Obédience : NC Loge : NC 28/11/2010
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Le Franc-Maçon : un homme libre
 et un homme de devoir

Liberté et Anciennes Obligations

De cette liberté, les Anciennes Obligations, approuvées par la Grande Loge en 1722 nous livrent le cadre suivant : « Un Maçon est obligé par sa Tenure d’obéir à la loi morale et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un Athée stupide, ni un Libertin irréligieux ». Et plus loin : « … ainsi, la Franc-Maçonnerie devient le Centre d’Union … ».
Il faut préciser que ce siècle était sous l’influence de la religion et le Roi régnait de Droit divin. Personne ne pouvait imaginer une spiritualité différente de celle qui était officiellement pratiquée. Ceux qui s’y sont risqués sont morts sur le bûcher, en hérétiques apostats.
La Franc-Maçonnerie a proposé aux hommes de bonne volonté de leur permettre de se rencontrer respectueusement et librement dans un espace particulier où ils pourraient comparer leurs points de vue sans encourir les foudres du clergé. Les uns et les autres se sont longuement interrogés sur la signification de la liberté dans ce contexte.

La liberté

Dans le monde profane la liberté consiste pour certains à faire tout ce que l’on veut, tout et n’importe quoi, sans avoir à en subir les conséquences. Pour les Francs-Maçons qui ont pris pour devise « Liberté-Egalité-Fraternité » l’expression de la liberté se manifeste dans un premier temps et paradoxalement par un enfermement dans une enceinte temporairement sacralisée. Il est attendu une modification de l’état de conscience de l’individu qui ensuite à l’extérieur de la Loge pensera et surtout agira avec discernement.
Le premier pas vers la liberté consiste pour certains (a consisté pour moi en particulier) à cesser de me contenter de désespérer.

Quête spirituelle ésotérique

Je vais revenir un bref instant plus de 20 ans en arrière, lorsque venant du monde profane où je me croyais homme libre et même le revendiquais, j’ai franchi presque en rampant la Porte de la Loge et assez rapidement j’ai ressenti l’appel et le souffle d’une autre liberté au cours de la cérémonie d’initiation.

Il me fallait cette confrontation avec des hommes libres qui m’ont affirmé sans chercher à me persuader que ce qui fait de moi un individu pouvait vivre dans un autre contexte, presque sur une autre planète en quelque sorte. Ensuite, c’est très timidement que j’ai manipulé les symboles tant il est difficile d’abandonner sa vieille peau en période de mue, pour employer un langage imagé.

Pour mettre fin à mon désarroi je me suis donc réapproprié différemment ma dignité d’homme en cherchant en moi-même et dans l’enseignement du passé une Lumière qui éclairera l’obscurité de l’avenir. En ce qui me concerne il s’agissait certainement d’une étincelle plutôt que d’une lumière mais je sais maintenant que la Franc-Maçonnerie s’appuie sur l’optimisme positif du siècle des Lumières qui lui-même puise sa force aux sources de la Tradition initiatique. Laquelle Tradition nous propose la découverte (pour certains) et en tout cas l’appropriation des Lois qui régissent le Cosmos ce qui offre à chacun d’entre nous la possibilité d’aller au-delà de ce que par lui seul il se serait proposé.

Bien sûr, le Franc-Maçon devra éviter quelques écueils comme la prééminence de la raison sur l’esprit, le déterminisme biologique ou la prétention de l’homme à vouloir se changer lui-même et changer le monde par ses seules interventions. La technicité déshumanise quelque peu et le Franc-Maçon s’efforce d’éloigner de lui la tentation de suivre la voie fanatique de ceux qui se prétendent les spécialistes de la société. En clair, je parle du matérialisme et du consumérisme. Notre Constitution rappelle : « A cet effet, les Francs-Maçons travaillent à l’amélioration constante de la condition humaine, tant sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel ».
Et ce mot « spirituel » employé hors contexte religieux gêne de nombreuses personnes. Ceux qui abandonnent la gestion de leur mal de vivre à des organisations qui proposent un affranchissement théocratique dogmatisant. Nous le savons, la véritable liberté s’acquiert par l’auto détermination même si celle-ci nous révèle parfois crûment en un seul coup d’œil l’étendue de la tragique solitude de l’existence de l’Homme. Oui, nous devons prendre des risques car nous sommes vivants et libres ! A vrai dire le Rite dans sa mansuétude nous propose de larges compensations tant morales que spirituelles dont je ne ressens d’ailleurs que les premiers effets apaisants. De plus il n’est nullement requis d’abandonner ses convictions religieuses. Bien au contraire.

La Liberté et la voie initiatique
Ce mot « Liberté » m’a conduit vers les auteurs des siècles précédents qu’ils soient appelés « Grand Initié » ou non et je me suis un peu perdu dans le dédale de leurs réflexions. Je suis donc revenu dans la Loge où commence la libération progressive individuelle par le Travail puisque pour être efficient le Maçon doit vivre dans l’action.

Le Franc-Maçon dégrossit en permanence la Pierre brute, revient régulièrement dans le Cabinet de réflexion – tout cela est symbolique – et surtout il se découvre « intelligent » dans le sens psychologique du mot et ses Frères lui font l’honneur de le reconnaître Franc-Maçon. Je deviens donc responsable de cette intelligence et de son usage.
Cela me conduit à accorder de l’importance à la qualité des rapports humains car je sais que j’ai besoin de tous mes Frères pour apprendre et comprendre par eux et avec eux quelques valeurs. La première sera d’accepter de reconnaître dans chaque homme un état de bonté qui se régénère sans cesse et la deuxième est que l’homme demeure perfectible, ce qui ramène invariablement et souvent à la première considération. L’esprit de liberté nous dit que l’homme est porteur d’une ambiguïté fondamentale et que mes propres carences appellent à une compensation que je recherche chez l’Autre, autre moi-même.
Pour cela je dois tendre la main à tous les êtres humains pour former une longue chaîne fraternelle en avançant vers le Bien avec persévérance. Cette voie de recherche qui est une voie qui mène à l’Amour n’est accessible seulement si je peux m’aimer moi-même car comment travailler sur soi si l’on ne s’aime pas (on peut également utiliser la formulation : « travailler sur l’estime de soi »). Mais peut-être le but ultime est-il de faire abstraction de soi et de ne tendre qu’au don de soi ?

A partir du moment où nous ressentons la Paix intérieure nous savons que nous sommes en harmonie avec nous-même et avec l’Autre ce que nous rappellent les trois vœux prononcés lors de la fermeture de la Loge : « Que la Paix règne sur la Terre ! », « Que l’Amour règne parmi les Hommes ! », « Que la Joie soit dans les cœurs ! ».
Pour en arriver là, les Hommes faillibles à la mémoire courte, et parfois inconstants, prêtent des Serments sur le Volume de la Loi sacrée et définissent un certain nombre d’obligations appelées Devoirs.

Le Devoir

« Quels sont les devoirs d’un Franc-Maçon ? » R. « Fuir le vice et pratiquer la Vertu ». « Comment un Franc-Maçon doit-il pratiquer la Vertu ? ». R. « En préférant à toutes choses la justice et la Vérité ».
A la fin de la cérémonie d’initiation le Vénérable Maître informe le nouveau Frère « … que la Bienfaisance est l’une des Vertus dont la pratique est la plus chère aux Francs-Maçons ».
Plus loin le mot Charité est substitué au mot Bienfaisance.
Le Franc-Maçon qui fuit le vice pratique donc l’art de l’esquive tout en se soumettant à un de ses devoirs qui est pour moi d’obéir à la Loi morale au sens religieux du terme. Paul dans sa Première Epître aux Corinthiens dit que « … si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ». Il la définit ainsi : « La charité est patiente, elle est pleine de bonté, la charité n’est point envieuse, la charité ne se vante point, elle ne s’enfle point d’orgueil, elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne soupçonne point le mal, elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne périt jamais. ».
Chrétiennes ou Maçonniques les valeurs fondamentales sont les mêmes. Je suppose que les Frères pratiquants une religion ou philosophie autres pourraient citer des références analogues. On n’échappe pas aux valeurs fondamentales … ! Lesquelles sont évoquées généralement par les Néophytes dans leur testament philosophique car le Profane qui « frappe à la porte du Temple » est « de bonnes mœurs », c'est-à-dire qu’il adhère déjà aux obligations de la Loi morale sans distinctions de race, de nationalité et de croyance.

Pour ma part et pendant plusieurs décennies j’ai pratiqué une religion évangélique proche du protestantisme et les divers préceptes énoncés m’ont toujours demandé un effort même si certains d’entre eux ont heureusement été spontanés. Ma surprise en Franc-Maçonnerie a été de découvrir que le cauchemar continuait. Je plaisante ! (les Francs-Maçons sont des gens sérieux et rigoureux).
Au cours du troisième voyage les flammes qui ont enveloppé le récipiendaire se transmuent dans son
«  … cœur en un Amour ardent pour vos semblables, puisse la Charité inspirer désormais vos paroles et vos actions. N’oubliez jamais ce principe de morale sublime, connu de toutes les Nations : « ne fais pas autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fût fait à toi-même. ». Pénétrez-vous aussi du principe positif qui en découle, énoncé par la Franc-Maçonnerie : « Fais aux autres tout le bien que tu voudrais qu’ils te fissent à toi-même » reprenant les enseignements que prodiguait Confucius il y a quelques 2500 ans.
Ce qui est un devoir pour l’un devient un droit pour celui qui en reçoit le bénéfice. Autrement dit, les droits des uns sont les devoirs des autres.

Socialement, les hommes ont accomplis des progrès phénoménaux en un peu plus d’un siècle. Mais peut-être ont-ils négligé quelques données importantes ?
Aux XVIIème et XVIIIème siècles la protection sociale n’existait pas. Les Francs-Maçons ont organisé l’entraide entre les personnes. Plus tard dans le Nord minier de la France (et ailleurs aussi), par exemple, des Sociétés de Bienfaisance et des Confréries funéraires ont été créés. Elles prenaient en charge la totalité des obsèques du défunt. Les préoccupations se sont ensuite étendues aux problèmes de santé puis au bien-être de la personne en général.
Les problèmes sociaux et leur gestion étaient débattus en Loge ce qui donnait lieu à des débats passionnels et parfois fratricides. Les Maçons ont dissocié l’aspect purement Maçonnique de l’intervention profane.

De nos jours, l’action sociale connaît des difficultés liées au modèle financier sur lequel elle repose.
Je me demande, et demande, si le Devoir du Franc-Maçon n’est pas d’adapter l’héritage des anciens aux particularités contemporaines et de revenir à une approche Bienveillante et Charitable de nos semblables.
Il me semble que les obligations Maçonniques deviennent de plus en plus difficiles à intégrer pour certains Frères. L’homme a été instruit en termes de Droits mais l’éducation de l’Etre a été gravement négligée.

Les Surveillants en viendront-ils un jour à ne pas utiliser le vocabulaire Maçonnique afin de ne pas effrayer les nouveaux Frères ? Ne faudra-t-il pas parler de compassion ou de bienveillance en espérant que ces mots prennent sens dans les esprits, plutôt que d’employer le mot fort « Fraternité » perçu comme lieu de copinage et d’arrangements divers et variés ?

Pour le moment et fort heureusement la Grande Loge de France qui pratique le Rite Ecossais Ancien et Accepté a fait le choix de privilégier la recherche symbolique dans un contexte spirituel.
La connaissance de soi est valorisée pour tenter d’approcher le principe même qui est la connaissance du « soi ». Le cheminement s’effectue par petits pas qui vont de ceux de l’Apprenti à ceux du Maître avec beaucoup de discrétion. Le mot Devoir revient à chaque degré et se trouve enrichi par de nouvelles considérations. En fait, nous découvrons qu’il se décline en une multitude de devoirs.
Mon Devoir est d’être celui que je m’efforce de devenir en tant que citoyen et, modestement en tant que Franc-Maçon. J’aspire à atteindre l’unité en puisant dans les ressources léguées par les Grands anciens.
Un de mes devoirs est donc de lire, de comprendre, de librement interpréter et de méditer les écrits et Mystères sacrés qui nous sont parvenus depuis les siècles passés. Nous retrouvons le sens du Devoir contenu dans les Anciens Devoirs : chercher la Vérité, tenir sa langue en présence de profanes, vouloir la justice, aimer ses Frères et se soumettre aux Lois. Cela oblige à des attitudes et conduites précises ainsi qu’à à acquérir certaines facultés qui, si elles se sont pas « magiques », n’en demeurent pas moins intuitives. Peut-être cela conduira-t-il certains à renoncer à eux-mêmes dans ce qui est illusoire et peut être encore est-ce la porte ultime qui permet d’accéder au sacré ?

En forme de conclusion non définitive

Nous sommes libres de nous plier à certaines pratiques rituelliques, libres de faire preuve de rigueur dans notre comportement tant en Loge qu’à l’extérieur, libres de nous éloigner de nos compagnes plusieurs fois par mois, libres de suivre une certaine forme de pensée imposée par notre présence en Loge.
Libre mais par devoir. Lequel me rend responsable de moi-même et des autres par une démarche compassionnelle au sein d’un Ordre qui « a pour but le perfectionnement moral de l’Humanité ». Et je sais que « Si l’on persévère résolument dans la Vertu, la vie devient calme et paisible »
Trois repères lumineux dans le foisonnement symbolique de la Loge illuminent mon esprit :
- la Sagesse (celle de la prudence)
- la Force (celle de la conviction)
- la Beauté (celle qui orne nos pensées)
Cependant il nous faut considérer que le Devoir et la Liberté sont des conquêtes presque journalières et  souvent remise en cause.
Je précise à Diderot qui a dit « Il n’y a qu’un devoir : celui d’être heureux », que je veux rendre heureux mon entourage en accomplissant mon devoir.

J’ai dit, Vénérable Maître

A\ B\
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