GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genéve - Suisse Date : NC


La liberté, un art ou un concept ?

Introduction

Pour tout individu la notion de liberté a du sens à partir du moment où il prend conscience de son libre arbitre. Dès cet instant, il sait qu'il peut prendre des décisions seul. Mais très vite pourtant, il s'aperçoit qu'elles ne peuvent être dissociée de la Vie en général et de la sienne en particulier. L'histoire de sa liberté avec celle des autres peut alors commencer.

C'est en invoquant la liberté que l'homme a entrepris les plus grandes transformations de la société pour son bien comme pour son malheur. En effet la liberté contient en son germe une puissance d'évocation phénoménale puisqu'elle est le plus souvent comprise comme la finalité absolue d'un concept. Mais la condition humaine est enfermée dans la matière et vit sous le régime de la dualité ce qui a pour conséquence que la liberté ne peut être dissociée de la non liberté. Toutefois, elle peut être idéalisée, c'est à dire devenir conceptuelle et s'affranchir de la raison; dans cette condition elle n'existe que pour celui qui crée le concept. 

Le drame de l'humanité est que trop souvent l'idéaliste veut imposer à tous et généralement sous forme d'un dogme absolu son modèle de liberté, qui n'est, rappelons-le, qu'une vision personnelle d'une idée construite par son intelligence. L'histoire des hommes se fait malheureusement bien trop souvent par les idéologues qui emprisonnent la liberté des autres pour mieux expérimenter et vivre leurs idéaux.

Heureusement, en cette fin de vingtième siècle, la doctrine politique dominante est la démocratie qui est la moins mauvaise morale politique pour administrer une société car elle est la finalité consensuelle d'un long processus de la gestion des libertés de l'ensemble des intérêts d'une communauté. Elle est l'enfant naturel de la Déclaration des Droits de l'Homme qui inspire depuis bientôt deux cents ans tous les parlements des pays occidentaux. Elle est surtout l'aboutissement réussi de l'idéal maçonnique dans le monde profane par la mise en œuvre d'une politique des équilibres de l'ensemble des intérêts rationnels et spirituels d'une société.

Les autres doctrines politiques issues d'une idéologie ne faisant pas explicitement référence à la dite Déclaration des Droits de l'Homme bafouent, le plus souvent par la contrainte, les libertés fondamentales de la société et ne servent que l'enrichissement d'une minorité autocratique. Rappelons que dans une démocratie,  les limites de la liberté sont inscrites dans des lois votées par des parlements élus et qu'elles sont gérées par une Justice indépendante et distincte des pouvoirs législatif et exécutif.

Depuis peu, suite à l'extraordinaire rapidité de l'évolution technologique, l'homme a modifié son comportement vis à vis de la morale démocratique. Il est moins enclin à accepter les devoirs liés à la vie communautaire, car il désire associer plus étroitement la notion de liberté à celle du bonheur individuel. En fait il reconnaît implicitement qu'être privé de liberté, comme dirai M La Palice, c'est être enfermé et malheureux. Il veut donc conquérir de la liberté pour vivre une existence heureuse en oubliant qu'il est, dès sa naissance,  le prisonnier privilégié de son environnement culturel, social et physiologique et qu'il est soumis aux lois et règles qui régissent une société humaine.

Il est donc asservi tout au long de son parcours terrestre à des frontières qui sont constitutives de son existence. Dans ce contexte le ressenti de la notion de liberté est alors étroitement liée aux actes qui enrichissent tout ce qui peut aller au-delà de ces frontières.

Dans cette planche,  j'essayerai  d'aborder la notion de liberté en cherchant les interactions multiples qui la lie à la conscience humaine, lieu sacré entre tous où se croisent et s'entrelacent toutes les frontières innées et créées par l'égo.

Si vous le voulez bien, entrons maintenant dans le vif du sujet et parcourons  ensemble les chemins qui mènent à la reconnaissance de notre liberté en relation avec la conscience du Tout symbolisé par le G\ A\ D\ L\ U\

Les quatre Eléments

A l'évidence, bien que nous nous en défendons parfois, rappelons que nous sommes, de par notre condition terrestre, les obligés du Feu par la vie qui nous habite et qui initie les processus d'évolution, ainsi que ceux de la  Terre par les éléments qui nous constituent, qui sont indispensables à la continuité de la vie et qui déterminent la raison d'être, puis ceux de l'Air par les fonctions réflexives qui aident à l'obtention des processus consensuels d'ici bas et qui permettent l'abstraction de l'au-delà, et enfin  les obligés de l'Eau qui assure les fermentations indispensables de tous les cycles humains créés et induits afin qu'ils s'associent harmonieusement avec les sphères célestes.

S'affranchir de sa propre volonté  et sans aide  de ce qui est la substance élémentaire de l'existence terrestre semble être une gageure puisque nous n'existerions pas sans ces quatre éléments. Il faut donc tout d'abord les reconnaître à travers une histoire extérieure et intérieure: l'une apparente et l'autre cachée. Il s'agira, en fait de distinguer leurs significations symboliques dans les  mythes et symboles qui sont liés aux habitudes et attitudes dogmatiques de celles qui font partie d'une science profonde, cachée qui est celle des grands initiés, des prophètes et des réformateurs qui font évoluer spirituellement la société. 

Les quatre éléments sont à regarder en premier lieu dans les temples et dans toutes les communautés où la tradition est maintenue vivante dans les cœurs et dans les âmes. C'est donc par la pratique d'une démarche ésotérique que nous pourrons  comprendre les relations qui nous lient à la matière, à la Nature  mais aussi à l'Esprit .

La franc-maçonnerie est une école initiatique parfaitement adaptée à un tel processus. Elle assure à tous les hommes de bonne volonté la possibilité de transmuter les éléments fondateurs afin de  retrouver de nouveaux espaces de création.

Toute l'existence humaine est basée sur ce principe de transmutation car il permet, compte tenu des efforts accomplis, l'émergence de nouvelles valeurs qui entraînent les adeptes dans des sphères de recherche associants naturellement les fonctions initiatiques exotériques, mésotériques et ésotériques afin d'harmoniser volonté et liberté et donner du sens à l'Objectivité de la condition humaine. 

C'est à partir de la Renaissance que la symbolique des quatre éléments en association avec la notion de liberté  a véritablement disparu en tant que moteur de réflexion philosophique puisque la science a identifié la composition chimique de chacun des éléments et clarifier les interactions qui les lient au cycle de la vie. Dès cette époque la mystère a fait place à la raison ce qui a augmenté les espaces de liberté extérieure  (nous en reparlerons plus loin) et surtout isoler  l'homme des forces de la Nature et de la symbolique qui lui est associée. 

Liberté et progrès

La notion de liberté a été alors intimement couplée à celle du progrès ce qui a donné naissance à la mise en place d'une méthode scientifique qui peu à peu a imposé ses lois à l'ensemble de la planète. Toute la  symbolique des quatre éléments a donc disparu de la pensée humaine en tant que référence intérieure et existentielle. Elle est heureusement encore utilisée et transmise par la  voie initiatique au récipiendaire dans le rituel maçonnique Ecossais Ancien et Accepté (REAA). Elle n'est donc pas perdue et nous pouvons espérer que ses vertus  retrouveront  tôt ou tard force et vigueur auprès des édiles politiques afin que  renaisse cette conscience du Tout si nécessaire à l'avènement de l'ère du Verseau.

Mais que veut laisser croire le progrès scientifique, nous dirons plutôt la méthodologie du progrès. Elle enseigne que l'Homme est seul maître de son destin et qu'il a les capacités de trouver et de vivre son bonheur à l'intérieur d'une société gérée par des échanges commerciaux étroitement associés aux notions illimitées du progrès scientifiques et technologiques.  Elle affirme ensuite qu'il est illusoire de chercher autres choses ailleurs et en dehors de cette pensée sous peine d'entraver la bonne marche de l'évolution. Enfin, elle rejette l'utilisation des capacités irrationnelles humaines développées grâce à la pratique de l'intuition,  de la prémonition, de la perception extra sensorielle et de l'ésotérisme.

Dans le cadre de cette méthode, rien n'existe au-delà de l'homme et de sa capacité à conceptualiser. La limite à ne jamais franchir est celle de la raison qui certifie par l'expérimentation ce qui est juste pour la science et la méthode,  mais malheureusement bien trop souvent injuste pour la communauté des hommes. Une telle idéologie a davantage besoin d'hommes responsables, performants, pragmatiques et sans état d'âme que d'individus idéalistes et sensibles. Cela entraîne que la société privilégiera le type caractérologique "prédateur" avec toutes les conséquences qu'un tel caractère dominant peut entraîner, c'est à dire:  la primauté du combat sur le consensus et surtout le besoin viscéral de dominer et de gagner. Cette attitude a un effet pervers car elle intègre intimement dans la conscience une morale de comportement caractérisé par :  " ce que l'un gagne l'autre le perd."

L'idéologie de la compétition est maintenant en place et a supplanté l'idéal de coopération entre les hommes que l'éthique maçonnique appelle la fraternité. Il est difficile pour le franc-maçon de rester impassible devant une telle évolution, car les rituels nous apprennent que le partage des richesses et le respect de la dignité humaine sont des éléments clés quant à une évolution spirituelle.

La société libérale

Cette nouvelle société donne plus d'importance à l'expansion d'un marché économique qu'à la gestion des intérêts d'une communauté humaine.  Elle admet que chaque individu a des capacités d'adaptations phénoménales et ne prend pas en compte ni ne gère les moins performants. Pour bénéficier des plus values matérielles de cette méthode, il faut en quelque sorte ne jamais contester le bien fondé de son principe fondateur. Est-ce une nouvelle liberté ou un enchaînement de plus? La question est ouverte et chacun de vous, mes Frères, pourra y répondre selon sa conscience. Mais peut-on raisonnablement penser que le bonheur de vivre ensemble et de former une communauté dans le respect des diversités matérielles et spirituelles doivent être nécessairement associées à une course effrénée rythmée par les incessantes découvertes du génie rationnel humain.

Il semble bien qu'aujourd'hui le bonheur définit par cette méthode est  intimement lié à un état de stress dont les causes sont à rechercher  dans la concurrence commerciale, la productivité et la diminution drastique  de la durée de vie des produits manufacturés . Les conséquences sont dramatiques à la fois pour l'homme qui ne trouve plus le temps de s'intéresser à sa destinée humaine et aussi pour la terre qui ne peut plus "digérer" la quantité phénoménale de déchets apportés par la modernité. 

Ce bonheur-là est issu d'une pensée unique qui présuppose que tout doit s'adapter en permanence ou mourir.  C'est la nouvelle loi qui est proposée aux hommes d'aujourd'hui. Mais c'est aussi la loi de la survie des espèces. Est-ce à dire alors que la  méthodologie du progrès ne propose pas en finalité  l'élimination progressive des êtres non adaptés afin de créer une nouvelle race, parfaitement à même de trouver du bonheur et de la liberté dans une société homogène, épurée de tous les individus improductifs. ? Ne sommes-nous pas déjà condamnés ? Un tel raisonnement met en évidence la fragilité du processus démocratique et de l'article premier de la déclaration des droits de l'homme." Tous les hommes sont nés libres en égaux en dignité et en droits. Ils sont dotés de raison et de conscience et devraient se rencontrer dans un esprit de fraternité."

Mais poursuivons l'étude de cette méthode. En soit, l'augmentation du niveau de vie de l'ensemble de la population est évidemment une bonne stratégie Mais en fait la finalité de cette histoire n'est pas réservée aux hommes mais à la méthode, indépendamment du niveau de satisfaction des individus consommateurs; car seule la réalisation d'objectifs financiers concrets  tel celle de l'augmentation continuelle du profit et de la croissance motive les décisions entrepreneuriales qui sont spéculatives et conceptuelles,  donc partiales et discriminatoires. Elles entretiennent le multiple au détriment de la synthèse et oublient volontairement tout l'aspect culturel et social.  Dans une telle logique  l'homme désargenté qui ne peut pas faire  tourner "la mécanique" du libéralisme capitaliste est oublié et n'existe plus.

Qui, alors, s'intéressera aux plus défavorisés ! Nous pensons en premier lieu aux handicapés mentaux et physiques  ainsi qu'à tout ceux qui ne pourront jamais être dans les cinq premiers de la classe et qui par voie de fait ne trouveront pas place dans le monde du travail. Nous pensons ensuite aux personnes d'âge mur qui sont la cible des nouvelles  théories du management moderne et qui sont mangés impitoyablement par de jeunes prédateurs sans état d'âme; enfin  nous pensons aux quatre-vingt pour-cent des hommes sur cette terre qui ne pourront jamais être des entrepreneurs au sens large du terme du fait de la contraction des activités mais qui seront submergés par une publicité et des attitudes administratives culpabilisantes qui les figeront inéluctablement  dans un déterminisme réactionnaire.

La fracture de la société semble être inéluctable et favorisera le retour des castes et de la ségrégation de la société par l'argent. La déclaration des droits de l'homme deviendra obsolète comme du reste la démocratie qui montre à l'évidence ses limites dans un système où la rapidité des décisions l'emporte toujours sur l'établissement d'un  consensus qui est, rappelons-le toujours très long à formuler, car il est l'expression naturelle de la diversité des intérêts. 

Que nous sommes loin de cette liberté naturellement associée à une responsabilité sociale prônée par le Frère Condorcet pendant la révolution française !  Il voulait certainement dire qu'aucunes libertés ne peuvent être dissociées d'un processus d'évolution spirituelle, car les  nouvelles valeurs issues d'une action entrepreneuriale doivent naître du coeur de l'Homme et non pas seulement d'une logique méthodologique afin qu'elles puissent naturellement déboucher sur des actes concrets qui assurent la cohésion de la communauté humaine par la reconnaissance de la richesse des diversités ethniques et culturelles. Mais que faire quand le veau d'or trône sur la place du village ? Devons-nous l'adorer, le déifier, lui parler comme à un ami, lui demander aide et protection, développer une religion afin de transcender son pouvoir en salut ou finalement le combattre ?

Nous sommes aujourd'hui au coeur du problème et le contenu de notre liberté dépendra du choix que nous ferons.  Sera-t-il matériel et organisationnel à l'instar de toutes les actions prises aujourd'hui par nos dirigeants ou sera-t-il spirituel et au service d'une construction artistique dont la Beauté se reflétera dans toutes les volontés ?

C'est bien sûr une interrogation idéaliste, mais les chemins de la vérité sont multiples et il  faut  laisser de la place à toutes les sensibilités et mérites humains, mais conjointement,  il est nécessaire  de combattre la méchanceté et la malveillance par l'intelligence du coeur  tout en sachant se distancer lorsque les voies sont confuses et impénétrables. Ce sont les vertus du coeur et du travail qui doivent essentiellement  animer le franc-maçon d'aujourd'hui  pour affronter les discours dominants de cette fin de millénaire.

Le symbolisme comme voie libératoire

Dans d'autres travaux nous avions déjà remarquer qu'il existe un hiatus entre le progrès technique et la satisfaction de vivre harmonieusement dans une communauté humaine. Il semble que l'adaptation au progrès génère l'avènement de forces œuvrant en bas, c'est à dire plus proche de la matière que de l'esprit. Cette situation est véritablement préoccupante pour les francs-maçons travaillants à la gloire du G.'.A.'.D.'.L.'.U.'. car dans les ateliers maçonniques se développent chez les Frères un rapport intime avec leur conscience, ce qui permet la création d'espaces spirituels afin de mieux appréhender et définir  la liberté de conscience et la liberté communautaire.

La voie initiatique œuvre tout d'abord sur l'individu en lui apportant une certaine  maîtrise de la dualité puis elle l'entraîne  doucement dans la communauté  des hommes afin que les qualités révélées puissent être utile à tous. Cela se traduit en fait par un transfert d'énergie étroitement  lié à la conscience d'être.  Ce transfert génère ensuite les forces de cohésion nécessaire  à la vie communautaire. Elles se manifesteront essentiellement  par la reconnaissance fraternelle de tous les membres de la communauté   Nous percevons donc combien est importante la phrase de Socrate "  connais-toi toi-même" , car elle est à la base de cet équilibre et du transfert de l'énergie. 

Transmettre le mal est aussi facile que de transmettre le bien. Le franc-maçon doit faire la différence, c'est pourquoi il attache de l'importance à la qualité des rapports humains, car il sait que rien ne peut se vivre sans efforts parce que rien n'est acquis puisque tout est en devenir. Il a donc besoin de tous ses frères pour apprendre et comprendre toutes les facettes de la dualité  afin de s'affronter à lui-même. C'est dans ce rapport privilégié de la conquête du moi dans la conscience du collectif de la loge que se prépare le monde de demain.

Le capitalisme libéral pur et dur est une méthode qui a une logique propre qui ne s'adresse pas à la conscience des hommes. C'est un système conçu et réalisé sur les notions d'échanges et sur la gestion des profits. Pourra-t-il développer le sens communautaire tel que nous le ressentons dans une loge maçonnique et sera-t-il l'outil idéal pour l'édification du temple universel? Il est bien difficile de le savoir aujourd'hui. Mais sous sa forme actuelle, c'est à dire dans son optique de compétition marchande, il ne développe pas les forces de cohésion de la communauté humaine puisqu'il émet un jugement sur le mérite de chacun et génèrent par voie de conséquence une hiérarchie de compétence. Cette dernière n'est pas mauvaise en soi, mais ce qui pose problème c'est la concurrence des compétences associées à une optique marchande, car elle génère des fractures psychologiques néfastes et de l'exclusion.

D'autre part, en privilégiant le gain à tout prix, le capitalisme  développe le sentiment de supériorité et la notion de puissance ce qui débouche inévitablement sur des rapports humains conflictuels et des guerres.. D'ailleurs, ne dit-on pas aujourd'hui qu'il y a une guerre économique de fait entre l'Europe et les Etats Unis d'Amérique et personne ne s'en offusque. La guerre est  aujourd'hui officialisée parce que la puissance et l'idéologie de compétition a supplanté le partage et l'idéal de coopération.  Enfin, le capitalisme  ne reconnaît pas l'homme dans ses composantes culturelles et spirituelles tout au long de son parcours terrestre et ignore ses aspirations existentielles.

Nous voyons bien que la notion de liberté doit être appréhendée utilisant une approche symbolique sous peine d'entrer en conflit avec toutes les frontières conceptuelles que nous créons sans le vouloir.  Posons-nous alors  la question de savoir si nous sommes prisonnier des quatre éléments et s'il en a  toujours été ainsi? En se basant sur la méthode analytique et rationnelle nous pouvons affirmer que nous leurs sommes totalement asservis puisqu'ils sont constitutifs de notre corps. Nous sommes organisés par eux et en eux, même si nous ne le désirons pas. Notre sensation de liberté n'est perçue que lorsque nous sommes en bonne santé, mais dès qu'une maladie apparaît nous ressentons avec beaucoup d'amertume cette filiation  originelle. C'est dans ces circonstances  que nous sommes confrontés inéluctablement à l'immortalité de nos éléments et à la mort de notre liberté .

C'est en quelque sorte la faillite d'un système organisationnel complexe vis à vis de sa force de création. Cette fracture est génératrice d'agressivité et d'injustice. Comment se fait-il que des éléments aussi simples puissent nous survivre alors que l'homme qui a la conscience et l'intelligence reste mortel ?

Cette dernière interrogation  devrait générer une attitude d'humilité et de respect devant la l'extraordinaire complexité de la matière et de sa capacité d'évolution, mais malheureusement l'homme a voulu s'affranchir de cette  filiation  en manipulant les énergies au fur et à mesure de leur découverte pour son seul profit et pour son désir de puissance et de domination. En s'affranchissant des quatre éléments il a déchaîné le monde du Bas. Il doit aujourd'hui le combattre, sous peine de disparaître mais en a-t-il la volonté?

Les progrès de la science

Il n'y a heureusement pas seulement un comportement généralisé  de rejet. Des hommes de science tels Rupert Sheldrake, Terence Mckenna ou encore Ralph Araham travaillent sur l'élaboration de nouvelles relations entre la science et l'homme en essayant de comprendre les processus de la vie en terme d'évolution et non plus dans leurs relations immuables avec les lois qui régissent les comportements physiques. De cette manière la théorie des champs morphogénétique de Sheldrake restitue le savoir dans un tout organisationnel symbolique gérant les divers niveaux d'énergies à l'instar de notre rituel maçonnique qui révèle des champs d'énergie aux fur et à mesure de l'élévation spirituelle et de la conscience des initiés.

L'élargissement de la conscience n'est pas inné comme pourrait le faire croire les lois physiques qui nous régissent. Il n'apparaît que s'il existe une force exprimée par une volonté sincère d'évoluer.  C'est évidemment dans cette relation d'une volonté irrationnel et des lois prouvées par l'expérimentation que se situe  la clé d'une nouvelle façon de concevoir l'homme dans son environnement physique et donc de mieux comprendre le concept d'immortalité.

Toutes les religions et théories philosophiques tentent d'apporter des réponses ou mieux des interrogations nouvelles aux hommes de bonne volonté qui s'interrogent sur la mort. La grande difficulté dans notre monde matérialiste est que la recherche de la Connaissance nécessite l'abandon de certains principes propres à la méthode scientifique et conjointement la reconnaissance de nouvelles valeurs, sous peine d'errer en permanence dans le mode de l'intellect et de ne jamais voir les étoiles. La première valeur est l'acceptation qu'il existe dans  l'homme un état de bonté qui fonctionne comme une génératrice fournissant de l'énergie favorisant l'intuition et l'élargissement de conscience. La deuxième est que l'homme est perfectible dans toutes l'acceptation du terme et que cette perfectibilité est de nature holistique. Enfin,  il est illusoire de penser que la méthode conceptuelle analytique fournira une réponse à tout.  Elle est nécessaire mais pas suffisante.

Le grand mérite de cette nouvelle science telle que nous la propose les trois écrivains-philosophes cités plus haut est qu'elle donne enfin de l'importance à l'homme et en sa capacité à relier le visible et l'invisible à travers des niveaux énergétiques.

Le travail qui reste à faire est bien sûr immense, mais il a débuté aujourd'hui. La maçonnerie reste à cet égard une école particulière et nécessaire, car elle donne du sens aux mythes et légendes à travers une cohérence initiatique qui est la clé pour comprendre notre imagination. Aujourd'hui les notions de chaos et de créativité sont essentiels pour comprendre et vivre le processus évolutif. Rappelons qu'il n'y a pas si longtemps, le chaos engendrait une peur existentielle par la reconnaissance du néant couplé naturellement au hasard. Cette peur existe encore aujourd'hui, mais elle est plus interrogative et donc à même de se transformer dans un processus d'évolution. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons éradiquer toutes les guerres qui ne sont que la conséquence de nos peurs et qui rappelons-le n'existeraient pas si le niveau de conscience de la communauté des hommes étaient plus élevés.

L'Homme n'a pas la conscience spontanée de ce qui est bon ou mauvais, car il est emprisonné dans un réseau de valeurs où cohabitent des forces dantesques retraçant d'une manière permanente et souvent confuse son passé et son devenir confronté au présent. Cela signifie qu'il est nécessaire de clarifier la source d'où partiront les actions, car tout peut être construit dans le respect ou l'irrespect des lois qui encadrent nos comportements physiologiques et psychiques. Seule la perception d'une conscience de l'existence d'un Tout indifférencié, omniscient et omnipotent permet en fait d'approcher cette source.

Plusieurs voies permettent d'accéder à cette conscience.

Voie initiatique et dogmatique

La Franc-maçonnerie propose la démarche initiatique par l'étude de la Gnose. Le maçon tente en fait de se perfectionner en taillant constamment sa pierre brute, ce qui dans un premier temps le libère des servitudes inutiles et lui donne finalement des espaces de liberté qu'il associera harmonieusement avec les notions de responsabilité et du devoir accompli. La recherche de la Vérité passe nécessairement par la reconnaissance du couple liberté et responsabilité ce qui à première vue semble contradictoire avec la notion générale de la liberté. En fait, dans sa disposition formelle l'homme est imparfait car totalement asservis aux lois régissant son corps, mais il a conscience d'une perfectibilité grâce à son esprit. 

Il doit donc résoudre une équation dont il sait pertinemment que les solutions ne sont que transitoires et éphémères s'il ne peut pas les transcender. C'est évidemment le but de la démarche initiatique par l'étude de la Gnose qui génère un élargissement de la conscience pour effectivement apporter du sens et une cohérence à tout ce qui pourrait limiter la liberté. Evoluer n'est donc rien d'autre que retrouver une nouvelle liberté qui est issue, rappelons-le,  de la transcendance des valeurs et notions qui ont provoqué le processus d'évolution.

Tout doit être consommé, en fait tout doit être vécu afin que chaque tension, chaque fracture de la conscience puissent être le déclencheur d'un nouvel état de conscience élargit et libératoire.

Nous mesurons mieux maintenant la distance qu'il existe entre la voie initiatique et dogmatique.  Dans la première, tout est en devenir par sublimation du présent et du passé, tandis que dans la deuxième le présent est enfermé et figé à tout jamais dans une pensée qui définit  les comportements du passé et du futurs en produisant de la culpabilité. L'état d'esprit dogmatique n'est plus du tout compatible avec la notion de progrès. C'est la grande nouveauté de cette fin de millénaire. 

Mais, rappelons aussi que le processus d'évolution par la voie initiatique est paradoxal puisqu'il nécessite une fracture de la conscience dans une pensée collective. C'est donc de la juxtaposition d'une démarche individuelle et collective que naît la conscience de la communauté.  Mais l'évolution de la communauté ne pourra pas se faire sans la modernité. Il ne faut donc pas diaboliser ce qui est le résultat de notre niveau de conscience, car en fait il n'est que le produit de notre esprit. Nier notre génie c'est comme refuser la vie. Il faut au contraire constamment s'adapter.

C'est de la façon dont nous concevrons les arts de l'adaptation par l'établissement d'un véritable code de déontologie en relation avec l'éthique que naîtront nos espaces de liberté. S'adapter ou mourir sont les deux vérités de la vie communautaire. Regardons combien le petit enfant est curieux de tout et désire avant tout comprendre pour mieux s'adapter tout d'abord dans sa famille, puis plus tard dans la communauté des hommes en tant que citoyen. Regardons aussi le vieil homme qui ne veut ou ne peut plus s'adapter parce qu'il ne fait pas confiance à son génie,  parce qu'il est devenu à son insu le pur produit d'une attitude de rejet communautaire.

Nous comprenons mieux maintenant combien est essentiel la qualité du rapport individuel, car il est le premier élément d'un édifice communautaire. Il est donc essentiel à la Beauté de l'architecture finale.

Justice, objectivité et subjectivité

La notion de liberté est aussi associée au temps et aux cycles de la transformations de la matière et des idées. Elle pourrait donc servir les intérêts de cette transformation et tout particulièrement celle de l'organisation des sociétés humaines. Elle serait alors étroitement liée à la notion de justice. Ainsi dans ce contexte liberté et justice doivent cohabiter, car dans la matière règne la dualité et c'est elle qui doit être arbitrée, de même que le nombre trois arbitre les nombres un et deux.  Impossible d'échapper à cette loi, comme d'ailleurs il est impensable  de ne pas regarder le pavé mosaïque en entrant dans un temple maçonnique. La vraie question est donc de savoir si les notions de liberté et de justice sont issue de la raison raisonnante ou d'un concept subtil élaboré par notre élévation spirituelle

Une telle interrogation pose alors les notions de l'objectivité et de la subjectivité, ce qui nous amène tout naturellement à considérer les philosophies  orientales, en particulier le taoïsme, car si tout est objectivement existant dans un état absolu, notre perception du dit état crée une subjectivité une sorte de vison personnelle agissant comme un filtre et déformant la réalité objective. Notre conscience alors, serait de composer avec ce filtre afin de discerner ce que nous avons déformé par la volonté. En fait, c'est une démarche qui doit s'associer avec le karma sous peine d'aggraver ce qui est perçu par le  filtre et d'involuer.

Celle-ci se traduit par des attitudes fondamentalement personnelles le plus souvent en désaccord avec la morale dominante car le contexte des faits incriminés est atemporel. Il faut le plus souvent recréé la situation communautaire approprié à la réparation  ce qui n'est pas facile quand  l'acte répréhensible  a été commis dans un contexte politico-communautaire différend de celui de l'époque de la prise de conscience. 

Est donc objectif dans ce contexte la volonté d'effectuer un acte libératoire dans le sensible afin de réaliser son destin.  Nous voyons qu'il est difficile de parler de liberté et de justice en utilisant les définitions habituelles issues de la morale  quand le contenu de l'acte provenant de l'irrationnel crée de toute pièce un drame personnel qui devra nécessairement se jouer par la raison. La destinée humaine est la résultante d'un drame cosmique immense dont nous sommes les acteurs presque aveugles. Retrouver la Lumière c'est percevoir une partie  de ce drame.

Nous discriminons le rationnel et l'irrationnel, mais nous savons bien au plus profond de notre conscience que ce ne sont que des mots qui n'ont pas d'autres sens que celui que nous voulons bien leurs donner. En fait, ils ne sont là que pour initier un  processus d'évolution qui nous amèneront tous vers un nouvel état qui est la Bonté. Nous quitterons alors les processus dynamiques des formes pour être enfin les fils de la Lumière.

Mais sur terre, la raison juge sur les faits tandis que la Justice divine dans son sens le plus large  prend en compte l'intention et les faits et ce n'est que lorsque ces deux notions sont réunies qu'il y a alors une réalité objective d'un acte vrai et juste qui libère des espaces de conscience.  La notion de Justice divine peut dans un tel contexte être comprise en terme d'évolution et se distancer de la justice  définie par la raison raisonnante voire par  la morale. De tels actes libératoires n'apaisent en rien les interrogations primordiales, car tout est en mouvement y compris la pensée. Rien ne peut se figer sous peine de provoquer une tension encore plus forte. Rien ne peut arrêter la volonté d'évoluer, car tout est en équilibre instable parce que le repos n'est qu'une réalité acceptée par les hommes qui ne sont pas libres. Tel est le paradoxe du franc-maçon libre et de bonne mœurs.

Nous le voyons bien, il existe un déterminisme du doute implacable à laquelle l'homme s'affronte depuis la nuit des temps. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? et d'où venons-nous ? sont les trois piliers de l'Interrogation primordiale qui qualifie la Conscience. Ces tensions interrogatives sont la clé d'un processus de conscientisation qui libère  peu à peu des espaces de liberté et donne du sens à la vie et à la mort. La perception de la liberté pour le maçon est indissociable du processus initiatique qui peu à peu lui fait comprendre qu'en tout homme existe un état de Bonté qui est le fond commun de la conscience universelle. Vivre cette Bonté c'est savoir où se situe en définitive les limites de l'honnêteté d'ici Bas et de sa croyance en l'immortalité de l'âme.

Conclusion

En conclusion, la notion de liberté est évidemment perçue comme un concept puisque l'homme a une conscience et qu'il  a besoin de son intelligence pour apprendre, comprendre et vivre sa destinée humaine en acceptant qu'elle est le produit d'un drame magnifique qui lui ouvre, grâce à l'utilisation des lois de correspondance, les chemins enivrants et symbiotiques de l'invisible mais elle est aussi un art puisqu'elle est en soi le lien et le catalyseur qui assurent la mise en forme  harmonieuse de toutes les idées qui amèneront plus de justice et plus de paix sur cette terre afin que tous ensemble et ensemble pour tous nous retrouvions les chemins illuminés de la Conscience du Tout symbolisé par le G\ A\ D\ L\ U\

André M\   Frère de la loge Fidélité et Prudence à l’Orient de Genève


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