Obédience : NC Loge : NC 13/03/2009


De la Vengeance à la Justice


Certains s’accordent historiquement à situer la création des grades d’élus dans l’écosse du 17ème 18ème siècle.

La société écossaise de cette époque fonctionne sur le mode du  clan (gaélique : clannad, famille) Un clan est une famille ou un groupe d’individus ayant des liens de parenté très forts, vivant sous la conduite d’un chef ; Les membres d’un clan portent le même nom parfois précédé du mot fils de :
A l’époque l’appartenance à un clan se signale par les couleurs particulières  par un insigne portant les armoiries, autour de cet insigne est disposé un « moto » : une devise

Vers 1740/1745 le grade d’élu apparaît à Lyon (1743) venant d’écosse.

En Angleterre en écosse  comme en France déjà à  ces époques la violence était quotidienne, et la vengeance une conduite naturelle, n’oublions pas au passage que la violence et la vengeance sont  le fondement de la vie sociale des structures claniques. (Vendetta)

Dans une France du 18ème emprunte de christianisme, violence et vengeance étaient des conduites plutôt naturelles (les églises chrétiennes ne condamnaient pas la peine capitale, elles la prononçaient confiant son exécution au bras séculier).
Eliminant de ses rituels les pratiques  violentes, morbides, sanguinaires  le rite français propose une maçonnerie qui change d’état d’esprit, et de nature.

Si  la vengeance est un thème populaire pour l’art et la culture à travers l’histoire, les exemples ne manquent  pas,  j’avoue que j’ai été très surpris de le rencontrer dans la maçonnerie.
Il faut bien s’éveiller à la connaissance !!!

Au commencement c’était les plus forts qui régnaient,  les dieux, les sociétés antiques et féodales et même contemporaines 

Interrogeons nous dans quelles mesures et pourquoi les rapports de droit constituent un dépassement sur rapports de force. L’inspiration première du droit c’est d’essayer d’établir des rapports humains sur autre chose que la force, à savoir, la vengeance.

Dans un rapport de droit, je sais à quoi m’attendre de la part d’autrui, et de son côté, autrui sait à quoi s’attendre de ma part.
Le rapport humain devient prévisible, il y a des règles du jeu, tandis que dans le rapport de force tout est imprévisible, tous les coups sont permis.

L’homme, que la tradition philosophique et religieuse occidentale définit comme un « animal rationnel » est par nature un être doué de raison : cette faculté dont il dispose et que nous nommons raison lui permet effectivement de se distinguer des animaux chez qui il est parfois possible de reconnaître une certaine intelligence, mais non la raison.

Supposé  inné dans la conscience humaine : il y aurait en chaque être humain un « sens de la justice » qui le rendrait apte à évaluer et juger les décisions et les actions, pour lui-même et pour autrui.

Alors quelles sont  les raisons précises qui poussent les hommes à renoncer à l’exercice de la raison ?

La raison nous distingue des bêtes qui elles n’en ont pas un peu mais au contraire « en ont point du tout » comme l’affirme Descartes (dans la cinquième partie du Discours de la Méthode)

La raison est le « propre » de l’homme : la raison humaine appartient en effet à l’homme, non pas seulement à tous les hommes, mais à tout homme possible.

Commune à tous les hommes, il convient donc de considérer la raison humaine comme une structure stable, solide qui peut être perçue comme la puissance de vérité en l’homme, une faculté de l’esprit humain qui garantit que notre pensée est, ou peut être vraie.
Cette faculté de raisonner permet à l’homme de bien juger et de discerner le vrai du faux, le juste de l’injuste.

L’être humain, qualifié d’homme raisonnable tant qu’il en possède la raison, dispose de cette puissance particulière lui offrant la possibilité d’user avec discernement des représentations pour connaître les choses et les évaluer à leur juste valeur.

Les Hommes observent leur intérêt suivant leur seul instinct et sans jamais se soucier d’autrui ou de l’avenir. C’est une vision presque « animale » de l’Homme, présenté comme un être déraisonnable gouverné par ses seuls désirs et instinct. Et bien qu’elle puisse sembler exagérée, elle nous éclaire sur la nécessité des lois pour éviter que le monde ne soit constamment le théâtre de conflits d’intérêts personnels.

Pour bien faire la distinction entre justice et vengeance, il  faut nous pencher sur certains aspects de la nature humaine Pour Spinoza  « ...nulle société ne peut subsister sans [...] des lois qui modèrent et contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein. » car ce sont ces « passions sans frein » qui sont, en autres choses, à l’origine de la vengeance. 
Spinoza considère que la faiblesse humaine vient de la recherche de richesse, de plaisirs sensuels et de gloire : des biens périssables.

La loi du Talion, qui était en vigueur en Grèce antique  instituait un code qui exigeait que le coupable subisse une punition du même ordre que le tort qu'il avait commis. Ce qui rendait la vengeance personnelle légale puisqu’elle apparaissait déjà comme légitime. En effet la vengeance repose avant tout sur un principe d’honneur. On ne peut laisser une action impunie si elle salit l’honneur d’une famille. 

Les lois et la justice auraient donc pour fonction de limiter les conséquences de l’intempérance humaine.

Mais peut-on et doit-on vraiment exiger de la justice qu’elle assouvisse notre souhait de vengeance ? Est-ce bien là le rôle réel de la justice ?

Dans son Manifeste contre la peine de mort Robert Badinter écrit: la vengeance est dans la nature de l’être humain. En effet, on parle bien d’instinct de vengeance, la vengeance apparaît donc comme nécessaire à l’homme. Les familles des victimes réclament souvent la peine de mort pour venger le parent qu’elles ont perdu.

Rousseau  propose de: séparer force (vengeance) et droit (justice),  la force fera toujours des mécontents enclins à la revanche, c’est un principe inégalitaire.
Pour Alain aussi, l’idée d’une justice vengeresse n’est pas concevable ; en effet il prône « le droit par la paix » : il demande une certaine entente avant le procès, les deux partis doivent accepter le jugement quel qu’il soit, qu’il satisfasse leur intérêt ou pas, et qu’ils devront se mettre d’accord sur ces principes avant le procès ;

Bien que la vengeance soit ancrée dans la nature de l’homme et qu’elle ait certaines utilités pour certains, elle ne peut exister dans une  société évoluée elle risque de réduire cette dernière en un état de nature désorganisée où la violence régnerait.

En revanche la justice concept et principe philosophique et moral reposant sur le respect du Droit et de l’équité comme fondement de la vie sociale et de la civilisation,  punit pour montrer l’exemple et pour dissuader les autres de faire le même mal et non pas tellement pour venger les victimes.
De plus est il est concevable que l’Etat, la justice, puissent délivrer une punition dans le seul but d’une vengeance.

La vengeance est l’utilisation de la force alors que la justice est celle du droit, et le droit par la force ou la force par le droit seraient une contradiction évidente dans les termes. La justice doit faire régner la loi et donner une certaine sécurité en se servant des lois instituées et approuvées démocratiquement par tous, et non en s’abaissant à cet instinct basique et violent qu’est la force.

VENGEANCE - JUSTICE

Deux termes proches étymologiquement :
Justice vient du grec « judicare » qui signifie « faire le droit »
Et vengeance vient du grec « vindicare » ou « réclamer justice ».

Toutefois la justice est liée au droit positif, qui vise à ordonner la cité vers le Bien, alors que la vengeance est considérée comme l’expression d’un mal. Si  la Justice apparaît comme une institution, la vengeance reste une « organisation individuelle » c'est-à-dire le « droit d’un seul ou d’un petit groupe » qui s’exerce sur un seul en représailles.
 « Ma vengeance est perdue s'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue. » Il faut que cela se sache

Si le châtié ignore par qui et pourquoi il est châtié, la vengeance ne s’exerce plus.
Celle-ci tient à trois points :

Le mobile de l’action, la connaissance mutuelle d’une « faute à venger » et la connaissance de l’identité de l’auteur du châtiment lorsque celui-ci s’exerce.
En effet la vengeance prend tout son sens si la victime connaît son agresseur au moment de l’action, ceci lui permettra de déterminer le mobile de l’action, qui est lié à une action précédente. Avec la vengeance s’exerce le sentiment de culpabilité, qui justifie en quelque sorte ce désir de vengeance.

La vengeance reste avant tout une affaire de passions, une incapacité des hommes à entendre raison et à remettre à la « justice-institution » une affaire qu’ils jugent personnelle.
La raison pourrait se définir comme la capacité à contrôler les élans, les sentiments, et à soumettre nos décisions à un examen du logos, en vue de faire un choix rationnel.

Pour Nietzsche le rapport élémentaire et fondamental entre les Hommes c’est l’échange. C’est pourquoi il considère le premier cadre qui a été institué pour les échanges comme la première forme de cadre légal.  L’Homme fixe la valeur des objets, qui ne se limite pas à leur valeur d’usage.  « Toute chose à son prix, tout peut être payé »
Il apparaît donc que pour vivre en société, le plus calmement possible, puisque ceci semble être le but de la vie en communauté, il convient de trouver un autre mode de justice que la justice personnelle, ou vengeance.

D’autre part, la solution semble résider dans la mise en place d’une organisation régulant la vengeance et lui donnant un autre caractère. Ainsi le droit positif a pour but de codifier les pratiques institutionnelles de la cité. Il semble tout d’abord avoir pour objectif de corriger les relations entre les hommes, Le droit prévoit les déviances possibles et leur attribue une punition, Le droit positif apparaît comme l'ensemble des règles définissant ce qui est légal et illégal, dans une société donnée. L'institution du droit positif signale la séparation entre la puissance matérielle (capacité de faire) et le pouvoir formel (droit de faire). Nul n'est autorisé à faire tout ce qu'il aurait la capacité physique ou mentale de faire. Ceci a pour but d’éviter les phénomènes d’escalade de violence et de réguler les rapports entre les hommes.

On remarque donc que les thèmes de Justice et de Vengeance sont étroitement liés et que la Justice elle-même incarne une certaine idée de vengeance, conceptualisée certes à travers une réparation des dommages et une condamnation.

Robert Badinter, dans son discours de 1984 contre la peine la mort, affirmait qu’il ne faut pas utiliser la peine de mort comme vengeance, car la vengeance c’est refaire le même mal à celui qui nous en a causé, c’est en autre s’abaisser à son niveau.

C’est pour cela qu’il faut laisser à l’Etat le soin de punir les coupables. C’est ce que dira Max Weber : « L’Etat est la seule source de violence légitime. »

SUR QUOI FONDER LE DROIT DE PUNIR ?

Si l’humanité était naturellement bonne et respectueuse envers autrui, la  punition n’aurait  pas  lieu d’exister. En effet, depuis que l’homme a eu besoin d’autrui, il a du abandonner l’état de nature où le seul droit était celui du plus fort, pour passer à l’état social  en échangeant et partageant  une  partie de sa liberté naturelle.
Comme Salomon l’état jouit de la légitimité ses fonctions régaliennes Définissent  le droit et rendre la justice  il détient ainsi le  privilège de punir. 

Le respect de la règle qui régit la société, l’application d’une sentence punitive qui correspond à la contrepartie des dommages commis et qui reconnaît les tords causés à la victime.

Selon Hegel, on honorerait le criminel en lui infligeant une punition. On le traiterait ainsi, comme un être rationnel, et on lui attribuerait le suprême honneur, qui est de le traiter comme un être ayant le droit de bénéficier du droit. Pour Hegel, ce qui ne serait pas légitime, ce serait que le criminel ne soit pas puni. En effet punir une personne ne revient pas à la punir pour l’individu qu’elle est, mais pour l’acte qu’elle a pu commettre.

Pour Platon, il est juste de « châtier » celui qui a commis une injustice car c’est « ce qu’il y a de pire pour son âme ». Ne pas lui infliger de punition serait alors la pire des punitions puisque son âme ne pourrait se repentir. En effet il est juste de punir une personne ayant commis une injustice dès lors où c’est un homme juste qui prononcera la peine. 

De la simple réprimande  jusqu’à la sanction suprême. La punition serait ainsi dans l’absolu une forme d’éducation permettant d’empêcher toute forme de récidive.

La  punition acte légitime dès lors qu’elle est prononcée dans le but unique de sanctionner le fait du coupable et non la personne elle-même. Elle  repose ainsi  sur un fondement objectif, et non subjectif, ou arbitraire.

La justice étant collective et dépassionnée contrairement à la vengeance individuelle qui le plus souvent est le fait d’une personne ou d’un petit groupe animés de passion et de rancune

Dans toute société de droit l’application de la justice répond au respect de la règle qui régit la société et à l’application d’une sentence punitive qui correspond à la contrepartie des dommages commis et qui reconnaît les tords causés à la victime.

J’ai dit, 

Jean Michel C\

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