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Du Silence à la Parole

Il m’a semblé intéressant de traiter ce sujet en trois parties :
            - Le Silence,
            - La Parole,
            - Et enfin, du Silence à la Parole,
Car je pense que pour illustrer le plus complètement possible le sujet de ce travail qu’est le passage du silence à la parole (car il s’agit bien d’un pas sage), la décomposition est indispensable. 

Le Silence.
Il y a tant de mots à dire et tant d’idées à exprimer sur le silence… Avec votre permission, j’aborderai ce sujet avec l’angle de vue personnel mais, je l’espère intéressant : celui résultant du vécu d’une personne ayant bégayé durant près de 20 ans. Un peu encore à ce jour.
20 ans de silence mais aussi d’écoute, d’observation et d’analyse. Entre autres…
Nous noterons qu’il y a différents types de silence : 

- Le silence en musique sans lequel l’Harmonie n’existerait pas. Tout ne serait qu’une succession ininterrompue de bruit. Par analogie, il en est de même pour l’harmonie entre les hommes.

- Le silence règle fondamentale de toute communication, qu’elle soit verbale, visuelle, corporelle ou spirituelle, la communication implique une phase d’écoute, de lecture ou d’observation.
Il en est de même pour la communication avec soi, l’introspection ; faire le silence intérieur afin de s’écouter, s’observer, réfléchir ou méditer.
- Le silence contemplatif, qui devant la magnificence d’une œuvre artistique, musicale par exemple, nous laisse sans voix.

- Le silence de tact ou de charité qui s’applique dans le but de ne pas nuire à l’autre, de ne pas l’offenser ou de ne pas mettre trop en évidence le mal.

- Le silence de pardon que l’on produit afin d’éviter de souligner continuellement les reproches répétés aux autres, leur rappelant leurs erreurs ou leurs fautes.

- Le silence de compassion qui devant des souffrances ou des drames injustes comme la maladie grave ou terminale, devant la mort imminente permet d’exprimer l’impuissance affectueuse mais aussi le respect dans le partage de la douleur.

- Le silence réciproque ou sensitif qui se produit lorsqu’il y a une connaissance et une communion très profonde entre deux personnes. Aucune parole ne peut le remplacer. Il est de même type que le silence résultant de la communication avec le Sacré.

- Le silence respectueux ou de mémoire. Une minute de silence est demandée à toutes communautés, sportives, religieuses, républicaines ou associatives afin de témoigner  respect et souvenir à l’être ou les êtres passés à l’Orient Eternel.

- Le silence protecteur : « vous avez le droit de garder le silence … tout ce que vous pourrez dire pourra être utilisé contre vous ». Phrase bien connue utilisée par la police américaine et qui par là-même propose en tout premier lieu une protection à la personne interpellée. Protection due à son propre silence. N’en est-il pas de même dans la vie profane, dans nos professions, nos réunions et autres occasions de communiquer ?

- Le silence d’offense ou d’irritation qui est pratiqué par ceux qui ne sont pas en paix avec eux-mêmes, lèvres serrées, mâchoires crispées, ceux qui ne connaissent pas ou n’arrivent pas à faire le silence intérieur si propice à plus de justesse dans la réflexion et dans l’action qui suit. Ceux-là ne connaissent pas le repos, la sérénité ni même le bien-être.

- Le silence de l’isolement. Celui qui se tait, n’est pas confronté aux autres, il reste avec ses idées et sa façon d’être, ne s’ouvre pas à l’altérité. Il ne doit pas être interprété comme une fin en soi. Celui qui se tait, ne donne pas soi-même et, donc, s’appauvrit en donnant une valeur négative à sa vie.

- Le silence pénitence : Il y a des moments dans lesquels est difficile se taire, parce que parler devient un besoin. Il est en effet difficile de se taire lorsqu’il y a eu une incompréhension, une offense, une injustice, lorsque l’autre veut avoir raison et veut le dernier mot sur les décisions, lorsque nous voyons des attitudes fausses dans les autres, lorsque nous avons une souffrance, lorsque nous comprenons que l’autre nous juge mal, et pire encore lorsque l’autre croit deviner nos pensées et en tire des déductions évidement fausses. Dans ces moments, le silence ne devrait pas être considéré comme une pénitence mais comme un outil permettant d’accéder à plus de sagesse.
J’en déduirais presque que la capacité d’écoute d’un individu est inversement proportionnelle à la taille de son ego.

Lorsque nous sommes capables de triompher du besoin de parler, le silence nous enseigne à dominer nos passions, même avec souffrance, nous ouvre le chemin vers une forme de hauteur qui conduit à une maturité humaine. On expérimente, donc, une grande paix et même on domine ses pensées en les rectifiant, en les transformant positivement, en retrouvant l’équilibre intérieur. Le silence, alors, devient une prédisposition à l’écoute, à l’accueil et à la communication avec les autres et avec l’Autre. Il nous aide à éviter le mal que facilement nous pouvons commettre en parlant. Il est une possibilité de réflexion avant la parole et après la parole.


La connaissance de soi ne passe-t-elle pas obligatoirement par le silence ? Oui, je le pense.

Le silence imposé à l’apprenti n’est-il pas en réalité un cadeau inestimable offert par le Maître de la loge ? Oui, je le pense.
Il donne la tranquillité nécessaire à la compréhension de ce qui se déroule lors des tenues. L'esprit ainsi délivré du besoin d'intervenir, on analyse et comprend mieux les symboles et les paroles. A force de méditer il devient possible de  découvrir son soi authentique : une des plus grandes découvertes de la Vie. Ce voyage dans la recherche de sa vérité s'avère long et passionnant.
Il est simplement dommage que nous en prenions conscience toujours un peu tard.

Peut-on déduire qu’il est un outil indispensable et complémentaire à ceux permettant de polir la pierre brute ? Oui, je le pense. En loge, dans le silence et l’écoute, nous nous libérons de nos préoccupations quotidiennes. Nous pouvons ainsi nous sentir véritablement nous-mêmes et sommes plus à même d’utiliser les mots justes.

Mais concrètement où est le silence dont nous parlons, que nous cherchons ?
Paradoxalement, nous l’avons trouvé au sein même de la parole, de l’adresse, du dialogue et de l’écoute. Car le silence attentif doit nous guider vers la prise de parole maîtrisée.

La Parole.
« II y a beaucoup de gens dont la facilité de parler ne vient que de I’ impuissance de se taire » disait Cyrano de Bergerac. Que de vérité dans ces paroles !

Evitons l’empressement, les passions, et laissons mûrir nos idées, afin de ne pas avoir à regretter nos paroles… Celles-ci seront d'autant plus appréciées qu'elles auront été attendues, pensées et réfléchies. Elles doivent être dites à un moment opportun. L'art de parler, c'est aussi l'art de la prudence. Mais attention, si nous sommes Maître des paroles que nous n'avons pas prononcées, nous devenons de fait esclave de celles que nous avons laissé échapper.


La parole est-elle donc un des métaux que l’impétrant doit laisser dans le cabinet de réflexion ? Oui, car la parole doit être juste et appropriée. En loge, l’apprenti ne sait pas encore ce qui doit ou ne doit pas être dit et à quel moment. Le silence qui lui est donc imposé lui permettra d’appréhender, avec le temps, de plus en plus finement la justesse et l’à propos.


La parole source de paix ou de conflits.
Parler porte des conséquences qu’il faut évaluer attentivement ; les paroles peuvent aider les autres, transmettre le savoir, les sciences, mais elles peuvent aussi causer des dommages, parfois très graves. Facilement on peut commettre d’énormes erreurs en parlant, voilà pourquoi il est nécessaire de réfléchir avant de parler. Celui qui n’utilise pas avec droiture ses paroles va au-devant de la ruine, cause dommage à soi-même, aux autres et devient victime des ses lèvres; il court le danger d’être médisant, calomniateur ou stupide.
Mais le plus grand des dangers vient du fait que les autres peuvent répéter ce qu’ils ont écouté, et donc transmettre et répandre  erreurs ou mensonges, comme une chaîne sans fin. La parole engage celui qui la donne. Elle ne doit donc jamais être prononcée avec légèreté. Il est malheureusement à déplorer que de nos jours, c’est trop souvent le cas. Celui qui ne maîtrise pas la parole, par vanité, égo ou même orgueil, prend aussi le risque de révéler des secrets, de trahir, de dévoiler et donc de perdre la confiance des autres. Facilement celui qui parle trop ou mal à propos tombe en faute.

Il est conseillé donc de ne pas être arrogant, blessant, de ne pas fabriquer des mensonges et calomnies, de ne pas trop parler (surtout pour ne rien dire), mais aussi de ne pas tromper ni flatter outre mesure ni d’employer des paroles dures ni même piquantes.

Alors il conviendrait de parler avec prudence, science, amabilité, calme, contrôle de soi, sagesse et rectitude mais aussi avec sincérité, loyauté et gentillesse en pesant chaque mots, en freinant sa bouche en « tournant 7 fois sa langue dans sa bouche ».
Mais sans la confrontation de nos propos avec les autres, comment pourrions-nous progresser et évoluer ? Et bien il est à priori impossible d’y parvenir.

La confrontation de nos propos doit donc se faire par étapes : accepter, dompter et utilisé « l’outil silence » afin d’aller, pierre après pierre, vers la parole mesurée et maîtrisée. Alors seulement nous devenons prêts à confronter nos propos avec les autres et donc à progresser, évoluer voire s’élever.

Du Silence à la Parole.

En conclusion, partant du principe que celui qui ne sait se taire ne sait pas parler, le sujet « du silence à la parole » me semble être simplement le « Pas Sage » de l’un à l’autre. Cela signifie pour moi la compréhension de certains sujets, l’adhésion sans réserve à certaines règles et surtout la maîtrise de certains outils qui nous permettent d’être aptes et seulement aptes à parler avec le plus de droiture et de justesse possible (à notre niveau de connaissance).

Je dois avouer, mes Frères, que j’ai pris un grand plaisir à travailler sur ce sujet qui fut pendant longtemps si douloureux pour le jeune homme que j’étais. Car paradoxalement, je n’aurais jamais imaginé qu’un handicap à surmonté si longtemps puisse un jour m’être si riche d’enseignement.
Je me tais pour mieux vous écouter m’éclairer.

J’ai dit.

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