GLNF RER Loge : NC 13/06/2011


Dirigit Obliqua

Il m’a été demandé de travailler sur « Dirigit Obliqua », le tableau de mon grade de Compagnon, sa description, son symbolisme et de vous livrer mes réflexions personnelles.

Que nous dit le catéchisme du rituel de mon grade ?

V\ M\ : Quel est le symbole de la Loge des Compagnons ?

2° S\ : Une pierre cubique sur laquelle est posée une équerre avec ces mots : DIRIGIT OBLIQUA.

V\ M\ : Que signifient ce symbole et l'inscription ?

1° S\ : Le but et la perfection des travaux de l'Ordre.

Au cours de mes réflexions, j’ai personnellement senti que je devais me concentrer sur la symbolique de la pierre cubique et sur le travail de connaissance de soi du Compagnon.

Le travail sur la pierre symbolisant les débuts des travaux de réédification du temple intérieur. Sur le tableau de Loge, aux deux premiers grades, le maçon est symbolisé par une pierre représentant son âme. Au début, l’Apprenti a travaillé à dégrossir une pierre brute prédisposée à une recherche intérieure. Mon âme avait alors le désir de devenir autre chose. En tant que Compagnon, il faut polir cette pierre cubique et corriger tous les défauts et les irrégularités de mon âme avant d’espérer entrer dans le temple.

D’après moi, « Dirigit Obliqua » signifie le redressement de ce qui est de travers ou oblique. Cette devise latine se réfère à la Bible de plusieurs manières. Je pense qu’il s’agit d’une allusion à la citation Biblique « C’est Dieu qui redresse l’homme tordu » évoquée dans Ecclésiaste 7.13 et dans Esaïe 40.4 dont le texte est repris par Luc 3.4-6 à propos de Saint Jean Baptiste, appelé le vieil homme. C’est plus apparent de faire ce lien entre « Dirigit Obliqua » et la Bible avec la version anglaise du rite maçonnique du grade de Compagnon qui utiliserait « He makes the crooked straight » ou bien « The crooked shall be made straight ». Pour moi, à l’approche de la Saint Jean d’été dans notre loge du « Précurseur », ce lien avec Saint Jean Baptiste m’apparaît intéressant et opportun à signaler. En effet, comme le rapporte Luc, Jean Baptiste est le précurseur qui prépare le chemin du sauveur, celui du Fils de Dieu en devenir. L’Evangile de Luc, reprenant Esaïe, dit entre autres qu’il faut : « abaisser ce qui est élevé et redresser ce qui est courbe (dirigit obliqua) ». D’après Jean-Yves Leloup, le travail consiste à « nous aplanir, à nous pacifier, à abaisser l'orgueil, à dénouer le cœur et à retrouver la nature originelle faite de grâce et de rayonnement ». N’est-ce pas notre travail à accomplir en tant que Compagnon par la connaissance de nous-mêmes, par l’application de nos vertus en l’occurrence la tempérance et la justice ? Comme le dit mon rituel, il faut en avoir le vrai désir, le courage pour persévérer, la science et l’intelligence. En un mot il faut « croire ».

Un peu plus proche de notre temps, j’ai trouvé une référence à « Dirigit Obliqua » qui est aussi directement liée à ce que l’on appelait à l’époque, la rectification des travaux de construction des édifices. En effet, au siècle de Charles Perrault (1628-1703) et de son Roi Louis XIV ce dessin et cette expression latine faisaient partie de la collection des devises du Roi. Cette planche renvoyait à l'idée du besoin de rectitude du travail de la pierre pour construire des édifices bien droits. Plus symboliquement à l’époque, une interprétation possible de cette planche disait que « L'Equerre est un instrument d'Architecture, qui redresse toutes les fautes comme Sa Majesté réformant tous les abus qui se glissent dans l'Etat ». Pour nous l’Equerre et le Roi sont une allusion directe au Vénérable Maître.

Il s'agit pour moi d’une référence au travail maçonnique de rectification qui amènera le Compagnon livré à lui-même vers la Maîtrise grâce à l’enseignement de ses surveillants et à l’éclairage de son Vénérable Maître.

Je voudrais réunir ces références pour supposer que grâce au pouvoir divin, le maçon travaille à purifier et à rectifier son âme. L'équerre me renvoie au V\ M\ transmetteur de la lumière. A l’image du Christ, je cherche la lumière, un modèle extérieur à suivre intérieurement.

Dans la construction d’un édifice sacré, il faut choisir et extraire des pierres brutes de la carrière pour les tailler et les former pour des usages prévus à l’avance (un plan géométrique, une planche). Mon corps est une matière brute, l’écrin d’une âme à polir, à rectifier et ma vocation est de redevenir et de me rappeler ce que je suis.

Je dois connaître les véritables motifs qui gouvernent mes pensées, mes paroles et mes actes. J’ai toujours besoin de l’aide des mes Frères et de celle de mes surveillants. Il faudra un jour apprendre à suivre, ma propre étoile et la vraie lumière. Je pense que lorsque j’aurai mieux appréhendé ce que je dois devenir, il faudra courageusement que je m’en approche et entretienne chaque jour les progrès effectués avec persévérance. Cet état, ce chemin est déjà bien difficile à atteindre et ce n’est pourtant qu’un changement d’état de conscience.

L’homme peut-il permettre à l’image immortelle de Dieu de retrouver son temple intérieur ? Si c’est cela, alors polir une pierre et la rectifier montrent combien ce travail n’en est qu’à ses débuts et à peine initié. Si la foi me laisse espérer en cette sublime destinée, l’orgueil de croire pouvoir y arriver un jour m’en empêche sévèrement. Les pères de l’Eglise (Saint Thomas d’Aquin, Saint Augustin, Jean Cassien…) appellent cela la « vaine gloire », il s’agit d’une joie, de la fierté irrépréhensible qui submerge même les Saints lorsqu’ils touchent presque la pureté et commettent le péché d’orgueil qui les fait dégringoler de plusieurs niveaux.

Il faudrait d’abord que je me délivre vraiment des vices et des passions et ne pas uniquement le désirer ou en parler avec vous. Le courage, la force, la persévérance me seraient bien utiles mais combien de fois dois-je contempler les contradictions entre l’espoir, le désir, les pensées, les belles paroles et mes actes au quotidien. Je ne suis que sur le porche et je ne m’occupe que d’une seule pierre sans même pouvoir imaginer le plan d’ensemble et encore moins accéder à son architecture associée. Quel choc de s’apercevoir que l’intelligence, la science qu’on m’a enseigné avec sa culture associée est presque inutile pour bien progresser dans le chemin initiant. La souffrance que j’en ressens est plus proche de l’impatience, de la curiosité ou de l’orgueil déçu. Ce n’est certainement pas la vraie souffrance des êtres éveillés qui ont su purifier leur corps, leur âme pour s’approcher de l’esprit et souffrir de ne pas y arriver totalement en ce monde. Le sauveur a prôné le dépouillement, la modestie, la simplicité. Est-ce que je désire véritablement trouver la grâce, la plénitude, l’amour et suivre le chemin du sauveur ? Où est la porte, quel est le chemin étroit et difficile qui consiste à partir du fils de l’homme pour s’approcher du fils de Dieu en ce monde ? Beaucoup d’appelés mais peu d’élus c’est sûr.


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