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La Marche du Compagnon
 
Sensation furtive et profane de celui qui a l’impression de ne pas avoir tout compris ce qui lui arrivait. C’est l’impression que j’ai de mon passage dans le degré de compagnon. Difficile affirmation que de dire « je n’ai pas tout compris » et pourtant, je dois bien avouer qu’à ce jour, ce degré d’une grande richesse m’est sinon étranger, pour le moins encore étrange. L’idée de passer à une autre étape avant d’en avoir faire le tour m’intrigue.
Mais est-ce bien là le but ? Achever une tâche pour en commencer une autre ? Encore une erreur de débutant, mais il peut être est nécessaire de la faire pour relativiser l’angoisse générée par cette étape dans la vie du maçon. Et puis les sourires que provoquent cette réflexion chez les expérimentés qui m‘entourent me fait au moins comprendre que l’important est dans le cheminement.
 
Sous les colonnes du Septentrion, j’ai écouté mon surveillant, appris à comprendre les symboles, entendu et mémorisé la parole de mes frères maîtres, qui m’enrichissent.
Ma réflexion d’apprenti d’alors était « vivement que je puisse m’exprimer ! » « A mon tour de donner, d’affirmer, de rendre la monnaie ! »
Force est de constater aujourd’hui que l’apprenti bouillonnant à l’idée de prendre la parole et d’en placer une, et bien cet apprenti devenu compagnon, compagnon muet, non par manque d’idée, mais plutôt par la prise de conscience, que son arrivée à ce grade n’est qu’une étape intermédiaire, comme une moitié d’initiation, et que face à ses maîtres, il a quelque chose à dire, mais quand la parole est donnée, un maître a la capacité de le formuler mieux que lui, ou plus vite que lui, alors silence.
Intérieurement, je sais que quelque soit la forme, la couleur et les parements de mon tablier, il va falloir attendre encore avant de prendre la parole dans l’intérêt de la loge.
 
Dans sa symbolique, les 5 pas de la marche du compagnon sont composés par les 3 pas de la marche de l’apprenti. Le côté pénible, de ces trois premiers pas m’a d’abord appris la  ponctualité…Normal, c’est le retardataire qui doit le pratiquer. Ces pas, tout juste arrachés à l’attraction terrestre, allant à l’encontre de la volonté et de l’esprit expriment bien ces métaux qui doivent rester à la porte du temple.
Les pas suivant, ceux du compagnon symbolisent l’éloignement de la route tracée, événement qui ne peut être décidé que de manière autonome, fruit de la liberté gagné par la confiance, un premier voyage en quelque sorte avec l’impression d’être le pilote à bord, libre de découvrir le monde, en abandonnant la ligne pour la surface. Puis vient le retour au tracé d’origine, symbolisant le souvenir des leçons et conseils reçus, la main sur le cœur, amour et fraternité en tête.
 Le compagnon est d’abord un apprenti, un homme avec des vertus morales qui a reçu la lumière, qui a intégré des connaissances maçonniques, des symboles, et qui a passé une autre étape, celle de l’autonomie dans la prise de parole, dans la recherche de la compréhension du monde.
Et cette soudaine autonomie dans la construction de son édifice, de l’édifice crée une peur, une sensation de vide qui peut parfois lui faire croire qu’il n’a pas tout compris. Comme le parachutiste face à son premier vrai saut, le compagnon a peur, mais cette peur est constructive, car il est entouré par ses frères qui, même en silence, lui font comprendre, que eux aussi, ils on douté, et sont là, souriant, avec amour.
 
Le premier voyage et ces cinq sens (vue, ouïe, toucher, goût, odorat) matérialise les outils à sa disposition pour percevoir le monde extérieur, évaluer et ainsi se comparer avec l’autre et trouver sa place. L’humilité est de mise car sans sagesse ces perceptions peuvent nous tromper. 

Il est temps pour le compagnon d’aller visiter d’autres loges, d’autres rites et de se rendre compte, de la richesse des différences. C’est d’abord le timbre des voix qui va ponctuer le rituel, la colonne d’harmonie, puis la richesse des interventions qui vont lui permettre de comprendre sa loge, et se comprendre comme dans « connais-toi toi-même ». Cet exercice est un échauffement à la compréhension de sa position d’homme, d’humain, vivant sur une planète, en société organisée, entouré d’une nature végétale, animale, minérale, et lui-même composante d’un tout, pour un temps donné.
Le compagnon a compris à travers des ouvrages maçonniques la portée des symboles.
 
Dorénavant, sa curiosité va pouvoir s’élargir au monde : La science, l’étude des autres sociétés, cultures, religions, croyances. Cette étape, c’est d’abord la lecture :
Albert Jacquard : après avoir entendu cet homme à Noël 2000 à la radio parler d’avenir, d’amour, et d’une future civilisation globale, dans un ouvrage très illustrée « la légende du futur », ou il imagine une civilisation mélangeant toute nos cultures, une occasion de nous rendre compte que nos différences sont bien minimes, autant dans le chromosome que dans le lien social, et cela qu’on soit un occidental urbain, ou un agriculteur bantou. C’est l’éveil du doutant que je suis.
Puis, ce fut André Comte Sponville, qui explique qu’il est difficile de vivre sans dogme, mais qu’une philosophie athée permet de renoncer à la notion de divinité et donc de redevenir humain intégré à la nature, donc conscient de n’être que des mourants en puissance.
Jacques Ellul dans « le bluff technologique », Jean-Claude Guillebaud dans « le principe d’humanité »,  entre autres m’apportent les réflexions permettant de construire une vision puis l’application dans le monde profane de tout ce qui est vu en loge.
La compréhension de la notion de hasard dans la constitution de l’humanité va ainsi petit à petit prendre place dans mon esprit, me faire perdre toute illusion profane, pour enfin me concentrer sur l’essentiel, la construction de l’édifice, un monde d’entente, d’amour et de raison, ici et maintenant.
Enrichissons nous de nos différences, cette magnifique phrase prend ici tout son sens.
 
Dans son deuxième voyage d’initiation, il est rappelé au futur compagnon que sa construction se fait avec le temps, et dans l’harmonie, que sa force réside dans le respect de la loi morale, et dans sa volonté de grandir. Une nouvelle dimension s’offre à lui, exprimée par les colonnes tout d’abord, la verticalité, qui permet une vision du lointain, de la perspective, et une capacité à réceptionner les messages extérieurs plus forte, comme une antenne, un totem. On pourrait comparer cette image, à celle, très belle, extraite du film « l’odyssée de l’espèce », retraçant l’évolution de l’espèce humaine ou est symbolisé l’arrivée de  l’Homo Erectus, par ce primate, cet homme traversant les hautes herbes de la savane, qui s’élève et aperçoit enfin l’horizon.
Le compagnon ne peut pas avancer tout seul sans douter, et la progression ne peut se faire sans l’aide apportée par son surveillant, mais aussi par ses frères. Mes plus beaux moments de fraternité et d’amour resteront ceux qui suivent ces instants de désespoir, de doute, et d’incompréhension, quand à l’appel des mes jumeaux, puis de mes frères aînés, je reçois ces quelques conseils, qui rassurent, véritable message d’amour, de fraternité, qui créent la complicité, et qui solidifient les liens intérieurs qui font notre loge.
 
Troisième voyage : ici sont réunis, les arts libéraux mais aussi le Niveau. Les trois arts de la parole, mais aussi le symbole de l’égalité et de la modestie. 
Réunir la parole et la modestie, voila ce qui expliquerait mon silence de compagnon.
 
Quatrième voyage, les grands initiés nous sont présentés, alors qu’ils ne sont pas maçons, d’horizons et d’époques différentes, ils se sont chacun sacrifié pour une philosophie : Moïse « tu ne tueras point », Socrate « Connais-toi toi-même » Phytagore par l’initiation par le silence, Jésus  « aimez vous les uns les autres », et Confucius par la perpétuelle recherche du juste milieu.
La recherche du juste milieu, voila une phrase qui mérite réflexion, et montre l’ouverture et l’humilité nécessaire pour s’ouvrir au monde. Cette recherche est aussi enrichissante dans ce qu’elle m’apporte d’analyses, de réflexions, de compréhension du vaste et merveilleux système dont nous sommes une composante, mais aussi, dans le travail intérieur qu’il m’oblige à faire, quant face à cela, une occasion m’est offerte d’inverser le sens de ma quête et de me regarder dans le miroir, d’essayer de me comprendre en prenant le monde en compte. Dérouler la spirale dans l’autre sens pour amorcer une meilleure connaissance de moi-même, est l’autre face de cette recherche. Etonnante allusion à cette figure que je ne peux tracer. Au-delà de l’apprentissage et de la découverte, il y a la compréhension et la diffusion du « compris », sans être un de ces grands initiés, nous pouvons chacun rayonner à la hauteur de notre connaissance et de l’amour transmis. L’équerre, accompagne ce voyage, symbole de rectitude, éprouvé par l’équerre, le compagnon doit marcher, pour découvrir le monde et les lois qui le composent. Cet acte volontaire constitue les premiers pas du maçon.
Gloire au travail, cette phrase me serait restée incompréhensible sans la présence de l’étoile flamboyante.
Cette étoile à cinq branches, comme l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci. Représentation de l’éternité, parfois couronne, lumière mais exprimant le monde nocturne, origine ou destin du monde réunissant le terrestre et le céleste, Bourgeonnement, scintillement, c’est la croissance infinie ou son inverse, D’une lumière explosive, elle montre sa fin alors qu’elle exprime l’intemporel. Expliquer ou tenter d’expliquer la lettre G m’incommode, car la diversité des explications en dilue la force et le sens, je préfère la ressentir que l’expliquer.
 
C’est à travers l’étoile flamboyante, expression du minérale, mais aussi de l’humain, forme existante dans des constructions végétales, que je ressens la notion de labeur nécessaire et perpétuel, d’abord parce que seul un labeur continuel permet de ne pas ressentir une sensation de vide, par la régularité d’une recherche ordonnée, qui cherche la vérité avec la parfaite conscience de ne jamais la trouver.
C’est par ce même travail qui a fait l’homme se différencier de la nature, devenir sujet, que je me sais cheminer en liberté, de faire, sans pouvoir éviter les erreurs, mais là est peut être le chemin pour approcher l’harmonie et la paix intérieure qui semble régner chez mes aînés.
 
V\M\ et vous tous mes FF\, j’ai dit. 

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