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La Main

La main fait tellement partie de notre univers quoti­dien que souvent on en oublie son existence. Aucun autre organe ne renferme autant de tissus différents et aussi spécialisés dans leurs fonctions.

Nos mains réalisent chaque jour des prouesses afin de nous maintenir dans la connaissance de ce qui nous entoure, pour écrire, donner, prendre, tenir l'outil ou le façonner, transmettre nos sentiments voire notre amour et notre volonté, etc. En "creusant" quelque peu le sujet, je me suis vite rendu compte qu'il était bien plus vaste que l'on pouvait le supposer de prime abord.

Anaxagore, philosophe grec, déclare: « La main c'est l'Homme », et Aristote affirme : « Ce n'est pas parce qu'il a des mains que l'Homme est le plus intelligent des êtres, mais parce qu'il est le plus intelligent des êtres qu'il a des mains. »

Si l'on peut discuter ces affirmations, il est certain que la main est intimement liée à l'esprit de l'homme ; avant de chercher à connaître la main, il est intéressant de la regarder. Elles sont toutes différentes, mains d'enfants, d'hommes, de femmes, de vieillards.

Elles sont grandes, courtes, larges, belles, parfois déformées par la maladie ou transformées par un travail manuel ; chacune porte une identité et est unique, pareille à l'être humain qui la fait vivre.

C'est principalement sa relation avec l'homme qui me fascine. La main est éloignée de lui par la distance et est à la fois très proche dans l'intimité profonde de l'esprit humain.

Main, qui es-tu ?

La main fait partie de l'appareil locomoteur. Ce n'est pas un or­gane proprement dit comme le foie, le rein ou le cerveau, mais elle a la fonction d'un organe, celle de la préhension, en particulier de la préhension fine. Celle-ci est propre à l'homme et est due essentielle­ment à la possibilité d'opposer le pouce à l'index, c'est-à-dire à la ca­pacité de la main humaine de "faire la pince". Aucun animal, même primate, n'a cette faculté.

La main est l'extrémité distale du membre supérieur qui est la partie la plus mobile de notre corps, ceci grâce à l'articulation de l'épaule. Elle a sa propre mobilité et ses propres structures qui, au vu de ses multiples fonctions, ne sont pas simples. Sa charpente est constituée de vingt-neuf os et d'autant d'articulations qui sont assem­blés en trois groupes : le carpe, le métacarpe et les phalanges. Sa mo­bilité est assurée par quarante muscles, certains intrinsèques à la main elle-même, d'autres provenant de l'avant-bras et donnant à la main la force et la mobilité fine. Les tendons, les ligaments et les aponévroses donnent encore plus de solidité à l'ensemble. Ces structures sont bien irriguées par le réseau d'artères et d'artérioles provenant des artères radiale et humérale, et encore plus riche est l'innervation de ce terri­toire, assurée par d'innombrables terminaisons nerveuses provenant de trois nerfs de la main : le nerf radial, le cubital et le médian.

Le système nerveux, comme partout dans le corps, a un triple rôle qui est particulièrement frappant au niveau de la main. Le pre­mier rôle est moteur, c'est-à-dire de commander les mouvements de la musculature striée, donc des mouvements volontaires. Le deuxième rôle est sensitif, c'est-à-dire de réceptionner puis de transmettre vers le système nerveux central, les sensations : toucher, chaleur, douleur. Au niveau de la main et en particulier sur la pulpe des doigts se trou­vent des récepteurs spécifiques permettant d'analyser finement la chaleur et le toucher. La douleur, quant à elle, est transmise par les

terminaisons nerveuses libres, spécialement nombreuses sur les mains Le troisième rôle du système nerveux périphérique est d'assu­mer les fonctions de toutes les structures déjà citées par le truchement du système neurovégétatif.

Le système sympathique en particulier adapte la circulation lo­cale aux exigences extérieures et régit aussi la transpiration de la main, manifestation fréquente de l'émotion. En conclusion, la main est un ensemble très complexe sur le plan anatomique et physiolo­gique qui assume en premier lieu la préhension avec la motricité fine mais qui sert aussi de récepteur très fin des différentes sensations, ainsi que d'émetteurs d'émotions. Il n'est pas étonnant, devant sa triple fonction, qu'un symbolisme particulier lui ait toujours été attri­bué.

La main et l'homme

Boris Cyrulink, éthologue, a écrit: « La Main dans le monde vi­vant permet de rendre observable la naissance de l'homme. »

Le foetus a son pouce à la bouche, pour le nouveau-né les mains sont sa première forme de langage ; avec elles il peut explorer le monde qui l'entoure et se sécuriser en tenant un objet ou le doigt d'un autre humain. Plusieurs philosophes pensent que les mains de l'homme sont devenues ce qu'elles sont lorsque l'homme a cessé de marcher avec. Debout, les mains furent libérées et l'esprit de l'homme a fait le reste. Les mains sont devenues un outil puis elles l'ont créé pour améliorer, voire faciliter, le travail à effectuer. Les mains ne servant plus à marcher, elles se consacrèrent davantage à la pensée.

Sartre disait qu'il ne pouvait « penser qu'avec sa main en écri­van».

Le travail de la main en corrélation avec l'oeil aiderait au déve­loppement intellectuel de l'individu. Des psychologues voient un dan­ger, surtout chez l'enfant, dans le fait qu'aujourd'hui le visuel seul supplante souvent la réalisation manuelle. Bergrom conseillait : « Apprenez à dessiner aux enfants et l'intelligence leur montera à la tête. »

On pourrait donc remarquer que la main participe au développe­ment de l'homme depuis sa naissance et l'aide à mieux comprendre ce qui l'entoure. Elle est à la fois matière et esprit.

Matière par la sensibilité qu'elle transmet et qui complète concrè­tement la vision. Esprit par son contact direct avec notre cerveau. Elle va, je le pense, influencer celui-ci en fonction de ses découvertes sans forcément que nous en soyons totalement conscients, et vice versa: le cerveau envers la main.

La main est non seulement notre première forme d'expression mais elle accompagne également souvent notre langage par une ges­tuelle plus ou moins coordonnée suivant notre état d'âme. N'oublions pas l'alphabet par signes des sourds et muets, la dactylographie. Parfois la gestuelle devient un art, notamment dans les danses orien­tales. Interviennent alors uniquement les mains et les doigts. C'est le cas pour les "mudrâs". Ces danses possèdent un caractère secret qui ne peut être révélé qu'à des initiés. C'est à la fois une forme d'incar­nation et de méditation. La main droite symbolise le monde des boud­dhas et la gauche celui des hommes, macrocosme et microcosme. Chaque doigt possède une valeur particulière et les mouvements des doigts et des mains constituent un drame cosmique. L'on mime aussi bien des choses concrètes que tout ce qui est immatériel comme la pensée, une idée, etc. La main fait également partie de notre langage courant à travers des mots dont la racine est en partie la main : main­tenir, maintenant, mainmorte, mainlevée, main-d'oeuvre, mainteneur, mainmise.

Il y a aussi une multitude d'expressions, en voici quelques-unes : avoir sous la main, prêter main forte, de main en main, mettre la der­nière main, à main armée, changer de main, mettre la main sur, passer la main, faire main basse, etc.

Rodin a sculpté plus de quatre cents mains, obsession ? On pour­rait le penser, et le comprendre. La perte d'une main pour un être hu­main est psychologiquement très difficile à supporter, non seulement parce qu'elle constitue un handicap grave mais aussi parce qu'elle fait partie de notre vie sociale.

La main est la seule partie du corps avec le visage que l'on ex­pose à nu, à la vue de tout le monde. Parfois on l'habille pour la ca­cher ou par souci d'esthétique, sous nos latitudes pour la tenir au chaud en hiver. La femme la pare de bijoux et de vernis à ongle.

La main par son apparence ou la richesse de sa décoration peut exprimer un rang social. La main reste rarement inactive. Elle ex­prime nos sentiments même lorsque nous n'en avons pas conscience. Un peintre fait remarquer qu' « il y a des risques de dérapages de

l'esprit si le peintre n'est pas attentif aux mouvements spontanés de sa propre main ».            '

Nous aimons souvent les cacher dans la profondeur de nos poches, dans le dos ou sous la table, à l'abri des "voyeurs". C'est vrai que fréquemment elles affichent au grand jour nos angoisses, notre difficulté à être naturel face aux autres. D'un autre côté, la main a ceci d'extraordinaire qu'elle nous oblige à l'action par le toucher.

Le toucher est, pourrait-on dire, une prise de risques, une marque de volonté également, celle de vouloir mieux se connaître, de sortir de soi-même et aussi d'approcher l'autre, ou l'objet, de soi. Une simple poignée de main apporte un message à l'autre et nous en transmet au­tomatiquement un en retour. La fermeté du geste, la moiteur, la cha­leur, la froideur, la position de la main, la sensibilité; offerte ou non, tout nous influence.

Le toucher est une action relationnelle indispensable. La main est la partie agissante du corps. En revanche vers soi elle porte en elle l'empreinte de la forme qu'elle a rencontrée.

Elle a accès à ce qui n'est pas saisissable par nos autres sens. Le geste est une création, et l'esprit crée par la main. Le peintre, l'écri­vain, le musicien, le sculpteur, tous s'expriment par la main. L'on a dit de Michel Ange : « La main qu'arment comme la sienne, le mar­teau et le burin quand elle affronte la pierre dure, dit le vrai d'une pensée d'Homme dont le corps à l'oeuvre se met à l'épreuve de la ma­tière. » La main donne la dernière note de l'esprit créateur. Elle pré­pare la vie de la musique puis l'offre en caressant l'instrument. C'est ainsi que je le ressens. Elle concrétise notre esprit conscient et sub­conscient. Je ne voudrais pas oublier la main qui soigne et celle qui répare la main elle-même. La main qui console, qui apaise, et enfin la main qui caresse. La caresse est, je pense, l'expression pure de l'Amour dans la connaissance de l'autre.

Sartre dit : « La caresse n'est pas simple effleurement, elle est fa­çonnement. » On pourrait dire qu'elle est une transfusion de senti­ments perçus par la conscience de l'être. Caresser c'est donner et, im­plicitement, recevoir, connaître, découvrir l'autre et se connaître soi-même à travers les esprits réunis, dans une harmonie commune. Jean Brun écrit dans son livre La Main et l'Esprit : « Lorsque les mains échouent dans leurs efforts pour aller à la rencontre de l'autre, apparaît comme un suicide des mains : elles se tordent d'impuissance comme si elles voulaient se détruire exprimant ainsi le déchirement d'un être. »

La main-symbole

« Levez la main droite et dites : je le jure. ». Qui n'a entendu une fois ou l'autre ce serment prêté avec la main levée, à nu, paume pré­sentée comme pour dire : Je n'ai rien a cacher ? La main est alors le symbole de notre pensée livrée en plein jour, de notre "bonne foi".

L'intérieur de la main est plus intime que la partie extérieure, que tout un chacun peut voir. Montrer l'intérieur de sa main c'est mettre à nu, symboliquement, sa conscience aux yeux de tous.

La main apparaît dans de nombreuses religions comme un sym­bole divin. Elle représente celui qui détient la puissance créatrice, le pouvoir de sauver, mais également de châtier.

C'est de la main qu'émanent les rayons de Lumière et de Vie. On la retrouve notamment dans le signe de bénédiction ou d'imposition. Souvent la main gauche est différenciée de la main droite. Les bas reliefs égyptiens, entre autres, témoignent de cette distinction. Ainsi Schwaller de Lubicz le décrit dans Le Temple dans l'Homme, je cite : « Vitalement parlant, le soleil d'avant midi n'est pas le même que l'après-midi, le matin donne ce que le soir résorbe, de sorte que la terre et tout ce qui vit reçoit à l'Est et rend à l'Ouest. L'Homme qui est l'être vivant incarnant la Terre et son Univers, est l'être qui a fixé en lui ces fonctions. »

La main gauche est donc celle qui reçoit et la main droite celle qui donne, dans le sens du soleil, de son lever à son coucher. On re­trouve la dualité féminin-passif et masculin-actif, gauche et droite, Lumière et Ténèbres, etc.

Dans les religions chrétiennes on reparle de ces deux pôles, à sa­voir que la droite est symbole de la bénédiction et la gauche de la ma­lédiction. Certains commentaires rabbiniques suggèrent que le pre­mier homme, Adam, aurait été homme du côté droit et femme du côté gauche. Dieu l'aurait fendu en deux moitiés en créant l'Homme et la Femme. Cette indication gauche-droite se retrouve dans le Moyen Age chrétien. Le côté gauche serait le côté femelle, nocturne, voire satanique, et le droit serait mâle, diurne et divin.

La main droite peut être symbole de l'autorité spirituelle de la voie du Ciel, de Yahvé et de la main divine. La gauche symbolise le pouvoir temporel, la voie guerrière et royale.

Les Grecs, eux, voyaient dans la main droite la force et l'adresse. Pour les Musulmans, la main est le symbole de la Providence et syn­thèse de la loi du Prophète. Dans le christianisme, on représente parfois la main de Dieu sortant d'un nuage et descendant vers la terré. Dans ce même ordre d'idée, on peut voir sur les murs des temples d'Egypte des représentations du Soleil ayant une main à chaque ex­trémité de ses rayons, et ce texte proposé par Akhnaton - l'un des pharaons de la 18e dynastie : « Tends vers moi tes mains qui portent l'Esprit. » Les mains, à travers cette voix, offrent la Lumière porteuse du souffle de vie. L'énergie cosmique transmise par leurs dieux ou déesses était symbolisée par une ligne brisée tracée au-dessous de leurs mains tendues. Laissons le monde des dieux pour citer le sym­bole du pouvoir représenté par une main au bout d'un bâton. Le sceptre royal et la main de la justice dans une monarchie de droit divin symbolisent le pouvoir donné à celui qui le possède. Il devient alors dépositaire de ce pouvoir sur Terre.

Nous avons parlé dans le chapitre précédent du "mudrâ". L'éty­mologie de ce mot désigne un sceau ou une empreinte laissée par un sceau. Dans le "mudrâ" les doigts symbolisent:

- Le pouce = l'espace infini, le vide ou l'éther - L'index = l'air

- Le médius =le feu - L'annulaire =1' eau

- L'auriculaire = la terre.

Il y a d'autres symboles attribués parfois aux doigts de la main, par exemple :

Le pouce symbolise l'avidité ; il participe à toutes les formes de connaissance et de préhension. Dans l'Antiquité il pouvait symboli­ser la condamnation à mort ;

L'index désigne, accuse, dénonce, appuie sur la gâchette. C'est le doigt de l'agressivité. Egalement de l'identification par l'empreinte digitale ;

Le médius a le toucher le plus fin, doigt de la caresse, de la sensua­lité. Il peut remplacer la défaillance visuelle par la lecture du braille ;

L'annulaire doigt du statut, symbole social, il porte l'alliance, il ex­prime l'unio n;  

L'auriculaire le plus court. Il est le doigt de l'affectivité et il est considéré comme le deuxième pouce.

Nous allons clore ce chapitre en parlant de la main symbole du passé, du présent et de l'avenir. Le passé par l'empreinte digitale qui depuis notre naissance nous accompagne tout au long de notre vie et véhicule une identité unique.

La main symbole du passé, du présent-et du futur à travers la chi­romancie. Si elle a parfois bien fait sourire, la science de l'interpréta­tion des signes de la main s'est développée et de nos jours apparaît comme beaucoup plus intéressante. Originaire de l'Inde, elle s'est ré­pandue en Chine puis en Perse, en Egypte, en Grèce et à Rome. Elle a connu des adeptes tels Aristote et Anaxagore.

L'étude des lignes de la main s'est développée et complétée par l'étude de la forme, des structures et des proportions de la main. Elle est devenue la chirogonie, mot d'origine grecque, main et gnomé, fa­culté de savoir. L'on s'intéressa ensuite à la main dans sa totalité pour l'étude du caractère d'un individu ainsi que de ses aspects psycholo­giques et c'est devenu la chirosophie. La chirosophie ne permettrait pas uniquement de mieux définir le caractère et les particularités d'un individu mais pourrait également fournir des diagnostiques sur son état physique ou physiologique. Ceci en rapport avec la forme, la cou­leur des doigts et de la main entière, voire des ongles.

Les Chinois appellent les lignes de la main les "graffitis du ciel". Job affirme : « Dieu posa des signes dans la main des hommes afin que chacun puisse connaître les oeuvres et les desseins qui leur sont propres. »

De tous temps la main a été pour l'homme le symbole du divin et celui de lui-même, de son intérieur caché. La montrer c'est se montrer un peu soi-même.

La main et le Maçon

Le Maître, d'un oeil et d'une main sûrs va vérifier le Trait, il va manier le Compas et la Règle qui ont l'air de jouer dans ses doigts. L'épure est exacte, le Trait va devenir vie dans la main des Compagnons. La main transmettra ainsi la connaissance venue de la nuit des temps ; le Verbe va se muer en gestes et l'oeuvre ainsi obte­nue élèvera notre Esprit. Dans le chapitre précédent, j'ai cité une phrase qui concernait Michel Ange : « Une pensée d'Homme dont le corps à l'œuvre se met à l'épreuve de la Matière. » Par le travail de sa main, il va concrétiser sa pensée de sculpteur et dominer la matière avec amour, sans la détruire, bien au contraire, car il la connaît parfai­tement.

Le Maçon spéculatif va faire de même avec sa Pierre brute. Il ne doit pas la détruire mais chercher à la connaître tout en la respectant, en la dominant par la pensée harmonieuse. Sa taille sera précise et le Trait vérifié devra tendre vers l'Oeuvre parfaite.

A quoi reconnaîtrais-je que vous êtes franc-maçon ? A mes signe, parole et attouchement. La main va transmettre le signe et l'attouche­ment. L'on pourrait dire que la main est à nouveau à la fois la partie opérative du Maçon et spéculative par l'Esprit qui est lié à elle. Ils sont quasiment indissociables, comme l'Equerre et le Compas. Etrangement, la main nous rappelle la Matière dont nous sommes faits et, d'un autre côté, nous aide à ressentir non seulement notre es­prit mais au-delà peut-être aussi le divin qui nous habite. C'est un peu comme si la main du Maçon portait encore en elle l'empreinte de nos ancêtres constructeurs tout en étant parfaitement intégrée à notre état de Maçon spéculatif. Homme vivant, le Maçon est en continuel mou­vement, il se doit d'être opératif ou, si vous préférez, actif au sein de sa Loge pour lui-même et pour les autres, ainsi qu'à l'extérieur de celle-ci. Ses mains vont sans cesse lui transmettre ce rapport entre l'esprit, la main et "l'outil" qui vont agir par ce trait d'union. Lorsque l'Apprenti taille sa Pierre brute, c'est bien sa main qui va exécuter ce travail, même si cela ne se passe que dans l'espace de sa pensée. L'Esprit dirige le Ciseau, et le Maillet qui frappe avec pré­cision et volonté en Harmonie avec la main. Au jour de notre départ pour l'Orient céleste, la main disparaîtra. J'ai l'impression qu'au cours de notre vie terrestre elle aura influencé notre esprit par la transmission des sensations recueillies. Des sensations parfois per­çues uniquement par notre subconscient. Peut-être que quelquefois la main nous informe sur la connaissance enfouie en nous-mêmes et, avec un demi-sourire, je me suis demandé en préparant ce travail si la main, nous appartenait totalement. Cela se rapporte d'ailleurs à tous nos sens. Il y a quelque temps, un Frère nous a parlé de l'odorat en l'associant à une réaction négative venant de notre subconscient, voire de notre "souterrain" primitif, ou instinct animal.

Il est clair que le Maçon devrait apprendre à maîtriser ses sens et, dans ce but, devrait les connaître et chercher à les utiliser vraiment. On sent, mais sans véritablement s'imprégner de l'odeur et en retirer une connaissance ; on entend sans écouter ; on goûte sans savourer ; on voit sans regarder et l'on touche sans s'apercevoir de toutes les ri­chesses perçues. Nos cinq sens sont à ce titre, indissociables car c'est souvent leur synthèse qui nous apporte la connaissance de ce qui nous entoure, et surtout de nous-mêmes.

La main a une particularité par rapport à nos autres sens, elle est la partie agissante de notre corps. Elle sert non seulement à prendre mais également à comprendre ; elle peut caresser mais aussi frapper. Ne dit-on pas "joindre le geste à la parole" ? C'est notre conscience qui, à travers la main et avec elle va toucher, ou réaliser le bien ou le mal. Elle agit souvent lorsque nous sommes préoccupés, voire désoeu­vrés devant une situation inhabituelle ou une personne qui nous est étrangère ou qui transmet une onde négative ou que nous percevons comme telle.

Elle va alors se tordre, les doigts vont se serrer, se frotter les uns aux autres. Dans une forte colère, elle va frapper la table ou la tapoter d'impatience, etc. Il est indéniable que si l'esprit peut influencer la main, le contraire existe et en arrivant à maîtriser son esprit par un travail intérieur, l'on oublie trop facilement que la main peut le désta­biliser, par l'action de notre subconscient.

Lors d'une entrevue avec une personne avec laquelle vous ne vous sentez pas à l'aise, essayez de vous demander : que font mes mains ? Souvent elles traduisent votre insécurité du moment alors que vous pensez être relativement décontracté. Il est intéressant de penser à ses mains dans son travail de connaissance de soi, son Cabinet de Réflexion. Raymond Vilain, chirurgien de la main, a dit : « La main est le parking de l'angoisse. », et j'ajouterai, heureusement aussi celui de nos joies.

Cette maîtrise de nos mains prend toute sa valeur au Temple où aussi bien les officiers que tous les Frères qui participent à une tenue se devraient d'exécuter les gestes nécessaires au rituel avec le plus de rigueur possible, car les mains sont fortement mises à contribution par l'esprit. Le signe, le geste qui donnera rigueur au maillet, l'allumage des petites lumières, tout traduit l'intérieur des êtres qui les exécutent et ce qu'ils redonnent à l'extérieur se ressent souvent à travers les mains.

Rien n'aurait vraiment de valeur en Maçonnerie sans l'Amour et la Fraternité.

La Fraternité est le ciment indispensable à la construction de notre Temple de l'Humanité et la main du Maçon va la rendre "vi­sible" à l'autre. Non seulement visible mais cette perception va entrer en lui et en transmettre à nouveau. La Chaîne d'Union est créée.

C\ T\ (Par)


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