

Vulcain n’y joue pas le plus petit rôle, puisqu’il est trop souvent la cause de la joie ou du souci de l’artiste ; mais l’amadouant et se tenant toujours auprès de lui, on en tire ce qu’on désire ; et quoiqu’il soit notre ami, quand nous sommes présents, nous devons le craindre ; il est comme les hommes d’aujourd’hui qui donnent toujours tort à l’absent et qui l’abandonnent : il faut donc ne pas le quitter.

Les vases et les manières de les placer, contribuent beaucoup à la réussite, et la saison quand il faut unir notre mâle avec sa femelle, n’y contribue pas moins. Tout ce que je dis doit être observé, ainsi que de prendre bien soin que nos jeunes époux entre tout nu dans leur lit, pour que rien d’impur ne puisse salir n’y empêcher leur progéniture.

Leur chambre à coucher doit être divisée en quatre parties : dont trois pour les parents ascendants, et la quatrième pour leur lit qui doit être composé de terre et d’eau ; et les draps doivent être faits de feuilles d’argent que les aigles volants auront portés dans leur bec, et qui par leur union, formeront lesdits draps dans lesquels nos jeunes époux seront bien enveloppés. Serait-ce une fatalité pour l’artiste, que d’avoir une femelle pour premier enfant, au lieu d’un mâle qu’il désire. (1)

Dans l’ouvrage de Dieu notre créateur, le mâle fut avant la femelle, et elle ne fut faite et créée que d’une partie du mâle ; dans le nôtre, qui est en petit l’image du grand œuvre de Dieu, toute la femelle peut se réduire en mâle si l’on veut.

Dans son grand ouvrage Dieu créa la femme de l’homme ; dans le nôtre, qui en est une petite image, la femme devient homme selon la volonté de l’artiste. Comme il fut de la volonté de Dieu de faire la femme de l’homme, Dieu les créa immortels ; notre ouvrage ou son produit, qui sont les enfant hermétiques, le sont aussi. Dieu leur ordonna de croître et de se multiplier ; les nôtre croissent et se multiplient à l’infini, ce qui prouve que notre ouvrage vient de Dieu et touche d’un bout le ciel et de l’autre la terre : il est donc terrestre et céleste. Attachez-vous donc, hommes incrédules, à posséder un aussi grand trésor ; puisque le possédant vous n’avez plus rien à désirer sur la terre. Travaillez, cherchez, ne vous rebutez pas et ne sortez pas du règne que vous voulez élever : parce que rien ne s’amende que dans son semblable et avec lui-même, jamais avec un autre.

Si vous découvrez une partie de ce que je dis ci-dessus, vous pourrez y parvenir ; mais ce ne sera pas sans beaucoup de peine : si vous n’êtes pas décidés à en prendre, ne commencez pas à chercher. Cette science ne s’acquiert pas sans peine ; vous y parviendrez et l’obtiendrez avec moins de difficultés, si vous savez le moyen et le lieu où vous pourrez trouver la terre rouge feuillée, ou bien d’où il faut la sortir pour par elle en faire la terre des feuilles : cette dernière ne saurait se faire sans la première ; quand on l’a, la disposition seule suffit  ; et, jointe avec sa mère, elle vous donnera l’eau double : la bonté de laquelle vous reconnaîtrez à l’odeur forte qui s’en exhalera, ainsi qu’a l’amour qu’elle a pour ladite mère avec laquelle elle se plaît, s’unit et se marie naturellement. L’expérience démontrera, à l’artiste labourant, la vérité de ce que j’avance.

1. Ici je n’entends parler que de la poudre de projection, que je personnifie, comme devant servir à transmuer les bas métaux en argent ou en or.  

§ Treizième Leçon.

Premier Chapitre.
Des semailles des philosophes, et du temps propre à les faire.

De même que les laboureurs des champs, le philosophe hermétique est obligé de travailler la terre philosophique pendant cinq mois, pour la disposer et préparer à recevoir le grain formateur. — Cette préparation et disposition ne peut se faire qu’en amendant cette terre par un long travail, et en ôtant toutes les superfluités qui la rendent hydropique et vénéneuse. Le temps le plus propre pour faire ces semailles, est le même que celui du laboureur des champs, ou tout autre temps qui nous donnerait une chaleur ou température égale.

Deuxième Chapitre.
Solution de la terre philosophique.

La solution est la réduction de la terre des philosophes, en eau. Mais avant de dire la manière de la faire, examinons ce qui suit. L’océan élémentaire nourrit le poisson qu’il tient en son sein ; de même l’océan philosophique, cette mer des sages, nourrit aussi le poisson des philosophes. Si tu peux parvenir jusque là, la solution te sera aussi facile à faire, comme il te serait facile de réduire la glace en eau d’où elle a été formée.

Par cette opération (qui n’est qu’une liquéfaction des corps) les esprits métalliques se poussent au plus haut degré de perfection : l’un donnant et communiquant sa vertu et ignité ; et l’autre en la recevant ; et ces esprits étant homogènes, ils s’amendent tellement par cette union, qu’ils en sont réduit de puissance en acte, et sont tout à fait dégagés des liens qui les tenaient garrottés et les empêchant d’agir.

C’est ici que l’on peut trouver et bien démontrer aux incrédules, combien est grand le pouvoir que Dieu a donné à l’homme philosophe hermétique ; puisqu’il imite et fait de même que son père, Dieu tout puissant : Qui convertit petram in stagna, et rupem in fontes aquarum.

Troisième Chapitre.
De la nourriture et des naissances de l’enfant hermétique.

Comme l’enfant animal se nourrit dans le ventre de sa mère de la même matière ou sang menstruel dont il a été formé, de même aussi l’enfant métallique se nourrit dans le ventre du mercure qui est sa mère, sa propre terre ; de ce même mercure qui a servi à sa formation. Et cet enfant, qui dans sa première naissance n’est produit que des seuls métaux parfaits, ne peut être ne peut se rendre visible qu’après avoir ôté à son père (qui est un vieillard sain et vigoureux) toutes ses forces, et l’avoir fait succomber, en lui enlevant toute sa vertu prolifique et s’en être emparé. Aussi, dans cet engendrement, il faut que le père (plein d’amour pour son enfant, duquel il fait toujours partie essentielle) disparaisse ; que sa forme corporelle soit changée en spirituelle, pour qu’il ne fasse pas partie de l’arbre généalogique hermétique. — Il faut enfin qu’il devienne principe de lui-même ; qu’il rentre dans la matrice minérale, pour s’y nourrir du même sang menstruel dont il a été formé (ou bien de ce même sang qui l’a détruit pour en faire un autre lui-même, et qu’il y croisse en force et en vertu, ce qui nous préparera la deuxième naissance de l’enfant métallique hermétique. Voilà le seul moyen pour parvenir à posséder cet enfant désiré ; lequel se présentera plein de force, de vertu et avec une joue toute blanche et l’autre rouge, et nous procurera la fortune, la santé, la jeunesse, une très longue vie et un bonheur parfait que nul sur la terre ne pourra nous ravir. Ce que je dis ci-dessus, doit convaincre et bien persuader les amateurs de la science occulte ; que pour parvenir à la fin de l’ouvrage hermétique, il faut que le philosophe labourant sache faire deux mariages, et que de ces deux mariages il ne soit produit que deux naissances et un seul enfant. S’il sait faire les deux alliances qui sont indispensables, il pourra avoir l’enfant hermétique ; lequel, comme je l’ai dit, aura eu deux naissances. Alors seulement, il sera reconnu par tous les adeptes pour un véritable disciple d’Hermès.

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