Obédience : NC Loge : NC Date : NC

Le Niveau

Lors de notre cérémonie de réception de compagnonne la 1ère phrase que l’on entend par l’experte après avoir frappée à la porte du temple, est : «  ce sont des apprenties qui demandent à passer de la perpendiculaire au niveau. »  Cette phrase a raisonnée en moi, car après avoir effectuée ma descente intérieure, dans mes zones d’ombre au grade d’apprenti et m’être peu à peu élevée pour sortir des ténèbres, le mot niveau m’interpella, car il m’évoquait, le calme après la tempête, une pause à l’horizontal et que le grade de compagnonne semblait être moins tourner vers soi, mais plus vers les autres et l’extérieur. Le niveau est en effet un des outils indispensables donné à la compagnonne pour étendre ses champs d’exploration à l’horizontale.

Le Petit Larousse nous dit que le niveau est un outil de tracé et de contrôle qui permet de vérifier l’horizontalité d’une surface. Historiquement, le niveau est antérieur à la civilisation égyptienne, son origine est liée à la construction de monuments en pierres par rangées superposées. Le nom de l’outil niveau vient du mot latin libella qui signifie balance. Son fil oscille, avant de se stabiliser à la verticale, tout en donnant l’horizontale du plan. C’est par le même système d’équilibre que fonctionnent la balance et le niveau.

Le niveau assure l’horizontalité, c’est un outil de précision pour la recherche de stabilité et de l’équilibre. Toutes les définitions s’accordent à reconnaître que son rôle consiste à vérifier l’horizontalité du plan. L’utilisation constante du niveau assure le maçon de ce que, si élevés que l’exige son ouvrage, tous ces plans horizontaux le seront aussi parfaitement que les horizontales des fondations, qu’il aura préalablement établies avec les mêmes outils et avec le même soin. Le niveau proposé en franc-Maçonnerie est un assemblage de bois ou de fer en forme de A majuscule. C’est une équerre portant en son sommet un trou d’où pend vers le bas un fil à plomb. Ses jambages sont reliés par une règle fixée horizontalement. Tout ce qui se produit d’essentiel dans nos vies part ou aboutit à un carrefour, une croisée des chemins. La compagnonne se situe au point de jonction de ces deux axes verticaux et horizontaux parce qu’elle évolue sur ces deux plans. La rupture de niveau, de la naissance à la mort, est l’initiation qui correspond au passage d’un état à un autre, lequel sera suivi d’autres passages de niveaux, comme les échelons d’une échelle à gravir. Le niveau permet d’établir que 2 points d’une surface se trouvent ou non, à la même hauteur ; c'est-à-dire que la vérification de l’horizontale s’opère grâce à la verticale. D’où l’association constante de la perpendiculaire avec le niveau .

Cette horizontale calme et plane que nous assure le niveau est à l’opposé du chaos et de la confusion. Dans le livre d’Isaïe, on lit : je prendrai le droit pour règle et la justice pour niveau. Dans ce verset l’utilisation du niveau est assimilée à la justice, celle-ci étant l’union parfaite de la verticalité et de l’horizontalité, que l’on retrouve dans l’emblème divin du glaive et de la balance. Le travail de la compagnonne permet de placer le niveau entre le zénith et le nadir, le haut et le bas, c'est-à-dire de se situer au centre de la croix, point de départ de l’unité , point d’équilibre ou l’être retrouve sa fonction initiale de médiateur entre ciel et terre.

Enfin, sur un plan pratique, le niveau nous permet de trouver la mesure du quotidien, le juste milieu, de tendre à l’équité et à l’équilibre, lorsqu’on arrive à l’union parfaite de la verticale et de l’horizontale. Le niveau invite à aplanir les obstacles que génère l’ego, pour accéder à la libération intérieure. En outre de par son ascendant, il nous indique le devoir spirituel d’élévation et de bienveillante compassion envers notre prochain.

Au Rite Ecossais Ancien et Accepté, le niveau est placé autour  du tapis de loge au 5ème voyage (de même qu’il est sur le plateau de la Première Surveillante). Il n’est jamais remis en main à la compagnonne directement, mais néanmoins il fournit l’axe à suivre dans son travail. Il en est de même de la perpendiculaire pour l’apprentie.

Bijou mobile, le niveau est l’insigne de la Première Surveillante, car lorsque les compagnonnes sont sur le chantier de la loge elle les dirige en leur indiquant les directions à prendre. Le niveau porté en sautoir de la 1ère Surveillante ne peut être horizontal que si la perpendiculaire est en équilibre. Par cette constatation, on peut penser que l’apprentie, par introspection, est invitée à répondre à la question qui suis-je ?, alors que la compagnonne, à l’aide du niveau, se trouve amené à se demander où suis-je ? et où vais-je ?

Ainsi, après avoir dégrossi ma pierre brute, j’ai franchi une nouvelle étape sur l’échelle initiatique. Ce passage de la perpendiculaire au niveau, ce concrétise par exemple dans la marche, par un pas de côté, permettant de découvrir, entre autre, sous un angle nouveau le chantier de la vie qui s’ouvre, aux côtés de nos sœurs. Avec le niveau j’ai pu voyager dans d’autres ateliers et ainsi m’enrichir de travaux et m’ouvrir à d’autres loges et obédiences. Aussi, la fréquentation d’ateliers différents du mien, m’a permis d’étendre mon champ de connaissance dans la voix initiatique. Même si le voyage principal est intérieur avant tout, le niveau a contribué à ma formation maçonnique intellectuelle et spirituelle de compagnonne. Que ce soit dans le temple ou en dehors du temple, le niveau m’a permis de trouver ma place, d’avoir un regard plus réfléchi et juste, un jugement moins hâtif et à prendre les gens au même niveau que moi, comme un étalonnage et ce quels qu’ils soient, plus instruits ou non. La richesse que le niveau m’a apporté fut d’autant plus importante qu’il m’a permis de prendre confiance, de mieux voir autour de moi, d’analyser avec plus d’équité.

Ainsi, la compagnonne devient progressivement pleinement responsable de l’œuvre qui l’incombe, munie des outils à caractère constructif de ce grade : règle, compas, levier, équerre et niveau, à même de lui permettre d’accomplir un chef d’œuvre, son propre chef d’œuvre, un état de perfection humaine à réaliser.  L’humanité ne pourra véritablement s’améliorer que si l’on commence par ce qu’on a la capacité de transformer.

En passant de la perpendiculaire au niveau, la compagnonne accède donc à un symbolisme porteur d’élévation, tourné vers la sphère céleste tout en parcourant la sphère terrestre. Autrement dit, bien que se tournant vers un symbolisme plus spirituel, la compagnonne se doit de travailler  sur les 2 plans, et d’en réaliser une synthèse harmonieuse. On demande ainsi à toute compagnonne, à l’aide des outils qui lui ont été donnés, dont le niveau, de devenir une colonne vivante, ancrée sur ses pieds, tournée vers le ciel et de travailler dans la rigueur et l’équité. Le niveau sert plus particulièrement à placer horizontalement les pierres à côté les unes des autres dans la construction de notre propre temple, mais le niveau avertit aussi qu’il doit régner une parfaite égalité entre toutes les maçonnes. En effet, le niveau symbolise par sa rectitude et rigueur,  l’égalité foncière de tous les hommes dans leur nature profonde et leur vocation. Ainsi, ce 2ème sens tout aussi important que le 1er relève de valeurs fondamentales en maçonnerie, que sont la justice, l’équité et la légalité.

Par la même, la compagnonne que je suis, devra toute ma vie tailler sa pierre, car elle ne sera jamais achevée, la perfection n’étant pas de ce monde. Je pense que mon passage au grade de compagnonne m’a permis de mieux me connaître face aux autres, de mieux trouver ma place dans la loge et en maçonnerie en générale, de mieux écouter et d’être plus juste dans mon travail maçonnique et ma vie profane, et enfin de réaliser que tout ceci n’était que le début d’une longue initiation, mais primordiale pour élever son temple avec justesse.

J’ai dit

M\C\ M\

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