Obédience : NC Loge : NC 2014

 

La FM étanche t’elle notre soif de spiritualité

La première image qui me soit venue à l’esprit à la lecture du sujet c’est l’association soif et vins !

Peut être notre région viticole, au temps des vendanges a-t-elle conditionné ce réflexe ? La F\ M\ n’est pas une taverne où l’on se fait servir quelques boissons rafraichissantes. Ce n’est pas non plus l’endroit où l’on boit en solitaire. C’est essentiellement un lieu de partage. Partage de sa propre cave avec l’espoir du bonheur des amis. Partage aussi de ses propres choix de crus qui identifient nos gouts personnels et nous caractérisent un peu. C’est aussi l’art du vigneron qui apporte tout son soin à sa vigne, la surveille, s’alarme de ses maladies, porte l’espoir annuel de grappes généreuses pour enfin couper ses grappes, les effeuiller et les écraser au pressoir pour pouvoir en travailler les jus. Ce parallèle viticole me semble résumer le chemin du maçon.

Un maçon a-t-il toujours soif de spiritualité ?

Rien n’est moins sûr…

Nombre d’impétrants expriment lors de leur passage sous le bandeau les interrogations qui les assaillent à un moment clé de leur vie : crise professionnelle, crise de couple, sentiment de vide intérieur, besoin d’un groupe, etc…

Rarement est exprimé ce besoin de spiritualité, sinon, souvent en réaction face à une éducation religieuse dogmatique qui ne satisfait pas et qui est rejetée. Plutôt un mal être qu’un engagement enthousiaste, parfois une thérapie déguisée pour qui n’a pas le courage, ni l’envie d’une psychanalyse longue, pénible et coûteuse ; j’en ai fait personnellement l’expérience, salutaire certes mais oh combien douloureuse !

Nous perdons en route nombre de ces assoiffés.

Un conte persan les nomme « compagnons de bouteilles » ; tant que le vin est abondant ces compagnons sont fidèles ; sitôt que la manne s’assèche, ils disparaissent.

Avaient-ils soif de spiritualité ? Nous ne le sauront jamais, mais la F\ M\ ne les a pas désaltéré au point de les rendre fidèles à leur serment.

La spiritualité est partie inhérente à l’âme humaine ; sa recherche et son contact sont très exigeantes car elles montrent notre âme à nu et cette vision n’est pas toujours supportable. Mourir symboliquement n’est pas acquis lors de l’initiation ; il nous faudra mourir nombre de fois et accepter de mourir encore, jusqu’à plus soif pour qu’une étincelle de lumière nous apparaisse parfois.

Revenant à mon parallèle viticole, la méthode maçonnique nous alerte sur l’effet délétère de boire seul ; le buveur solitaire prend de risque de l'addiction et de l’alcoolisme, nombrilisant son parcours autour de ses seules sensations hédonistes qui doivent sans cesse être renouvelées pour apporter une mince satisfaction.

Mais pourquoi donc entreprendre une recherche spirituelle ?

Vous entendez souvent de la part de ceux qui ne suivent aucune tradition les réflexions suivantes :

« A quoi çà sert ? »
« Moi je vis bien sans »
« Tout cela est de l’illusion »

Effectivement la personne qui vous dit cela à un moment où elle est heureuse est-elle heureuse en permanence ?

N’a-telle pas aussi des hauts et des bas ?

Suivre une voie spirituelle permet d’éviter ce jeu de montagnes russes et de pacifier son esprit. Une pratique régulière, quelle que soit la voie choisie, entraîne non pas la disparition des émotions positives ou négatives, mais un rapport plus juste avec celles-ci. C’est la mise en œuvre d’une alchimie intérieure qui permet de les utiliser et de les transformer à son avantage. Celui qui s’appuie sur l’humain reste humain. Celui qui s’appuie sur le spirituel accède à la dimension supérieure de l’être.

La grande difficulté étant de s’affranchir du matériel ; quitter ses métaux à la porte du temple, dans un premier temps, mais ne pas les reprendre tous à la sortie, tel est notre challenge, sans cesse renouvelé.

Savons-nous ce que nous cherchons ?

Savoir ce que l’on veut dans sa vie courante ou dans sa vie intérieure est le préalable à une véritable évolution.

A la question pourquoi voulez vous suivre une voie spirituelle, nous pouvons répondre pour avoir une vie meilleure ; pour me transformer intérieurement ; pour aider les autres.

Toutes de bonnes raisons, mais un peu vagues.

Il nous faut préciser nos objectifs :

- quelles qualités voulons-nous développer ?
- quels défauts voulons-nous corriger ?
- que voulons-nous changer dans les différents aspects de notre vie ?

Et le constat est rapide, nous ne pouvons changer initialement que de petites choses ! Car il faut déjà déblayer le terrain fort encombré de nos idées, de notre éducation, de lectures mal comprises, etc…

Si le contact direct avec notre être intérieur ou notre âme était aisé, tous les professionnels du psy…quelque chose seraient chômeurs demain !

Tous les écrivains des profondeurs de l’homme n’auraient plus de lecteurs ; tous les prêtres de quelqu’église qui soit n’aurait plus d’ouailles. Il est fort à parier que la Franc Maçonnerie s’éteindrait aussi.

Tout ceci n’étant qu’utopie, puisque peu d’hommes prennent le pari de se risquer dans cette aventure ; le miroir de l’initiation nous rappelle bien que notre ennemi n’est pas qu’extérieur à nous, mais partiellement en nous !

Nous avons donc une idée confuse que cette spiritualité à faire émerger soir gage d’harmonie intérieure et secondairement de bonheur relationnel.

Je fais un parallèle entre cette félicitée recherchée et la plénitude qu’apporte l’épanouissement sexuel dans une relation amoureuse.

L’acceptation de la nudité des corps, le désir du bonheur de l’autre et le point d’orgue de ces instants qui nous laissent anéantis et totalement sereins, me semblent pouvoir illustrer l’émergence de notre être complètement dépouillé du carcan matériel.

Il s’agit là d’amour, bien sûr et pas de gymnastique génitale !

Nous avons cependant besoin d’une partenaire, pour, à deux, retrouver un instant d’unité. J’ai écris une partenaire, car je reste de façon obstinée hétérosexuel, mais le problème n’est pas là.

Pouvons-nous seuls retrouver de tels instants ?

Petite histoire personnelle :

Un jour, je suis convoqué à Libourne pour faire mes classes d’officier de santé de l’armée de l’air.

Le train me conduit très tôt sur place et je déambule dans cette ville inconnue.

Les bistrots ne m’attirant pas, j’entre dans une église faiblement éclairée.

Curieux d’architecture et de vitraux, je fais en silence un tour de cet édifice.

N’étant pas croyant, je m’assois cependant et me laisse prendre par l’atmosphère du lieu pendant une demi-heure. Je suis ressorti très serein de ce tête à tête avec moi-même, loin de l’agitation du monde et je m’en souviens parfaitement 40 ans plus tard.

La spiritualité se désire, se mérite, doit être séduite avec amour. Notre pierre brute, constitutive de notre matière et nous-mêmes acteurs de sa transformation, illustre parfaitement le souci de tendresse et d’attention que nous devons porter à cette recherche.

Un jésuite de mes amis nous rappelait qu’amour, en italien se dit « te volio bene » ; je te veux du bien !

Il ajoutait, au sujet du couple : « Après s’être cherché, s’être enlacés, s’être embrassée, s’être enfoncé l’un dans l’autre, l’amour parfois survient ! ».

Je crois que ces paroles s’appliquent aussi à notre recherche de spiritualité.

Comment choisir une voie ?

Ce n’est pas le choix qui manque, mais plutôt le vrai désir de se remettre en question et de faire des efforts. Quelle que soit la voie, ce n’est pas en restant isolé, en lisant des livres ou en acquiesçant intellectuellement que nous nous transformerons.

La solution est d’expérimenter !

Voyager dans sa propre ville est souvent suffisant ; l’attrait de l’exotisme n’est parfois que de l’illusion.

Alors pourquoi ne pas chercher d’abord dans sa propre tradition ?

Se sentir immédiatement à l’aise dans une voie, accueilli sincèrement par ceux qui la représentent, heureux dans sa pratique et surtout encore enthousiaste dans la durée, il est probable que cette voie soit la bonne pour vous.

Faut-il d’abord choisir la tradition ou le maître ?

Les candidatures spontanées en F\ M\ sont rares ; elles sont le plus souvent le résultat de rencontre, d’admiration, de justesse de ton et d’harmonie entre actes et paroles. Accorder sa confiance à quelqu’un n’est pas sans risque. Affinités, respect, cohérence sont les atouts de l’engagement.

Je profite de ce chapitre pour m’étonner de la « pudeur offusquée » que manifestent parfois des maîtres quand un apprenti ou compagnon ou maître expose dans une planche des notions qui ne sont pas enseignées à son grade !

Si la maçonnerie n’était qu’un parcours notionnel, tout homme trouverait aisément en bibliothèque ou sur internet les fameux secrets qui alimentent le fantasme collectif entretenu sur les maçons.

Or, comme je l’ai dit plus avant, il n’y a que l’expérimentation qui permette d’entrevoir ces secrets. Lire le catalogue de la foire aux vins ne fait pas de nous un œnologue averti.

Comment savoir si on a à faire avec une tradition authentique ?

La Franc maçonnerie cultive la tolérance vis-à-vis des autres traditions. L’intolérance serait tout ce qu’il y a de plus anti-spirituel !

Un cheminement intérieur devant se faire dans l’ouverture et l’acceptation de la différence. Cette différence n’étant pas un obstacle, mais une richesse, car la diversité des approches correspond à la variété des types humains et des caractères.

Elle évite le sectarisme. De plus la connaissance des autres entraîne souvent une meilleure compréhension de soi-même.

La franc maçonnerie, pour traditionnelle qu’elle soit propose à ses adeptes une méthode de cheminement personnelle au sein d’un groupe. Elle n’a pas pour vocation d’étancher quelle que soif que ce soit bien au contraire, je dirais qu’elle attise notre soif et ne nous laisse pas en paix tant que notre vigne reste en friches ou que nos assemblages ne sont pas harmonieux.

Elle balise un chemin par ses rituels, ses références à la Tradition, donne les outils au cherchant pour qu’il ne s’égare pas en route.

Un frère est venu récemment dîner chez moi ; il m’a offert un superbe livre sur le chemin de Compostelle qu’il a lui-même parcouru. Sa lecture fût édifiante sur les avatars du parcours courageux entrepris.

Si le but matériel, une fois atteint est un bonheur pour le pèlerin c’est surtout la richesse des rencontres, les épreuves surmontées, la victoire sur soi-même qui sont abondamment décrites. Le cheminement spirituel n’est pas une course de vitesse, mais une épreuve de fond ; nous n’avons pas à être plus « ceci » ou moins « cela » que notre voisin, nous avons à devenir nous-mêmes.

Un saint disait un jour :

« Dans la recherche spirituelle Dieu ne regardera pas le temps passé, mais l’intensité de votre engagement ».

Que la Franc Maçonnerie nous vienne en aide... Levons nos verres et désaltérons-nous mes F\.

J’ai dit.

G\ D\

Résumé :
Notre frère fait un rapprochement entre soif et vins ; la F\ M\ n’est pas une taverne où l’on sert des boissons rafraichissantes, c’est tout l’art du vigneron qui se soucie de sa vigne toute l’année et ne peut partager avec des convives qu’après de nombreux efforts.
Il se pose ensuite plusieurs questions :
Un maçon a-t’il toujours soif de spiritualité ?
Pourquoi entreprendre une recherche spirituelle ?
Savons-nous ce que nous cherchons ?
Savons-nous si c’est la bonne voie ?
Faut-il choisir la tradition ou le maître ?
Comment savoir si cette voie est une tradition authentique ?
Il conclue que la F\ M\ n’étanche aucune soif, mais qu’elle l’attise plutôt ; elle balise un chemin par ses rituels, ses références à la Tradition, donne les outils pour ne pas s’égarer en route, fait découvrir les hommes et se découvrir le maçon.

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