Obédience : NC Loge : NC 01/2007

"Connais-toi toi-même"
En quoi le projet maçonnique
rejoint-il l'injonction delphique ?

Sur le fronton du temple de Delphes consacré à Apollon était inscrit : « Connais-toi toi-même… », cet extrait de l’inscription complète qui est devenu l’injonction de Socrate résonne en moi comme une question de fond.

Selon Socrate, d’après Platon qui nous rapporte ses propos, le « Connais-toi toi-même » pousse à la connaissance et la maîtrise de soi en s’affranchissant des spéculations idéologiques et explications théologiques. Cette position prise au VIe siècle avant J.-C. est pour le moins audacieuse.
D’ailleurs, on ne pardonna pas à Socrate son action réformatrice. Il fut condamné par le Tribunal Démocratique d’Athènes et but le poison, la ciguë en 399 avant J.-C.

Ce que l’on peut tout de même constater, c’est que ce courant philosophique a dépassé les frontières de la Grèce antique et que l’on retrouve en Orient, à la même période, des pensées similaires (Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme).
En Occident, les grandes idées socratiques ont marqué au cours des siècles de nombreuses œuvres et ont inspiré moult doctrines.

Éloignons-nous de la pensée socratique pour revenir plus près de nous.

Intéressons-nous au lien entre le « connais-toi toi-même » et le projet maçonnique.

Rappelons tout d’abord quel est l’objectif de la Franc-Maçonnerie tel qu’il est défini par l’article premier de la Constitution :

« La Franc-Maçonnerie, institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l'étude de la morale et la pratique de la solidarité ; elle travaille à l'amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l'Humanité.
Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience.
Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l'appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique.
Elle a pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité » 

Et comme le Grand Maître le présente en préambule de la Constitution (ed. 2006) :
« La Maçonnerie est un Ordre Initiatique qui, par les travaux des Loges, s'efforce d'amener ses Membres à un perfectionnement spirituel, intellectuel et moral, dans la perspective ultime d'étendre ce progrès à l'Humanité tout entière. »

De fait, aspirer à la recherche de la vérité, au perfectionnement spirituel conduit tout naturellement à aller vers le « connais-toi toi-même ».
En effet, cela sous-entend clairement que nous ne nous connaissons pas réellement que, intrinsèquement, nous devons chercher au fond de nous-même pour trouver qui nous sommes.
Pourtant, nous pensons avoir la connaissance de notre être, de notre corps et de notre esprit, nous trompons-nous ?
Oui, bien sûr… Si nous savions, nous serions déjà des sages.

Alors, comment explorer cet univers inconnu ?
Nous devons entreprendre une recherche dans les profondeurs de notre intériorité pour trouver l’essence de notre être.
Par l’introspection, nous pouvons accéder à une certaine connaissance de notre caractère, de nos sentiments.
Mais, il me paraît difficile, juste en se regardant soi-même d’aller très loin dans cette démarche. L’aide des autres et de certains outils doit nous aider.
En cela, la pratique de la Franc-Maçonnerie est un formidable levier pour accéder cette connaissance.
Le rituel, les rites initiatiques, tout concours à nous faire entrer en nous-même et y chercher les éléments qui nous manquent et que l’on recherche lorsque l’on frappe la première fois à la porte du temple.
Lorsque sur la colonne du nord, dans le silence, on s’imprègne des symboles, des travaux, de la parole de ses frères, le travail effectué est important. Le silence est propice à une réflexion intense et intérieure. Le fait de ne pas pouvoir exprimer ses sentiments oblige à travailler sur soi pour acquérir une discipline et une méthodologie qui va nous poursuivre toute notre vie maçonnique. A ce moment, on s’interroge sur son savoir. On prend conscience de son ignorance.

Ensuite vient le temps ou, compagnon, l’échange verbal existe et permet de prendre connaissance de « l’autre ». Et quoi de plus important dans sa recherche intérieure que le regard de l’autre et la vision qu’il nous donne de nous-même. De plus, en loges, sa vision n’est pas déformée par le masque que nous portons dans la vie profane, nos métaux sont restés à la porte du temple et nous essayons de paraître et d’apparaître le plus dépouillé possible de notre apparence sociale.

Une fois Maître, comment combiner les différents éléments reçus, pris, perçus pour construire cette connaissance de soi si importante pour tenter d’apercevoir cette amélioration de nous-même. Quelle difficulté ! Nous sommes des êtres changeants et les vérités que nous avons aperçus peuvent évoluer dans le temps et avec notre maturité, notre expérience, nos convictions…

De la même façon que notre parcours maçonnique ne s’arrête jamais, notre quête de soi n’a pas de fin. Si l’on revient à Socrate, on peut dire que la quête de la sagesse est infinie.
Cette démarche philosophique est un formidable moteur pour nous faire avancer et nous aider à chercher toujours plus loin comment nous améliorer et comment améliorer l’autre.
En se connaissant mieux soi-même, on peut espérer pouvoir apporter un éclairage et une vision différente aux autres hommes.
Là encore, l’entrée en maçonnerie nous apporte les outils qui nous aident dans cette démarche.
Même si je ne sais pas toujours pourquoi et comment, je peux dire que la maçonnerie, en nous imposant rituels, symboles, travail et réflexion, nous change et, j’en témoigne, m’a changé.
Je ne prends pas la loge pour un cabinet de psychanalyste (matière dans laquelle j’avoue mon incompétence) mais la combinaison des différents éléments qui la compose participe à cette dynamique de changement.

La connaissance de soi-même n’est pas seulement une spéculation théorique, elle a des applications. Chaque homme doit se découvrir lui-même, prendre conscience de ses idées, de ses capacités pour en faire l’examen critique et voir si sa pensée est en adéquation avec son action et réciproquement.

Comme le dit notre rituel, le Franc-Maçon doit « répandre les vérités qu’il a acquises », ces vérités sont le fruit de notre enseignement maçonnique et de notre recherche intérieure.
Les enjeux de cette demande sont considérables.

À quoi sert d’être maçon seulement pour soi-même ?
Le vrai pouvoir de la Franc-Maçonnerie est de diffuser ses idées de fraternité, de tolérance et d’amélioration de l’humanité. Pour cela, elle ne doit compter que sur le travail incessant des frères dans l’accomplissement de cette tâche.
Les devoirs que nous avons acceptés lors de notre parcours maçonnique nous obligent à faire œuvre de fraternité et de solidarité. La connaissance de soi nous permet d’aller dans ce sens en nous ouvrant aux autres. En ayant la conscience de nos forces et de nos faiblesses nous pouvons utilement porter notre idéal maçonnique et tenter de rendre notre monde meilleur et nos congénères plus éclairés.
La maîtrise de soi ainsi que la connaissance profonde de nos rituels nous permet de diffuser au-dehors du temple les connaissances acquises et d’exporter nos méthodes pour enrichir le monde profane de nos idées et de notre ambition. 

Pour conclure, si Socrate déclarait « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien. », en Franc-Maçonnerie, n’avons-nous pas l’habitude de dire que nous sommes des éternels apprentis…

J’ai dit.
 
P\ D\

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