Obédience : NC Loge : NC 23/11/1994


Réflexions sur le second degré

Si, après la consécration reçue de l'Epée flamboyante par l'intermédiaire de son unique détenteur, le Vénérable Maître, le « Frère terrible » nous transmet le premier jour la clef du cheminement rituellique et initiatique en nous enseignant les premiers rudiments de la marche dans ce nouveau monde, vite cependant, on se rendra compte que nous sommes seuls à marcher, à trébucher, à nous relever, bref à progresser sur la voie initiatique à la recherche de notre propre « graâl ».

Dans le mot initier, « aller sur le chemin », il y a notion de commencement, donc d'apprentissage. Au fur et à mesure que nous progressons, nous retrouvons l'idée d'effort personnel. Au second degré, n'est-il pas dit à. propos de la Lumière recherchée qu'elle ne vient pas vers nous, mais que ce sont nos propres pas qui nous guident vers Elle ?

Recevoir la Lumière ne suffit donc pas. On peut être initié sans avoir rien compris, ânonnant ce que dit le rituel sans le comprendre. On ne peut progresser sur le chemin initiatique que par l'effort, le travail, (on retrouve ici l'idée de sa glorification), et la réflexion qui implique un certain recul.

Si tout nous est donné en vrac, de manière brutale, au premier degré, il nous appartient de remettre de l'ordre dans ce chaos et c'est là me semble-t-il, la véritable initiation personnelle. Cette mise en ordre perpétuelle, en tendant vers la Vérité, dans sa propre Harmonie constitue le côté extraordinaire de l'initiation. C'est l'Ordo ab Chao.

Il y a donc apparente opposition entre la convivialité de la transmission initiatique faite par d'autres pour d'autres et la solitude dont nous avons besoin pour réaliser cette mise en ordre.

Mais Ordo ab Chao n'est-il pas notre devise ?

Bien qu'étant sur un chemin en compagnie, nous sommes seuls à nous rectifier après avoir équarri notre pierre, nous essayons de la polir. Cela ne rappelle-t-il pas étrangement le V.I.T.R.I.O.L du cabinet de Réflexion ? Et le fait que nous sommes tout à la fois outil et matériau ainsi que notre propre pierre à tailler ?

Avant d'être pierre philosophale, il nous donc faut devenir à la fois soufflet, forge, et forgeron.

Pour WIRTH, il n'est d'autre initiation que le travail qui est intérieur. Vécu dans notre propre solitude.

L'initiation ne serait qu'un passage. Nous sommes seuls dans les moments importants de notre vie, dans les passages, nous naissons seuls, nous mourrons seuls. Entre temps nous aurons voyagé. Et qui dit voyage dit rencontre. Et donc compagnie. Mais qu'elles soient bonnes ou mauvaises, ces compagnies n'interfèrent que très peu sur notre quête solitaire vers la Vérité transcendante.

Nous recevons les outils, nous apprenons à nous en servir, en cela oui nous avons besoin des autres, c'est le côté collectif de l'initiation, c'est de ce travail collectif que naît la véritable fraternité, celle du travail commun, mais si notre potentiel n'existe pas, il ne pourra se développer. Les mauvais ouvriers ont toujours de mauvais outils et de bonnes excuses.

Il faut chercher en nous, c'est là l'Amour de la Vérité que nous enseigne notre grade. Les bienfaiteurs de l'Humanité nous montrent la voie à suivre vers la glorification du travail.

Le partage du pain et du vin, viatique et rite compagnonnique, est le signe d'assimilation nutritive et cognitive. Le repas en commun est l'acte communautaire par excellence qui signifie l'union fraternelle de tous les participants qui se nourrissent de la même substance partagée équitablement entre tous. Ce repas communautaire est l'agape (amour) primordiale.

S'il est vrai, comme le dit Bergson, que l'homme n'est rien d'autre que la série de ses actes, il est vrai aussi qu'il est ou devient ce que son alambic intérieur aura assimilé, digéré. Et, si les « com-pagnons » communient avec la même substance, ils tendront tous à se transmuter en un même Homme Nouveau.

Ce rite de table, cènique est d'ailleurs bien antérieur au christianisme et au symbolisme de l'Eucharistie, on le retrouve notamment dans les mystères orphiques où l'on voit les compagnons d'Orphée se nourrir en commun de miel, de vin, et de végétaux, en excluant toutefois la viande. Ils se transmettaient ainsi la substance en montrant alternativement le Ciel et la Terre, comme pour les Unir dans un même sacrifice. Nous rappelant ainsi ce qui est écrit sur la table d'Emeraude « Tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas ».

L’essentiel dans un sacrifice est en premier d’observer les deux phases du « solve et coagula » alchimiste. Désintégrer en un premier temps, réunir dans le second.

- Que voyez-vous au centre de l'Etoile ?

- J'y vois la lettre G.

Ce monogramme sibyllin fait poser plusieurs questions auxquelles on ne sait pas toujours répondre. Pourquoi est-il au centre de l'Etoile ? Il est gênant. Attirant notre attention, il empêche de voir ce qui est peut-être plus essentiel. Il nous cache le centre de l'Etoile et pourtant n'est-il pas dit plus loin que : « Ce qui est au centre est la clef de ce qui autour ».

Le G est la septième lettre de l'alphabet latin, la 3ème de l'alphabet grec, lettre que l'on appelait gamma G et qui avait la forme d'une équerre.

Si l'on considère un pentagone, on ne peut s'empêcher de constater que le G est un cercle brisé dont l'une des branches, la cinquième, retourne au centre du pentagone régulier. Alors qui est-il ce centre que l'on ne saurait voir ? ou plutôt que seul l'initié parfait peut apercevoir ?

La Géométrie est le cinquième des arts libéraux.

La lettre G ainsi que le gamma grec ont une utilisation bien spécifique dans le domaine scientifique : en cinématique, en effet, le gamma symbolise une accélération et le g est plus précisément le symbole de l'accélération de la pesanteur. On retrouve ici l'idée de gravitation universelle.

Lorsque nous traçons quatre gamma majuscules, un seul point les rattache, le centre ou pivot. La croix gammée ainsi formée est appelée swastika (du sanscrit « de bonne augure »), vieux symbole polaire hindou dont la signification ésotérique n'est autre que la roue. La roue du temps, de l'espace. La roue de la manifestation. C'est sans doute pour cela que l'on rattache le G à l'étoile polaire, P la grande Ourse P et que l'on en fait descendre le fil à plomb. (gravitation - pesanteur).

La croix, qu'elle soit grecque, gammée, potencée, de St-André, égyptienne, possède toujours en son centre un point immobile qui permet aux autres branches de se manifester. Le pivot serait la chose primordiale sans laquelle rien ne saurait exister, toute chose émanant de lui. C'est le moteur immobile d'Aristote régissant toute chose.

Pascal ne dit-il pas citant la table d'Emeraude d'Hermès trismégiste (trois fois grand) « Dieu est une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ? »

Guimel est la troisième lettre de l'alphabet hébreu et le docteur Chauvet nous donne à son sujet de précieuses indications.

« Ce signe, dit-il, se rapporte à. un principe ou à. une puissance de coagulation, de condensation, de compression.

Ghimel est spécifiquement le symbole de la coagulation. Par suite des idées antiques sur la formation de l'embryon dans le sein maternel - résultat de la coagulation de la semence paternelle - à Ghimel fut attribué le symbolisme de la génération dans tous les mondes ; et, accessoirement, celui de l'organisation de ce qui a été généré ou produits dans les mondes naturels créés.

Dans le monde divin, Ghimel correspond à. la fois au Père générateur, et au Fils-Verbe, généré, qui dans les mondes créés, devient générateur à. son tour, comme principe dans la Nature naturante » (fin de citation).

La F\ M\ moderne donne à la lettre G au moins cinq définitions. Gnose, Génie, Géométrie, Gravitation, Génération. Les anglais y voit la première lettre du mot God et les allemands du mot Gott, les Syriens disent Gad, le persan Goda. Il est facile de faire des rapprochements, mais gardons nous du syncrétisme, on ne peut prendre pour ayant une valeur traditionnelle le sens relativement moderne (18ème siècle) qu'a pris ce monogramme dans diverses langues.

On pourrait tout aussi bien voir dans les trois lettres G.O.D., les initiales des mots hébreux Gomer, Or, et Dabar signifiant respectivement Force, Sagesse et Beauté ou Parole divine (que l'on retrouve dans Débir).

En tout état de cause, il apparaît que G est une énigme hermétiste qui fut étudiée depuis les plus anciens temps et sur laquelle les exégètes n'ont pas manqué de s'arrêter.

Jules BOUCHER dans sa « symbolique maçonnique » émet l'hypothèse que la lettre phi j qui a l'aspect d'un noeud et dont la graphie est proche du gamma minuscule aurait pu remplacer le G et qu'alors on aurait pu lui faire dire philosophie, philanthropie que sais-je encore ?

Pour Victor NAGRODSKI dans « le secret de la lettre G », cette dernière n'est qu'un signe représentant le « noeud », signe destiné à souligner ou montrer du doigt le tracé géométrique de la section dorée.

Le noeud est dans les civilisations indo-européennes un symbole très fort. On se souvient que la mythologie indo-européenne donne au dieu suprême, entre autres armes, le pouvoir magique d’enchaîner ses victimes. (Zeus liant Prométhée, Persée, fils de Jupiter délivre Andromède enchaînée sur un roc marin par la jalousie de Junon). L'initié est celui qui sait lier et délier. Alexandre ne fait que trancher le noeud de Gordes.

Romulus, et plus tard, les Consuls se faisaient précéder par des « licteurs » pour bien indiquer leur puissance.

Le Christ donne à ses apôtres le pouvoir de lier et de délier. La pensée indienne est dominée par la soif de délivrance et la caverne de Platon nous montre des hommes enchaînés. Souvenons-nous qu'il n'y a chez nous que des personnes libres et de bonnes moeurs. Plotin dit même dans les Ennéades : « La marche vers l'Intelligence est pour l'être la délivrance de ses liens ». (Enn. IV-8.1)

Les compagnons d'Arnould -Grémilly eux, n'ont pas hésiter à. faire de G l'initiale de gaster (l'estomac, dont les hindous font aussi un symbole du centre à cause de sa position proche du plexus solaire) !

Il est séduisant de constater que le premier des signes du zodiaque, le bélier ^, est symbolisé par un signe très proche du gamma minuscule. Il faut donc se garder d'accorder une valeur symbolique ésotérique sûre à un symbole typiquement maçonnique et donc relativement récent. Il ne faut pas confondre maçonnerie et tradition. C'est le symbolisme qui est universel, pas la maçonnerie; elle n'en est que l'un des véhicules.

Oswald Wirth fait remarquer que l'idéogramme alchimique du sel (un cercle barré en son centre) devient G s'il est tracé d'un seul trait, sans contact aux deux extrémités.

Mais l'essentiel dans notre démarche, n'est-il pas de chercher ?

De même que le Petit Prince demande à St-Ex « Les épines à quoi servent-elles ? » sans obtenir de réponses satisfaisantes, de même le compagnon demande au maître « Ce G qui est-il ? » jusqu'au jour où il comprendra que c'est à lui de trouver la réponse avec les outils qui lui ont été fournis.

Et s'il était là pour empêcher de voir ce que ses yeux ne sont pas préparés à recevoir ? Il nous révèle (remet le voile) le centre de l'Etoile. Il nous cache le centre créateur sans lequel ni la Géométrie, ni la Génération ne saurait exister. Il est une assimilation du Iod hébraïque que l'on aperçoit sur le tétragramme du V\ M\.

Cette petite lettre à peine plus grosse qu'un point, une virgule, engendre la seconde lettre le Hé, qui n'est que le reflet manifesté du iod qui lui est le principe moteur. Ce qui n'est pas sans nous rappeler le fameux « In principio erat Verbum » de Jean.

Dans la Divine Comédie, Dante fait dire à Adam que I fut le premier nom de Dieu. Ce I ne serait-il pas une transcription du Iod hébraïque ?

C'est également la lettre I qui fut choisie par les romains pour symboliser l'Unité, le Commencement de la série ?

(Alors qu'ils auraient pu, quitte à choisir la première lettre du mot comme C pour Cent, ou M pour Mille, choisir le U pour Unus,a,um.)

Pour renforcer l'idée de commencement, de principe émise plus haut et qui serait symbolisée par le sens de génération que l'on donne également au g, il faut se souvenir que jadis, au 11ème siècle, que le moine Gui d'Arezzo se servit de la lettre gamma pour désigner, concurremment avec ut, la première note qui commence la gamme, puis la gamme elle-même, appelée longtemps, jusqu'au 18ème siècle gamma-ut ou gamm'ut. D'ailleurs G indique encore la note dans la notation musicale des anglais et des allemands.

Anecdotiquement, je vous livre un vieux rituel anglais qui en fait l'initiale de Greater (plus grand).

- Que signifie ce G ?
- Quelqu'un de plus grand que Vous.
- Qui est plus grand que moi qui suis maçon franc et accepté, le maître d'une loge ?
- Le Grand Architecte et Créateur de l'Univers. (ou celui qui monta au pinacle du temple de Salomon).

Un autre rituel de la Grande Loge (en 1986) dit :

- Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir Compagnon ?
- Pour connaître la lettre G.
- Que signifie cette lettre ?
- Géométrie, ou la cinquième science.

Au hasard de mes lectures, j'ai découvert que la lettre G pouvait aussi, d'après certains auteurs comme Plantagenet, avoir un tracé cosmologique. Le cercle discontinu évoquant le trajet cyclique du soleil et la barre transversale, l'axe polaire autour duquel tout l'univers visible de notre système solaire est en rotation.

Poussant plus loin dans les tuileurs (Naudon et Vuillaume), j'apprends que G, c'est également l'initiale de quatre mots hébreux désignant les quatre derniers séjours de Jésus que l'on peut rapprocher des quatre lieux du Temple maçonnique. (Je me fais comprendre, lorsque je dis Jésus, je parle d'un initié parfait, je ne fais pas rentrer la mystique chrétienne dans le Temple). Je cite simplement cet énorme outil de travail et de réflexion qu'est pour nous la Bible. Le Livre. to biblon.

N'oublions pas qu'un vieux rituel du second degré, que certains d'entre nous ont vécu, voit citer au quatrième voyage les cinq bienfaiteurs de l'Humanité que sont : Solon, Socrate, Lycurgue, Pythagore et Jésus. Ces quatre mots, donc, sont Guethsémani, Gabattha, Golgotha, Galilée. Les trois premiers noms de lieux auraient pu n'être donnés qu'en grec, mais les auteurs sacrés ont voulu les traduire également en hébreu comme pour bien insister sur leur sens.

Au jardin de Gethsémani, Jésus a agonisé moralement. Sur le pavé du tribunal (Lithostrotos) en grec, Gabattha en hébreu, Jésus a été jugé. Enfin au lieu-dit « lieu du Crâne », c'est à dire en hébreu Golgotha, Jésus fut crucifié et mourut. En Galilée enfin, il apparaît à ses disciples ressuscités.

Le familier de la Géographie du Temple de Salomon peut faire un parallèle entre ces quatre noms de lieux et les quatre étapes de la passion de Jésus. (Agonie, jugement, crucifixion, résurrection) avec ce qui pour ce qui nous concerne correspond (le devant du temple, le parvis du temple, le palais du temple et le lieu de la parole).

Nous agonisons, (nous nous dépouillons), au cabinet de Réflexion, notre jugement, qui se fait sur le parvis du temple, est symbolisé par l'épreuve de la terre où l'on crée, (idée de genèse), l'homme nouveau (on le sort du néant), enfin nous pénétrons dans le temple avant de pouvoir peut-être un jour accéder à l'Orient, lieu de la Parole.

Lorsque Jésus meurt, Mt 27-31, Luc et Marc nous apprennent que le rideau du Temple, qui séparait le Hékal du Débir, se déchira en deux de haut en bas. Il apparaît ainsi clairement qu'en mourant sur la croix, Jésus passa du Hékal au Débir (Saint des Saints) mais aussi « lieu de la Parole » où Adonaï se manifestait et parlait au Grand Prêtre, que nous pouvons par analogie comparer à la Galilée (où le ressuscité apparaît et parle à ses disciples).

Comme pour nous prouver que la lettre G est une lettre léguée par les hermétistes et pour nous inviter à comprendre le sens caché des choses, il suffit de voir comment un auteur comme Rabelais, considéré comme initié, a su l'utiliser dans son langage crypté. Rares sont ses héros qui iGnorent le G. Grand-Gousier, GarGamelle parents de GarGantua, PentaGruel.

Quant à Panurge, qui apparaît au chapitre 9 du deuxième livre de Rabelais, il se révèle comme connaissant toutes les langues du monde, « sachant tout faire ». Son nom semble former de Pan (tout) et ergon (faire).

De même, le Candide de Voltaire apprend à cultiver son Jardin sous l'enseignement bienveillant de Maître PanGloss. (Celui qui sait tout).

Enfin, placé au centre de l'étoile, le G est le symbole de la quintessence, au sens hermétique du terme, il devient alors l'initiale de graâl, de ce graâl qui est le voile du feu créateur, feu qui rayonne et qui flamboie...

Mes frères et mes soeurs, pardonnez la brièveté de mon propos, mais si j'avais attendu que le Génie parle en moi pour vous présenter cette planche, nous attendrions encore...

J'ai dit.

C\ B\


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