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La Main

Notre V.M. m’a demandé de présenter un travail sur le sujet de mon choix, il y a une quinzaine d’année, j’avais présenté pour la première fois une planche sur un sujet rarement débattu en loge : La main.
J’ai été initié dans une loge  « réalité91 » dont le logo et le bijou de loge sont ornés d’une main tenant une pierre brute ; tenant, éprouvant, pesant, malaxant… Le VM de cet atelier m’avait chargé vu ma profession de l’époque d’analyser ce logo et de travailler sur ce membre utilisé maintes fois par jour dans des circonstances diamétralement opposées.

 La main vous croyez tous la connaître ; tous les jours vous ne la voyez plus, vous vous en servez sans y prêter une attention particulière, mais la moindre blessure et vous devenez handicapé dans vos gestes.
La main qui nous différencie de l’animal, la main qui suivant les hommes présente une évolution plus ou moins importante, la main qui dans le langage populaire et dans ses expressions présente beaucoup d’importance, la main symbole pour nombre de religions et civilisations ; la main en maçonnerie qui sert à se reconnaître, à se déplacer en loge à effectuer nos premiers travaux ; cette main du maître des cérémonies, puis de l’expert qui nous a guidés lors de l’initiation.
Et pourtant, ce soir je vais vous entretenir d’un organe qui dès la fin de notre premier travail d’apprenti sera recouvert d’un drap blanc ; et cela dans la presque totalité des circonstances de sa vie maçonnique.
Pourquoi cette particularité, pudeur, honte ou pour au contraire en souligner l’importance, pour ne pas les salir et pour les garder pures et sans tâches ou au contraire pour ne pas montrer les souillures dont elles portent les traces indélébiles. Il faudra attendre la fin des travaux et la chaîne d’union pour retrouver notre main et la joindre dans celle de nos frères, mais alors quelle richesse de sensations. Nous nous reganterons avant de délaisser définitivement cette étoffe blanche pour la prestation de serment.

Mais avant d’entreprendre l’étude maçonnique de ce membre, il me semble important d’étudier l’évolution de la main depuis le règne animal jusque chez l’homme.
A l’origine, l’homme s’est différencié de l’animal en se relevant, en déambulant sur ses deux membres postérieurs, il ne s’est plus servi des membres supérieurs pour la déambulation, mais pour la préhension.
l’homonisation, c’est à dire le processus qui a abouti, selon certaines théories biologiques, à l’apparition de l’homme sur terre se traduit par trois ordres de faits :
-         l’érection ou mise en station verticale
-         l’augmentation de volume de la boîte crânienne
-         l’apparition de la main
 
Certes chez les primates comme les singes la préhension est possible, mais la main humaine possède un mouvement particulier : l’opposition qui permet la prise fine avec chacun des doigts, aucun animal même le plus évolué ne le peut.
Les membres supérieurs ne servant plus à la déambulation se sont raccourcis, ils ont gagné en amplitude et en dextérité à noter que chez le nouveau- né, les membres supérieurs sont plus longs que les inférieurs, son intelligence croît à mesure qu’il apprend à se servir de sa main, à mesure aussi qu’il quitte la position à quatre pattes pour la position verticale.
Dès la naissance l’homme est attiré par la main, le bébé va chercher son pouce, que de pleurs en cas d’échec et souvent nous, parents aideront grâce à notre propre main à trouver le pouce si désiré. Puis que découvre en premier le nouveau-né qui commence à discerner le monde ? Une forme bizarre qui s’articule, lui fait des signes, lui donne des caresses, lui amène la nourriture ; Lui-même à cet âge ne peut dissocier ce bel outil ; il ne peut qu’agripper et ne sait encore relâcher volontairement sa prise. Progressivement il va découvrir sa main et s’en servir d’outil, outil primaire pour l’amusement, le ravitaillement, outil de découverte par la palpation, découverte de sensation de bien être, mais aussi de désagrément par la douleur.
L’apprentissage des premiers gestes comme le dessin, l’écriture va permettre à l’enfant de bien dissocier ses doigts, c’est vers quatre ans qu’il va commencer à bien maîtriser sa main, d’où les premières comptines «  ma main a cinq doigts.
L’apprentissage va se poursuivre tous les jours par le jeu, la qualification professionnelle, la musique, les arts, d’où les expressions populaires sur les dons de certains ; mais n’oublions pas qu’il n’y a de don que dans le travail, il peut y avoir des facilités, mais celles ci doivent être travaillées pour arriver à produire des chefs d’œuvre, il n’y a pas de dons spontanés.
La qualité de l’outil main n’est pas la même chez tous les hommes, il n’y a pas d’égalité ; certains n’ont pas développé cet outil et sont restés des primaires.
Le Docteur Levame classe la main en quatre types, cinq si nous considérons le cinquième comme une progression du quatrième :
-         La main a deux doigts, main primaire, une pince première étape au-dessus du règne animal, seule différence, l’opposition du pouce ; nous avons affaire à des hommes aux possibilités manuelles et intellectuelles limitées.
-         La main a trois doits, permet l’écriture, la prise fine, c’est le début de la dissociation des doigts.
-         La main a quatre doits, c’est le cas de l’homme capable d’utiliser tous ses doigts de façon différente.
-         La main a cinq doigts permet tous les travaux de fonction, toutes les sensations, le raisonnement
-         Pour en arriver à la main à six doigts du virtuose, pianiste, violoniste…
 
La main est un outil, elle prolonge la pensée humaine et grâce à son intelligence l’homme adapte les outils à sa main, mais ceux ci suivant leur fonction seront tenus différemment.
Prenons l’exemple de l’homme se servant d’un maillet et d’un ciseau.
Le maillet est la force qu’il va falloir insuffler au ciseau pour qu’il sculpte la pierre, le bois, le ciseau c’est la précision, c’est lui qui transmet l’information venue du cerveau.
Le maillet sera tenu de façon ferme par les trois premiers doigts, les deux derniers se contenterons d’induire la direction des coups, le ciseau lui sera maintenu par des prises fermes mais plus fines pour que le mouvement voulu soit réalisable. Il y aura de la souplesse, de l’intelligence du savoir-faire ce qui implique une intégrité de l’outil main, toute blessure ou handicap perturberont le geste.
La main n’est pas qu’un outil, c’est un organe de réception, elle transmet et reçoit les informations, sous votre main vous allez ressentir la tension, la chaleur, le bien être, la contracture, mais aussi la fuite, la franchise, l’opposition ; la main est une source d’information, prenons l’exemple de la simple poignée de main :
-         elle peut être du bout des doigts montrant le dédain, la non-communication, le mépris
-         elle peut être ferme et franche, emplie d’échange de sympathie
-         Mais tout aussi ferme dans le but de nuire par la douleur l’agressivité.
 
Main prolongation de l’outil, organe de communication, mais aussi source de bien être, de prédiction, et par ses différentes positions source d’information :
-         Le bien être, l’application de la main de la mère sur le front de l’enfant qui souffre, le massage qui calme la douleur, la main de l’être aimé source des premières émotions.
-         La main source de prédiction, la chiromancie des bohémiennes qui oppose la main gauche où sont inscrites des potentialités et la droite qui enseigne sur les réalisations.
-         La main source d’information, l’étude de la forme des doigts permet de deviner la personnalité le caractère ; la main en supination pour recevoir et en pronation pour l’engagement comme la prestation d’un serment.
 
Comme tout ce qui est célèbre la main génère beaucoup d’expressions populaires :
-         mettre la main sur
-         demander la main de sa promise
-         passer la main
-         c’est fait main
-         il a gardé les mains propres
-         de main de maître
 
ces trois dernières expressions symbolisent le travail, l’honneur la qualité
Travail manuel façonné intelligemment par rapport au travail mécanisé borné, limité et par conséquent stupide (sauf pour celui qui a inventé la machine) ; la main sait faire face à l’imprévu en s’adaptant, elle rectifie une imperfection, la main saura sortir du banal pour réaliser une œuvre, un chef d’œuvre celui du compagnon qui voudra devenir maître.
Le maître devra lui-même « mettre la main à la patte »pour conseiller,  et « se salir les mains » pour montrer qu’il ne méprise pas le travail manuel.
Toutes ses expressions populaires pour monter qu’il ne doit pas y avoir d’opposition entre manuel et intellectuel ; mais que les deux sont profondément liés.
 
Pour progresser dans notre étude sur la main, étudions son symbolisme ; je me suis référé à l’ouvrage d’Annick de Souzenelle qui a étudié l ‘anatomie humaine pour en décrire le symbolisme.
La main en hébreu yad est tout simplement la lettre yod du tétragramme ; elle est liée à la connaissance yada ; « je connais veut aussi dire j’aime » ; il ne s’agit pas pour les hébreux d’une qualité intellectuelle, il s’agit de la connaissance expérimentale.
Le verbe hébreu yada « connaître » est construit sur la racine yad la main à laquelle s’ajoute la lettre ayin qui signifie l’œil ; nous pouvons en conclure que la main est douée de vision et l’œil d’une certaine qualité de toucher.
La vision et le toucher mènent à la connaissance à la liberté.
 
L’iconographie chrétienne représente des Christ en gloire aux mains démesurément longues ( le Christ de la basilique d’Autun), une interprétation peut être avancée « l’homme connaissant. La main de l’homme est connaissante en tant qu’elle est icône de celle du père et en reçoit les énergies.

La tradition chrétienne sur la trame même du judaïsme parle de deux mains du père agissant sur le monde :
-l’une, celle du fils, verbe qui structure.
L’autre, celle de l’esprit sain qui vivifie.
A cette image les deux mains de l’homme connaissant structurent et vivifient ; et selon que la connaissance de l’homme participe d’un plan très banal ou d’une expérience de plus en plus profonde, les mains façonnent, modèlent, rythment, puis elles donnent la vie à ces différents plans, l’une n’est rien sans l’autre.
Chaque doigt a son secret, sa puissance, tous les gestes de la main et des doigts que les yogis et les danseuses sacrées accomplissent mobilisent ainsi des énergies qui mettent particulièrement l’homme en relation avec tel ou tel aspect de sa potentialité divine.
Le yoga des doigts en Inde est appelé « Mudia » ; chaque Mudia est signifiant, chaque mouvement de la main ou des deux mains réunies est lourd de puissance.
Chez les israélites la main garde une grande importance, le premier cadeau que l’on fait à une fiancée est une main en or ; à coté de la maison où l’on célèbre un mariage, il faut dessiner sur le mur une main.
Les musulmans ont l’habitude de porter sur eux la main de Fatima, symbole de la puissance protectrice.

Toute cette étude sur la main n’aurait pour nous qu’un piètre intérêt si dans notre rituel la main n’avait pas une importance considérable ; toute recherche maçonnique se base sur le rituel ; étudions celui du premier degré.
 
En premier lieu, nous constatons que sans les mains rien n’est possible, pas d’attouchement, pas de déplacement en loge…, autre fait important, l’opposition qu’il y a entre la richesse des gestes des membres supérieurs par rapport aux inférieurs. Comme dans l’évolution que nous avons décrit au début, les membres supérieurs ont acquis une fonction de transmission de richesse que ne possèdent pas les membres inférieurs. La main apparaît être au pied un peu ce que le compas est à l’équerre ; la raideur de l’angle entre les pieds, la rigueur dans leur déplacement sont en contraste avec la multiplicité et l’infini variété des mouvements des mains et des doigts, notamment le pouce qui peut former avec les autres doigts un angle droit. Les mouvements de la main rappellent les pénalités encourues et cela quel que soit le degré.

Les mains droite et gauche n’ont pas des gestes symétriques mais montrent au contraire leur spécificité.
Le signe maçonnique le plus significatif est pratiquement toujours réalisé de la main droite, au premier degré la main gauche n’intervient pas, elle n’a pas encore le rôle de récepteur que le rituel définira ; la main droite est dévolue à l’action à la démarche solaire.
Pour développer cette idée au premier degré, examinons le VM à l’invocation il tient l’épée flamboyante de la main gauche source de réception de l’énergie, il reçoit l’autorité spirituelle de la main gauche et de sa main droite il tient le maillet symbole du pouvoir temporel celui de l’action.
L’expert, le maître des cérémonies, le couvreur tiennent leurs épées et canne de la main droite, par contre nous accueillons les visiteurs de marque sous la voûte d’acier épées tenues de la main gauche, nous retrouvons encore l’opposition action et passivité.

Le sens dans lequel tournent les maçons en loge rend compte encore de cette discrimination. Il est juste de tourner dextrorsum, c’est à dire à main droite et il est incorrect de tourner senestrorsum, c’est à dire à main gauche, seul le premier voyage du premier degré est ainsi fait à contre courant ; le premier surveillant est le seul autorisé à marcher à contre courant pour contrôler la qualification des présents à l’ouverture des travaux.
Il est une manifestation essentielle où les maçons unissent leurs mains pour faire en commun un geste, c’est la chaîne d’union à la fermeture des travaux que je distinguerai de celle de l’initiation et de l’accueil d’un nouveau frère.
A la fin des travaux lorsque le VM demande de former la chaîne, tous les frères se dégantent ce qui souligne la parfaite sincérité des participants, les bras sont croisés sur la poitrine, le droit devant le gauche, la main gauche unie à la main droite du frère qui est à droite et inversement ; cette chaîne courte reproduit les lacs d’amour de la houppe dentelée, elle symbolise l’union sacrée de tous les frères. Ainsi placés les participants ne savent pas à qui est la main qu’ils tiennent, voir même où sont leurs mains. On oublie ce qui est droit et ce qui est gauche, ne sachant plus à qui appartient quoi, il n’y a plus d’avoir, tout est un seul être.

Le non initié sera admis les mains nues, et la première fois qu’il entrera dans la chaîne les yeux bandés, la chaîne sera longue car elle marquera l’entrée d’un nouveau maillon dans la famille internationale des maçons, mais l’impétrant n’est pas encore un frère donc il ne peut faire parti d’une chaîne courte qui réalise l’unité de tous les frères.
L’impétrant au cours de son initiation a toujours été soutenu manuellement par une main secourable son ange gardien se nomme maître des cérémonies ou expert, mais quand il va être admis dans la chaîne ce n’est plus une main secourable, c’est la main de la transmission celle qui unit l’ancien et le nouveau, symbole de la pérennité de la maçonnerie.
Au cours de l’initiation d’autres points forts :
Le serment sur la coupe des libations, la coupe sera tenue de la main gauche.
La prestation de serment, la main gauche tenant le compas pointe sur le cœur, la droite posée sur les trois grandes lumières de la FM.
Main gauche réceptrice de la fidélité du futur impétrant, main droite active qui engage le récipiendaire.
La transmission se poursuit comme à l’invocation, le VM tenant le glaive de la main gauche (transmission) sur la tête du néophyte va frapper trois coups de maillet de sa main droite pour agir et effectuer le passage de l’état de néophyte à celui de frère.
Tout au long de l’initiation nous aurons cette répétition de réception, transmission impossible sans le concours des mains.

Le signe de pénalité où la main sépare l’intellect du matériel, l’acclamation écossaise qui unit les mains et par-là même l’action et la passivité, la maçonnerie a pour but d’unifier tout ce qui est épars, de trouver un juste équilibre, elle est la colonne centrale de l’arbre des sephiroth de la kabbale.
La cérémonie se poursuivra par le premier travail et là encore les mains auront un rôle.
 
La main occupe une place considérable dans la vie maçonnique comme dans la vie profane, à tel point qu’on l’oublie au profit de l’outil qu’elle tient, le geste qu’elle effectue.
la main c’est la tradition, elle symbolise la transmission initiatique, mais aussi la confiance :
« En quoi mettez-vous votre confiance ? » Demande le VM, en Dieu » répond le candidat avant d’être confié à la main  du maître des cérémonies.
La main, c’est la volonté ferme, inébranlable qui permet à l’apprenti de tailler sa pierre brute.
Confiance, communication, détermination tels apparaissent donc les trois axes qui dominent l’étude de la symbolique de la main.
Regardons notre main par sa face palmaire, que remarquons-nous, un doigt est plus grand que les autres il est entouré de deux autres doigts très proches et de deux autres plus éloignés ; le majeur ne serait ce pas le VM entouré de son secrétaire et de son orateur, le tout maintenu par les deux surveillants ; que faut-il pour qu’une loge soit juste et parfaite, 3 la dirigent, 5 l’éclairent. J’espère que comme les compagnons et maîtres opératifs vous protégerez et respecterez ce merveilleux outil qu’est la main.
 
J’ai dit

J\P\ L\

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