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On ne plaisante pas avec le Rire

La station debout peut être! Une certaine souplesse des doigts de la main dans l’exercice de la préhension? Probablement! La pensée? Vraisemblablement! La parole? Hélas! Mais le rire sûrement! Voilà l’homme!
Le premier rire entendu et provoqué, quelle affaire cela a du être!
Nous en avons un témoignage, souvenez-vous de « LA GUERRE DU FEU » de Jean Jacques Annaud, tiré du roman éponyme de J-H ROSNY ainé, Nao et ses compagnons se reposent après avoir sauvé une jeune fille des griffes d’une tribu cannibale - une pierre roule et tombe sur la tête d’un des leurs - le rire clair de la jeune femme les laisse étonnés et surpris.
Peut être la fiction, par le plus grand des hasards a rejoint la réalité, mais qu’il était beau ce rire!
Après un bond, de quelques milliers d’années, nous voici dans l’Antiquité, les philosophes d’alors mettent l’accent sur le débordement de la conduite qu’il entraîne et l’oubli des valeurs qu’on se doit de respecter.
En effet, l’opposition entre théologiens ou philosophes et scientifiques pourrait être ici sa source, Aristote indiquant que ce qui est risible est toujours honteux, laid ou vil et l’analyse plus médicale d’Hippocrate qui mesurait la bonne santé aux humeurs circulant dans le corps:
Ÿ Sang Type sanguin
Ÿ Bile noire Type mélancolique
Ÿ Bile jaune Type colérique
Ÿ Flegme Type apathique

Ainsi, celui qui est de bonne humeur est en bonne santé, celui qui rit est de bonne humeur et donc celui qui rit est en bonne santé.
La critique d’Aristote trouve son prolongement au Moyen-Age notamment au moment de la montée de l’ antagonisme religieux entre Orient et Occident.
Le rire est notre rapport immédiat à la chose comique mais ce qu’il vise à produire est d’un autre ordre: le rire peut-être aux dépens des choses sacrées.
On peut résumer en trois syllogismes:
I - Le rire chasse la peur. Or la peur c’est la crainte de Dieu. Par conséquent le rire chasse Dieu.
II - Le rire fait oublier la mort. Or la liturgie chrétienne, inspire la peur de la mort. Par conséquent, le rire fait oublier la liturgie.
III - Le comique est dérision de tout ce qui est sérieux. Or ce qu’il y a de plus sérieux, c’est l’autorité religieuse. Par conséquent, le comique se moque de l’autorité religieuse.
La religion dénonce l’illusion de la puissance du rire pour nous faire croire à la suprême illusion d’un arrière-monde!
Que gagne-t-on a perdre une illusion pour une autre?
Ah! François, humaniste, prêtre, médecin, enfant chéri des frères en humanité que nous sommes.
Ton introduction à la farce dans Gargantua « pource que le rire est le propre de l’homme » nous invite à dépasser ce stade pour nous éduquer, « mordre l’os et sucer la substantifique moelle » pour à la fin de l’ouvrage nous offrir la liberté « Fays ce que voudras »
Le rire - la connaissance - la liberté
Tu fus sûrement un bel et bon compagnon!
Les anti -philosophes, qui représentent le courant chrétien au 18ème siècle, ont bien conscience du caractère subversif du rire.
Ÿ On ne doit pas se moquer de,
Ÿ On ne doit pas rire de,

Car cela voudrait dire qu’il y a un choix possible, que l’on peut penser autre chose ou autrement. Le rire est synonyme de liberté par rapport à des dogmes, des dictatures, dont on peut se moquer, mais aussi par rapport à des situations.
Le rire est libérateur, il nous place au-dessus de notre humanité, remplie d’incertitudes, de doutes sauf par rapport à la mort.
L’homme relié par le rire est « éveillé », au sens que les orientaux donnent à ce mot et cet « éveil » le libère notamment de l’angoisse de la mort. L’homme « éveillé » sait bien que le charme de la vie, c’est qu’on n’en sort pas vivant!
Le rire est un art de vivre et l’humour un art d’exister.
Le rire ouvre une brèche dans les barrières cérébrales il écarte les nuages sombres des pensées moroses et dévoile un instant une éclatante lumière.
Alors, Rabelais, passerelle initiatique entre le rire et l’enlèvement du bandeau face à l’orient accès ou passage du profane à une naissance, à l’éveil de soi et aux autres?
En langue Bambaras le mot « Yélé » signifie à la fois « rire » et « ouvrir ».
L’apprenti est tenu au silence, mais le rire ne lui est pas interdit, ainsi mon frère Daniel lors de la proposition de transformer notre secrétaire en Champollion pour déchiffrer le message du Grand Maître.

D’Après Bergson: que signifie le rire?

Qu’y-a-t-il au fond du risible?
Que trouverait-on de commun entre une grimace de pitre, un jeu de mots, un quiproquo de vaudeville, une séance de fine comédie?
Quelle distillation nous donnera l’essence etc…etc.. en clair la recette n’existe pas!
Les plus grands penseurs depuis Aristote se sont attaqués à ce petit problème, qui toujours se dérobe sous l’effort, glisse, s’échappe, se redresse, impertinent défi jeté à la spéculation philosophique.
Je vais tenter de m’essayer à l’exercice dans ce que je connais ou crois connaitre par coeur, notre devise maçonnique: Liberté - Egalité - Fraternité.
Prenons le sketch de Marc Jolivet « la caisse de tuiles » pour faire court, une caisse pleine de tuiles cassées sur le toit, une poutre, une poulie, une corde attachée à un arbre, il détache la corde, la caisse plus lourde descend, lui monte, il croise la caisse qui lui laboure le flanc, il poursuit sa course, heurte la poutre de la tête, la caisse se brise au sol et donc plus légère repart vitesse grand V dans l’autre sens, elle recroise Marc Jolivet et lui arrache le dos, lui heurte violemment le sol et…lâche la corde, la caisse descend et il la prend sur la tronche.
Jolivet le dit mieux que moi mais devant un parterre de japonais, le ressort comique tombe à plat!
Imaginez le même sketch, joué par Buster Keaton au temps du muet dans n’importe quel cinéma de la planète ou mieux au même moment partout, le sentiment de liberté que procure la joie sera le même, l’égalité de la compréhension de même ,le mime étant lui délivré des barrières de la langue, cet instant de bonheur par le rire, rapprochera, rassemblera tous les protagonistes dans un grand moment de fraternité.

Si la démonstration est un peu capillo-tractee, (tirée par les cheveux)il est indéniable qu’elle fait au moins la preuve de l’universalité du rire.

Est-on le même avant et après le rire?
Et ce point est: que la question la plus importante qui se pose au sujet du rire est celle des émotions qui le provoque.
Une des émotions en question, tous sont d’accord là-dessus est nécessairement une forme de joie ou de bonheur.
C’est le but des clowns de l’Espoir qui visitent les enfants dans les hôpitaux.
Le rire là, a une fonction sociale et humaine.
Le rire provoque des secrétions d’une hormone cérébrale favorisant les montées d’endorphine, une espèce de morphine interne, qui sous une forme d’euphorie permettrait de lutter contre la douleur.
Si le rire a un rôle social, il a forcément un rôle politique: « on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ! » s’exclamait Desproges.
Le rire ou le comique est une forme d’expression dont la liberté nous est garantie par la constitution.
Fellag à Alger, disait aux spectateurs:
« Pendant deux heures, nous allons inventer et vivre dans une petite démocratie où soufflerons la liberté, l’imaginaire, l’égalité, la tolérance, l’amour et le partage - Après nous sortirons, les choses n’auront pas changé, mais nous, nous aurons changé ».

En opposition totale, Dieudonné lui trahit le rire, il ne faut pas s’y tromper, Dieudonné fait de la politique, du rire une arme, un instrument pour enfermer et exclure.

Il ne joue pas avec la frontière pour la rendre poreuse, il fait frontière.
Le comique doit au contraire, déstabiliser les discours d’exclusive et dire: mon identité est toujours au bord de l’autre.
D’autant que tout ce qui a été crée subit la loi de l’impermanence, il faut savoir rire de soi et connaître sa propre insignifiance.
Seconde après seconde, le temps passe, et que devient le temps qui passe?
Il se fond dans l’éternité et c’est long l’éternité surtout vers la fin dixit Woody Allen.
En conclusion, il faut bien admettre que les hommes qui ne rient jamais ne sont pas des hommes sérieux. Bienheureux ceux qui savent rire de tout et surtout d’eux-mêmes. Ils n’ont pas fini de s’amuser.
Le dernier mot, reviendra à Bergson « le rire est un état de rupture dans une logique donnée, plus encore qu’une rupture une distance, une distance libératrice qui naît de l’étonnement »
L’étonnement avec le doute, ne sont-ils pas à l’origine de la philosophie?

Finalement, philosopher, c’est apprendre à rire!


J’ai dit Vénérable Maître

J\M\ T\

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