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 Un point dans un Cercle

"Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé."
Djallal Uddin Rûmî

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Hérité de pratiques animistes, plus particulièrement des religions anciennes et des cultes du phallus, ce symbole que l’on trouve sur les tableaux de Loge du premier degré du Rite Emulation nous vient probablement de la plus haute antiquité. Le point dans un Cercle est un symbole de grande importance pour le franc-maçon dans la mesure où il représente le lien entre nos rituels actuels et l’ancien symbolisme de l’Univers et de l’Orbe solaire. Tout les Apprentis d’ « Emulation » qui ont étudié leur rituel sont assez familiarisés avec le sens qui est habituellement attribué à cette représentation. On nous dit que le point représente l’individu humain et que le cercle désigne les limites de ses devoirs envers Dieu et les autres Hommes. Les deux lignes parallèles perpendiculaires représentent les deux Saint Jean, le Baptiste et l’Evangéliste ; les deux solstices.

Il est bien évident que ce symbole particulier est à placer auprès de celui du compas dont on a déjà parlé ici. Image du Monde, de la Création dans son ensemble tout aussi bien que celle du Dieu qui Crée… l’Unité qui fait complétude par le fait même qu’elle contient le Créateur et sa Création. Mais, de l’outil qui permet d’en délimiter les formes, à la représentation elle-même qui peut exister à main levée, combien d’images peuvent surprendre et dire le Monde.

Comme beaucoup de symboles maçonniques, celui-ci se présente comme une résurgence de pratiques et de traditions des plus primitives en relation avec la vénération du Soleil et de la Lune. Rappelant les signes les plus anciens relatifs aux cultes de la Déesse Mère transmis à l’occident chrétien à la suite des pratique moyen-orientales du Sabaïsme qui consistait en l’adoration des étoiles, ou, comme il est dit dans les écritures… « seba schamaïm, omnes militias coeli ». On sait, que c’est par ces termes que les hébreux désignaient les astres et les étoiles et que c’est de là que provient le nom de sabéen. L’union du Phallus et de la Cteis, ou le Lingam et le Yoni dans une même combinaison se présente comme un objet d’adoration particulière dont le point à l’intérieur d’un cercle se présentait depuis longtemps comme la plus habituelle représentation. Aussi bien, les étoiles et leur énergie projetée sur Terre étaient l’image la plus courante de la Création du Monde par la dévotion qu’elle suscitait quant à la divinisation des pouvoirs prolifiques de la Nature. On sait que les plus anciennes divinités sont celles qui représentent la Grande Déesse dont les hommes sont les enfants générés par un Dieu disparu.

Ce point au centre d’un cercle est donc bien une référence phallique. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où les sources de ces cultes sont restés d’une grande influence dans le symbolisme maçonnique où l’on retrouve indifféremment le « lingam » ( sous la forme des colonnes ), le « Soleil » et la « Lune ».

D’autres avis portent sur une origine qui se voudrait plus pragmatique. A savoir que le point serait le point de rotation d’un graphisme circulaire qui représenterait l’Univers, contenant et contenu. L’Homme des premiers âges aurait alors utilisé un pivot planté dans la terre pour en dessiner la forme conceptuelle à l’aide d’une autre tige ou d’une liane. Une cheville dans le 
sol, un pivot, un arbre comme « axis mundi »…

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Aujourd’hui on n’a pas encore trouvé mieux que cette méthode aussi simple qu’efficace et il n’y a pas de doute sur le fait que la pointe du compas reliant son axe de rotation à l’autre pointe soit son héritière. Cependant, même dans ce cas, il est bien évident qu’il s’agit encore d’une représentation phallique implicitement présente car le cercle « contenant » figurant la Création ne saurait exister sans lui… Il s’agit toujours, à l’instar du symbolisme des colonnes J et B, d’énergies, « contenante » et « contenue », « enveloppante » et « enveloppée », dont les significations se sont transformées avec le temps et les cultures en « masculine » et « féminine ». De nombreuses déités de l’antiquité païenne peuvent de la sorte être associées à ces concepts générateurs, « actif » ou « mâle », « passif » ou « femelle ». Ainsi les Dieux anciens étaient représentés en couples… Jupiter et Junon, Vulcain et Vénus, Osiris et Isis. Mais les anciens sont allés encore plus loin. Ils affirmaient que l’énergie de la procréation était la même que celle qui avait présidée à la fondation du Monde et de la Nature. C’est ainsi, en soulignant que cette force pouvait exister en un seul individu, qu’ils désignaient les premiers habitants du monde comme hermaphrodites, voir des créatures doubles ( Cf. Le Banquet de Platon ). Cet héritage conceptuel a perduré jusque dans les fondements de l’ancien testament car il est écrit « Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, Homme et Femme il les créa. » (Gen 1:27 )

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La Genèse, on le voit, est encore une fois présente dans cette représentation symbolique du Monde, mais il ne s’agit pas uniquement de la Création de l’Homme. En effet, celui-ci fut placé dans le jardin d’Eden, lieu où furent définitivement organisés les éléments vivants de la Création. Nommer les animaux et les plantes, séparer les sexes, déterminer les formes du monde et les lieux de vie, mais aussi en organiser les règles dont la première de toute… ne pas se nourrir de la Connaissance, des fruits de l’Arbre au centre du Jardin. Or, de cet arbre en son centre et de ce couple souvent représenté « à l’ordre » comme sur ce pilier de la maison des Consuls à Saint Antonin Noble Val dans le Tarn et Garonne.

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On constatera que les limites du Jardin sont bien souvent circulaires et qu’elles prennent leur centre justement au cœur de l’Arbre, comme si la représentation de l’Eden devait aussi être celle de Dieu… ou de l’Homme… puisque leurs images sont de même nature. L’exemple le plus frappant est cette peinture du XVème siècle des très richesse heures du Duc de Berry conservée au Château de Chantilly.
Cela n'entre, bien entendu, pas en contradiction avec le fait que cette représentation du point à l’intérieur du cercle se retrouve chez les tribus les plus primitives et chez les anciens chinois de l’époque chamaniste qui auraient conservé la tradition de former un cercle protecteur à partir un arbre central qui servait d’axe autour duquel on libérait une clairière permettant d’installer le campement. Cette forme se retrouvera dans l’architecture des tours fortifiées, des places fortes et des villages tout aussi bien que des premières églises byzantines dont l’aspect cruciforme est inscrit dans un cercle lui-même contenu dans un carré et l’arbre restera associé à l’axe du Monde. Pour les chinois, en particulier, cette construction est restée à la base de l’organisation des Temples et des portes d’entrée, de même leurs cénotaphes prendront la forme d’un cercle.
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Mais revenons aux sources de la signification religieuse du symbole. Albert G. MacKey dans son ouvrage « The Symbolism of Freemasonry » insiste sur son grand intérêt et son importance et nous convie à le rapprocher de l’orbe du Monde et de son axe et c’est en cela que les tangentes des lignes parallèles perpendiculaires offrent les points solsticiaux du cycle. Néanmoins, il revient, à juste raison sur sa signification phallique première et ses liens avec les Grands Mystères. Pour les Egyptiens dont on dit souvent qu’ils sont à l’origine de nos symboles maçonniques, le Phallus était le symbole de la fécondité exprimée par le principe mâle générateur. Les mystères secrets liés à cette énergie et à ses conséquences profondes étaient transmis lors des initiations. Ce sont ces secrets intrinsèquement liés au culte d’Osiris dont héritèrent les mystères d’Eleusis. Le point était la source profonde de toutes choses caché au cœur de la Création et le placer dans un cercle revenait à en indiquer la source sacrée. Dans ce contexte, le cercle sans le point n’a aucune signification et sans le cercle, le point n’en a pas plus. C’est la raison pour laquelle les cultes monothéistes qui conservèrent ce signe en conservèrent aussi le sens depuis Akhenaton qui en fit le symbole de son Dieu. 

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