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Merci : outil ou métal ?

Dès lors que j'ai été initiée, j'ai rencontré des MM\ qui m'ont déclaré qu’en M\ il ne fallait pas dire merci. Or, rares sont les Tenues où je n'ai entendu ce mot. Je me suis renseignée et aucun F\ ou S\ ne m'a dit avoir rencontré ce mot dans quelque rituel que ce soit ; il n'est donc écrit nulle part. Il ne doit pas se dire, mais il n'est écrit nulle part non plus qu'on ne doit pas le dire ! Cela fait donc partie de la tradition orale.

1. 1ère partie
· préambule.
· définitions du mot.
· quand le mot apparaît-il dans le T\.
· quand et sous quelle forme le sens apparaît-il sans le mot.

2. 2ème partie
· en quoi merci est-il métal nuisible au travail en L\
· Chasser le mot pour en retrouver ou en épurer le sens
· et/ou chasser le mot pour en chasser les effets pervers.

3. Enfin je vous livrerai mon opinion à la suite de ce travail, en attendant de la nourrir où de la modifier à la suite de l'énoncer de vos réactions.

1.1 préambule

D'abord une constatation : MERCI fait partie des tout premiers mots que l'on apprend aux enfants dans notre culture, il est un des premiers concepts que l'on nous inculque : quand nous recevons quelque chose, nous devons rendre un merci à la personne qui nous l'a donné ; nous apprenons à nos enfants qu'ils doivent remercier pour toutes les attentions et surtout celles qui ne sont pas indispensables, qui sont « hors nomes ». Merci est un des premiers mots qui nous met en relation avec les autres : montrant ainsi notre « bonne éducation », notre conformisme aux lois sociales, notre reconnaissance de l'attention qui nous est portée.

Quelques citations qui nous éclairerons sur les ambiguïtés de merci : Nietzsche : « Une âme délicate est gênée de savoir qu'on lui doit des mercis, une âme grossière, de savoir qu'elle en doit ».

Madeleine Ferron (romancière canadienne) : « dans la vie les Hs sont tributaires les uns des autres. Il y a donc toujours quelqu'un à maudire ou à remercier ».

Prévert : « Moi, fonctionnaire de la Vie, je touche mon salaire jour et nuit ; l'heure me paie, les années me ruinent et déjà me remercient ».

Proverbe anglais : « beaucoup remercier signifie secrètement demander d'avantage ! ».

Proverbe allemand : « la demande est chaude, le merci est froid ».

Pierre DAC : « un homme parti de rien pour arriver à zéro, n'a de merci à dire à personne ».

1.2 définitions du mot

Définitions : provenant du mot latin merces, mercedis qui veut dire prix, salaire, récompense ! puis plus tard faveur, grâce ! Les dictionnaires lui accordent 2 sens qui ne sont peut-être pas si éloignés que cela l'un de l'autre. Je les exprimerai comme suit : on dit merci quand on a « bien reçu » :
1-être poli, reconnaître l'autre en tant que partenaire social, marquer sa satisfaction, sa reconnaissance, une certaine allégeance ; autrement dit, graduellement : « j'ai bien reçu ce que vous vouliez me donner…je suis comblé, je vous suis redevable, je vous rends grâce. »
2- demander grâce : « j'ai trop reçu (de coups), je suis à votre merci, je vous demande grâce ».

1.3 Quand le mot apparaît-il en L\ ?

I. Quand un surveillant nous accorde la parole, souvent un merci est lâché, il nous échappe, quel sens a-t-il ? Comment devons nous l'entendre ?

II. Quand nous prenons la parole après une planche, souvent nous remercions l'orateur, donnant de cette manière notre opinion sur le travail que l'on a reçu. Que veut-on dire à l'orateur et à la L\ puisque c'est à elle que l'on est sensé s'adresser et comment est reçu, entendu ce merci par la L\ ?

III. Lors d'un passage sous le bandeau, nous remercions le profane quand il nous semble qu'il a terminé de répondre à notre question : qu'exprimons-nous réellement à ce moment-là ? Pourquoi devons-nous employer ce mot ?

1.4 Quand et sous quelle forme le sens apparaît-il sans le mot ?

I. « J'ai reçu mon salaire », souvent des FF\ ou SS\ utilisent cette expression pour indiquer qu'ils ont appris, échangés, se sont transformés ou ont vécu un moment de Liberté, Egalité, Fraternité dans la L\.
II. Dans le rituel de fermeture, le V M demande au 1er Surveillant : les ouvriers sont-ils satisfaits ? Ils le témoignent sur l'une et l'autre colonne. Rituellement, on clôt les débats, on signifie que chacun a donné et reçu, que le chantier s'est bien déroulé.

2ème partie

Alors, outil ou métal ?

Quand le Surv\ nous accorde la parole, pourquoi lui dit-on merci ? Doit on lui montrer une certaine allégeance, devons-nous nous faire humble devant lui et lui montrer notre reconnaissance ? Que nous a-t-il donné de particulier, lui doit-on quelque chose ? Les ouvriers, sur un chantier doivent-ils se remercier de faire leur travail ? Notre rituel, qui régule les échanges entre FF\ et SS\ n'est-il pas suffisant pour indiquer que nous tenons notre place et que nous nous conformons aux règles du groupe, que nous reconnaissons le rôle du Surveillant ? Ce rituel profane, que nous apporte-t-il ?
Quand à la prise de parole après une planche, quand nous remercions l'orateur, nous « notons »  la Planche, nous indiquons aux FF\ et SS\. Que nous avons à faire là à une référence. Toutes les planches sont-elles dignes d'un merci ? Dit-on merci après chaque planche ?

L'orateur qui a planché se trouve devant un public exemplaire ; rompu à l'écoute dans un espace temps préparé à son intervention Il a travaillé sur lui-même. Bien sûr pour ses FF\ et SS\ et c'est d'ailleurs grâce à ce fait qu'il a dû creuser, car il savait qu'il allait être écouté d'une manière particulière. Et pourquoi planche-t-il ? pour recevoir récompense ou jugement ou pour participer à la construction du Temple ? Construire son Temple intérieur, tailler sa pierre pour l'insérer dans l'édifice. Qui doit remercier qui ? Merci cher auditoire d'avoir été si attentif, de vous être déplacé afin de m'entendre, de vous être levé pour préciser ma pensée, pour l'élargir, pour rebondir, pour avoir pensé à mes préoccupations, pour vous être efforcé de comprendre ma démarche sur un sujet que j'ai choisi et qui m'occupe l'esprit. Qui doit remercier l'autre ? Qui donne qui reçoit ? A qui doit-on demander grâce à qui doit-on allégeance, à qui rendons-nous grâce ? A la merci de qui est-on ?

Quand nous nous adressons au profane qui frappe à la porte du T\, il a les yeux bandés, et notre rituel ne peut ni le protéger ni l'aider : il est à notre merci. Et là ce mot ponctue ses réponses, le rassure sur notre écoute et notre respect, lui rend son humanité.
Quand un F ou une S déclare avoir reçu son salaire, exprimant le sens premier du merces latin, il exprime qu'il a participé au chantier et qu'il en a été payé, point d'allégeance là, il a fait son travail et il a été payé, le chantier est rentable puisqu'il permet de payer les ouvriers et donc les aider à vivre en dehors du chantier.
Dans le rituel de fermeture au 1er degré, la L\ s'inquiète de savoir si chacun est satisfait, si quelqu'un se sentait lésé, à quoi le Surv\. Le verrait-il ? Est-ce la sérénité du visage des ouvriers qui permet au Surv\ de dire qu'ils sont contents et satisfaits ? Plus d'interrogation sur les visages ? Plus de besoin de s'exprimer ?

3ème partie

Aujourd'hui je pense que merci est à chasser du Temple en général car il est superfétatoire, injuste donc oeuvrant contre la fraternité, contre l'égalité. Pourquoi remercier un plutôt que l'autre, nous sommes en L\. Pour nous édifier, construire notre T\ intérieur, tailler notre pierre pour l'insérer dans l'édifice. Nous sommes à des niveaux de conscience différents et nous nous élevons à notre rythme, par notre travail et l'attention au travail des FF\ et SS\. Nous sommes en L\ pour créer un moment et un lieu. Notre assiduité, notre présence participe à l'élaboration de ce Temple et rien ne serait pareil, et tout serait possible en présence ou en l'absence de chacun. Nous ne sommes pas là pour donner ou recevoir mais plutôt pour construire ensemble avec notre bonne volonté et notre état d'être. L'expression de cette volonté et cette conscience de notre état d'être est favorisée par un rituel bien vécu et il n'est nul besoin de faire appel à une politesse profane qui parasite les relations entre les SS\ et les FF\.

Employons nous à exprimer clairement notre édification, enrichissons les planches de notre ressenti, efforçons-nous de comprendre, d'entendre les orateurs en les respectant dans leurs différences, en acceptant et insérant leur pierre dans l'édifice : voilà me semble-t-il la reconnaissance et l'humilité voire l'allégeance Maçonnique ?

Et oui, remercions le profane qui doit être rassuré et intégré pendant ce moment difficile qui est le passage sous le bandeau, déjà déstabilisé dans l'obscurité, rendons lui grâce de nous entretenir de son désir de construire avec nous et signifions lui gentiment quand ça suffit, qu'il a assez parlé.

J'ai dit


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