Obédience : NC Loge : NC Date : NC

Je suis content 

Lorsqu’on m’a demandé de choisir une planche en vue de mon augmentation de salaire, j’avais pensé traiter de la main qui est incontestablement le plus beau des outils qu’un maçon peut avoir à sa disposition.

Mais je me suis vite rendu comte que le sujet avait été traité, retraité voire maltraité tellement  de fois, que la place qui restait à l’originalité me paraissait des plus mince.

Je fis part de mes réflexions au 1er surveillant qui sur le ton de la plaisanterie me proposa si je voulais faire preuve d’originalité, de tracer une planche sur le thème de « Je suis content ».

Vous l’avez peut être remarqué mais depuis ce jour chaque fois que je le rencontre il ne manque pas de me demander si je suis content ?

Pendant un court moment je me suis demandé si je devais être content c'est-à-dire comblé par ce choix.

Pour moi être content était une chose simple  sans détour, nous allons fêter la Saint Jean à Reims et ne résiste pas au plaisir de vous citer BARRES qui résume assez bien l’expression du contentement du compagnon que je suis en loge.

Voyez le sourire énigmatique des anges de Reims. Ils sont contents d'eux-mêmes, heureux de plaire, pareils d'abord à des enfants sages et empressés auprès de leurs parents.
Barrès, Mes cahiers

JE SUIS CONTENT :

C’est vrai que chaque premier lundi du mois, je suis content de vous retrouver, mais le contentement du franc maçon ne se limite pas à cette quasi béatitude.

Tout n’est pas aussi simple dans notre rituel et nous amène très vite à se poser la question :qu’est ce qu’être content en franc-maçonnerie ? Pour un compagnon ? Content de quoi ou de qui ?

Si on revient aux définitions que j’ai pu lire, être content,  c’est l’état de celui :
·                    Qui éprouve un sentiment de plaisir intérieur, de calme plénitude causée par la satisfaction d'un besoin, d'un désir ou d'une aspiration.
·                    Qui a le cœur et l'esprit satisfaits, dont les désirs sont comblés, qui ne souhaite plus rien. »

Depuis que je suis compagnon j’ai entendu à deux reprises l’expression de ce contentement et ce constat est venu modifier la portée de cette définition.

J’ai entendu l’adjectif « content » :
·                    Dans notre rituel de 1802, à l’occasion de chaque tenue lorsque le vénérable maître clôture la cérémonie et dit :
   Frère 2éme Surveillant, où se tient le 1er Surveillant ? 
   A l'Occident Vénérable Maître, pour aider le Maître dans ses Travaux, payer les Ouvriers et les renvoyer contents et satisfaits.
·                    Dans le cadre de l’instruction donnée en loge de compagnon à l’occasion du dialogue qui se noue entre le premier surveillant qui fait les demandes et le deuxième surveillant qui donne les réponses du compagnon et que je rappelle :
   D : Avez-vous reçu votre salaire
   R : « Je suis content »
   D : Où l’avez-vous reçu ?
   R : A la colonne J.

J’imaginais avant de réfléchir sur ce sujet que contentement et satisfaction étaient synonymes. Dans mon esprit être « content et satisfait » signifiait que le terme satisfait venait uniquement renforcer le sentiment de contentement des ouvriers au regard du salaire qu’ils venaient de percevoir.

En fait il existe une nuance entre contentement et satisfaction et je compléterai la définition en disant que :

Le contentement est l’état de celui qui éprouve un sentiment de plaisir intérieur résultant de la  satisfaction d'un besoin, d'un désir ou d'une aspiration fugace ou momentanée.

Alors que la satisfaction est un sentiment de plaisir que ressent quelqu’un dont les désirs sont comblés, qui ne souhaite plus rien. 

Napoléon au soir de la bataille d’Austerlitz  n’a pas dit à ses troupes rassemblées je suis satisfait de vous mais  « Soldats je suis content de vous ». Il était heureux de l’issue de la bataille mais la guerre n’était pas terminée, il ne pouvait être que content.

Le contentement serait passager  ou momentané alors que la satisfaction à un caractère plus définitif et pour résumer cette distinction je livrerai deux exemples tirés de mes lectures.

Le contentement pourrait être exprimé dans ce vieux quatrain d'un égoïste que j’ai trouvé au  hasard de mes recherches :

   Quand j'ai fait mes quatre repas
   Et que j'ai dormi d'un bon somme,
   Il ne m'importe guère comme
   Chacun de moi pense ici-bas.

Cet homme là qui ne constitue pas un exemple pourra vivre heureux et content chaque jour; mais celui qui s’est fixé un objectif ambitieux, qui sait qu'il a, quelque part, une mission à remplir sur cette terre, sera content a chqaque étape de sa démarche  celui-là ne sera satisfait que s'il a personnellement conscience d’avoir atteint le but suprême auquel il aspirait

Il est incontestable que dans la FM le  contentement seul n’est qu’une phase de transition.

Pour résumer la description  contentement du compagnon. je citerai l’exemple du sculpteur grec Callimaque, Corinthien à qui on attribue l’invention du chapiteau corinthien (à feuilles d’acanthe).

Vitruve disait de lui  « qu’il taillait le marbre avec une délicatesse admirable, était content des observations et des compliments qu'on faisait de ses ouvrages, tandis que lui-même n'en était jamais satisfait ».

Pour revenir à notre rituel de 1802, je vous rappelle qu’à la clôture de la tenue le vénérable maitre renvoie tous les ouvriers payés contents et satisfaits, alors que dans le cadre d e l’instruction le compagnon se limite à être content du salaire qui lui a été versé.

Je pense que c'est ainsi qu'on peut plus facilement saisir les nuances du sentiment de contentement d'avec celui de satisfaction, le compagnon est satisfait du salaire qui lui a été versé en contrepartie de son travail. mais n’est pas satisfait de son ouvrage car celui-ci est perfectible  la pierre qu’on lui a donné a polir n’est pas parfaite, dans le mesure ou il n’a pas atteint la plénitude de son art.

Les frères en loge sont contents et satisfaits car le travail en commun  et l’égrégore qui en a résulté leur à apporté ce sentiment de plaisir que procure le sentiment d’avoir atteint son but.

Nous nous limiterons au compagnon et reviendrons au motif de son contentement.

LE SALAIRE DU COMPAGNON :

Le motif de contentement des ouvriers compagnons confondus est d’avoir été payé ou d’avoir perçu leur salaire.

Le salaire est traditionnellement  la récompense qui échoit à quelqu'un en contrepartie de ses actes ou travaux.

Mais au REAA  la réponse est énoncée très clairement dans l’instruction au premier de gré lorsqu’on demande à l’apprenti :
   Qu'appelle-t-on  «Salaire » en FM ?
   C'est la récompense du Travail produit par l'Ouvrier.
   Par quoi se traduit le « Salaire » des Francs-Maçons ?
   Par un perfectionnement graduel de soi-même.

Le contentement du compagnon s’exprime au regard de la récompense du travail produit  et par le constat du perfectionnement graduel de soi.

Le travail produit est apprécié par les frères de la loge et le 1er ou le deuxième surveillant  dans le cadre de la démarche de formation qui est proposée.

L’apprenti et plus tard le compagnon dégrossi la pierre qui est en lui sous l’œil bienveillant de ses frères qui lui apportent conseil et soutien dans le cadre de sa démarche qui reste fondamentalement personnelle.

La démarche du compagnon vers cette conscience éclairée qui est son objectif s’effectue dans le cadre collectif de partage des  aspirations  des frères composant la loge.

Pour progresser le compagnon a besoin de ses frères et surtout « Qu’ils le reconnaissent comme tels ».

Cette marque de considération constituera le salaire du compagnon et justifiera la cause de son contentement pendant sa progression jusqu’à la consécration suprême que constituera in fine l’augmentation de salaire.

Le perfectionnement graduel de soi

C’est le travail que le FM effectuera sûr lui même avec comme support cet arbre de potentialité que constitue le Rituel et comme racines la Franc Maçonnerie, alliance d'hommes libres de toutes confessions et de tous horizons sociaux.

C’est par un enseignement progressif d’étape en étape, de degré en degré, que s’effectue cette démarche.

Pour cela le FM commence par mettre de l’ordre dans son « chaos intérieur ». par un inventaire exhaustif de ses imperfections, en se contraignant à les regarder en face et à renoncer aux fausses excuses dont il avait coutume d’user jusqu’alors.

Il lui faut donc créer une rupture, une prise de conscience et acquérir de nouveaux schémas de pensée, et qu’il: « Tue le vieil homme qui est en lui »

La première étape a été Le Cabinet de Réflexion, lieu d’introspection qui lui a permis d’entrevoir sa réalité, de découvrir cette pierre informe, noirâtre, recouverte d’aspérités et faiblement éclairée par une lumière incertaine.

Puis avec lucidité et détermination il a entrepris, avec application ,de débarrasser la pierre qui est en lui de ses multiples imperfections afin qu’apparaisse qu’apparaisse ce qui est parfait en elle.

Ainsi dans le cadre de cette volonté active de progression, les points sur lesquels le FM travaillera sont ces fausses valeurs qui font que l'on a une attitude de repli sur soi plutôt que d'ouverture à l'autre.et qui sont sans que cette liste soit exhaustive : 
·                    Les métaux. Qui nous rendent pesant.
·                    Nos préjugés. Qui nous ferment aux autres. 
·                    Notre fanatisme. Qui nous rend aveugle à la connaissance.

CE perfectionnement graduel est très bien décrit par Jules BOUCHERqui écrit : Le récipiendaire sort d’abord de la terre,  il est ensuite purifié par l’air, puis par l’eau et par le feu. Il s’affranchit par paliers de la vie matérielle, de la philosophie et de la religion et parvient enfin à l’initiation pure, réunissant ainsi les quatre éléments.
Avec le feu, c’est l’esprit, l’initiation.
Avec l’eau, c’est l’âme, la spiritualité, la connaissance, la lumière, la vie.
Avec l’air, c’est le mental, la philosophie, l’intelligence.
Et La terre, représentant le corps, la vie matérielle, la résistance, la forme

Cette transmutation symbolique par une prise de conscience de soi, de l’Etre intérieur, confère à l’adepte une meilleure connaissance de lui-même.

Cette connaissance de soi qui permet de faire des choix réfléchis dans la vie et de travailler ainsi à son propre perfectionnement.
Qui peuvent être psychologique : quelles sont mes motivations ? Quels sont mes désirs ? Comment les intégrer dans ma personne ?
Philosophique: qu’est-ce que l’Homme ? Quel sens donner à l’existence ?
Spirituel: de quel «tout » fais-je partie ? (Nature, Univers, Dieu ) Comment le ressentir ? Comment s’y intégrer ?

Le plan philosophique est tracé, le chemin est indiqué, la voie est ouverte, il ne reste qu’à travailler, réfléchir, comprendre.
Avec comme pierre angulaire le rituel. merveilleux outil qui nous permet au fur et à mesure de notre progression de baliser notre chemin.
Cependant, il ne faut pas se contenter d’écouter ce dernier comme une pièce de théâtre, mais au contraire devenir acteur en la matière, c'est en effet la seule façon de se l'approprier, et l'erreur serait d’avoir en ce qui concerne le rituel, tendance à Vénérer l'outil plutôt qu'à lui donner un Sens.

Donc pour réussir ce perfectionnement progressif, il est impératif d’acquérir et d’assimiler les connaissances symboliques d’un degré pour espérer passer au degré suivant.
Tout comme l’on ne peut courir si l’on n’a pas appris à marcher, on ne peut envisager l’université si l’on n’est pas passé par les classes secondaires.
C’est pourquoi Le Rite Ecossais ancien et Accepté propose comme technique de construction une méthode en 33 étapes ou degrés, pour libérer l’homme et en faire un initié, c'est-à-dire un homme achevé dans sa construction, conscient de lui-même, des autres, de l’humanité entière et de tout son destin dans l’univers.

La doctrine des pythagoriciens établissait déjà ce lien
«se purifier, s’instruire et se perfectionner, passer par degrés de la connaissance de soi à la connaissance de l’univers, de la connaissance de l’univers à celle de l’Etre des Etres »

La sagesse que nous recherchons n'est pas une école de vérité mais une école de l'interrogation, ce n'est pas non plus l'initiation à une vérité révélée mais un cheminement vers soi-même.
Sans oublier que notre engagement maçonnique ne se limite pas à un usage répété de l’examen de conscience en vue de notre «perfectionnement graduel ».
Les textes maçonniques évoquent aussi le devoir «d’être utiles à nos semblables », par notre participation à la recherche constante et sans limite de la vérité et de la justice dans le respect d'autrui.
Comme il est évoqué au point quatre de la Règle en douze point, nous nous devons de contribuer «au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité »

En conclusion, mes Frères, ce perfectionnement graduel de soi-même qui correspond à notre Salaire de Maçon, ne se fera pas toujours dans la facilité, il sera même parfois difficile. Et si nous voulons parvenir à la Maîtrise de nos actes, à la réalisation de l’homme vraie et accompli,  à l’harmonie de l’esprit et de la matière, et réussir nôtre chef d’œuvre “le Grand Œuvre” pour les Alchimistes.
C’est à dire notre élévation vers la lumière,et notre approche de la sagesse dîvine.
Il nous faudra, essayer, progresser, recommencer, partager nos idées, comprendre les autres et pratiquer la Fraternité.

Le chemin sera long, sinueux, pavé d’embuches, Mais à celui qui saura, non seulement écouter mais aussi entendre, très vite, apparaîtra les premières satisfactions, les premiers salaires, juste rétribution d’une opiniâtreté sans faille.
La nature ayant horreur du vide, l’espace libéré par l’élimination des copeaux s’éclairera peu à peu, au fur et à mesure que le doute fera place à des certitudes, si ténues soient-elles.
Certes tout ceci s’opérera graduellement, imperceptiblement et souvent même sans que nous en ayons conscience.
Ne nous impatientons pas devant la lenteur des résultats obtenus, des progrès accomplis. L’apprentissage est avant tout une question de résolution et de persévérance.
La vie aussi.

G
\ R\

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