Obédience : NC Loge : NC 2005



Spiritualité solsticiale :
Le précurseur et l’apôtre dans une Loge de Saint Jean

Introduction : le REAA lié à l’espace et au temps

Nous avons quitté l’été, l’automne est déjà derrière nous. La nuit de l’hiver va commencer. La terre suit son parcours céleste et sur son orbite elle tourne. La quantité de lumière qui suit le parcours de la planète que nous habitons résulte de ces positions qui vont diviser l’année en quatre saisons où alternent solstices et équinoxes, en parfaite symétrie. L’ordre du monde terrestre est inscrit dans un ordre planétaire qui obéit à des lois immuables. Le temps est cyclique et fluide, et impose à nos sens la finitude de nos vies. Le Christianisme, comme nombre de religions, naît dans un univers qui a marqué les hommes : c’est l’univers de l’espace et du temps, de l’éphémère et du durable, de l’incompréhensible. L’espace offert à nos yeux d’hommes, avec ou sans télescope, est analysé par la pensée humaine, quelle que soit la spiritualité.

Le monde était un chaos matriciel. L’explosion originelle a donné l’impulsion à un mouvement d’expansion infinie, et à des théories scientifiques qui sont encore l’objet des travaux des astrophysiciens. L’immensité des espaces, des masses mises en jeu dans l’univers, se retrouve paradoxalement dans la matière accessible à nos yeux, où qu’elle soit. La physique des particules et celles des planètes est pleine de similitudes, comme si les lois de l’univers s’appliquaient à l’infiniment petit et à l’infiniment grand.

La Franc-maçonnerie est née dans un monde chrétien. La Bible devient l’une des sources privilégiée de ses références. Ce n’est pas un choix philosophique mais un phénomène culturel naturel : on ne sait saisir, dans la culture, que ce que l’on connaît de mieux. La spiritualité universaliste du Rite Ecossais Ancien et Accepté va s’épanouir à partir d’un socle de références, le volume de la Loi sacrée, sans enfermer le Franc Maçon dans une culture piétiste. La racine historique officielle est celle des Constitutions d’Anderson et du Convent de Lausanne. Nous admettons le motto officiel du rite, « ordo ab chao » qui présuppose un désordre originel, la « soupe explosive de l’expansion » ou les chapitres de « La Genèse » de l’ancien testament, ainsi qu’un ordre de la nature voulu et ordonné par le GADLU.

Jean le Baptiste et Jean l’Evangéliste

Jean le Baptiste

Je voudrai découvrir ce soir avec vous la fonction de Jean le Baptiste et de Jean l’Evangéliste dans nos loges. Je reviendrai en temps utile à Jean le Baptiste très peu connu, mais qui s’est manifesté comme le « Précurseur » du fait qu’il annonce la venue du messie. Ces deux êtres extraordinaires pour la spiritualité s’inscrivent dans l’espace et le temps.

Nombre d’entre nous ignorent que le Christianisme a 4 fêtes classiques historiques (les fêtes des « quartiers » de l’année) qui ont lieu au moment des équinoxes et des solstices. Elles marquent les nouvelles saisons. Le paganisme, associé aux grands cycles de la nature, a été intégré progressivement avec la socialisation orientale et occidentale du dogme chrétien.

Revenons à l’été passé : l’hymne du bréviaire de la Saint Jean d’été (24 juin) Ut Queant Laxis est chanté ou récité pendant la cérémonie autour du feu, symbole de la lumière, à la fois chaleur qui nous pénètre, et clarté spirituelle qui nous habite. Cet hymne va donner naissance aux notes de musique occidentales. Ces notes sont les entêtes de chaque vers de l’hymne sachant que Ut deviendra Do :

Ut Queant laxis
Resonare fibris
Mira gestrum
Famuli tuorum
Solve polluto
La bii reatum, Sanc
Te Ioannes

Pour que tes serviteurs puissent faire résonner le miracle de tes actions avec (les vastes cordes mais on interprète par) les harpes des anges. Pour le pêcheur délivre-le des fautes sur ces lèvres.

Pendant le chant de l’hymne la procession se fait autour du feu, dextrorsum. Le jour est le plus long de l’année et rappelle le souvenir du « Précurseur » né de Zacharie et d’Elisabeth. Nous savons qu’Elisabeth est stérile et pourtant par la volonté de Dieu, naîtra Jean le Baptiste, Yahia pour les musulmans (de la racine hébraïque Iohanan). Il vient au monde pour purifier les êtres et c’est au cours des baptêmes dans les eaux du Jourdain, qu’il reconnaîtra en Jésus (Aïssa pour les musulmans) l’envoyé de Dieu. Il percevra le premier la mission prophétique de Jésus et son rôle pour l’humanité.

L’heure de la lumière est celle de l’été. C’est aussi celle de l’espérance d’une voie nouvelle, d’un nouveau lien vis-à-vis du Créateur. C’est la source d’un mystère infini remarqué dans le Coran par la désignation des versets qui témoignent de Jean le Baptiste avec en entête 4 lettres mystérieuses.

Nous reverrons ensemble plus avant la symbolique de Jean le Baptiste en temps utile à l’approche de l’été. Pensons ce soir à Jean l’Evangéliste plus particulièrement.

Jean l’Evangéliste

Faisons connaissance avec l’évangile de Jean et surtout le prologue qui est le support traditionnel de nos travaux, à la source du nom de Loge de Saint Jean. L’étude de l’évangile de Jean et de son prologue est celle d’un symbolisme mythique. Elle est pour le chrétien celle de la source du dogme de l’incarnation et de la Trinité. Si on retient une exégèse symbolique le prologue de Jean est purement la source du mythe de l’incarnation. Comme vous vous en doutez je choisirai le point de vue non chrétien qui m’est plus accessible.

Le Dieu-Père c’est le mystère de nos origines, un mystère total, une perpétuelle question qui demeure en suspens. Le Verbe symbolise la manifestation, l’expression du Grand Architecte. Le Fils est l’espoir d’une évolution. C’est l’espérance radicale, la vertu éthique par essence. Le Saint Esprit, élément fondamental de la Trinité chrétienne n’est jamais cité dans le prologue de Jean. La Trinité symbolique non chrétienne associe Père, Verbe et Fils.

La confusion crypto-religieuse maçonnique provient souvent de l’absence de clivage net entre ce qui ressort du dogme chrétien et l’exégèse symbolique détachée du dogme. Ma réflexion vise seulement à reconnaître qu’un frère chrétien peut porter en lui, même sans le vouloir, la résonance, la vibration, l’éveil aux valeurs du christianisme et à sa spiritualité. Mais la Franc-maçonnerie n’est pas une religion. Elle permet justement une lecture purement symbolique des Evangiles sans nier leur portée religieuse pour le Chrétien.

Au Rite Ecossais Ancien et Accepté les versets 1 et 2 sont importants : ils sont la base d’une logique fondatrice de la notion de Grand Architecte. Le terme « Verbe » provient du latin « verbum » traduit par « logos » en grec. Le « Verbe » est la « parole » de Dieu : ce n’est pas l’articulation de sons mais l’expression de la divinité. La parole au sens commun ferait de Dieu un humain : or Dieu n’est pas homme. Le « Verbe » est une manifestation : celle de l’existence et de la volonté divine. C’est au plan symbolique l’acceptation que l’univers ne peut être créé sans cause, sans un ordre préétabli, et qu’il ne peut être créé à partir d’une cause connue ou accessible à la connaissance. En bref il n’y a pas de création ex-nihilo (à partir de rien). Le rite retrouve son motto : ordo ab chao. Le chaos est le préalable indispensable à la création. Le « Logos » est un mystère : c’est l’intention et l’expression du divin.

L’univers existe : cette création du Grand Architecte est intimement liée à une organisation cohérente. L’existence implique l’ordre d’une Loi fondatrice. C’est la reconnaissance de cette loi par l’homme, qui lui assure la confiance dans une possibilité de vie inscrite dans la finitude, l’éphémère. Cette loi, parce qu’elle organise, règle, conduit l’univers, permet d’espérer la compréhension des phénomènes et ouvre le champ de la rationalité scientifique. Elle est aussi la clef de la pensée mythique et de la spiritualité. Ceci permet au rite de la sacraliser. Nous parlons alors du volume de la Loi Sacrée et le prologue de Jean est l’essentiel de cette loi.

Conclusion

Le but de ce travail est d’inscrire le prologue de Jean au centre de nos travaux. C’est la source de la spiritualité maçonnique. L’hiver nous impose la nuit : celle du doute qui aide à avancer, celle de la fin des certitudes, celle des questions. Notre repas solsticial est celui d’un groupe d’hommes en quête de spiritualité, en interrogation. Il est un lien autour de la recherche de la lumière qui éclatera au seuil de l’été. Nous aurons alors l’opportunité de parler de Jean le Baptiste.

Que ce repas soit l’occasion de souhaiter à chacun de nous de bonnes fêtes de fin d’année.

V\ M\ et vous tous mes F\ j’ai dit.

M\ B\ H\


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