Obédience : NC Loge : NC 12/07/2011

La Connaissance, quête de sens

De la méthode Maçonnique qui nous propose de passer du savoir à la Connaissance je retiendrai seulement deux voies de spiritualités parmi celles qui se proposent de nous conduire à ce que nous appelons la Connaissance. Un chemin est celui qui emprunte des éléments de réflexion et de savoir à la philosophie, tandis que le second est considéré comme « initiatique » parce qu’il résulte du maniement des matériaux symboliques.
Ces deux voies de spiritualité qui mobilisent les ressources intellectuelles et spirituelles de l’initié exigent un travail personnel lucide et constant. On parle donc de discipline morale appelée maîtrise initiatique ou ascèse Maçonnique exprimée ainsi dans l’instruction au 1er degré :
D. Par quoi se traduit le « Salaire » des Francs-Maçons ?
R. Par un perfectionnement graduel de soi-même).
Comme ce perfectionnement durera de longues années, c’est peut être par compassion qu’à la fin du Troisième Voyage le Vénérable Maître encourage le Récipiendaire par cette affirmation un peu téméraire mais qui a valeur de promesse « … si l’on persévère résolument dans la Vertu, la vie devient calme et paisible. »

A partir de là, le nouveau Frère va s’imposer librement une spiritualité en prenant du recul par rapport aux idées qui ont court à son époque et devenir libre car il est « … mort au préjugés du vulgaire … » (Instruction au 1er degré – D. Que veux dire « libre »).

C’est le premier pas dans le travail et vers la Connaissance qui ne viendra certainement pas en dormant bien que certains espèrent une « révélation » céleste nocturne. Cette étude ou projet de tout homme éveillé est, selon René Guénon, de parvenir à la réalisation spirituelle laquelle consiste à s’identifier avec sa propre essence, c'est-à-dire devenir ce que l’on est. Actuellement l’homme se situe en dehors de son essence, ce qui est le sens du mot existence – du latin exsisterer : se tenir hors de.
Dans la Tradition occidentale nombreux sont les métaphysiciens, Grands initiés ou non, qui se sont interrogés et qui nous interrogent aussi : Aristote, Platon, Socrate,
Plotin … etc. lesquels m’ont été, en quelque sorte, présentés par la Franc-Maçonnerie et je les découvre de façon hélas trop parcellaire. Ils sont reconnus comme des modèles, exemples ou guides par une grande partie de l’humanité et ils sont d’ailleurs fréquemment cités dans les Planches alors même que leur enseignement n’est plus dispensé depuis longtemps au cours de nos premières années d’école.
En Loge, cette Tradition est symboliquement représentée par le Volume de la Loi Sacrée qui est ouvert au prologue de l’Evangile de Jean. Le texte attribué à l’Apôtre Jean apporte-il une Connaissance religieuse ou bien une Connaissance ésotérique ?
Pour expliquer cela, au début du mois d’avril 2011, le Très Respectable Grand Maître de la Grande Loge de France Alain-Noël Dubard nous a proposé au cours d’une Tenue Blanche Ouverte, une lecture métaphysique de l’Evangile de Jean. Nous n’étions pas au 1er degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté mais au degré … profane. La question est : faut-il être initié pour accéder au savoirs métaphysique, ésotérique, religieux ou autre ?
Assurément non dans un premier temps, mais au fil de ce temps l’initiation facilitera bien des choses …
Entre autre, la vérification progressive des principes qui rectifie certaines prétentions à croire en des sciences absolues. Ce que nous faisons sous l’invocation et à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers en espérant nous maintenir dans les voies de la Vertu « En préférant à toutes choses la Justice et la Vérité » (Instruction au premier degré).
Peut être le Grand Maître a-t-il voulu démontrer que naître dans une culture c’est avant tout en respecter son histoire. C’est aussi la comprendre et la vivre à travers ses mythes qui sont les témoins lointains de la conscience de nos ancêtres pour autant que nous soyons restés fidèles à la culture judéo-chrétienne. Mais le fait est que toutes les religions ont un volet mystique ou ésotérique pour un accès direct au divin, sans passer par les prêtres, au risque de les incommoder parfois fortement. C’est pour cette raison que les enseignements des guides et maîtres à penser du passé nous sont parvenus sous forme ésotérique avec obligation pour les initiés d’en percer les mystères.
S’engager dans cette voie spirituelle ésotérique parallèle c’est sortir de « la maison du Père » (« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » - Jean 14 : 2) en se libérant du temps et de la mémoire quand elle est contraignante ainsi que de la peur d’agir. Cette forme de nettoyage intellectuel libère l’esprit de la superstition, de l’imposture et des fausses sciences qui ont cours parfois dans le monde des sciences dites occultes, brise les chaînes de l’esclavage moral en jetant toutes les idoles à terre. Y compris et surtout l’idole que l’on découvre dans le miroir en se retournant, au cours de la cérémonie d’initiation.

Avec ses moyens divers et variés d’accès au savoir, notre époque nous propose de déchiffrer ce qu’au Moyen Âge on appelait le Livre du Monde.
Ces éléments de savoir et de connaissance nous viennent des civilisations sumériennes, chaldéennes, égyptiennes … qui ont laissé les traces de leur Tradition que les Anciens nous ont transmis sous forme de légendes et de mythes, revisités pour certains. Je leur suis reconnaissant pour leurs recherches qui m’évitent d’avoir à reprendre tout le chemin que plusieurs d’entre eux ont parcouru péniblement, parfois au péril de leur vie. Par notre initiation nous leur avons donné la première lettre et ils nous communiquent la suivante au fil de nos lectures, études et méditations.
 
Plus proche de nous, à la Renaissance qui couvrira la quasi-totalité du XVIème siècle, les philosophes italiens Marsille Ficin ainsi que Jean Pic de La Mirandole considèrent comme complémentaires les unes des autres les formes de religiosité hellénistiques (stoïcisme, gnosticisme, hermétisme, néo-pythagorisme) reliées plus tard aux trois religions abrahamiques, sans négliger les Védas ni les textes Egyptiens.
Vers la même époque le philosophe italien Giordano Bruno mourra sur le bûcher le 17 février 1600 au terme de sept années de procès, pour avoir dit et écrit : « Nous affirmons qu'il existe une infinité de terres, une infinité de soleils et un éther infini » entre autres propos déplaisant à l’Eglise catholique romaine.
De nombreux autres personnages importants ont contribué au développement des idées : Mircéa Eliade, Julius Evola, etc. Dans mes lectures j’ai suivi à Lhassa, Alexandra David Néel orientaliste tibétologue au début des années 1900, membre du Droit Humain, qui atteindra le 30ème degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Il ne faut bien sûr pas négliger la Kabbale qui est une tradition ésotérique du judaïsme, présentée comme la « Loi orale et secrète » donnée par YHWH (Dieu) à Moïse sur le Mont Sinaï, en même temps que la « Loi écrite et publique » (la Torah). Le premier écrit apparaît un peu avant le Xème siècle et d’autres suivront plus tard.

Il ne s’agit pas pour moi d’inviter à se complaire dans le passé parce que « les choses étaient plus faciles avant », ni de prêter à ce passé des vertus de pureté et d’orthodoxie qui permettraient de se soustraire à la réalité de ce siècle. A mon sens, affronter les préoccupations actuelles en se référant à l’expérience des Grands Anciens favorise le détachement moral
Dans mon parcours et au sortir de l’adolescence, j’ai été influencé par les écrits de René Guénon qui au siècle dernier, soutenait l’idée d’une Tradition primordiale. Il affirmera aussi que toute espèce de prétention à une réalisation spirituelle est soumise au rattachement à une organisation régulière et que le Compagnonnage et la Franc-Maçonnerie « … peuvent revendiquer une origine traditionnelle authentique et une transmission initiatique réelle … ». C’est encourageant mais c’était en … 1932 …
Comme il se doit dans le domaine de la pensée, la thèse d’une Tradition primordiale, matrice de toutes les autres, sera contredite du vivant de Guénon qui s’en expliquera. Pour ses contradicteurs chaque époque apporte sa réflexion aux sciences traditionnelles qui se stratifient, en quelque sorte.
Toutefois, il faut sagement considérer que les approches par la psychologie, la logique ou la métaphysique - qui étudie la nature des principes premiers, sont des outils et non pas des fins en soi, tout comme les objets symboliques mis à notre disposition.

La voie ésotérique s’emprunte avec pour outils intellectuels le raisonnement et l’expérience.
Raison et rigueur sont constamment rappelées par la gestuelle rituelle ; ainsi pour réaliser la Chaîne d’union nous posons le bras droit symbole de la raison sur le bras gauche qui symbolise le cœur. De plus, nous savons que par le signe d’ordre nous manifestons notre volonté de dominer raisonnablement nos passions.
Raisonnablement et méthodiquement selon Descartes dont la philosophie aura pour préoccupation constante de ramener l'étude d'objets particuliers à quelques principes premiers. Il apportera à l’étude un doute méthodologique, scientifique et volontaire. Ce doute commence dans la solitude du Cabinet de réflexion avec une attente qui dure et qui peut amener le Néophyte à penser, dans un instant de flottement : « à quoi bon tout ça ? ». Cette question reviendra plus tard en d’autres circonstances mais avec cette fois de nombreux éléments de réponse.

Le raisonnement ne contrarie pas l’imaginaire ainsi que le processus analogique lesquelles ouvrent sur « l’intuition intellectuelle par laquelle seule s’obtient la vraie connaissance métaphysique » dira René Guénon (La crise du monde moderne – page 67).
La contemplation d’une œuvre d’art ou l’écoute d’une pièce musicale favorisent le surgissement de certaines images dans notre esprit, et perturbent nos émotions. Ce ressenti n’est pas facile à mettre en mots tellement nous sommes radicalement projetés hors de notre univers mental habituel que nous exprimons par « une vibration intérieure intense ». Même chose en Loge lorsque nous disons parfois après une Tenue que « ce soir l’égrégore était particulièrement fort ». Nous pourrions expliquer le « comment » de cette situation mais c’est le « pourquoi ça marche » qui nous interpellerait alors.
En quête de sens nous nous accrochons résolument à des points d’ancrage qui donnent du sens à notre existence comme à nos actions. Je pense au langage symbolique qui contrairement à la science qui cherche des réponses, le symbolisme lui, cherche des questions. Lesquelles n’intéressent vraiment que celui qui les découvre car je dirais qu’elles sont livrées au moyen d’un langage que seul l’initié comprend. Il ne lui est donc pas possible de restituer en l’état le fruit de ses cogitations, ce qui agace nos adversaires qui voient du secret partout.
On ne peut que crier haut et fort que la démarche symbolique est résolument individuelle tout comme son langage qui n’est compris que par notre inconscient. Il s’agit du domaine hautement sacré de notre Temple intérieur qui utilise le symbolisme pour se parler et qui parle aux autres sous forme de questions. C’est ainsi qu’au Rite Ecossais Ancien et Accepté, l’initié engagé dans la quête est invité à bâtir une spiritualité idéalisée, en explorant la notion de sacré ainsi que sa relation avec le divin. Ce qui est parfois déroutant pour notre entourage.
.·.
En forme de conclusion :
Dans ce monde crépusculaire, les initiations Maçonniques du Rite Ecossais Ancien et Accepté apportent par leur cohérence une vision lumineuse aux esprits curieux et amoureux de la Gnose.
L’initié investit le domaine étendu des diverses Traditions lesquelles traitent de Rites et de rituels, d’histoire, de symbolisme, d’alchimie, de la cabale, d’astrologie, de géométrie, de l’étude des religions.
Ce chemin initiatique monte vers des sommets que j’atteindrai peut être lorsque je franchirai le passage vers l’Orient Eternel … mais pour le moment, tout en avançant,  je ne me lasse pas de contempler la beauté des sommets.

J’ai dit, Vénérable Maître

A\ B\

Sources bibliographie :
- Livre de la Genèse : L’Echelle de Jacob – 28 : 11-19
- L’Esotérisme – Antoine Faivre, collection Que sais-j ? - PUF :
            - page 9
            - bas de page 17
- L’Evangile Esotérique de St Jean – Paul Le Cour, collection « Mystiques et Religions » - Dervy
René Guénon - né en 1886 mort en 1951 :
- Initiation et réalisation spirituelle – René Guénon. Editions Traditionnelles
- Aperçus sur l’ésotérisme Chrétien – René Guénon. Editions Traditionnelles
- Aperçus sur l’initiation – René Guénon – Editions Traditionnelles- bas de page 41 (note)
- La crise du monde moderne (Collection idées/gallimard) - page 67
- Internet : Wikipédia
- Giordano Bruno et la tradition hermétique – Frances A. Yates - Dervy
- Guénon Qui suis-je – David Gattegno. Editions Pardès - page 99
- Les Grands initiés - Edouard Shuré
Alexandra David-Néel, née le 24 octobre 1868 décédée le 8 septembre 1969
Julius Evola : La Tradition hermétique, Éditions Traditionnelles, 1983.
Jean Pic de La Mirandole - 24 février 1463 - 17 novembre 1494
Marsille Ficin - 19 octobre 1433 - 1er octobre 1499
Mircea Eliade né le 13 mars 1907 à Bucarest décédé le 22 avril 1986 à Chicago
Stanislas Deprez, Mircea Eliade. La philosophie du sacré, Paris, L’Harmattan, 1999
Georges Gurdjieff : 27 décembre 1877 - 29 octobre 1949
            Biographie par Ouspensky « Fragments d’un enseignement inconnu » - Stock

Définitions :
- Esotérisme : désigne un ensemble de mouvements et de doctrines relevant d'un enseignement caché, souvent accessible par l'intermédiaire d'une « initiation » (source Wikipédia)
- Métaphysique : réflexion philosophique qui a pour objet la connaissance rationnelle des choses
- Egrégore :
- nom masculin singulier – groupe humain doté d’une personnalité différente de celle des individus qui le forme (source Google : Revers)
- Énergie collective, née des pensées émises par plusieurs personnes, et orientée par elles vers un même but. Ce mot est une métaphore de l'inconscient collectif de Jung et de certaines assemblées ésotériques (source Google : Le garde-mots)
- Ascèse (f) (asceses) :
- discipline de vie, ensemble d’exercices physiques et moraux auxquels s’astreint une personne pour son perfectionnement spirituel


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