Obédience : NC Loge : NP 2008


Le premier voyage du compagnon
et les cinq sens


Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage !

Le compagnon que je suis devenu a encore en mémoire les voyages de son initiation. En fait je reste toujours apprenti et je me souviens de mes premiers outils le maillet et le ciseau. Le maillet représentant la force, la volonté dans le travail et le ciseau la précision, le discernement. Ces outils qui m’ont aidé à dégrossir ma pierre brute, c’est à dire à faire un gros travail sur moi-même, ils ont également fait partie de mon premier voyage de compagnon et permis d’aller à la rencontre des cinq sens.
Les sens étant aussi des outils qui permettent le passage de la matière à l’esprit.

Tout d’abord la « VUE » : voir ma pierre brute se transformer, devenir plus belle à chaque instant en sachant qu’elle ne sera jamais parfaite, puisqu’il faut sans cesse se remettre en question. La Vue me permet de percevoir la lumière et ses nuances, me permet de m’orienter. Voir ; c’est aussi relier l’espace et le temps, d’appréhender le plan et le volume. Mais au simple « voir » de la vue en maçonnerie on préfère le percevoir et le comprendre.
Il ne suffit pas d’ouvrir les yeux pour voir, tout ce qui fait partie de notre environnement, on ne le voit pas ou plus. Pour voir il faut regarder, observer être attentif.
Le non voyant, lui n’a plus ses yeux, est ce pour autant qu’il ne voit plus ?
Je citerai cette phrase de st Exupéry  dans le « Petit Prince »
«  On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. »

« L’OUIE » est le sens qui permet d’écouter et d’entendre. En Egypte ancienne les oreilles étaient appelées « les vivantes » car pour être conscient il faut être en capacité d’écouter. Il faut passer de l’écoute à l’entendement.
Pour entendre il faut être à l’écoute, discerner les bruits, les sons, savoir les reconnaître et en comprendre le sens.
Les bruits que j’entendais, lors de mon initiation d’apprenti, durant l’épreuve de l’air, ce sont les bruits de la vie humaine figurant les passions qui l’agitent.
On peut aussi écouter le silence, entendre le murmure du vent, on écoute ce qui est dit et on entend aussi le non dit.
J’entends aussi les coups de maillet du Vénérable et des surveillants qui me rappellent d’être attentif.

 « LE TOUCHER » Pouvoir toucher cette pierre, délicatement de mes mains, la palper, l’explorer de mes doigts, apprécier sa consistance et sa chaleur, ressentir la satisfaction du travail bien fait, du moins je l’espère. Sentir cette pierre se transformer avec l’espoir qu’elle devienne encore plus belle et parfaite. Le Toucher permet de définir les formes, l’aspect et la texture. Lors de mon second voyage d’initiation, je me souviens avoir touché l’eau de la main droite.  Par le toucher il y a un contact direct, un contact physique par les mains, mais aussi par toutes les extrémités du corps.
Quand je regarde cette pierre, j’entends une voix intérieure qui me dit « ce n’est qu’un début, la route sera longue, tu n’entrevois qu’une partie de la vérité et la lumière est toujours au bout du chemin, surtout ne t’arrête pas, persévère. »

« LE GOUT » le goût des choses c’est apprécier le caractère, la qualité des choses, c’est aussi reconnaître les saveurs, douceurs et amertume. Lors de mon initiation, et oui ! je reviens toujours à mon initiation, je me souviens de la coupe des libations, ce breuvage amer symbolisant l’amertume et le remord que j’aurai dans le cœur si je devais manquer à ma parole. Il n’est pas prétentieux que de dire « le compagnon est un homme de goût » un épicurien prêt à savourer les plaisirs simples et intenses de la vie et faire en sorte que sa pierre devienne plus belle. Il est apte à discerner la juste saveur des choses, il est également apte à la faire partager.

« L’ODORAT » est aussi un sens qui permet de sentir et de ressentir, il se développe surtout à la table des banquets où nous pouvons goûter aussi bien aux nourritures matérielles que spirituelles. Chacun de nous connaît l’expression « être en odeur de sainteté ».
On peut distinguer grâce à notre sens olfactif les odeurs, les essences.
Cela nous procure un bien être et facilite notre connaissance de l’environnement. Nous sommes tous sensibles aux parfums des fleurs et aux gaz d’échappement.

Le compagnon doit être apte à discerner la saveur des choses afin de la faire partager mais en maçonnerie, l’odorat en tant que sens physique n’occupe que peu de place.
Je suis convaincu que le savoir que j’acquiers, l’expérience que j’emmagasine, la présence de mes frères et sœurs me permettent de mieux discerner pour mieux ressentir.
Le compagnon ne trace pas mais il participe à la construction, il doit donc éveiller ses sens à l’esprit de création, il faut qu’il soit en mesure de voir, goûter, toucher, entendre et sentir différemment afin de mieux construire.
Il faut qu’il apprenne à écouter son cœur.

Les cinq sens correspondent aux cinq branches de l’étoile, et le compagnon doit savoir se servir judicieusement de ses sens afin de se garder des erreurs et de l’ignorance.
A l’aide des outils il faut tailler, ciseler, équarrir pour que la vue soit vision et intuition, pour que le toucher devienne délicatesse et tact, pour que l’ouie permette l’entendement de la voix intérieure d’une conscience éclairée.
Le goût deviendra alors l’appréciation des valeurs spirituelles, l’odorat unira l’intelligence au savoir permettant le discernement pour mieux ressentir.

Comme Ulysse qui a su faire face au chant des sirènes, au cyclope, à Circé, à Calypso, il a dû faire appel à ses sens pour sortir vainqueur des épreuves. Son odyssée lui a permis de retrouver son identité, sa patrie et sa famille.
Dans chaque compagnon il y a un peu d’Ulysse, et les voyages formant la  connaissance il est bon pour le compagnon d’aller voir ailleurs comment travaillent ses frères et sœurs, visiter les différentes loges, les obédiences amies, découvrir leurs rites, leurs différences.
Cela nous permet de vérifier et d’apprécier la totale liberté d’opinion que la franc-maçonnerie laisse à ses membres.
Voyager c’est s’éloigner de l’univers du quotidien, c’est en apprenant à connaître les autres que l’on apprend à mieux se connaître.

C’est en visitant régulièrement qu’on apprécie sa propre loge car s’il est bien de partir on apprécie d’autant mieux de rentrer à la maison, de retrouver non pas sa Pénélope mais son Vénérable, ses frères et ses sœurs.
 
J’ai dit Vénérable Maître.

J
\C\ R\

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