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Un des fondamentaux de la vie en Loge bleue...

Pourquoi ne pas débuter ce travail en citant André Malraux ? « Pour tout homme, il y a quelque chose de pire que la mort, c'est de mourir sans avoir découvert les richesses qu'ilportait en lui-même ». Pourquoi ne pas ajouter que la Fraternité se construit sur la révélation des richesses de chacun, celles de celui qui donne avec celles de celui qui reçoit ? Attention, si nous voulons connaître cette révélation autrement dit si nous voulons savoir ce qui nous est encore inconnu et ainsi consolider notre initiation, il nous faut mettre en oeuvre une des règles fondamentales de la vie réussie en Loge...

La richesse de l'homme est qu'il constitue une synthèse déchirante entre la vie et l'infini. Le maçon est aussi une synthèse constante d'animalité et de spiritualité. Il n'existe pas d'obstacle à associer la vie avec l'animalité d'une part, l'infini avec la spiritualité d'autre part. Par contre, il est souhaitable qu'un maçon travaillant au Rite Ecossais Ancien et Accepté se donne les moyens de minimiser ses instincts pour vivre et partager avec le monde une véritable spiritualité. Il est aussi souhaitable qu'un maçon ne connaisse plus les déchirements de la vie, il doit être capable et libre de vivre dans la sagesse...

Cependant un constructeur ne peut réussir une œuvre harmonieuse sans une vue d'ensemble; vue d'ensemble à partir de laquelle il déterminera le style et les proportions des détails. Il trace ainsi le cadre nécessaire à toute véritable action. Loin d'entraver sa liberté de création, ce cadre en jalonne le champ d'action et marque les différentes étapes de la réalisation.

De même la conscience des relations unissant l'homme, l'œuvre et le Principe créateur caractérise la démarche maçonnique dans laquelle les rituels et les symboles ne contraignent pas notre liberté mais bien au contraire nous offre les moyens de notre quête.

Ce qui différencie l'animal de l'homme est l'échange. Echanger, ce n'est pas seulement parler, c'est aussi écouter. Aujourd'hui, la parole et l'écoute se perdent. Nous sommes en train de voir disparaître notre capacité d'échanger du «subjectif » entre nous. Le subjectif, c'est le sens que chacun d'entre nous attribue aux autres avec son imaginaire. Oui, le propre de l'homme, c'est de pouvoir parler, lire et écrire.

C'est pourquoi les enfants doivent se construire dés leur plus jeune âge. C'est pourquoi les maçons, eux aussi, ont le devoir de se structurer dès leur initiation. Construire et structurer sont des mots qui ont la même origine latine « stuere » ; on en tire également les termes : détruire, instruire, obstruer... Tout un programme où curieusement les contraires peuvent s'obtenir en partant de la même racine. Alors pourquoi pouvons-nous parvenir à des résultats complètement opposés alors que le départ est le même ? Pourquoi certains jeunes vont-ils bien évoluer et d'autres rester plus ou moins analphabètes ? Même question en ce qui concerne les francs maçons ?

L'expérience de la vie de tous les jours est-elle transposable aux loges que nous fréquentons? Que pouvons-nous observer dans notre environnement? L'individualisme ambiant, celui de notre plaisir, celui de nos intérêts, entraîne une perte d'échanges et la disparition de la solidarité. Or parler à l'autre quand «il est mal » n'est pas qu'une histoire de bons sentiments, c'est une nécessité vitale. L'homme a besoin de l'autre pour exister. Il a besoin de «dire ». Sinon, il serait bien capable d'en « venir aux mains » avec plus ou moins de violence dans le style de: « je veux, donc je vole » ou encore: « je désire, donc je viole » et parfois « je n'existe plus, donc je pars »...

Cela peut commencer dés le plus jeune âge. L'insécurité où se trouvent certains enfants incapables de maîtriser le langage fait qu'ils ne s'expriment plus que par la violence. La vraie réponse à cette dérive est l'apprentissage de la parole pacifique. Il n'y a pas que cela bien sur, mais c'est essentiel. Pour en arriver là, l'enfant a besoin de ses parents. Ils sont là pour lui dire au moins une fois, ne serait-ce qu'une fois : « je ne t'ai pas compris ». L'enfant fera alors l'effort de mieux choisir ses mots, pas seulement pour faire plaisir, mais surtout pour être plus fort et s'affirmer en tant que personne à part entière, pour avoir plus de prise sur les autres, plus de prise sur le monde. Certains auront la chance de vivre cette expérience, d'autres pas.

En prenant conscience de ce que parler veut dire, l'enfant passe du stade où il parle de ce qu'il voit en tendant la main vers l'objet qu'il désire au stade plus évolué où une pensée commence à vraiment s'élaborer. Seule cette capacité de penser et d'échanger du subjectif lui permettra ensuite de lire et d'écrire. Sinon, c'est le début de l'illettrisme et de la spirale infernale avec les conséquences de violence que nous observons trop souvent.

Si vous le permettez, quelques mots sur ce phénomène actuel car j'en ai déjà trop dit, mais, en même temps, pas assez. Prenons l'exemple des élèves qui arrivent en classe en ne sachant parler que de ce qu'ils voient directement devant eux, ils ont un vocabulaire très faible et encore moins de structure grammaticale. Résultat : ils ne pourront pas entrer dans l'échange par la lecture et l'écriture, déjà trop subjectives pour eux... Ils resteront des petits déchiffreurs et ne comprennent pratiquement plus rien à ce qu'ils tentent de lire. Laissez ainsi ces élèves plusieurs années dans un monde scolaire dont ils ne pénètrent ni le sens, ni l'intérêt et vous obtiendrez un phénomène de rejet complet car les êtres humains, même tout jeunes, ne peuvent pas accepter l'idée de ne laisser aucune trace d'eux-mêmes. La trace la plus naturelle que l'on peut laisser, c'est d'abord par la parole qu'on le fait. Or, si on les prive de cette capacité, ils vont petit à petit rentrer dans la violence, unique moyen d'expression qui leur reste. A partir du moment où ils sont enfermés dans leur cercle étroit, ils vont développer entre eux des habitudes de paroles spécifiques au groupe. Vous savez, ces codes gestuels muets et ces charabias parfaitement incompréhensibles qui ressemblent plus à une suite d'onomatopées qu'à autre chose. Surtout ne me parlez pas de « nouvelle culture ». Une véritable culture se choisit et se travaille. Ces jeunes, eux, ne choisissent rien, ils subissent. Pour eux, l'échec devient un signe de reconnaissance, toute marque de progrès ou de réussite, devient aussitôt une forme de trahison. C'est une véritable tribalisation de l'échec !

Mais revenons au coeur du sujet et prenons un peu de recul. Le philosophe allemand Ernst CASSIRER (1874-1945) qui étudia les mythes et les religions a défini l'homme comme un animal symbolique. Je le cite : « Vivre pour l'homme, ne consiste pas à vivre de façon terre à terre, mais à vivre avec sens. Nous y parviendrons en donnant une portée symbolique à tout ce que nous entreprenons. Alors notre vie s'enrichira automatiquement » ; qui plus est quand nous sommes franc-maçon.

Nous naissons à une nouvelle vie à chaque initiation. C'est une chance à ne pas gaspiller, donnons lui du sens surtout que nous disposons de trois outils d'une efficacité remarquable. Je veux parler des Règlements généraux, des rituels et du Volume de la Loi Sacrée.

Oui, mes frères, inutile d'aller chercher bien loin ce qui est placé devant notre nez. Qui d'entre nous consulte régulièrement ces trois ouvrages ? Pourtant, ils sont bien l'alphabet nécessaire à tout voyage initiatique. Ils sont quelques uns des fondamentaux qui nous permettent de passer de l'animalité à la spiritualité.

Les Règlements généraux devraient être parfaitement assimilés par chaque maçon. Ce ne sont pas des documents réservés à l'orateur. Ils permettent le fonctionnement fluide et cohérent de chaque tenue. Ils déterminent les «règles du jeu». Imaginez un joueur d'échecs qui ne connaitrait pas la manière de déplacer les pièces sur son échiquier. Alors que penser des tenues où tout à coup le travail maçonnique perd tout intérêt quand on se met à ergoter sur un point mal connu de nos modes de fonctionnement ? Ce sont des moments perdus, ce sont des occasions de travail et de progression gaspillées !

Les rituels du Rite Ecossais Ancien et Accepté devraient être nos livres de chevet. Ce sont de merveilleux outils. Ils nous offrent le moyen de nous structurer. Ils sont le mode d'emploi de notre vie de maçon. J'ai eu un surveillant qui rabâchait : « Le rituel, rien que le rituel, toujours le rituel. Tout y est ». Les rituels sont là pour nous donner des références, pour nous indiquer la progression de notre travail. Nous pourrions en parler longtemps. Ce sont les cailloux blancs que le petit poucet a bien voulu placer le long du chemin maçonnique pour éviter que nous nous perdions!

Le Volume de la Loi sacrée... L'une des trois grandes lumières de la franc- maçonnerie. Là aussi, il y aurait tellement à dire, pourtant nous n'en parlons que trop rarement. Certains vont jusqu'à se chamailler pour savoir si il vaut mieux utiliser la Bible ou tout autre document, voir même, dans certaines loges, un livre dont les pages seraient blanches ! Les tenants d'une telle aberration n'ont pas conscience de l'absurdité de leur démarche. En évacuant Le Volume de la Loi Sacrée, en vidant le Rite de toute dimension spirituelle, ils sont en contradiction complète avec leur démarche puisqu'ils pratiqueraient alors une recherche strictement spéculative en rompant avec la régularité de l'institution originelle.

Fidèle aux principes fondamentaux de la Maçonnerie traditionnelle, le Rite Ecossais Ancien et Accepté reconnaît l'existence d'un principe créateur sous l'appellation du Grand Architecte de l'Univers et déroule ses travaux en présence des trois grandes lumières.

En fait les trois grandes lumières propagent la Lumière pour qui veut bien la rechercher et la recevoir activement. Non pas une lumière indéterminée jaillissant de trois petits luminaires qui seraient :

- un livre particulier à chacun, suivant ses propres aspirations religieuses ou profanes
- une équerre à sa dimension, permettant de choisir ses règles personnelles de comportement
- un compas sur mesure où chacun se contenterait de ses maigres objectifs.
Mais la Lumière idéale avec :

- le compas qui est la mesure commune permettant de situer le sens et la portée de nos actions.
- l'équerre, emblème de la loi morale, dépassant elle aussi tous les particularismes. Quel serait le sens d'une morale réduite aux aspirations de chaque homme ?
- le Livre de la Loi Sacrée, symbole de la Tradition. Devrait-il faire exception à de tels principes unitaires ?

En effet, pour notre Rite Ecossais Ancien et Accepté, la bible n'est pas le livre d'une religion révélée, mais un outil symbolisant le fini et l'infini, le contingent et le permanent, le matériel et le spirituel. Même si la bible n'est pas un livre historique au sens scientifique du terme, elle est, comme tous les livres sacrés des civilisations du monde, une chronique traitant de l'histoire et du devenir de l'humanité. Elle offre la synthèse de tout ce qui existe entre les deux pôles équilibrant l'initiation, symbolisés par l'équerre et le compas. En outre, elle proclame le devoir de fraternité, d'amour et d'harmonie en rappelant que l'humanité forme une famille unique dont chaque membre est l'égal des autres.

L'usage qu'en fait le Rite Ecossais Ancien et Accepté ne vise qu'un objectif symbolique figurant la voie initiatique, usage fondé sur la spiritualité. Nous ne devons voir dans ce volume qu'un outil spécifique au Rite, indépendant de toute prise de position religieuse ou politique. Si l'on prend le Volume de la Loi Sacrée dans ce sens, les frères ne peuvent éprouver la moindre réticence face à la bible, pas plus qu'ils ne peuvent en éprouver face aux rituels et face aux Règlements généraux. Les maçons se rattachent à un cadre spirituel qu'ils revendiquent et qu'ils ne cherchent pas à dissimuler ou à édulcorer. C'est le cadre de la régularité et de la Tradition. Le Volume de la Loi sacrée est notre outil spirituel, alors utilisons le pleinement et totalement!

Bien entendu, le maçon est plus que tout autre attaché au sens spirituel de l'Ecriture, alors qu'il laisse à chacun le soin d'interpréter selon ses convictions le sens littéral. Ce sens spirituel se décompose traditionnellement en sens allégorique, en sens moral et en sens anagogique. Rappelons-nous que anagogie vient du grec «agôgos » signifiant : « qui conduit vers » et «ana » qui veut dire : « en haut ». C'est donc par l'interprétation des écritures que l'on s'élève du sens littéral au sens spirituel. Autrement dit nous pouvons résumer le sens spirituel du Volume de la Loi Sacrée en quatre points :

- le sens littéral qui raconte les événements
- l'allégorie qui indique ce qu'il faut croire
- le sens moral qui donne la voie de ce qu'il faut faire
- l'anagogie qui montre vers quoi il faut tendre pour s'élever.

Le Volume de la Loi Sacrée nous livre des expériences, des références qui permettront à chacun - selon sa personnalité et sa culture - de vivre sa propre spiritualité pour réfléchir, penser et agir. La finalité en sera bien sur de se structurer pour pouvoir mieux construire sa vie d'homme et sa vie de maçon dans l'action.

Comme notre jeune enfant, celui que nous avons croisé au début de cette planche, il nous faut d'abord parler, puis lire et enfin écrire pour prétendre être quelqu'un. Cela nécessite un vrai travail. Les outils sont à notre disposition.

Les règlements généraux nous permettent de gravir la première marche du progrès par l'acquisition de la « parole pacifique » condition indispensable à l'échange.

Les rituels nous ouvrent et déploient la pensée du Grand Architecte de l'Univers, ils nous emmènent plus loin avec la possibilité de comprendre par l'expérience le voyage initiatique. C'est la «lecture » de ce que doit être le parcours de notre vie.

Le Volume de la Loi Sacrée nous conduit avec la spiritualité à la création par « l'Ecriture ».

Agir devient enfin simple. Il est temps de dépasser le : « Te ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu'épeler ». Celui qui est capable de s'exprimer puis d'écrire est celui qui tracera et bâtira réellement ses vies maçonnique et profane. Il ne se contentera plus de suivre le troupeau des adeptes de la pensée unique...

Vivre en Loge, c'est prendre la parole, c'est rédiger des planches, c'est utiliser les outils que le REAA nous propose, c'est aller chercher chez les frères et en soi ces parcelles de Lumière qui nous permettront de construire une véritable fraternité en n'abandonnant personne sur le chemin...

Fraternité indispensable pour « Mieux travailler d construire une alliance universelle d'hommes éclairés, réunis pour oeuvrer en commun au perfectionnement spirituel, moral, matériel et intellectuel de l'humanité ». Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?

Ce « Gloire au travail » que l'on trouve dans le rituel du REAA n'est-il pas le parfait résumé de ce que j'ai pu dénommer « un des fondamentaux de la vie réussie en Loge » ?

Vénérable Maître et vous tous mes Frères, j'ai dit.

Ph\ N\


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