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Les outils de la compagnonne

La cérémonie d’augmentation de salaire concrétise symboliquement la réalisation d’une étape sur notre route maçonnique et marque le début d’une seconde direction, la découverte d’une autre méthode de travail puissante, qui vient enrichir la précédente. Lors de notre apprentissage, nous avons appris, en suivant la direction VITRIOL, à plonger au plus profond de notre être, pour nous permettre d’élever nos esprits vers le plus haut de la voute étoilée. En découvrant dans le silence, et en maitrisant nos passions respectives, notre capacité de recul et de discernement, indispensables à la vraie réflexion, se révèle pour grandir. Avec le ciseau et le maillet, au fur et à mesure des tenues, nous avons effectué un travail de polissage, atténué les aspérités de notre pierre. Voyageant à la verticale, nous sommes considérées capables d’apprendre à compléter ce mouvement par un voyage, non plus intrinsèque, mais un voyage vers et avec les autres, à l’horizontale, pour nous frotter avec celles qui nous entourent...(le tout dans la bienveillance et l’humanisme).

Pour permettre ces frottements constructifs, le rituel de passage au 2ème degré met à notre disposition de nouveaux outils. Dès lors, avec les conseils et le soutien de la première surveillante, il nous faut les appréhender, les apprivoiser, nous les approprier pour avancer sur notre parcours, à la recherche de la lumière de notre Etoile. A l’image du compagnon opératif qui, sur un chantier de cathédrale, apprenait plusieurs disciplines telles que la charpenterie ou la sculpture avant de pouvoir entrer dans la loge, nous allons travailler différentes matières. Ces champs de connaissance présentés au fur et à mesure des voyages, nous mettent sur de nouvelles voies de travail, vastes et infinies, qui nous guident sur le chemin de l’Etoile, de notre Etoile.

Nous allons pouvoir trouver notre place sur le chantier, vérifier notre travail et le cas échéant, rectifier notre œuvre intérieure.

Le ciseau, le maillet, le compas, le levier, l’équerre fermement tenus de la main droite, la main de la réflexion, nous permettent d’élever notre temple intérieur, dans le respect et sous la vigilance de la Règle, outil tenu côté cœur, et présent à chaque étape de notre construction vers la liberté intérieure.

1er voyage : Ciseau-Maillet. Cartouche, les cinq sens.

Pour ce premier voyage, la récipiendaire porte les outils de l’apprentie : le ciseau et le maillet. Ce voyage est rattaché au cartouche des cinq sens. C’est avec ses facultés innées, les capacités naturelles dont elle dispose pour appréhender ce qui l’entoure, que l’initiée peut avancer sur la route de la Connaissance.

Lors de la cérémonie d’initiation, ces outils sont les premiers instruments donnés afin que la néophyte accomplisse son premier travail d’initiée : porter trois coups en triangle sur la pierre brute qu’elle est. En taillant régulièrement sa pierre, son être, ce travail lui permet de comprendre comment allier l’autorité et la force du maillet, avec la précision, la juste position nécessaire au ciseau.

Si, grâce à la force de ce marteau à 2 têtes, instrument des juges, de la Vénérables maitresse et des Sœurs Surveillantes, la néophyte a pu faire éclater les grosses imperfections de son être, ce n’est que la précision, et le discernement de la main tenant le ciseau qui ont permit d’affiner cette tâche sans faire voler la pierre en éclats.

Au fur et à mesure des tenues, notre démarche s’est affinée, nous avons pris conscience du Soi, identifié et maitrisé nos côtés ténébreux. Nous avons acquis la capacité de voyager le long du fil à plomb pour tenter de mettre en relation ce qu’il y a au plus profond de nos entrailles, avec ce qu’il y a de plus haut dans la voute étoilée. Nous allons et venons à la verticale, avec la droiture de ce fil, à la recherche de l’équilibre juste et parfait.

Lors de la construction des édifices sacrés, la première étape dans l’élévation de cette œuvre était de planter un bâton au sud est, au lever du soleil, vers la première lueur du Levant. Puis, durant la course du soleil vers l’Occident, l’ombre portée du bâton permettait, avec la corde à nœuds, de délimiter le périmètre horizontal de l’édifice. Avec le ciseau et le maillet, exercé un premier travail sur notre pierre, pour lui permettre son intégration dans la construction de l’œuvre de l’humanité.

Nous sommes alors prêtes à entamer notre deuxième voyage.

Deuxième voyage : Compas. Cartouche, les ordres architecturaux.

Le deuxième voyage nous révèle le cartouche des ordres Architecturaux : Dorique, Corinthiern, Toscan, Ionique et Composite. La seconde surveillante, nous éclaire alors sur la signification de ce voyage : « il représente la seconde période des études de la néophyte. Le sujet de méditation qui vous est proposé au cours de ce voyage est l’ARCHITECTURE ». Or, l’architecture, c’est l’application de règles mathématiques et de lois physiques universelles antérieures à l’humanité, et dirigeant la disposition des éléments composant l’édifice et la forme générale de celui-ci.

Pour ce voyage, la Sœur experte a remis dans notre main droite, le compas. Dans l’iconographie du moyen âge, le créateur est souvent représenté, tenant un compas et traçant un cercle à la surface du néant. Le compas est un symbole de la recherche de l’universalité. Les ordres architecturaux du cartouche sont classés en fonction des proportions de leur colonnes. (hauteur du corinthien =7x diamètres ; Dorique : hauteur=8X diamètre.) Mais chacune des colonnes conserve la proportion de Vitruve selon laquelle le pied de l’homme représente une sixième partie du corps humain. Le compas est alors utilisé comme instrument de mesure, et permet de s’assurer du respect des proportions naturelles.

Ensuite, pour tracer un cercle, il faut qu’une des pointes soit fixe, solidement ancrée dans la terre pour permettre à l’autre pointe de s’écarter et graviter autour de ce centre. Cette gravitation ne peut se faire dans l’anarchie, mais bien au contraire, doit respecter les proportions, les règles universelles de la création.

Durant le compagnonnage, nous allons découvrir l’art de comprendre et de dessiner des plans, l’art de l’architecture de notre être, de notre Etoile. Et cet art nécessite le strict respect des proportions universelles. Voici la méthode, l’Axiome nous permettant d’avancer dans la construction de notre temple. Ainsi, dans le respect de la mesure, nous allons ouvrir nos esprits, pour pouvoir voyager au plus haut.

Nous allons pouvoir entamer le troisième voyage.

Troisième Voyage - Le levier. Cartouche, les Arts libéraux.

Après la découverte du domaine de ses études, des règles d’architectures à respecter, la future compagnonne se voit délivrer des outils pour lui permettre de s’élever. L’outil symbolique remis alors à la récipiendaire est le levier. Par le rituel, cet outil est relié au cartouche des arts libéraux, les arts du ternaire trivium (Grammaire, Réthorique, Logique) comme ceux du quadrivium. (Arithmétique, Géométrie, Musique, Astronomie)

Le levier tire son nom du verbe « Lever ». D’apparence simple, il se compose d’une barre inflexible, avec un coté plat. Sur un plan opératif, le levier est utilisé pour multiplier les forces et soulever des corps d’un poids tel que la seule force d’un homme ne suffit pas. Sur le plan symbolique, c’est l’apprentissage des arts libéraux, qui fera le levier de notre esprit. Chaque discipline permet à l’intelligence, à notre faculté de réflexion, de multiplier les analogies symboliques du monde, et d’en cerner progressivement la signification spirituelle. Comme le dit Fréderic Tristan « Symboliquement, le levier est l’agent intellectuel permettant de multiplier la force d’une idée ». J’aime bien.

Mais la force et la volonté ne suffisent pas à utiliser cet outil dans les règles de l’art. S’il est puissant, et représente la force en mouvement, le levier doit être utilisé avec de grandes précautions. Il est nécessaire de prendre de recul, de trouver le juste point d’appui de cet instrument. La force qu’il permet de déployer doit être une force maitrisée, adaptée.

Par la connaissance des arts libéraux, avec prudence et persévérance, nous allons pouvoir élever notre pierre Jusqu’ici, les outils nous permettaient un travail sur une pierre immobile, posée, une pierre dont on ne voit que 5 faces.

Grâce aux arts libéraux, à la découverte des lois universelles qui font levier, la compagnonne va pouvoir soulever sa pierre, en découvrir la face cachée, la face cachée des choses, de l’univers. Comme le dis Socrate : « Connais toi toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux ». Pour le maniement de cet outil puissant qui pourrait être destructeur, la règle est là, dans notre cœur, pour nous protéger ; mais j’y reviendrai par la suite.

Quatrième voyage. Equerre, les grands initiés

Alors que la récipiendaire a découvert, avec les arts libéraux, un outil lui permettant de soulever sa pierre, lors du voyage suivant, elle porte dans sa main droite une équerre, et, après ses déambulations, le cartouche qui lui est présenté est celui des grands Initiés.

Le mot équerre vient du latin Ex quadrare : tracer des angles droits, des carrés. En Latin, l’équerre se dit « Norma », règle, exemple, modèle. De tous temps, l’équerre fut utilisée par les tailleurs de pierre. Outil de contrôle, l’équerre permet de vérifier avec une précision absolue que les arrêtes forment bien un angle droit. Traçant des angles droits, l’équerre permet de réunir l’horizontale et la verticale pour obtenir l’aplomb.L’angle droit juste et parfait, assure la solidité de toute construction, et permette l’imbrication de notre pierre dans l’œuvre universelle, en la rendant cubique. J’aime bien.

Sans ce contrôle, sans la vérification de l’équerre, il n’existe pas de travail ordonné, pas de cohérence. Au début de la cérémonie d’augmentation de salaire, l’apprentie est, en son entrée en loge, éprouvée par l’équerre. Si le ciseau et la maillet ont permis à la néophyte de dégrossir sa pierre, de la polir, au grade de compagnonne, l’équerre est là pour nous permettre de rendre notre pierre cubique, avec des angles droits, parfaits. L’équerre donne de l’ordonnancement dans les idées, afin que l’édifice tienne en place. Le franc maçon doit s’inspirer de la rectitude de l’équerre, adopter un comportement droit, chercher la rectitude de la pensée et de l’action, dans le respect de la loi morale universelle. Si notre pierre n’a pas d’angles à 90°, alors on ne peut participer à l’édification du temple universel.

L’équerre est le bijou mobile de notre Vénérable Maitresse, figure de la sagesse qui éclaire la loge et la dirige dans ses travaux. Enfin, si le compas symbolise l’immatériel, l’équerre pour tous, exprime la terre, le matériel, et nous rappelle notre nature tout simplement humaine. Au grade de compagnonne, cette grande lumière a une branche sur le compas (la branche à pointe) et une en dessous. La récipiendaire a avancé sur sa route de la spiritualité et elle est moins dominée par la matérialité.

Pour avancer sur la spiritualité du compas, la compagnonne doit planter la pointe fixe de cet outil sous le contrôle et la protection de l’équerre. La néophyte apprend de nouveaux domaines de connaissance, s’efforce de découvrir les lois physiques et morales de l’univers, découvre l’enseignement de grands sages qui ont dépassé la matière.

L’esprit peut graviter vers le plus haut s’il reste stable, planté avec aplomb sous le contrôle protecteur de l’équerre. Tout comme le ying et le yang sont indissociables, l’équerre et le compas sont inséparables dans la construction de notre œuvre.

Pour avancer sur la route de la Connaissance, il faut faire preuve de discernement, de prudence, et rechercher l’harmonie entre la réflexion et les actions.

Tous ces outils répondent à notre volonté, et agissent sous notre force. Ils correspondent tous à des stades différents d’avancée sur la route de la connaissance. Un seul outil est présent lors de chacun de nos voyages : La Règle. Tenue du côté du cœur, la règle est présente dans toutes les actions de la compagnonne.

La règle :

La règle est un outil simple servant à tracer des traits rigoureusement droits. Elle constitue un instrument indispensable pour tracer des plans. La règle est aussi un instrument de mesure, nous permettant de mesurer et d’évaluer chaque chose par une unité étalon définie. Grâce à elle, nous pouvons vérifier chaque chose et, le cas échant, rectifier autant que nécessaire. Symbole phare des mesures et précisions indispensables à toute construction, la règle de notre loge comporte 24 Mesures. Ces mesures nous rappellent explicitement les 24 heures de la journée, la fuite du temps qui passe et la nécessité de bien employer les heures de travail (du midi jusqu’à minuit).

D’un point de vue philosophique, la règle est un principe de vie : adopter des règles de conduite dirigeant nos actions et notre pensée vers ce qui est bon et juste. La droiture doit s’appliquer dans notre comportement quotidien et pour cela le discernement nous aide. La règle est présente à chaque étape de notre construction, grâce à elle nous allons pourvoir mesurer, évaluer notre avancée et rectifier. Si, comme le montre ses pas, la compagnonne est amenée à voyager et parfois à s’écarter du droit chemin, elle doit se recentrer, la règle l’y ramène. Et dans son livre « Le printemps des cathédrales », jean Diwo nous apprend que sur un chantier, le Règle était l’emblème de l’architecte reconnu par cet outil et le port de gants blancs. La règle est l’instrument essentiel pour tracer des traits, des plans édifiés par un architecte qui seul en a la maitrise. Au terme de ce voyage la Vénérable maitresse nous dit « Derrière les apparences changeantes, il existe un plan, des lois physiques et morales que l’homme doit s’efforcer de découvrir ».

La règle symbolise l’ensemble de ses Lois.

Tout processus d’analyse et de compréhension passe par une première étape : l’observation, à l’image de l’apprentie qui n’a pas l’usage de la parole, doit observer, apprendre à écouter. Dans notre temple, c’est après avoir dégrossi notre pierre, que l’on peut prétendre à découvrir les règles de construction de celui-ci. Par le maniement des outils, l’étude des arts libéraux, une « nouvelle géométrie », ne géométrie supérieure deviendra compréhensible. Nous allons pouvoir élever notre esprit.

Chacun des outils remis est nécessaire à la construction en Etoile, mais beaucoup sont potentiellement dangereux. Un ciseau frappé trop fort et la pierre éclate. Un levier utilisé avec force, sans mesure, et la pierre déséquilibrée pourrait nous seulement se détruire elle-même, mais déstabiliser les autres et remettre en cause l’ordre du chantier. Pour éviter cela l’invocation de notre Vénérable Maitresse est claire « que la Justice les inspire, que la Prudence les guide, que la Force les protège, que la Tempérance les garde dans toutes leurs actions ».

Si la pierre est la matière première et naturelle de l’initiée dans la construction de son temple intérieur, la Franc-maçonnerie lui donne les règles, la méthode et les outils pour édifier celui-ci. Et c’est en artiste, avec amour, que la maçonne contrôle et rectifie son ouvrage éternellement.

J’ai dit.

M\ N\


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