GLDF Loge : NC 27/02/2012


Le chemin de l’étoile

C’est pour accompagner une amie que je suis parti du Puy en Velay, sur le chemin de Compostelle. C’était pour moi une randonnée pédestre, sans lien avec une religion et sans aspiration mystique. Pourtant, après quelques jours, en cheminant je suis devenu un pèlerin, pas un croyant pour autant ! Les rencontres humaines et cette magie du chemin m’avaient transformé. J’ai rencontré assez peu de croyants en chemin. Mais j’étais sensible à son mystère et j’étais fasciné par la force d’attraction qui aimantait tous ces gens vers Compostelle. Je me sentais en harmonie avec la nature et avec les cheminants. Et tous ceux que nous avons rencontré et avec qui nous avons beaucoup échangé venaient pour des raisons très diverses, en lien avec un questionnement spirituel ou étaient en période de mutation personnelle. Les discussions commençaient souvent par « pourquoi tu marches ? » Au lieu des discussions de randonneurs classiques plus techniques. C’est ça aussi la magie du chemin ! C’est un chemin où la légende, la culture et l’histoire se donnent aussi la main. Et c’est sur la route de Compostelle que j’ai entrepris de vouloir frapper à la porte du Temple. C’est un juste retour des choses que de vous faire partager mon chemin vers l’étoile flamboyante.

L’origine du pèlerinage, d’après la légende chrétienne remonte en 820/830 lorsque un ermite du nom de Pelayo, à la suite d’une révélation divine guidé par une étoile au-dessus d’un champ désert d’où le nom Campus stellae, qui donne Compostelle découvre un tombeau qu’il attribue à Jacques Le Majeur. Selon la légende, une barque de pierres contenant le corps de St Jacques recouvert de coquilles depuis la terre Sainte échoua à sur la cote de Galice. L’Espagne en pleine reconquête des territoires perdus contre les sarrasins fait de St Jacques le « matamore » (qui met à bas les Maures) et c’est en 1211 que la première cathédrale est consacrée à St jacques dit de la Transfiguration, puisque témoin de la transfiguration du Christ aux cotés des principaux apôtres. Le pèlerinage existe déjà. C’est un moine poitevin, Aymeric Picaud tracera en 1140 les itinéraires pour St Jacques : les voies de Tours, Vezelay, Puy en Velay et Arles. Ces chemins se rejoignent à Puenté la reina pour former le « Camino Frances », dit El camino.

En fait, cette légende religieuse est une récupération d’un pèlerinage bien plus ancien. Le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle est un véritable parcours initiatique. Antérieur au pèlerinage chrétien, il tire ses origines des mythologies gréco-latines et celtes. C’est un chemin initiatique alchimiste enrichi par la mythologie et les légendes comme celle d’Hercule qui avait cueilli les pommes d'or du fameux jardin des Hespérides, que certains situent sur une île à l'ouest de l'Espagne et fait le lien avec les légendes celtes et l'île d'Avallon, qui est aussi un « île des pommes ». La pomme, fruit symbolique qui apporte la connaissance des choses secrètes et sacrées permet de vaincre le Temps, et de trouver l'Eternelle Jeunesse. Le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, qui épouse la trace d'éternité laissée dans le ciel par les étoiles de la Voie lactée tiendrait en fait son nom du mot latin « compositum ella » : lieu de mort, mort des apparences.

Les premiers pèlerins ou cheminants voyageaient vers la plage du croissant à Finisterra (la fin de la terre). Tout un symbole ! Les voyageurs s’y retrouvent pour y contempler en communion le soleil se coucher sur la mer. Fatigués, après un long voyage, ils puisent une nouvelle énergie dans la contemplation du paysage et peuvent faire l’expérience indicible de se sentir unis et en harmonie aux forces vibrantes de la terre, du ciel et de l’océan. Ce sentiment d’équilibre retrouvé est aussi le fruit d’un cheminement intérieur qui a favorisé la prise de conscience de soi. C’est l’aboutissement d’une épreuve, celle du VITRIOL. Aller au fonds de soi, pour se renaître à soi-même en homme nouveau. La destination du voyage n’est pas un lieu mais un nouvel état de conscience né d’une lente transformation de soi. Le chemin m’a permis de trouver ma voie. En quête de sens et de spiritualité, j’avais l’intuition que je pourrai trouver dans un Temple maçonnique une méthode, un enseignement et des réponses à mes interrogations mystiques. L'alchimiste, lui, profitera de sa propre transformation personnelle pour la sceller dans la fabrication de sa Pierre Philosophale, à partir d’un caillou particulier, rejeté par la mer que l’on trouve ici : de l’antimoine. Certes, la Matière Première de son Œuvre peut se trouver ailleurs en Europe, dans des mines, mais le chemin de Compostelle offre à l'alchimiste la condition essentielle de sa réussite : sa transformation intérieure, une perception différente des choses, des êtres et du monde.

Ainsi, les Cheminants, les Pèlerins et les Alchimistes cherchent par des voies différentes la même Paix Intérieure, une quiétude après un long périple éprouvant pour le corps, l’épreuve de la Terre à la recherche de leur verticalité. Alors que l’alchimiste va transformer lui-même sa pierre, le cheminant, le Frère, sera, lui, conscient de sa propre transformation et de sa relation au monde et aux Hommes. Il aura acquis la connaissance, la maîtrise des outils de son propre perfectionnement symboliquement représentée par la pierre polie. Laquelle, bien travaillée peut alors prétendre à s’intégrer utilement et harmonieusement au temple que nous construisons. Sur le chemin, je sentais comme une évidence faire partie d’un Tout en lien avec l’Univers, la terre et les hommes. Mais je n’ai pas ressenti la Foi au sens religieux et révélé. La marche dénude, oblige le cheminant à se dépouiller de ses métaux qui alourdissent le sac et l’esprit. Elle invite à l’humilité et permet l’ouverture de son cœur. La marche favorise le voyage intérieur et libère l’esprit. Les 5 sens que le Compagnon a étudié son mis en ouvre et lui permettent de faire un pas de côté, comme dans la marche du 2nd degré. Il s’ouvre aux autres en étudiant d’autres rites, en découvrant d’autres ateliers et F\. Il avance sur le chemin de la connaissance et de sa lumière. Son Temple est la nature. Sa voute étoilée est la Voie Lactée. C’est une démarche initiatique. Dans le monde, des religions comme l’Islam, proposent aussi un pèlerinage vers un lieu sacré. La Mecque, temple cubique, retient dans un angle d’un mur une pierre que les pèlerins touchent pour se laver des péchés. Le lieu était vénéré avant l’Islam par beaucoup de religions. Une pierre sacrée comme objectif : ça rappelle la démarche des alchimistes au cap Fisterra et celle des druides avec les menhirs… La pierre est un symbole universel de communication spirituelle de l’homme avec l’univers, les énergies cosmiques et la terre. Ne dépose-t-on pas une pierre au sommet quand on a gravi une montagne ? Et les pèlerins devant une stèle ?

Partir sur le chemin de l’étoile me fait penser aux 5 voyages effectués lors de mon initiation au grade de Compagnon. C’est l’étoile flamboyante qui m’est apparue au terme de ces voyages.

Dans le rituel de Compagnon, avant que l’apprenti n’entre en Loge au second degré, le V\ M\ pose la Question au second surveillant :
-Etes-vous Compagnon ?
Le Second surveillant répond :
-J’ai vu l’Etoile flamboyante.

Pas encore créé compagnon par le V\ M\, l'apprenti en possession du mot de passe Schibboleth, ne découvrira cette Etoile qu’à l’issue de son cinquième voyage : « Gloire au travail ».

Cette Etoile Flamboyante correspond à sa vision intérieure pour l’œil du cœur. Voir par l’œil intérieur signifie connaitre. C’est une identification du Compagnon avec l’objet de la connaissance.

L’Etoile Flamboyante s’assimile symboliquement au Compagnon, s’il devient ce qu’il voit.

Dans le « Guide des Maçons Ecossais », l’Etoile Flamboyante apparaît au récipiendaire à la fin du Cinquième voyage où il lui est dit : « Mon frère, considérez cette étoile mystérieuse, ne la perdez jamais de vue : elle est l’emblème du génie qui élève aux grandes choses et avec plus de raison encore, elle est le symbole de ce feu sacré, de cette portion de lumière divine, dont le Grand Architecte de l’Univers a formé nos âmes aux rayons de laquelle lumière nous pouvons distinguer, connaître et pratiquer la vérité et la justice ».

C’est la deuxième fois que le jeune Franc-maçon est en présence d’un objet flamboyant. Le premier était l’Epée Flamboyante tenue par le Vénérable Maitre. L’association de l’Epée Flamboyante, épée de feu sacrée qui a créé le jeune Franc-maçon et de l’Etoile Flamboyante dégage la chaleur de l’amour. Et dès lors que cet amour est suffisamment intense, il devient source de lumière et de connaissance.

L’Etoile guide le cheminant et guide le Compagnon vers son travail et son chemin personnel. Je dois alors prendre conscience de l’évolution accomplie depuis mon initiation et de mon nouveau but : aller vers encore plus d’intelligence, d’amour et de fraternité. Plus de rayonnement.

Cette évolution et cette harmonie acquises par le Compagnon seront symboliquement visibles sur l’autel des serments avec le compas croisant l’équerre.

Ces deux symboles croisés, correspondent à l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’Etoile à cinq branches, parfaite dans sa forme représente ce à quoi aspire le Compagnon :

L’harmonie de l’esprit et du corps auxquels on ajoute le rayonnement. Toutes ces qualités doivent s’équilibrer le mieux possible. Le pentagramme justement proportionné symbolise l’Homme harmonieux et lumineux.

A l’intérieur, la lettre G mettra le Compagnon sur un autre chemin : celui de la réflexion spirituelle sur sa signification. Il arpentera le tracé du pentagramme vers les 5 pointes :

Géométrie, Gravitation, Génie, Gnose. 5 le chiffre du Compagnon. Symbole du corps conscient, du verbe incarné. Par ses 5 sens, le compagnon initié perçoit l’harmonie et par son esprit, il contribue à l’harmonisation de l’univers. Il rayonne. Le 5 maitrisé et ordonné dans le pentagramme donne le sens de l’effort à faire : c’est le guide pour réaliser sa propre harmonie, celui de l’univers et d’approcher ainsi le 6eme point au centre : point d’équilibre et d’harmonie, symbolisé par un cercle, lui-même, symbole du divin. L’étoile exprime la nécessaire recherche d’harmonie entre le corps (le carré) et l’esprit (le cercle), entre l’homme incarné et l’esprit universel et éternel qui l‘anime. Symboliquement, c’est par l’équerre et le compas que nous nous rectifions sur le modèle du pentagramme, figure de l’harmonie humaine et universelle. L’équerre en bas et le compas au-dessus.

Le Compagnon initié doit ainsi évoluer du 5 vers le 6. Vers son centre d’harmonie que symbolise l’homme de Vitruve, tableau célèbre de L\ de Vinci.

L’Etoile qui guide le maçon vers la Lumière est aussi le reflet de son propre cheminement. Il est l’Etoile. Il est amour, lumière et chaleur. La lumière qui est en lui, flamboie sous l’influence du soleil (la raison) et de la lune (l’imagination). L’étoile sur le chemin de Compostelle, permet au pèlerin de poser ses pas sur le bon chemin, celui qui mène à la vérité. L’Initié doit rester vigilant et persévérant pour trouver son centre et sa lumière.

Le pentagramme représente les 5 sens, l’état de la nature. Le flamboiement nous rappelle que c’est par le feu que la nature se trouve régénérée.

L’étoile à 5 branches a été sublimée au Moyen-âge par les constructeurs des cathédrales. C’est un héritage des Egyptiens, enrichi par les Pythagoriciens. Les Francs-maçons spéculatifs l’ont repris en en faisant un symbole central de leur démarche.

Le chemin de Compostelle est ponctué d’églises et de cathédrales construites sur les lieux autrefois mystiques. Au cours des siècles, les bâtisseurs ont égrené des signes, des symboles. Autour de Notre dame de Paris, 5 cathédrales forment un pentagramme : Amiens, Reims, Sens, Chartres, Rouen.

La cathédrale de Chartres, souvent présentée comme mystérieuse présente 2 tours différentes : l’une est richement sculptée et surmontée d’un soleil (symbole masculin) et l’autre conique surmontée d’une lune (symbole féminin). Sur la façade : un carré symbolise la terre ou l’homme, un cercle : l’eau et le sacré ; un triangle le feu, le principe créateur.

On peut vivre dans cette cathédrale une expérience troublante. L’entrée par le portail Nord sous le zodiaque permet une entrée progressive vers la lumière. Il faut alors toucher la pierre d’un pilastre face à la vierge noire, comme pour se vider de ses énergies (comme à La Mecque). Puis se déplacer vers le vitrail Sud qui représente un zodiaque de lumière par son vitrail. On peut cheminer sur le labyrinthe, qui figure un pèlerinage vers la Terre sainte de Jérusalem. C’est un cheminement personnel qui forme un escalier spirituel vers le centre, vers son propre centre. La cathédrale est construite selon la géologie locale et n’est pas orientée vers l’EST (47 de différence au nord). En sous-sol se trouve un puits très profond surmonté d’une colonne qui rejoint le corps de la cathédrale. Ainsi les énergies de la terre rejoignent les énergies du ciel et imprègnent les hommes qui se mettent en harmonie avec les éléments cosmiques et avec lui-même. Les constructeurs de cathédrales ont transmis en gravant dans la pierre tous les enseignements des anciens.

Sur le chemin, je voyais bien des symboles et je ressentais bien cette harmonie et cette relation à un principe divin, mais sans ressentir de Foi révélée. Je ne défrichais pas les symboles et je ne connaissais pas l’histoire alchimique, druidique ou mystique du chemin de Compostelle. Mon désir de compréhension du symbolisme et de travailler à mon perfectionnement comme à celui de l’humanité en rejoignant la maçonnerie s’est affirmé à cette époque. Mes lectures et réflexions autour de ce travail m’ont confirmé que j’avais choisi la voie qui me correspond le mieux.

Pour appréhender et comprendre le monde, il importe de surmonter la dualité physique et métaphysique pour se comprendre soi-même, de résoudre la fausse rivalité « corps-esprit » en incarnant l’esprit et en spiritualisant la chair. Pour réaliser cet idéal difficile à atteindre, il faut travailler à son unité et intégrer le geste opératif à la démarche spéculative. Le pentagramme est l’outil royal pour symboliser ce travail de perfectionnement vers son unité. En cheminant d’une pointe à une autre sur le plan spirituel et pour certains sur le chemin de Compostelle de manière opérative. L’un et l’autre peuvent se compléter pour travailler à atteindre son Unité et ainsi rayonner dans son temple personnel, et prolonger son rayonnement à l’extérieur avec Force, Sagesse et Beauté sous la Voie Lactée…

J’ai dit Vénérable Maître.

R\ H\


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