Obédience : NC Loge : NC Date : NC

Meurs et Deviens :

La Vie Nouvelle que Confère L’initiation

Voici le titre du travail que notre Vénérable Maître m’a confié ce soir et je suis très heureux de faire cette première planche de Maître sur un si beau sujet comme celui-ci. En effet, c’est un sujet d'espoir  qui représente l’ouverture à un savoir symbolique universel et à l'acquisition d'une Connaissance.

Je vous propose de décomposer cette planche en deux parties. Dans la première nous allons explorer la mort et dans la seconde le Deviens, par l’initiation.

Au stade actuel de mon chemin maçonnique, j’ai identifié trois types de mort :

Le premier : la mort profane

Le deuxième : la mort symbolique

Et le troisième : le passage à l’orient éternel

Après cette identification, je vous propose de débuter maintenant, un petit voyage dans la dualité du meurs/deviens, que je traduirais par le couple mort/initiation par deux citations.

"Si les évènements majeurs de la vie d'un homme sont : la naissance, l'initiation et la mort, le plus important de tous est le second qui confère un sens au premier et dénie tout pouvoir destructeur au troisième" écrit (1) Louis-Vincent Thomas dans La mort africaine.

Et pour Platon, « mourir, c’est être initié ».

Donc, pour toute nouvelle naissance d’un nouveau F\, il y a la mort d’un profane ou devrais-je dire la mort à quelque chose. Nous pouvons dire qu’il s’agit en quelque sorte, de mourir symboliquement de son vivant, d’abandonner non sans un certain déchirement, nos préjugés et nos illusions.

 Mais pour cela, il faut vaincre la peur du changement et oser se rêver meilleur et plus authentique.

Dans toutes les traditions du monde, les rites d'initiation sont des représentations symboliques de la mort et de la naissance, illustrant l'adage : vers une vie nouvelle par la mort. Nous avons là, deux dualités indissociables "naissance - mort" et "mort - naissance".

Et cette dualité, nous la retrouvons également dans notre initiation maçonnique au REAA, par la séparation ou l’isolement du candidat (cabinet de réflexion), les épreuves proprement dites que nous verrons plus loin et enfin la reconnaissance du néophyte au nouveau statut de Frère.

La racine latine d’initiation, nous vient de inire « entrer » et « commencement » d’où initium « commencement ».

Alors, de même que la mort implique un changement d'état (le corps devient inerte et immobile, alors que "l'âme" devient plus dynamique), l’initiation implique également changement et commencement, passage d'un état de conscience à un autre. Pour qu'il y ait initiation, la conscience doit mourir à ce qui était, pour naître à un nouvel état. Et c’est ainsi que toute initiation représente une rupture.

Les deux idées de mort et d'initiation impliquent également celle de voyage et de mutation. L'initié est celui qui a su mourir à quelque chose pour renaître au-delà. Le "vieil homme" meurt pour donner naissance à l’homme nouveau". Mais cette naissance n’est pas chose facile.

En effet, mourir à l’EGO demeure certainement l'une des épreuves les plus difficiles du sentier et de la voie unitive. La voie unitive nous  invite, à nous tourner vers le seul essentiel, à ouvrir notre coeur à l'unique Réalité, à cet 'Unique-Un'.

Saint Paul évoqua cette Mort Mystique lorsqu'il dit que la graine devait mourir dans le sol avant de produire une vie nouvelle. La mort permet à la nouvelle vie de l'initié de jaillir.

En alchimie, nous qualifions cette Mort Mystique de putréfaction.

Néanmoins, nous faisons bien souvent preuve d'un véritable instinct de conservation à l'égard de nos anciens repères et croyances. C'est pourquoi tout changement réel implique nécessairement l'idée d’effort, d'abandon et de lâcher prise.

Ce lâcher prise, c'est ce que nous pourrions appeler "la mort au quotidien". Abandonner des repères pour en acquérir d'autres, plus larges, plus essentiels, plus structurants. Abandonner des comportements égoïstes et routiniers pour en acquérir de nouveaux, plus généreux et qui intègrent la dynamique de la vie. Pour ce faire, il est indispensable de développer la foi en soi-même, afin de parvenir à une parfaite réalisation de sa nature. Il nous faut oser entrer et descendre en nous-mêmes, pour nous observer, apprendre à mieux nous connaître et à nous rectifier.

Ce travail pour nos Frères Apprentis passe par une période de silence actif. Chaque Apprenti doit percevoir en lui-même la manière dans laquelle les mécanismes égotistes agissent.

Plus nous taillons notre pierre brute, plus nous nous rapprochons de notre véritable identité, de notre être intérieur et de notre centre.

L’invitation à la découverte de notre centre, de notre pierre philosophale est faite dès le cabinet de réflexion, à travers la formule alchimique V.I.T.R.I.O.L. « Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre caché. »

Dans cette descente dans le Soi, le « Rectifiant » du V.I.T.R.I.O.L. prend toute son importance.

Mais revenons à notre : Initiation, chemin de connaissance et chemin de nouvelle vie.

Par l'initiation, on pénètre dans le "sacré", c'est-à-dire dans une autre dimension.

II est de fait que l’initiation est un moment important, certainement le moment le plus important de notre vie maçonnique. En effet, on ne naît pas Franc-Maçon, mais on est fait « crée, constitué et reçu » Franc-Maçon lors de la cérémonie d’initiation.

Aussi convient-il de s’interroger, sur l’initiation, sur sa finalité et sur la signification qu’elle peut revêtir pour nous.

« On entend en général, par initiation, un ensemble de rites et d’enseignements oraux, qui poursuit la modification radicale du statut social et religieux de l’homme à initier », a écrit Mircéa Eliade.

Le projet initiatique, est de provoquer une radicale et fondamentale évolution de notre pensée, de notre être et de notre manière de vivre. L'initiation doit rassembler en nous les éléments rendus épars, voire divergents, par notre vie profane.

Il s’agit, « de passer des ténèbres à la lumière » et, par cette lumière qui nous illumine, de changer notre être et notre vie. En effet, la finalité de l’initiation n’est pas seulement « théorique », mais pratique. Il ne s’agit pas seulement d’aller vers la lumière et de se reposer dans une vaine et stérile contemplation, mais par cette lumière de nous entraîner à une action plus efficace et plus juste. Souvenons-nous que le « Logos » de Jean, ce n’est pas seulement l’Esprit qui nous illumine, mais c’est l’Esprit qui nous transforme.

Autrement dit, l’initiation veut nous faire passer du vieil homme à l’homme nouveau. Elle veut susciter une nouvelle naissance et la rendre possible.

Mais pour atteindre ce but, elle doit utiliser certains moyens, se soumettre à certaines conditions :

La première condition de toute initiation aux « mystères de la Franc-maçonnerie », c’est que le candidat doit être un homme « libre et de bonnes mœurs ». Libre de toute contingence matérielle ; on ne vient pas pour un carnet d’adresses.

La deuxième condition est la mort symbolique du candidat à initier mais cette étape nous l’avons déjà évoquée.

Le profane qui aspire à la lumière doit d’abord, dans une première épreuve, se dépouiller de tout son passé, des préventions, des préjugés que la vie profane a pu accumuler en lui. Il doit faire son testament philosophique et mourir à ce qu’il était. Mais cette remise en question, cette sorte d’autocritique radicale, ne saurait se passer n’importe où et n’importe comment. Elles ne peuvent s’effectuer que dans un lieu séparé du monde et dans un temps autre que celui de tous les jours ; un espace et un temps séparés, c’est-à-dire dans un espace et un temps sacrés, sacralisés par le Rituel lui-même.

Cette initiation ne saurait également s’effectuer n’importe comment. Elle comporte une série d’épreuves : de la terre, de l’air, de l’eau, et du feu, subies par le récipiendaire au cours de voyages symboliques qui sont le premier pas pour nous aider à passer du paraître à l’être.

On voit par là que l’on ne saurait recevoir la Lumière, si d’abord on n’a pas su franchir certains obstacles, surmonter certaines épreuves, si ensuite on n’a pas suivi un itinéraire, ce qui implique l’idée du temps, de temps linéaire celui-ci étant une condition nécessaire à l’épanouissement, à l’accomplissement du profane à initier et à libérer.

L'initiation présente donc un double aspect: elle est une cérémonie, un rituel, mais elle est aussi une expérience personnelle d'ordre spirituel. C'est ce deuxième aspect qui la rend «secrète» ou plus exactement incommunicable. Et là, nous touchons peut être à un des secrets de la F.M.

En effet, nous avons tous vécu les mêmes épreuves mais chacun d’entre nous d’une façon totalement différente et très personnelle. Et c’est pour cela que cet itinéraire ne peut être accompli qu’à la première personne, nul autre que nous-même ne saurait l’accomplir à notre place.

Néanmoins, la pierre brute que l'on taille afin de la dépouiller de ses aspérités et la rendre polie, ne peut rester isolée. Elle doit être ajustée à d'autres éléments. Par leur équilibre, leur beauté, nous constituons l’édifice. Nous fuyons le vice, et cela signifie que nous cherchons avant tout à éviter que notre Ego nous rattrape et à maintenir notre pierre imperméable à tout retour et déviance de notre vie profane. Et grâce à notre perfectionnement individuel, nous parviendrons à agir sur le monde pour bâtir le Temple extérieur dans un idéal de paix, d’amour et de fraternité. Mais seuls nous ne pouvons rien.

Notre vie maçonnique tout entière est à la fois de nature individuelle et de nature collective.

Sans les autres, nous ne sommes rien. En effet, n’oublions jamais qu’à la question: Etes-vous Franc-Maçon ?

Notre rituel nous donne la réponse : Mes Frères me reconnaissent pour tel.

L'âme de chacun se nourrit de l'amour AGAPE des autres F\

Il s’agit de nourrir la pensée de chacun avec la pensée exprimée des autres.

Néanmoins, le savoir de l’autre ne doit jamais étouffer tel un amalgame la connaissance du cherchant.

L’initiation maçonnique veut, délivrer, dégager en l’homme ce qui est esprit, mais elle ne peut le faire qu’en le confrontant à des obstacles selon un long et difficile chemin.

Et  si initier quelqu’un, c’est le mettre en chemin. Ce n’est pas le mettre dans « un » chemin, ni le mettre au début du « seul » chemin, ou encore de le mettre au début de « notre » chemin. Il s’agit de le placer au début de « son » propre chemin. Chemin, qu’il va créer, avec l’aide de ses frères, mais en restant libre de sa démarche.

Comme nous le rappelle si bien notre Frère Robert :
 « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est chemin »  (Sören Kierkegaard).

Voilà mes Frères, j’ai essayé de vous démontrer que le verbe Initier a plusieurs significations, d'ailleurs complémentaires. C'est avant tout "mettre en chemin" et conduire à un nouveau départ.

Autrement dit, nous dirons que le projet de l’initiation maçonnique est de permettre à tout homme de devenir un « autre homme », un homme véritable. C’est-à-dire de découvrir en lui ce qui est sagesse, force et beauté et de savoir découvrir une dimension « verticale ». Néanmoins, tels les angelots sur l’échelle de Jacob, si nous recherchons le divin, nous ne devons jamais oublier de redescendre vers le bas symbole de l’action. Faute de quoi, nous risquerions de passer à côté de notre travail premier.

René Guénon distingue « l’initiation virtuelle » de « l’initiation réelle », expliquant que « entrer dans la voie, c’est l’initiation virtuelle », « et suivre la voie, c’est l’initiation réelle ». C’est à nous seuls qu’il appartient de « suivre la voie », à nous seuls qu’il appartient par notre effort et notre patience, notre intelligence et notre volonté, de passer de l’initiation « virtuelle » à l’initiation « réelle », de transformer une promesse en une réalité, une espérance en une certitude, un chemin de connaissance en un chemin de vie.

lnitium novae vitae, "le commencement d'une vie nouvelle" afin de devenir un enfant Royal, l'Homme régénéré, ne devrait-on pas dire tout simplement l'Homme véritable, enfant de la Lumière. Avec pour seul but de rendre le souffle qui nous a été confié aussi pur et aussi beau qu’au début de notre histoire, à savoir notre naissance.

Pour finir mes Frères, je vous propose une réflexion sur le Tikkun Olam (2) :

« La réparation du monde est notre tâche, et même si l’on n’attend pas de nous que nous accomplissions cette tâche, nous ne sommes pas libres de nous dérober à cette tâche ». 

J’ai dit.

(1) Sociologue, anthropologue et ethnologue français (1922-1994)
(2) Pirke Avot chap. 2 :21 « Maximes des pères » enseignements les plus importants de la tradition juive.

7029-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \