GODF Loge : Les Chemins de l'Athanor 27/03/2009

 

Gloire au travail


C’est le texte que le V\M\ m’a fait lire au cinquième voyage lors de mon passage au grade de Compagnon et, contrairement aux quatre premiers, j’ai fait ce dernier voyage sans outils dans les mains, pourquoi ?
Je dois reconnaître que c’est le voyage et le cartouche avec lesquels, j’ai le plus de problèmes, les autres cartouches et outils, je pense qu’en faisant l’effort de les connaître et, d’en appréhender leur contenu symbolique en travaillant… On devrait y arriver. (Tiens, c’est peut être déjà une réponse).

Dans un certain sens, je trouve cela un peu comique parce que ce texte m’est présenté alors que je ne travaille plus puisqu’en retraite d’autre part, certains ici me comprendront, quand je dis « Le travail » je ne sais pas ce que c’est en effet, toute ma carrière j’ai été fonctionnaire et permanent syndical et chacun sait que les fonctionnaires et les syndicalistes parlent beaucoup du travail mais le pratiquent peu ; mais non, je n’entrerais pas dans le petit jeu de certains, dont je vois bien l’œil pétiller, (des fonctionnaires ou des syndicalistes évidemment) qui me diront qu’il y a certains métiers qui ont la réputation de ne pas faire ployer ceux qui les exercent sous le joug du travail comme par exemple, certaines professions dites libérales, ou encore, les banquiers ou les cadres d’entreprises; je ne parlerai même pas des patrons qui chacun le sait profitent honteusement du labeur de ceux qui effectuent  le travail pour eux, quand aux rentiers alors là, inutile d’en rajouter car ces malheureux ont beaucoup de mal actuellement avec les cours de bourse.

Oui mais, le travail c’est quoi ?
Si l’on s’en tient à ce qu’en dit le Larousse, les définitions de ce mot sont un peu trop nombreuses pour parler de toutes ici. Alors, limitons-nous à ce qui me semble le plus connu de tous.
Activité de l'homme appliquée à la production, à la création, à l'entretien de quelque chose.
2.  Activité professionnelle régulière et rémunérée.
3.  Toute occupation, toute activité considérée comme une charge.

Si l’on ne prend que ces trois là, on ne peut pas dire que cela m’aide beaucoup, dans ma démarche maçonnique, par contre, cela défini très bien pourquoi j’étais fonctionnaire, puisque j’ai dit en son temps, à mon chef immédiat, que je n’accomplissais ce boulot, qu’à titre alimentaire, j’avais été honnête avec lui mais, je ne sais pas pourquoi, il n’était pas content de ma réponse?
 
Un peu plus sérieusement, effleurons très succinctement  l’histoire, mais comme je ne suis pas historien, si j’ai quelques erreurs, j’espère que vous les corrigerez et je sais aussi, pouvoir compter sur votre fraternelle bienveillance.

Dans les temps anciens, le Travail se conçoit parce qu’il fallait compenser la disproportion entre les besoins d’un groupe d’humains et les ressources naturelles dont il disposait.

Pour les animaux, le Travail n’existe pas, ils obéissent à leur seul instinct mais l’Homme lui est conscient et cette conscience évolue à partir du moment où le Travail correspond à un projet ; en imaginant ce qu’il veut produire, l’homme développe ses capacités de penser et sa volonté, il entame alors un processus d’auto définition.
Le Travail sépare donc l’Homme de l’animal et il transforme aussi l’organisation sociale du groupe humain, mais, en évoluant l’homme a il me semble perverti la notion première de Travail, qui était je pense d’assurer le bien être de sa famille, il l’a perverti  en inventant pour le profit de quelques uns, l’esclavage et la servitude, chez les grecs, par exemple, le travail est jugé indigne de l’homme véritable qui lui ne s’occupe que de la Cité et de l’enseignement (ben oui V\M\ les grecs savaient déjà qu’enseigner ce n’était pas du travail) et seuls les esclaves sont chargés du reste du Travail ; pour Aristote par exemple, l’esclave n’est rien de plus qu’un outil animé au même titre qu’un bœuf ou un cheval.

Dès le début de l’humanité, il paraît qu’avec Eve on donne le ton : Il devient nécessaire de travailler pour donner naissance ou, pour se nourrir.
La pensée chrétienne dit que le Travail est une punition douloureuse puisque résultant du péché originel. Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front et tu enfanteras dans la douleur.
Le travail serait donc alors, la peine que l’on prend à faire quelque chose ?

Et cela dure plus ou moins, jusqu’à la Révolution française  d’où on pourrait dater l'invention de la notion moderne de travail ; qui est défini alors comme ce qui crée de la richesse mais il n'est pas encore « valorisé » : il reste synonyme de peines et d'efforts tout au moins pour ceux qui l’effectuent car pour les donneurs d’ordres je pense que pour la plupart, ils n’en ont même pas conscience.
Au début du XIXe siècle, une autre conception du travail se fait jour : le travail est désormais défini comme une liberté créatrice, "l'essence de l'homme".
Le régime nazi reprend le thème du travail libérateur et positif, le slogan Arbeit macht frei sera même apposé à l'entrée des camps d'extermination.
Le régime de Vichy, imitant l'Allemagne reprend la glorification du travail avec : Travail, Famille, Patrie. Mais ces deux régimes nient toute liberté individuelle comme cela se passera aussi, dans les régimes dits « Communistes » ou toute autre dictature d’ailleurs.

À la suite à la Seconde Guerre mondiale l’évolution de la nature des tâches provoque un déplacement de valeur : on passe de l’effort physique à l’intellectualisation des tâches.
Mais la modernisation des entreprises après-guerre ne concerne que les entreprises de pointe. Dans les secteurs plus classiques de l’industrie (automobile, métallurgie, textile), les conditions de travail sont quasiment restées les mêmes dans les usines, jusqu’aux années 1970, l’électrification, la mécanisation des tâches, l’organisation scientifique du travail en réalité ne profitent nullement au travailleur moyen ou de base ; le Travail est toujours vécu comme une contrainte et non comme une libération pour la grosse majorité de la population.
Ensuite, on y introduit les notions de productivité et de rentabilité, le Travail en chaîne de montage ou chronométré, ne permet pas non plus, la libération de l’homme, bien au contraire ; et, avec la mode de normes représentant une performance minimum à atteindre qui sont établies par des gens qui n’ont effectués ce travail que sur leurs ordinateurs ; on assiste à une telle dérive que les employés qui en sont chargés finissent par normer leur propre travail sans même souvent en prendre conscience, d’où parfois tellement de stress que cela a déjà conduit au suicide.

Oui, mais tout cela c’est le Travail dans le monde profane celui que l’on est obligé de faire parce qu’il faut se nourrir, subvenir à sa famille, prendre soin des siens, donner une éducation à ses enfants, alors, pourquoi « Gloire au Travail » en Maçonnerie ?
Je crois donc, qu’en Maçonnerie, il doit être question d’autre chose que de ce travail là, que le terme travail doit avoir un autre contenu.

A ce niveau, d’autres définitions me parlent un peu plus comme par exemple :
1. Ensemble des opérations que l'on doit accomplir pour élaborer quelque chose.
2. Ouvrage réalisé ou à réaliser, manuel, artistique, intellectuel.
3. Exercices accomplis pour acquérir la maîtrise d'une activité.

Avec ces définitions, ce mot commence à me parler, car après tout, ici nous sommes dans le Spéculatif et non dans l’Opératif, notre notion de  Travail doit être perçue autrement que comme une charge; ben oui, ici si je fais un Travail, c’est mon choix et il ne peut être comparé au Travail que j’ai évoqué plus haut et que l’on pourrait considérer comme alimentaire.  Je crois qu’il s’agit ici, du travail libre, celui que l’on n’est pas obligé d’accomplir, un travail d’hommes libres comme sont les Francs Maçons.
Il me semble que le  Travail ici en Loge est, une progression dans la recherche de la Vérité (bien que je doute la trouver jamais cette fameuse Vérité) et après une étape d’intériorisation et d’introspection  comme Apprenti; comme Compagnon, je dois aller voir ailleurs pour confronter ce que j’ai appris avec ce qui se fait chez d’autres, je dois m’ouvrir vers l’extérieur et vers l’autre, je dois apprendre à me servir des outils que l’on m’a donné à tenir en mains, lors des quatre premiers voyages ; le Travail du Maçon est symboliquement de tailler sa pierre mais pour la polir finement, il faut aussi il me semble, la frotter aux autres.

Mais alors, ce 5éme voyage, effectué les mains libres, voudrait dire que je devrais avoir appris non seulement à me servir correctement de mes outils mais aussi enfin je crois, avoir approché la compréhension des autres cartouches et ce, dans le but de bien faire le Travail qui m’est demandé.
Et puisqu’en médecine, le terme Travail veut aussi dire: une phase de l'accouchement, et un accouchement il me semble que c’est bien, amener un être humain à la Lumière.
Ce 5éme voyage semble me dire que c’est le moment d’accoucher de ce que j’ai pu intégré en Loge ou  lors de mes visites et que ce n’est qu’à cette condition que je pourrais entamer le voyage suivant, et transmettre ce que j’ai appris car cela doit aussi permettre d’enrichir mes Frères ; acquérir des connaissances, ne sert à rien si cet acquis n’est pas transmis, ce serait une perte de temps.

Mais maintenant que je pense avoir plus ou moins compris ce qu’on entend par Travail, pourquoi me demande-t-on de le glorifier ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Retournons voir le Larousse et que dit-il à glorifier ?
1. Honorer quelqu'un en proclamant sa gloire ; célébrer
2. Célébrer une action ; vanter, magnifier

On ne peut pas dire que cela m’aide beaucoup mais je vois un peu plus loin :
Glorifier Dieu, lui rendre gloire, le louer.
Faut-il alors voir le Travail comme un Dieu ?

Mais sur le cartouche il n’est pas écrit de « glorifier le Travail » mais bien « Gloire au Travail » et à « gloire » je trouve :
1. Renommée éclatante, célébrité, grand prestige dont jouit quelqu'un dans l'esprit d'un grand nombre de personnes.
2. Ce qui constitue l'occasion d'une légitime fierté, d'un orgueil justifié, ce qui suscite l'admiration.
3. Splendeur, éclat de quelque chose.

Là, je commence à comprendre un peu mieux ce dont on parle, c’est de la fierté du Travail bien fait, du Travail que l’on aime en effet, un musicien qui fait ses gammes n’a pas l’impression de travailler, un peintre qui par des dessins, un écrivain qui par des notes préparent l’un le futur tableau, l’autre le futur livre n’ont pas non plus l’impression de travailler.
Le Travail peut donc être vécu d’au moins deux façons, comme une source de revenus ou  d’emmerdements dans le monde profane mais aussi en Loge, de joie profonde et je pense donc que c’est dans ce dernier sens qu’il faut comprendre « Gloire au Travail » et puis l’article 4 des Principes Généraux de notre Ordre dit bien que le Travail est un des devoirs essentiels de l’homme ; il ne peut donc s’agir que de celui qui est fait dans la joie, du travail fait librement.

Le Travail du Compagnon me semble, être le fait de remonter vers la Lumière sans pour cela oublier ce que nous sommes au fond de nous, et qu’il faut parfois savoir redescendre et se remettre en question.
Le Travail maçonnique me semble être une progression constante dans la connaissance des symboles et des rituels qui je pense sont les vrais outils pour essayer d’appréhender  ce que je suis et de ce qu’est l’autre dont il faut pouvoir comprendre la pensée et la façon de penser ainsi que sa différence et évidemment accepter avec modestie ces différences car toutes nous enrichissent.
En Franc-Maçonnerie, le travail nous permet d'avancer toujours plus en remettant en question nos certitudes et de nous changer petit à petit, en un homme nouveau.

Gloire au Travail lors du cinquième voyage les mains libres, me laisse à penser que j’ai plus ou moins appris pendant mes voyages précédents à me servir de mes outils, j’ai travaillé et il me semble que je dois avoir à peu près compris, ce que me disent les quatre premiers cartouches et je pense aussi que cela implique la persévérance pour réaliser le chef-d'œuvre que nous devrons présenter à la fin du voyage.

Donc, après avoir travaillé, je devrai arriver au bout de ce parcours de Compagnon, il me restera à entamer le suivant et, je crois que le Travail, comme on peut le concevoir ici, lui ne se terminera jamais, car s’il faut continuer à vouloir progresser, il faut toujours garder l’esprit ouvert, ne pas oublier ce que nous avons découvert au fond de nous et bien sur, continuer à chercher car chaque réponse trouvée amènera de nouvelles questions, et donc le doute; il me semble que le chef-d’œuvre lui sera toujours à parfaire, qu’il y aura toujours une petite imperfection à rectifier. Et,  par suite, que nous douterons toujours de la perfection du travail accompli.

Et je doute mes Frères, je doute.

J’ai dit Vénérable Maître

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