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La spiritualité du R\E\A\A\

Souvent, lorsqu’il nous faut traiter un sujet du général au particulier, du principe à l’application, ou du processus au résultat, il est important de ne pas privilégier, à priori, l’outil par rapport à l’ouvrage, ou le contraire, mais bien plutôt de considérer, pour chacun des deux niveaux, ce qui doit rester finalement dans l’esprit de chacun. Ceci nous conduit à spéculer, à « oser aller plus loin », particulièrement sur le plan de l’Ordre Maçonnique.

C’est dans cet esprit, faisant succéder l’analyse, puis la synthèse, que j’ai traité ce sujet, suivant un plan composé essentiellement de questions auxquelles nous tenterons de répondre. L’initiation est au cœur même de la démarche Maçonnique, elle en est la raison d’être. Pour un Maçon, en parler devrait donc être facile et pourtant ce n’est pas le cas. Il s’agit, ni plus ni moins, que d’exprimer l’indicible.

Le premier homme qui, au milieu de la horde primitive, a levé vers le ciel un regard à la fois effrayé et émerveillé, cet Homme notre ancêtre, si proche et si lointain, si semblable et si différent, cet homme a-t-il eu l’intuition de la transcendance ?

A-t-il compris, à cet instant, le merveilleux pouvoir qui était le sien, pouvoir de dépasser sa condition d’homme pour s’élever vers la lumière ? Nous ne le saurons jamais !

Qu’importe ! Puisque nous pouvons rêver et que notre rêve prend naissance dans les yeux de celui qui le premier a regardé la voûte étoilée. Celui qui le premier, par la suite, a compris que sa condition humaine pouvait être sublimée, celui qui a su que la force pour accomplir ce dépassement était en lui, celui qui a désiré trouver cette force au plus profond de son âme ou de son cœur, celui qui a souhaité transmettre la lumière.

Dans cette prise de conscience de l’existence de sa nature lumineuse et dans son besoin irrépressible de la réaliser, l’Homme puise depuis des millénaires l’envie mais, aussi et par-dessus tout, la force et le courage d’entreprendre cette longue et difficile marche à l’étoile que nous appelons initiation.

Ainsi, depuis l’aube du monde, la flamme ardente ne s’est jamais éteinte dans le cœur de quelques-uns et s’est transmise pour continuer à les éclairer au point que les autres les reconnaissent et disent parfois, parlant d’eux : « ce sont des initiés ».

L’initiation est une des données fondamentales de l’équation humaine et l’Homme ne peut s’accomplir que dans et par elle, mais en disant cela, ce n’est pas pour autant que nous aurons compris en quoi elle consiste dans sa réalité objective et qu’elle est sa place dans la vie des hommes. S’agissant du vécu de chacun, il ne peut être évoqué que la réalité subjective de l’initiation.

Par initiation nous entendons : « toute ascèse qui tend à transformer l’Homme pour lui faire prendre conscience de sa réalité objective par l’accès à son moi profond ».

René Guénon - Aperçus sur l’initiation

« L’initiation est une seconde naissance, parce qu’elle ouvre l’être à un monde autre que celui où s’exerce l’activité de sa modalité corporelle. L’initiation est une régénération parce qu’elle rétablie cet être dans ses prérogatives qui étaient naturelles et normales au premier siècle de l’humanité. Elle doit le conduire à la restauration en lui de « l’état primordial » qui est la plénitude et la perfection de l’individualité humaine, résidant au point unique et central d’où l’être pourra ensuite s’élever aux états supérieurs ».

La grande difficulté lorsque l’on aborde l’initiation tient au fait que des sens très différents recouvrent ce terme. Tour à tour cérémonie, accomplissement dans la durée et résultat de cet accomplissement, il est aussi et le plus souvent, les trois en même temps.

L’initiation est un phénomène vécu, en constante évolution, elle est la vie même et pour cette raison, il peut paraître illusoire de vouloir l’enfermer dans une étude qui ne sera jamais qu’une réflexion.

Gardons présente à l’esprit la remarque qui vient d’être faite, remarque qui fixe les limites « humaines » de notre capacité de réflexion mais ne supprime pour autant ni sa nécessité ni son importance. Tentons de comprendre ce que recouvre ce concept. Il convient de préciser, pour lever toute ambiguïté et en préliminaire a toute autre réflexion, que la démarche que nous souhaitons mener, est une étude critique de l’initiation dans son mécanisme, ses enchaînements et dans sa réalité objective.

  • Quelle est la nature de ce qui différencie l’honnête homme de celui que l’on qualifie « d’initié » ?
  • Quel cheminement ce dernier a-t-il parcouru pour acquérir ce plus qui fait sa spécificité ?
  • Que recouvre le phénomène que nous appelons initiation ?

Les traditions de l’Homme sont toutes issues d’une seule et même tradition primordiale. Un tronc commun, dont l’origine se perd à l’aube du monde et dont le contenu, l’essence même, n’a pas varié fondamentalement et nous est parvenu intact.

« L’Homme n’est pas un animal comme les autres, il est porteur au plus profond de lui d’une parcelle de lumière, un supplément d’âme ».

De cette intuition première va naître chez certains, le désir (ou la nécessité) de retrouver cette lumière. Ce désir qui donnera naissance au second postulat sur lequel repose l’initiation : « le pouvoir que l’Homme possède d’entreprendre et de réussir dans la quête de sa lumière intérieure ».

Il est fils de Dieu et à ce titre il peut et doit postuler à réintégrer sa nature divine. Il est perfectible.

Nous maçons, avons cette intime conviction. Notre tradition nous le répète et notre démarche est de retrouver et rétablir dans ses droits et privilèges cette parcelle de lumière enfouie, occultées par les scories de la manifestation. Entre ce que nous ressentons dans le cœur et l’esprit et notre état d’initier, entre la prise de conscience et la réalisation, il y a une démarche longue et complexe, un enchaînement de comportements et de réflexions qui constituent un véritable protocole.

L’initiation seule ne suffit pas pour transformer un Homme en initié, c'est-à-dire en un être lucide, capable de se situer (trouver et occuper sa place) dans l’univers et de peser sur sa destinée et sur celle des autres hommes. A travers ce processus de transformation (transmutation ?) de l’Homme « ordinaire », que l’on appelle parfois le vieil Homme en un autre Homme, il s’agit bien (stricto sens us) d’un acte de création.

Création oui, mais avec les seuls matériaux qui constituaient l’Homme ancien. Il n’y a aucun apport, aucun rajout extérieur, tout est là, en nous, dès le départ. Les Hommes naissent tous potentiellement « initiables ». C’est par la vertu de sa seule volonté et de son travail que l’initié devient autre.

Il est le même pourtant, la différence, entre le vieil Homme et le nouveau, est infinie dans « la prise de conscience », en donnant ici au verbe « prendre » le sens d’entrer en possession. Il prend possession de lui-même et, en même temps il entre en conscience de lui-même, de ce qu’il est et de sa place dans l’univers.

« Connais-toi toi- même »

Pouvons-nous pour autant réduire l’initiation, à l’acquisition d’un savoir, d’une sagesse faîte de réflexion et d’expérience ?

La vie, l’éducation et en quelque sorte, toute accumulation de savoir et de connaissances, nées de l’étude, de la réflexion et de l’expérience, ne sont-elles pas dans une certaine mesure, initiation ?

L’affirmer serait une vision aussi superficielle que partielle, l’initiation est beaucoup plus, infiniment plus, parce que la conscience à laquelle l’initié tente de parvenir n’est pas seulement un savoir vivre enrichit d’une morale, elle est intégration à l’univers et à l’univers, dans sa globalité.

Cette dimension métaphysique la définit et la situe dans une démarche profondément spirituelle. Elle est, au sens le plus profond et le plus noble, une œuvre qui dépasse largement le domaine du mental et de l’intellect pour nous mener au sacré.

C’est une œuvre chaque jour original, éternellement identique où il ne s’agit pas d’apprendre à lire, objectif parfaitement respectable en soi mais qui ne serait qu’une forme d’acceptation, d’adaptation, une soumission à la vie, au mieux un pis allé. Il s’agit au contraire de désapprendre pour réapprendre, démolir pour reconstruire, donner naissance à un Homme nouveau qui ne subira pas mais dominera sa vie et la vie, pèsera sur elle au point de la transformer à son image (image qu’il porte en lui, qui n’est peut-être qu’un reflet où qu’une illusion). Ce qui compte, c’est qu’il y ait une image, un modèle de référence.

L’initiation est un acte d’insoumission, une révolte. Elle est le fait de ceux qui n’acceptent pas un ordre des choses où la matière domine l’esprit, qui refusent l’aliénation par la matérialité. Le fait de ceux qui croient qu’il existe autre chose au-delà des apparences, au-delà du miroir, ceux qui pour cela décident de franchir la ligne. Dans ce cas, l’initiation est transgression. Cette traversée des apparences ne se fait pas spontanément, elle implique « de facto », l’abandon d’un état pour en retrouver un autre. Le vieil Homme doit mourir pour que naisse le nouveau. C’est ce que traduit l’allégorie de la mort et de la résurrection présente au cœur de toutes les aventures initiatiques, mourir pour renaître (cabinet de réflexion). Une nouvelle naissance est l’indispensable prélude à la création, sachant par ailleurs qu’il n’existe pas de création qui ne soit sous-tendue par une vision, un dessein.

L’acte de création est la mise en œuvre, à l’aide d’un outil, ce qui suppose un savoir-faire acquis pour la maîtrise de l’outil, d’un projet visant à l’identification à un modèle. C’est la mise en conformité par rapport à un référent que le créateur porte en lui. C’est l’extraction d’un archétype d’absolu, préexistant enfoui au plus profond de son être.

La création initiatique n’échappe pas à la règle, elle est visionnaire. Elle ne peut se réaliser que dans le cadre d’un projet qui en définit l’objectif et induit une procédure, un outil et la technologie qui en découle.

Le projet peut être partagé par plusieurs, mais dans tous les cas, le résultat est création individuelle, originale et unique, produit de son créateur.

Cette notion de créateur ne doit cependant générer à cet instant-là, aucune ambiguïté d’ordre mystique ou métaphysique. Elle exprime uniquement l’idée que l’initié est le seul artisan de son initiation, le seul responsable de ce qu’il devient, maître d’ouvrage et maître d’œuvres confondus. Il est seul au milieu de tous. Dans ce sens l’initiation est un tout, c'est-à-dire qu’elle est à la fois le moyen et le but. Si intervention « divine » il y a, il faut la chercher dans la nature même de l’Homme et dans son mystère.

L’initiation se caractérise et se mesure donc, par la nature et la qualité (l’ambition en même temps que l’élévation) du projet, tout autant que par la rigueur de la procédure (l’adaptation et l’efficacité de l’outil).

Cependant, si la méthode induite par le projet est à la fois procédure et outil, jamais elle ne peut suppléer à la volonté et au travail de « celui qui désir s’initier ». Ne dit-on pas dans les rituels que l’on « subit l’initiation » ?

S’initier, oui ! Les rites (le projet) nous disent pourquoi, les rituels (la méthode) nous disent comment. A partir de là, les instruments de la réalisation sont en place et pourtant rien n’est fait. L’initiation ne se produit pas par la seule vertu du projet et de la méthode. Sans la participation active et constante, sans le travail de l’initié, il n’y a pas d’initiation.

Elle est avant tout affaire intime, affaire de labeur, affaire de temps. On pourrait ainsi résumer sa nature : l’Homme est un animal doté d’une conscience qui lui est consubstantielle, du fonctionnement de celle-ci dépend son équilibre, son épanouissement et surtout sa capacité à remplir la mission qu’il s’est fixée dans sa quête vers la lumière.

Pour des raisons ignorées jusqu’à ce jour, cette conscience ne fonctionne pas (ou plus) de manière naturelle. Il est nécessaire de procéder à son animation (anima, l’âme, donner une âme). L’Homme naît inachevé, il lui appartient, et à lui seul de procéder à sa « finition ».

Cette opération peut se faire de manière solitaire par intuition ou par réflexion, avec tous les risques de tâtonnements, d’erreurs et de dysfonctionnements que cela implique. Elle peut aussi se réaliser à partir de protocoles structurés par des groupes sociaux ou « spirituels ». Le risque demeure cependant, avec en plus dans la deuxième hypothèse, la possibilité d’erreurs dans les objectifs de groupes qui peuvent être dévoyés dans leur structure comme dans leur projet.

Ce risque nécessite donc, de se placer dans la perspective d’un projet initiatique reconnu et éprouvé. Les fondamentaux du Rite Ecossais Anciens et Accepté répondent à cette demande.

L’initiation est chose grave et sérieuse, la raison d’être de l’Homme qui, sans elle, demeurerait un « animal » soumis à ses seules pulsions vitales. Elle est le garant de la pérennité de l’humain dans l’univers, une des conditions de son accomplissement. Aussi ne faut-il pas se tromper d’initiation !

Pour cela, ce projet d’accès à la conscience doit s’inscrire dans une perspective aussi bien morale que spirituelle où la procédure, outil de sa réalisation, est élaborée selon la Tradition. Cette découverte des éléments constitutifs de notre conscience et leur assemblage ne peut s’entreprendre favorablement, qu’à l’intérieur de systèmes qui ont conçu et formulé un projet dont l’Homme, dans sa dimension sacrée, en est le centre.

L’éveil de la conscience, son épanouissement, jusqu’au total rayonnement personnel, est le sens de l’initiation spirituelle. Une quête quotidienne qui rapprochera l’Homme du projet initial, du Grand Architecte de l’Univers. Un Homme dont la conscience régulera et animera la vie aussi bien matérielle que celle de l’esprit.

Pour cela, trois conditions doivent impérativement être réunies : un projet, une procédure et la volonté individuelle. Tout en sachant que l’initiation est à la fois chacun des éléments qui la constituent, ainsi que le résultat obtenu, elle est un tout indissociable.

Le projet est initiation, la procédure est initiation, le travail est initiation, le résultat est initiation.

P\ P\


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