GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genéve - Suisse 06/1990


La Liberté

Vivre noblement
Clé de voûte de l'Ordre et du Maçon accompli
 

La liberté qui, pour le monde, est synonyme d’abus, d’égoïsme, qu'on accuse d’être la cause des trahisons, des révoltes et des hérésies, l’éternel danger, est pour le sage la principale nécessité, la condition de l’avancement et du bonheur, la dignité et la plus grande gloire de  l'homme; ce qui le distingue des autres créatures et le fait l’égal de Dieu.

Sans la liberté, tout, dans la vie, devient charge et entrave; nos relations avec le Créateur en sont une forme; nos relations avec nos semblables, un joug que l’on subit plus ou moins patiemment, une chaîne que l’on traîne plus ou moins longtemps, jusqu’à réduire les facultés les plus admirables, les élans les plus audacieux au rang de simples vertus domestiques.

Sans la liberté la vie commune devient l’abus du plus fort, le droit de l’égoïsme, l’esclavage qui avilit, alors qu’elle ne devrait être qu’une libre association pour le bien mutuel.

Par la liberté nous apprenons et à nous connaître et à comprendre ce que le Créateur veut, à saisir les besoins et à reconnaître les droits des êtres dont nous partageons la vie, ces besoins et ces droits fussent-ils contraires à nos intérêts.

Prétendre suffire à la longue au bonheur d’un autre, c’est se faire illusion; parce que je ne puis lui donner qu’un peu, ai-je le droit d’exiger qu’il se contente de peu et qu’il réduise son développement à la modeste mesure de mes dons ?

Prive les autres, pour avoir, toi, davantage, nous dit l’égoïsme. Ne conteste pas aux autres le droit de prendre ailleurs ce que tu n’as pu leur donner, nous dit la sagesse; et si ta petite flamme n’éclaire pas tout leur horizon, ne les condamne pas, au nom d’une loi aveugle, à voiler leur regard aux rayons plus propices. Car ton intérêt n’est pas de recevoir le plus possible, mais d’élargir, autant qu’il est en ton pouvoir, le règne de la lumière.

Nous sommes heureux, non parce que d’autres aperçoivent notre flambeau, mais parce que nous voyons autour de nous une clarté grandissante.

J’ai droit à l’amour, dis-tu, parce que je suis un mari, un frère, un ami; mais ne sais-tu pas qu’enfermer l’amour dans les barrières humaines et les liens du sang, c’est comme vouloir capter le soleil dans sa chambrette.

J’ai droit à l’amour, dis-tu, parce que j’aime et que je donne. Il est probable que si tu aimes et que tu donnes, tu auras plus que d’autres la chance d’être aimé et de recevoir. Mais ne t’étonne pas et n’accuse pas, si tu ne reçois rien en échange de tes dons, toi qui as reconnu la liberté de l’amour.

Parce que l’on ne se suffit pas, faut—il donc se haïr et, parce que la vérité est difficile à dire, se mentir toute la vie.

Toute union, de quelque nature qu’elle soit, conjugale, filiale, fraternelle ou simplement amicale, a son heure de disette. C’est le moment décisif. Si la nature est forte, sans être consciencieuse, elle tue, en brisant l’obstacle à son épanouissement. Si elle est consciencieuse, sans être forte, elle se résigne, ferme les fenêtres à la lumière, replie ses ailes, se laisse tuer.

Et l’âme se débat entre ces deux devoirs opposés : de vivre et de ne pas faire souffrir. Cependant il n’est nécessaire ni de rompre la loi, ni de se laisser écraser sous la loi. Il s’agit seulement d’acquérir cette grandeur qui transforme l’amour égoïste qui enchante en un amour généreux qui comprend et libère.

Il n’y a de justice vraie que dans la liberté; nous n’avons de droit sur personne; l’amour, l’affection, le dévouement dont on nous a entourés sont autant de grâces qu’il faut accueillir avec reconnaissance et pleurer sans amertume quand elles nous quittent.

Pour qu’une union soit bienfaisante ou seulement tolérable à la longue , elle doit être basée sur la confiance, la droiture et la liberté mutuelle.

Il faut tout donner : bonté, tendresse, dévouement, temps, force, intelligence, tout, excepté sa volonté, l’indépendance dont chaque être a besoin pour remplir ses devoirs envers lui-même et envers les autres.

Si la vie commune est souvent une cause de souffrance, c’est que l'indépendance réciproque n’est pas reconnue et respectée.

Pour être heureux, il faut croire l’un dans l’autre et accepter, même sans comprendre, les convictions et les actes de celui en qui vous avez mis votre confiance.

Pour être heureux, il faut s’aimer assez, pour préférer l’épanouissement de l’être qui vous est cher à votre satisfaction personnelle.
Pour être heureux, il faut savoir qu’on n’a d’autres droits que celui de donner.

Le monde ne songe qu’à se défendre, mais il combat avec de fausses armes, contre de vains ennemis.

Les peuples s’évertuent à se surpasser, les hommes n’avancent que l’arme au poing. Quand l’adversaire est écrasé, la fortune, l'honneur, la position, le bien-être sauvés, le but est atteint.

On se glorifie de sortir indemne de la mêlée, et l’on ne s’aperçoit pas du sang qui échappe du coeur, goutte à goutte. On fortifie toute la propriété et l’on oublie de fermer la porte de son secret trésor. Et tandis qu’on comptait avec l’ennemi visible le larron s’est introduit la nuit dans le sanctuaire.

Pourquoi chercher au dehors ce qui n’est qu’en soi, acquérir péniblement ce que l’on possède naturellement ? Contre le flot montant de la haine, il n’y a qu’un moyen de défense, une arme infaillible : c’est la bonté, ta bonté. Elle seule réduit véritablement l’adversaire; les autres armes le forcent, au contraire, à aiguiser les siennes. Je parle, non de la bonté qui pardonne, mais de celle qui n’a pas besoin de pardonner parce qu’elle comprend; qui se laisse faire, en vue d’un but élevé; qui est plus forte que tous les boucliers, parce qu’elle apporte, non seulement le choc, mais également l’humiliation du coup que l’on ne rend pas.

Il faut être fort pour se défendre, il faut être fort pour se taire, il faut être encore plus fort pour être bon. Se défendre c’est mettre ses biens à l’abri; être bon, c’est prouver que ses biens sont déjà à l’abri; car plus rien ne peut atteindre celui qui s’est enveloppé du cercle lumineux de l’ineffable bonté.

Car pour faire du bien, il ne s’agit pas de savoir beaucoup, mais de voir clair. Il importe moins de donner, que d’amener les autres à se donner; il faut , non pas ouvrir sa porte, pour qu’ils puissent entrer chez nous, mais les aider à ouvrir leur porte, pour qu’ils puissent sortir de chez eux.

Si par beaucoup, la religion a été mise à la porte, c’est qu’elle a été indiscrète; elle a abusé de ses droits, s’est installée comme chez elle là où l’âme seule était maîtresse de maison. Elle a même pris le place du Créateur, son époux, et lui a commandé, ainsi qu’un maître à son esclave. Maintenant, elle devra attendre dehors et venir, comme une humble mendiante, frapper à la porte du logis hospitalier qu’elle avait usurpé.

Car les religions sont de piles copies du chef-d’œuvre divin, qui abusent souvent de la signature du Maître

Nous devons nous appliquer, avant tout, à nous comprendre nous—mêmes et à comprendre les autres. Plus que la haine, le man-que de discernement sépare les hommes.

Nous ne pouvons comprendre, quand nous sommes trop occupés de nous pour nous mettre à la place des autres, ou trop âpres à exiger ce qui nous est dû; quand notre horizon est borné et notre idée du bien rétrécie; quand nous n’avons pas passé par assez de chemins, pour savoir que tous ont des ombres et des lumières inévitables.

Comprendre est à mon avis plus utile qu’aimer, que pardonner que secourir.

Pardonner, c’est faire l’aumône, c’est le geste du riche qui tend la main au pauvre. Comprendre, c’est affranchir le pauvre de la mendicité, en lui montrant, dans son logis même, des biens plus précieux que ceux que la charité lui aurait octroyée.

Pour celui qui sait, à travers l’apparence, discerner la réalité profonde, notre siècle si tendu, compliqué et artificiel, est cependant le siècle du vrai, qui aspire à la réalité, à la nature, à la simplicité, au Créateur.

Peut-être l’effort qu’il tente pour se défaire de son masque le fait paraître plus compliqué, plus inexplicable et inharmonique.

Par exemple l’art ne veut plus seulement le beau, mais aussi le vrai, qui est le beau suprême; il ne tend plus à flatter les yeux, l’ouïe et l’esprit, mais à satisfaire la conscience, en rendant fidèlement ce qu’il a vu.

La religion que nous réclamons n’est plus un ensemble de dogmes, un code de vertus, mais une vérité humaine qui réponde Lux besoins vrais du coeur.

La médecine cherche ses remèdes non plus dans de savants mélanges chimiques, mais dans l’étude des forces cachées du corps t de la nature.

L’éducation contemporaine, renonçant aux vieilles méthodes, reconnu et respecte les droits de la jeunesse.

Tous ont compris que la vérité n’est pas dans ce que les hommes ont fait, mais dans la simplicité des choses, telles que Dieu les a créées.

Même si Dieu , comme le prétende certain, était néant et .a vérité illusion, même si la souffrance était inutile et la mort éternelle, faire de sa vie une chose belle, resterait un bonheur et une nécessité pour les âmes grandes

G.  K\  - Frère de la loge Fidélité et Prudence à l’Orient de Genève 

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