La marche du Comp\

Il est d'usage de dire qu'un F\ M\ marche vers la Lumière. Le Rituel précise qu'il lui appartient de s'engager dans la direction d’où elle vient afin de marcher par lui même à la conquête du Vrai. L'image de la marche peut être mise en parallèle avec la progression du maçon tout au long de son chemin initiatique. De même que le « marcheur » évolue lors de son périple, de même sa marche évolue-t-elle avec lui comme pour marquer les grandes étapes : tout d'abord App\, Comp\ puis M\. Ces trois degrés sont séparés, du moins en apparence, par des cérémonies différentes, des secrets propres, des règles caractéristiques, des tabliers spécifiques, etc. La marche pourrait rappeler la continuité entre ces différentes phases.

En effet, la marche du Comp\ débute par les trois pas glissés de l'App\ tout juste séparés des deux pas latéraux spécifiques au deuxième degré par le signe pénal du premier. Elle se termine bien évidemment par le signe pénal du deuxième degré. Ces deux pas glissés latéraux sont classiquement considérés comme un signe de transgression, en quelque sorte les prémisses d’une initiative personnelle. En effet, si le tout premier pied déplacé par l’App\ est le gauche, celui du Cœur, des sentiments, le premier pas latéral du CC\ se fait avec le pied droit, celui de la Raison, de l’esprit. Le déplacement s'effectue donc sous l'impulsion première de la Raison, le Cœur vient ensuite le ramener dans le « droit chemin » et compléter l'action de la Raison.

Sur la voie initiatique à la ligne droite succède le déplacement sur un plan. D’une dimension, il passe à deux, prémisse au volume lorsqu’il ajoutera un jour peut être la troisième dimension, la verticale. Mais pour l’instant ses pieds restent collés au sol, à la matière, la verticale n’est pas encore à l’ordre du jour.

Après avoir dégrossi sa Pierre, l'App\ devenu Comp\ doit voyager. il doit découvrir le vaste monde et ses merveilles, l'œuvre du G\ A\ D\ L\ U\. Ce faisant il doit utiliser sa Raison pour « suffisamment s'instruire afin d'être admis dans les rangs des Maîtres à son retour ». Mais l'acquisition du savoir par la Raison seule ne suffit pas, il lui faut transformer ce savoir en Connaissance. S'en pénétrer et le vivre pour progresser sur la voie du gnotis seauton. C'est là le rôle dévolu au Cœur.

Le maître soufi Ibn'Arabi ecrivait : « Il y a 2 voies qui mènent à la Connaissance [...]. La première est celle du dévoilement spirituel : c'est une science irréfutable que l'homme trouve en son propre cœur et qui ne s'accompagne d'aucun doute. […]. La seconde est celle de la réflexion et de la démonstration rationnelle [...]. La Connaissance authentique n'est pas donnée par les pensées émanant des rationalistes [...] et celui dont le cœur n'a pas eu de dévoilement n'a aucune science ».

En loge l'App\ n'a aucun degré de liberté. Il ne parle pas, il écoute. Il ne peut visiter d'autre Loge seul. Sa marche est à son image : elle ne souffre d'aucune déviation. Le CC\ lui peut prendre la parole et ainsi participer aux travaux. Il peut visiter seul d'autres Loges. Il lui est donc laissé une certaine initiative comme le premier pas de côté de sa marche le symbolise. Mais cette initiative ne doit pas l'éloigner définitivement de l'Étoile. Le deuxième pas de côté le ramène dans la bonne direction.

En Loge, les trois pas d'App\ sont dirigés directement vers le Delta, les deux suivants allongent la route du CC\ en lui faisant faire un crochet. Mais est-ce réellement un allongement du chemin qui mène vers la Lumière ? Certes le premier pas du CC\ l'en écarte en le dirigeant vers le septentrion. Mais au septentrion ne trouve t on pas les trois Fenêtres ? Elles laissent entrer la Lumière à flot mais à 3 moment différents de son cycle : au lever, au zénith et au coucher. Elles offrent ainsi 3 éclairages différents au CC\ symbolisant peut être ainsi qu'il doit examiner sous tous les angles ce qui l'entoure, ce qu'il va voir dans ses voyages et ne pas se contenter d'un seul aspect des choses. Il ne doit plus voir mais regarder et ce d’autant plus que son point de vue a changé.

Ce fameux pas de côté, l’amène à voir la Loge sous un autre angle que celui sous lequel il la voyait jusqu’alors Cette nouvelle perspective est  peut être là pour l’inciter à embrasser le monde qui s’offre à lui, à sortir de lui même. Son objectif principal n’est plus l’introspection.

Sous ce nouvel éclairage, sous cette Lumière plus crue, le Comp\ a la possibilité de se déciller, de franchir le voile d’illusion dont aime se parer le monde profane. Il peut s'employer à ce que son regard soit semblable au regard du suprême discernement shinto : celui qui ne s'arrête pas à la forme des choses mais essaie d'en atteindre le fond. Il se rapproche petit à petit de l'Or\, du monde intelligible, du spirituel mais il voyage encore sur terre, dans la matière, dans le monde sensible. Monde sensible que sa Raison lui permet d'explorer grâce à ses sens. Sens qu'il va devoir maîtriser pour dépasser l'apparence des choses et pour les ressentir.

Le pas de côté peut également représenter l'ouverture d'esprit dont tout F\ M\ doit faire preuve. En effet, la règle ne définit qu'un seul chemin entre l'Occ\ et l'Or\, le droit chemin. Grand alors est le danger de penser qu'il n'y a qu'un seul chemin spirituel. Le pas de côté est peut être là également pour empêcher de tomber dans ce dogmatisme, dans l'interprétation univoque et péremptoire des symboles qui conduit inévitablement à la Vérité imposée. « Il y a autant de voies à Dieu que de fils d'Adam » dit un antique adage soufi. Ce pas de côté dont la direction et l'amplitude sont propres à chacun est là pour le rappeler.

J'ai dit.