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L’architecture ou la construction de mon être intérieur

Parmi les cinq voyages effectués lors de la cérémonie de mon passage au grade de compagnon, je fais lors du deuxième voyage, le tour de la loge tenant dans ma main gauche la Règle et le Compas, ces deux outils dont l’organisation associée est indispensable à la réalisation d’un ouvrage d’architecture et qui nous rappellent aussi le temps de la maçonnerie opérative.

L’architecture porte en elle une partie de l’histoire de l’humanité, la symbolique de la construction existe depuis l’âge des métaux et les menhirs, les dolmens pour ne citer que ces exemples ne sont sans doute pas que de simples pierres élevées vers le ciel, elles représentent l’expression humaine du constructeur, son rapport avec l’univers, la vie et la mort. A ce titre les pyramides de l’Egypte antique en sont la parfaite illustration.

D’après le traité le plus ancien qui soit connu sur le sujet, De Architectura de Vitruve, l’architecture telle qu’elle se conçoit dans l’antiquité grecque cherche à établir une combinaison harmonieuse et équilibrée de trois principes : Beauté, solidité et utilité. Ces principes préfigurent les lois intangibles de la symétrie qui reposent sur les notions d’harmonie et d’équilibre indispensables à tout acte de construction digne de ce nom.

Les trois ordres les plus anciens qui proviennent de l’Antiquité Grecque et qui correspondent à l’ensemble formé par des colonnes soutenant un entablement sont le Ionique, le Dorique et le Corinthien, ce dernier comme son nom l’indique fut inventé à Corinthe, il est considéré comme le plus riche et surtout utilisé par l’art roman. Ces trois ordres sont en maçonnerie attribués aux trois piliers de la loge et leur interprétation symbolique daterait de la fin du 18ème siècle.

L’ordre Ionique considéré comme gracieux et remplissant son rôle de soutien fiable de l’édifice est attribué au Vénérable Maître crédité de la qualité de la sagesse.

L’ordre Dorique, simple et austère dans son expression architecturale se révèle puissant et robuste, il est rattaché au 1er Surveillant qui en exprime la force.

L’ordre Corinthien plus richement doté en particulier dans la partie que constitue son chapiteau trouve son expression symbolique dans la beauté représentée par le 2ème Surveillant.

Plus précisément, la Sagesse à la capacité de concevoir l’ouvrage, la Force de le construire, la Beauté de lui donner l’harmonie et d’exprimer à l’extérieur ce qu’il contient intérieurement.

Sans oublier les deux autres ordres que sont le Toscan et le Composite qui interviendront plus tard car elles sont seulement des variantes des trois ordres principaux précités mais qui néanmoins permettent de réaliser un tout puisqu’ils forment les 5 ordres d’architecture.

Ce travail de recherche et de réflexion sur la symbolique de l’architecture me rappelle justement la planche exposée par notre frère Orateur lors de notre tenue du mois de mai sur l’Art Royal.

Cette planche issue de mes lectures et mes recherches, serait incomplète sans ma capacité à identifier le symbole utile qui va m’aider à mieux comprendre le véritable objet de cette étude qui doit me donner les clés pour accomplir le cheminement progressif de mon être intérieur.

Les maîtres de la loge ont décidé que j’étais digne d’une augmentation de salaire et donc d’accéder au grade de compagnon, ils ont donc estimé que mon travail d’observation, d’étude, dans le silence, m’ont permis d’acquérir les quelques bases essentielles me permettant de continuer à progresser dans la connaissance maçonnique. Je fais volontairement référence au grade d’apprenti car le lien avec l’architecture est évident. En effet, toute construction nécessite un travail de préparation, de déblayage du terrain, de connaissances des outils utiles et vérifier que la masse des pierres à utiliser est bien conforme à la destination finale qui doit en assurer la solidité et la pérennité. Apprendre à dégrossir la pierre brute prend ici toute son importance. Si le temps de l’apprentissage est négligé, comme pour un édifice dont les fondations ne seraient pas assurées, la poursuite cohérente de la connaissance de nouveaux mystères serait vaine et dérisoire quant à sa finalité.

Ce rappel étant fait, le rituel du deuxième degré précise également que ce que l’on appelle Architecture dans notre ordre, ce sont les matériaux, les outils, les chefs-d’œuvre de cet Art qui figurent dans notre atelier et sur le Tableau de loge. Cependant, afin de ne pas trop alourdir ce travail et risquer de lasser mon auditoire, je vais me concentrer sur les deux outils spécifiques du deuxième voyage : la règle et le compas.

Comme chacun sait, la règle est le symbole des mesures et précisions indispensables à toute forme de construction. Elle coordonne et rend possible l’utilisation cohérente des quatre autres outils : le ciseau, le compas, le levier et l’équerre.

Notre apprentissage, nos connaissances, nos expériences démontrent que sans règle, sans norme, aucun ordre, aucune structure organisée n’est possible. Choisir de s’affranchir de toute règle de vie, selon l’expression commune c’est connaître à coup sûr, le chaos, l’anarchie, le désordre et pire encore l’injustice et le mépris. La règle maçonnique est graduée selon 24 divisions qui correspondent au cycle solaire quotidien pour nous inviter à nous intégrer dans les rythmes du grand ordre cosmique, sans oublier l’immuable fuite du temps qui nous impose de profiter de chaque instant pour accomplir notre œuvre humaine. En clair pour chaque moment de ma vie, je dois choisir d’accepter librement de me conformer à cette rectitude pour m’aider à tenir le cap et persévérer dans la recherche ultime du Beau, du Bien, du Vrai pour moi et pour les autres. Le temps passe très vite et le risque de remettre à demain ce qui doit être fait demeure le risque majeur de ne pas parvenir à l’édification de mon temple intérieur.

Lors de ma cérémonie d’initiation, je me rappelle la pointe du compas ouvert posée sur mon cœur signifiant ainsi l’importance de la sincérité de mes sentiments, l’autre pointe dirigée vers le ciel soulignant ainsi la nécessité de m’élever et prendre en compte l’espace dans sa dimension universelle. Lors de mes cinq voyages au grade de Compagnon, le frère Expert me donne le compas fermé car à mon nouveau grade, il ne m’est pas encore donné la possibilité d’en exploiter toutes les fonctionnalités en particulier celles du tracé, de la mesure des angles et des proportions, son importance symbolique est grande puisqu’il est le symbole du Grand Architecte lui-même, passant pour l’emblème le plus éminent de la vertu et de la conduite d’un maçon.

L’être intérieur ou le temple intérieur n’est pas une simple expression, c’est une discipline de vie, une vraie démarche spirituelle qui engage celui qui la suit et qui à des conséquences pour les autres. Sa construction suppose un travail d’introspection, une quête de connaissance, une humilité constante et une capacité à se remettre en question en suivant le précepte de Socrate qui affirme qu’il ne sait rien, entendant par là qu’il vaut mieux une ignorance qui se connaît, qu’une ignorance qui s’ignore. Suis-je en construction de mon être intérieur ? Est-ce que mon engagement en franc-maçonnerie m’y conduit ? Je n’arrive pas à maîtriser les réponses à ces deux questions, bien sûr ce type de travail de recherche personnelle me sert à enrichir ces questions et les correspondances symboliques de notre ordre y font sans cesse référence. Une planche doit refléter notre perception et pourquoi pas nos émotions face à ces nombreux enjeux humains, mais une planche n’est pas pour autant l’expression d’un pseudo psychothérapie du café du commerce au risque de tomber dans des considérations fumeuses du type « où vais-je ?, qui suis-je… » Je vous fais grâce de la suite. Ce que je perçois néanmoins c’est que plus que mes connaissances livresques, c’est la répétition de notre rite immuable lors de nos tenues, notre communion fraternelle dans ces moments partagés, l’affirmation de nos valeurs et de nos anciennes origines qui sans bruit, presque inconsciemment me font peut-être progresser dans la construction de mon temple intérieur.

J’ai dit.

T\ O\


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