GLDF Loge : NC Date : NC


Le pas de coté

La compréhension du petit travail qui suit nécessite une entrée en matière. Au mois de septembre de l'an dernier, j'avais présenté, dans cette R\ L\, une planche sur la symbolique des couleurs. J'y avais réduit les couleurs de l'arc-en-ciel à six, l'indigo me paraissant inopportun, et avais présenté ces six couleurs en suivant la Genèse. J'avais tenté de les comprendre en cherchant les analogies troublantes qui existaient entre le Premier Jour de la Création et le violet, le Deuxième Jour et le Bleu, et, ainsi de suite, jusqu'au Sixième Jour et le Rouge.

Aujourd'hui, parce que le pas de C\ est l'un des cinq pas de la marche du comp\, et que, pour faire cinq pas, il faut six stations, je n'ai pas pu ne pas essayer de chercher de nouvelles analogies, de nouveaux enseignements dans ce texte majeur du Livre. Et, malgré le risque de la redite, je l'ai emporté pour me guider dans ce voyage de cinq pas, à travers le temps et l'espace, du 1 vers le 6, du point vers l'hexagone, des Col\ vers les col\, du levant vers le couchant, de l'Occ\ vers l'Or\, du premier jour de la Création vers le sixième, de l'app\ vers la m\, de la naissance vers la mort. (Et la renaissance).

Plus je préparais mon expédition, et plus j'avais la sensation que ce que je m'apprêtais à faire était de rassembler ce que était épars, pour sentir plus intimement ce que nous sommes dans le T\, et pour quoi nous le sommes, ce que nous y accomplissons, et pour quoi, nous l'accomplissons. Au cours du trajet, j'aborderai, bien sur, le pas de c\, qui a motivé ce travail, mais je le ferai sans m'y appesantir, parce que j'ai adopté un style volontairement narratif, qui ne traduit pas, ou peu, toutes mes émotions, mes réflexions et mes interrogations, afin de faciliter votre audition, votre écoute, votre entendement ou, éventuellement, votre endormissement, si vous trouvez peu, ou pas, de charme au symbolisme.

Debout dans l'encadrement de la Porte, le comp\, se souvient de ce matin qui l'a vu, profane, sortir rampant de la terre, se redresser sur ce seuil, entrer dans l'enceinte sacrée, y accomplir trois voyages et, replacé entre la Col\ B\ et la Col\ J\, y être déclaré leur fils adoptif. Chaque fois qu'il entre dans le T\, par cette porte de l'Occ\, il revit cette renaissance, et le cheminement qu'elle a initié. A l'aube, ce premier jour, il est à l'ordre de l'app\ qu'il est devenu ce jour-là, le bras gauche le long du corps, droit comme une règle, le bras droit coudé, perpendiculaire au corps, la main sur la gorge, prête à la trancher. Son pied droit, pointé vers le midi, est perpendiculaire au pied gauche et au regard, l'un et l'autre tendus vers le V\ M\ qui trône sous la fenêtre de l'Or\, par laquelle, ce même jour, il a vu la lumière, la première lueur violette qui annonce le levant, le jour nouveau. Ce premier jour est celui de cette lueur, du grain fragile et translucide de la grenade, de l'idée, du concept, de l'avant-projet, de l'espoir dont il est devenu porteur pour tous ses FF\. Il se souvient que, ce premier jour, on le plaça sur la Col\ B\, sous la bienveillance du F\ 2nd S\ qui devint sa mère nourricière, son guide, son Instr\, mandaté par la L\ pour lui apprendre à marcher droit, et lui enseigner les rudiments du métier.

Ainsi, ce premier jour, il lui fut enseigné le point, sans substance, ni dimension, le premier repère dans le Plan de l'ouvre. Sur sa planche, il en traça un, le sien, le point de départ de cette vie à laquelle il venait de renaître, le point de départ de son cheminement. Ainsi, on lui apprit, aussi, à marcher. Obéissant aux ordres de son Instr\, il avança le pied gauche, le posa devant lui, dans la direction de l'Or\, il prit appui, et y rapporta son pied droit en équerre.

Ce premier pas l'avait conduit au deuxième jour. Le matin de ce deuxième jour, il avait découvert la dualité, sous l'influence du nombre 2, du deuxième jour de la Création, celui de la séparation du Ciel et de la Terre, du Haut et du Bas. Avec ce premier pas, il avait tracé sa première droite et était entré dans la première dimension. Il se souvient que, pour lui faire comprendre ce qu'il venait de faire, son Instr\ lui avait montré l'Horizon, créée par Elohîm lorsqu'il avait séparé le subtil, le ciel, l'Air, de l'épais, de la glaise, de la Terre. Puis, sur sa planche, il lui avait fait tracer une droite, verticale, qui reliait ce Haut et ce Bas. Il venait de découvrir la hauteur, la profondeur, la couleur bleue. Lorsqu'il eût compris cette création du Deux, par division de l'Un, et ce lien qui unissent les deux parties créées, il se souvient qu'il avait poursuivi sa quête en faisant un deuxième pas, en tous points identiques au premier, pour s'approcher un peu plus de l'Or\.

Ce deuxième pas l'avait conduit au troisième jour. En fin de matinée, ce troisième jour, il avait découvert la deuxième dimension, celle du troisième jour de la Création qui avait vu Elohîm créer l'étendue des terres et des eaux. Sur sa planche, il avait tracé la plus élémentaire des étendues que l'on peut délimiter avec trois points, celle du triangle. La surface de ce troisième jour, de couleur verte, évoquait l'étendue des mers, des océans, de l'humide, et du végétal qui, partout, croît où il y a de l'eau. Ce troisième jour, il était un app\ dans son élément, dans l'Eau, près de la Col\ B\ Il découvrait le ternaire, s'éveillait au rituel, à la vie de la L\. Pourtant, il lui fut demandé d'aller plus loin, pour progresser, pour ne pas rester app\, pour ne pas arrêter le déroulement de l'Oeuvre. Aussi, sur ordre de son Instr\, il avait avancé d'un pas supplémentaire, toujours identique, vers l'Or\.

Ce troisième pas l'avait conduit au quatrième jour. Il se souvient qu'il ne savait pas, alors, qu'afin de formaliser son désir de progresser encore et toujours vers l'Or\, afin de servir sa R\ L\, avec ce pas, il quittait l'Eau, et était envoyé vers le quatrième élément, le Feu, dont la Porte des Comp\ garde le passage,  Il se souvient qu'il saluait rituéliquement le V\ M\, le F\ 1er S\, puis le F\ 2nd S\, qui répondaient tous trois à son salut, lui exprimant leurs fraternels encouragements, mais l'arrêtaient dans son élan, par la voix du V\ M\, qui lui ordonnait de prendre place sur sa Co\pour y  persévérer dans l'amélioration de son travail et l'approfondissement de ses connaissances. Comme lors du troisième voyage dans le T\, celui du Feu, le jour de son Init\, un cycle s'achevait, ici.

Mais, aujourd'hui, il est comp\. Son œil droit s'ouvre et voit le relief et le volume, dans lesquels joue le feu céleste. Sans bouger les pieds, il se met à l'ordre du 2ième degré et franchit, ainsi, la porte des Comp\. Il entre dans le Feu de la Ch\ du Trait, quitte la surveillance de la Col\ B\ et passe sous celle de la Col\ J\.

Là où l'app\, avec quatre points, aurait tracé un carré, base de sa pierre cubique, symbole de la manifestation de notre monde physique terrestre, avec ses quatre directions, et ses quatre éléments, le comp\ entre dans le merveilleux. Avec ces mêmes quatre points, il découvre le relief que, désormais, l'ouverture de son oeil droit lui permet d'appréhender : il place le quatrième point de ce quatrième jour hors du plan formé par le triangle, et découvre le polyèdre le plus simple et, avec lui, le volume, la troisième dimension. Ce volume, constitué d'un plan borné par trois points, éclairé par un quatrième, est jaune, de la couleur du soleil, de la révélation. Les trois premiers éléments, la terre, l'air et l'eau, manifestations de la matière, solide, gazeuse, et liquide, sont mis en lumière par ce quatrième élément, le Feu, qui n'est pas de même nature qu'eux.

Il est midi, ce quatrième jour de la Création. A cet instant-ci du temps symbolique, à cet endroit-ci du Temple symbolique, le comp\ est éclairé par la première manifestation du feu, le soleil, dont la lumière transperce la fenêtre méridionale. Là, debout face à l'Or\, le pied gauche dans l'axe de la lueur violette qu'il a aperçue le premier jour, à l'aube, et le pied droit vers cette lumière jaune, éclatante, chaude, rassurante, qui réchauffe son côté droit, le comp\ va faire un pas, pour continuer sa progression. Mais dans quelle direction va-t-il le faire ? Dans celle de l'Or\, prolongeant ainsi, en droite ligne, celle qu'il a été invité à suivre depuis le premier jour, selon la règle de l'Ordre, ou celle du Midi, qui l'approcherait de sa Col\ ? Doit-il opter pour la direction de la lumière qui l'a guidé, mais qui est devenue une pâle clarté ? Ou lui préférer la séduisante lumière du moment, qui brille de tous ses feux, et semble lui indiquer une autre voie ? Doit-il continuer son chemin, tout droit, obéir au dogme, à l'habitude, à l'entêtement ? Ou peut-il céder aux appels de l'extérieur, du visible, du matériel ?  Désormais émancipé, débarrassé de son bâillon et de la tutelle que ses MM\ lui ont abandonnée pour lui permettre quelque mouvement, le comp\ vit les premières affres de la liberté, ceux du dilemme.

Il se souvient, alors, d'un dialogue entre le V\ M\ et le F\ 2nd S\ : « Etes-vous comp\ ? » « J'ai vu » Les souvenirs affluents. Il se rappelle la cérémonie de son passage au 2ième degré, et revoit l'Et\ Fl\ sur les tentures de l'Or\. Il jurerait qu'elle était là-bas, entre l'Orat\ et le V\ M\. Pourtant, il la cherche. Mais il ne la voit pas. Le feu qui brûle en lui, désormais, l'encourage, l'emplit de hardiesse, et lui dicte de partir à la recherche de cette Etoile, de son Etoile, de sa « légende personnelle ». Cette force le pousse à écouter son cœur, ses tripes, son instinct, et il lui cède : il choisit l'orient méridional, le midi oriental, cette direction qui va vers l'Et\ qu'il a vu flamboyer lorsqu'il est entré dans la Ch\ des Comp\ pour la première fois. Il la prend, résolument, du pied droit. Il croit entendre : « Il est ivre, ou trop jeune, pour marcher droit », ou « Que cherche-t-il, cet illuminé ? », ou « En voilà un, perdu pour la religion », ou « En voilà un, perdu pour les plaisirs du monde ». Mais, il n'hésite pas, pose son pied droit, et y rapporte son pied gauche.

Avec ce quatrième pas, ce pas de c\, le comp\quitte le monde objectif et arrive dans le monde subjectif du cinquième jour. Les quatre premiers ont servi à la création matérielle du Monde, à l'installation du décor, avec le point, d'abord, puis les trois dimensions, et, parallèlement, les trois premiers éléments, puis la première manifestation du quatrième, le feu qui éclaire. Ce cinquième jour, Elohîm façonne de la chair et crée le cinquième élément, dont seule la racine latine, « anima », nous permet d'entrevoir la richesse, la complexité et la force. C'est le jour de l'âme, de l'amour, de l'animal, de l'animation, et de tout ce que cette création implique : le mouvement, l'action, le travail, la création, et la génération terrestres. Et, ce fourmillement est soumis à la quatrième dimension créée ce même jour : le temps terrestre, relatif, indépendant de la grande horloge du Cosmos.

Tout ce qui est créé, ce cinquième jour, possède sa propre horloge interne, et sa durée peut-être mesurée, parce qu'il connaît la naissance, la vie et la mort terrestres dans le cadre immuable et éternel des trois dimensions et des quatre éléments. Après avoir créé l'immobilité immortelle, Elohîm crée la mobilité mortelle. La chair meurt dans un décor immuable, mais, depuis ce jour-là, plus rien n'est pareil, depuis ce jour où le Créateur a crée des créatures capables de créations.

Dans l'après-midi déclinant de ce cinquième jour, nous sommes au royaume des animaux, créés le cinquième jour. Nous sommes dans l'orangé, dont le lion, le roi des lieux, arbore la couleur. Ici, tout est vie, mouvement, activité, soumis au 5, symbole de la main et, aussi, du pied : la main qui permet d'ouvrer, le pied qui permet de se mouvoir. L'homme est, ici, l'homo laboris, dont le règne animal, sous toutes ses formes, homme compris, qui passe sa vie à se déplacer et à ouvrer sans relâche pour assurer la pérennité de son espèce, est l'archétype. Ce cinquième jour, le feu est descendu sur la Terre : l'âme et la flamme ont été données à la chair. Le comp\ est cet être dont le corps de chair abrite une âme et manie la flamme. Il passe sa vie à façonner, à cuire, à souder, à fondre, à chauffer, à propulser, à aseptiser, à fumer. Ici, dans le feu terrestre qui ouvre, le comp\ est l'ouvrier, dans son monde, au plus près de la Col\ J\. Il n'est plus dans le feu céleste du quatrième jour, et pas encore dans le feu divin du sixième, il est sur la Terre, dans l'édification, dans le monde. Il est l'opératif, l'ouvrier, la force vive, entre l'app\, qui apprend, et le M\, qui conçoit.

Dans le monde objectif, le comp\ n'aurait pu tracer ni la quatrième dimension, le temps relatif, ni le cinquième élément, l'âme incarnée. Mais, ici, dans le monde subjectif, il a le recours du symbole ésotérique. Celui qu'il trace a cinq points, c'est l'Et\ Fl\ dont son corps de chair, sa tête et ses quatre membres, forment les branches ; son âme en est le flamboiement ; et la lettre G celle de la Génération, du temps incarné dans la transmission du principe de vie, que traduit ce pentagramme dont naîtra un pentagone, et de ce pentagone, un nouveau pentagramme, et ainsi de suite.

Ce cinquième jour, nous sommes vendredi, le jour de Vénus, le jour de l'Amour, le jour du Christ, le jour de l'incarnation, le jour du temporel, le jour pour agir, le jour pour créer, le jour pour grandir. Mais il n'est qu'une goutte de temps terrestre dans l'éternité. Il n'est, pour toute créature vivante, qu'un passage. Il n'est qu'une étape. Car, la progression continue. Le comp\ va poursuivre sa marche. Le quatrième jour, il a découvert la liberté de mouvement, en devenant comp\. Ce cinquième jour, il vient de découvrir l'égalité dans la diversité des travaux nécessaires à l'édification du T\. La fraternité du sixième jour l'appelle. Il avance son pied gauche, le pose dans l'axe Occ\ Or\ qu'il avait quitté, y prend appui, et y rapporte son pied droit en équerre, achevant, ainsi, sa marche de comp\, dans le feu, qui lui a fait dessiner une équerre, alors que sa marche d'app\ lui avait fait dessiner une règle.

Avec ce cinquième pas passif, il rentre se mettre au service de sa R\ L\, enrichi des connaissances qu'il a puisé hors du T\. En cette soirée du sixième jour, les tentures de l'Or\ rougeoient de la lumière du soleil couchant qui entre par la fenêtre de l'Occ\. Toujours à l'or\ de son grade, le comp\est arrivé à la P\ des M\, et pour cette raison, se fait écarter par le V\ M\. Comme l'app\ avait approché les enseignements du comp\, le comp\ approche les enseignements du M\. Il croit comprendre qu'après le cinq, vient le six ; qu'après l'orangé, vient le rouge ; qu'après la chair, vient le sang ; qu'après l'âme, vient l'esprit, qu'après l'animal, vient l'Homme, qu'après le feu céleste, et le feu terrestre, vient le feu divin, qu'après liberté et égalité, vient fraternité.

Cette Porte passée, il y a, sans aucun doute, le septième jour, le nombre  du Mystère, de la Magie, du mage, du magister, du M\, qui s'engagera dans la faille invisible où le rouge devient noir, dont naît le blanc, qu'annonce le violet, et un nouveau cycle.

J'ai dit, V\ M\

N\ D\

Lectures :

Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, éd. Robert Laffont, 1996.
André Chouraqui, La Bible, éd. Desclée de Brouwer, 1989.
Pierre Dangle, Le Livre du Compagnon, éd. La Maison de Vie, 1996.
René Désaguliers, Les deux Grandes Colonnes de la Franc-Maçonnerie, éd. Dervy, 1998.
Jean Ferré, Dictionnaire des symboles maçonniques, éd. du Rocher, 1997.
Edouard E. Plantagenet, Causeries initiatiques pour le travail en chambre de compagnons, éd. Dervy, 1992.
Oswald Wirth, La franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes, II "Le compagnon", éd. Dervy, 1994.


6039-5 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \