Obédience : NC Site : http://www.artsetprogres.org 06/06/2006


Origines du Compagnonnage

et Franc-Maçonnerie

Loin de moi l’idée prétentieuse de vouloir résoudre dans cette modeste planche les origines du compagnonnage et ses liens originaires avec la création de la Franc Maçonnerie car le sujet est quasiment historique et le mystère n’est toujours pas à ce jour  véritablement éclairci.

Mais il est vrai qu’il est terriblement excitant pour les Francs-maçons.

J’ai fait un travail simple car il faut savoir ne pas abuser du temps , et j ai puisé mes sources essentiellement  dans un article du Pays Paul Clémenceau publié dans le Journal de L’Union Compagnonnique de mars et avril 2006.

Je n’ai rien inventé , mais peut être pourrons nous ensuite de ma lecture en tirer ensemble les conclusions philosophiques qui s’imposent. et ce d’autant plus que nous venons d’entendre la semaine dernière une planche sur les Chevaliers du Temple et que tout ceci est très souvent  contemporain.

On peut dater de 1717 la naissance de la Franc Maçonnerie spéculative ,c’est à dire indépendante des corporations d’architectes et de tailleurs de pierres.Ce sont deux pasteurs protestants ,DESAGULIERS et ANDERSON , qui ,s’inspirant peut être du compagnonnage, fondent la Franc Maçonnerie moderne.Ils s’appuient sur des rîtes parfaitement réglés pour maintenir une tradition humaniste dans laquelle chacun construit une réelle liberté individuelle pour mieux s’engager dans l’amélioration de la vie de la Cité.

Cependant les sociétés philosophiques et les sociétés compagnonniques ne découlent vraisemblablement pas les unes des autres ,comme beaucoup le pensent ,mais sont sans doute issues du même tronc ,c’est à dire des sociétés de constructeurs de l’antiquité et du moyen âge.

En effet le rituel et les symboles utilisés par les sociétés philosophiques sont le plus souvent les outils de ces mêmes bâtisseurs.

C’est pourquoi ce soir alors qu’ il est de mon propos de vous faire un rapide historique des origines du compagnonnage, pour guider notre réflexion nous allons considérer cinq grands mouvements dans l’histoire connue de l’Humanité :
-Les sociétés de constructeurs de l’antiquité et du moyen âge
-L’épopée gothique ;
-Les corporations du moyen âge.
-Le compagnonnage.
-Les loges de compagnons acceptés.

Les Sociétés de constructeurs de l'antiquité et du Moyen Age

Tout semble avoir commencé par la construction du temple de Salomon ,à Jérusalem , il y a 10 siècles.

En effet dans l’antiquité où les moyens mécaniques étaient nuls , il aura fallu certainement un nombre impressionnant d’ouvriers qualifiés , moins qualifiés et des manœuvres chargés d’effectuer les tâches pénibles et harassantes pour construire ce temple.

Ainsi se sont certainement constituées les premières sociétés de constructeurs.

Les maîtres d’œuvre ,c’est à dire ceux qui commandaient l’ouvrage embauchaient alors non pas des ouvriers particuliers comme nous le faisons actuellement mais une société dans son entier et autant de sociétés qu’il en était besoin.

Une légende nous dit que les ouvriers étaient hiérarchisés en deux grades « les apprentis et les compagnons « et que chacun dans son grade se rendait auprès d’une colonne déterminée donnait son mot de passe et recevaient son salaire »; sans doute dans le but d’éliminer les imposteurs ;

Le mot de passe était donné à chaque grade au cours d’une cérémonie initiatique.

Ces sociétés comprenaient des apprentis et des compagnons mais il n’y avait pas de grade de maître ; le maître était simplement choisi pour ses compétences à diriger parmi les compagnons.

Il y a fort à penser que du fait de la forte mortalité et du peu de longévité vitale un grand besoin de renouvellement de main d’œuvre se faisait sentir et que donc la promotion dans la société était importante.

Les apprentis devenaient compagnons lorsqu’il se sentaient prêts à  faire une belle œuvre et qu’ils étaient donc jugés par les compagnons aptes à devenir un des leur.Leur nouveau mot de passe leur était donné au cours d’une cérémonie initiatique afin que le secret soit bien gardé.

Ces sociétés avaient donc un rôle social important car elle transmettaient le savoir et permettaient l’insertion des ouvriers dans la société civile dans laquelle il vivaient ;

Cependant elles étaient avant tout des sociétés commerciales constituées dans l’unique but de gagner des l’argent.

Avec la romanisation de l’orient et l’extension de l’empire romain le système des sociétés de constructeurs fut installé et connu dans tout l’empire romain et lorsque les romains conquirent la Gaule ils expatrièrent des sociétés de constructeurs en Gaule afin de leur apprendre à construire des bâtiments en pierres car les gaulois ne bâtissaient que des constructions en bois et ignoraient le travail de la pierre

Ce fut pour la Gaule le début des sociétés de constructeurs qui se déplaçaient au fil des chantiers ;certaines sociétés se fixant même dans certaines villes dans l’attente de l’embauche ,comme par exemple la ville d’Angers.

Ces sociétés existèrent jusqu'au XIII ème siècle , début XIV ème et durent évoluer durant 20 siècles au fil d temps et des nouvelles techniques et c’est très certainement grâce au système de transmission du savoir mis en place dans l’antiquité qu’elles purent survivre autant de temps.

L’Epopée Gothique

Cependant en l’an mille, comme libérée de la peur de l’apocalypse et guérie de la superstition, la population se rua vers le christianisme et se mit à construire des églises dites romanes.

En 1098,Robert de Molesnes fonda l’abbaye de Citeaux en Bourgogne ,abbaye bientôt suivie d’abbayes annexes.Puis Bernard de Fontaines imposa à l’ordre cistercien l’étude des 7 vertus antiques (grammaire , rhétorique , arithmétique , dialectique , astronome , géométrie , musique )ce qui amena l’abbaye de Fontenay à se spécialiser dans la géométrie et l’architecture ,d’où la naissance des premiers efforts de synthèse concernant l’art gothique pour pouvoir construire toujours plus haut , plus compliqué et la naissance du « trait ».

Le « trait » véritable trésor, était une science qui convenait bien aux ouvriers (car elle s’exprime par le graphisme et non par les mathématiques ) et  fut au cours des siècles améliorée par les constructeurs qui en gardèrent jalousement le secret

Jusqu’à Descartes les épures étaient battues en grandeur réelle dans « les loges » (abris de chantiers ) et c’est Descartes qui eut l’idée de faire des épures en échelles réduites et inventa le rapporteur.

A la fin de la première croisade Hugues de Payns  fonda l’ordre des templiers à Jérusalem et afin de protéger les pèlerins sur la route de la Terre Sainte l’ordre construit de nombreuses places fortes et fit venir de nombreux constructeurs pour édifier des œuvres d’art (on parle de 18,000 le nombre d’ouvriers qui firent le voyage d’Aigues mortes à Saint Jean d’Acre durant les croisades)

Déjà à ce moment de ma planche nous pouvons entrevoir ce que les sociétés de constructeurs antiques ont apporté aux sociétés de constructeurs du Moyen-Age et comment tout ce savoir et cette organisation ont été transmis au fil des siècles d’abord par les romains puis par les templiers.

En effet , ainsi que nous le disait la semaine dernière notre frère Frédéric à partir de la naissance des Templiers , les sociétés de constructeurs vont se séparer en deux courants : celles qui vont travailler pour le clergé à bâtir les cathédrales , et celles qui vont travailler pour les Templiers à bâtir et édifier soit des constructions religieuses ,soit des constructions profanes.

Les deux ayant le plus souvent créé de véritables œuvres d’art.

Après la perte de Saint Jean d’Acre en 1291 les ouvriers qui travaillaient en orient rentrèrent en occident et pour la plupart allèrent rejoindre les chantiers des cathédrales.

Après la disparition des Templiers par l’exécution de leur grand maître , Jacques de Molay , le 13 mars 1314  les ouvriers se séparèrent une nouvelle fois ; ceux d’obédience templière fuyant la France pour se réfugier en Ecosse , en Espagne ,au Portugal où ils ont apporté leur technique.

Ceux d’obédience clergé demeurant en France mais avec moins d’enthousiasme et certaines l cathédrales mirent des siècles à être construites.Comme celle de Tours qui commencée en 1170 ne fut terminée qu’en1547.

Toute ces événements historiques firent largement évoluer les esprits dans les sociétés.

Les ouvriers ne voulurent plus dépendre exclusivement d’elles pour trouver leurs chantiers et devinrent plus indépendants.

Les maîtres aussi avaient changé de mentalité et pour finir les uns se séparèrent des autres et ce fut la fin des sociétés et le début des corporations.

Les Corporations du Moyen age

Si l’époque gallo-romaine a vu naître la première corporation , celle des marchands d’eau , dont le sceau fut le modèle du blason de Paris , c’est cependant Charlemagne au IX sièce qui organisa les premières corporations en s’inspirant des sociétés de constructeurs.

En effet les sociétés de constructeurs regroupaient les ouvriers de bâtiment exclusivement et donc les corporations vont regrouper les autres « travailleurs »  (artisans ou commerçants ).

Une corporation était une organisation municipale reconnue et protégée par le Roi ou le seigneur.C’était le regroupement dans la même ville de tous les artisans dans le même métier

Toutes les corporations avaient leur Saint.

Par exemple le Saint des avocats était et est toujours Saint Yves.

Charlemagne craignait les corporations d’où pouvaient germer des conspirations contre lui , aussi il les réglementa tout en les protégeant allant même jusqu’à leur imposer la qualité d’un produit fini ( nous n’avons donc rien inventé avec les labels et la TVA )

La hiérarchie chez les artisans comprenait 3 grades : apprentis , compagnons et maîtres; ces grades étaient obtenus après des épreuves professionnelles jugées par l’ensemble de la corporation ;

Cela pour les passage des 3 grades, contrairement à ce qui se passait dans les sociétés de constructeurs dans lesquelles le passage au grade de maître était uniquement électif.

Seuls les maîtres pouvaient devenir patrons et quelquefois ils n’employaient qu’un seul apprenti ou un seul compagnon.

Les rapports entre le maître et ses employés étaient pour la plupart du temps tyranniques.

Et l’évolution dans le temps de ces associations ne fut pas ce qu’elle aurait du être car des déviances se sont installées, qui devaient devenir des abus insupportables.

Les maîtres devaient peu à peu s’installer dans leur place qui devait devenir une charge transmissible et donc impénétrable par les compagnons qui de leur coté étaient maintenus dans leur grade par des moyens asservissants.La seule spiritualité des corporations était l’attribution par le clergé d’un saint patron ou d’une sainte patronne.

En fait les corporations étaient des sociétés commerciales qui devinrent des syndicats patronaux qui n’eurent plus aucun rôle social pour les ouvriers et aucun lien avec les origines du compagnonnage.

Le Compagnonnage

Souvenons nous qu’au début du XIV ème siècle les sociétés de constructeurs , à la suite de l’extermination des Templiers , disparurent et que les compagnons, pour ceux qui survécurent, mirent sur pied une organisation qui par nécessité fut clandestine puisqu’ils n’avaient pas droit de se réunir.

Les ouvriers du bâtiment seulement , donc , puisque les autres se réunissaient dans les corporations , n’étant plus sous la tutelle des maîtres, purent et durent prendre leur destin en mains.

Ainsi peu à peu ils choisirent individuellement leur chantier et négocièrent de meilleurs salaires.

Ne pensons pas que tout cela s’organisa facilement et rapidement.

Il fallait du temps car l’analphabétisme et la clandestinité freinaient l’évolution.

Mais lorsque l’organisation fut terminée , chaque métier du bâtiment eut sa propre société (par exemple les tailleurs de pierres ,les maçons , les charpentiers ,etc ) indépendante des autres et dans chaque ville une auberge d’accueil existait où le voyageur trouvait le gîte et le couvert au meilleur prix et où les sociétaires déjà en place recherchaient l’embauche pour l’arrivant.

Le moins que l’on puisse dire c’est que la flexibilité existait à cette époque beaucoup plus que de nos jours car enfin l’ouvrier devait non seulement accepter de se déplacer aux quatre coins de la France pour trouver du travail mais n’était assuré de conserver ce travail que durant la vie du chantier.

C’était peut être là que résidait la richesse de ce système qui faisait que les connaissances étaient perpétuellement sinon remises en question mais tout au moins comparées et remises à niveau.

A une certaine époque les ouvriers d’obédience templière émigrés revinrent en France et fondèrent leur propres sociétés car ils ne voulurent pas cohabiter avec les ouvriers d’obédience clergé et deux système de sociétés cohabitèrent alors.

Ceux qui étaient d’origine clergé prenant l’appellation de « compagnons du Saint Devoir de Dieu »  et les laïques si l’on peut dire prenant l’appellation de «  compagnons non du Devoir ».

Les sociétés de compagnons, dégagées de la tutelle des maîtres, prirent alors leur vie professionnelle en mains et assurèrent la formation des jeunes apprentis ainsi que la transmission du savoir qu’ils étaient finalement seuls à connaître puisque les maîtres n’avaient plus de formation professionnelle 

Le passage des grades se faisait toujours lors d’une cérémonie initiatique avec transmission des mots de passe comme dans les sociétés de constructeurs de l’antiquité.

Contrairement cependant aux sociétés de constructeurs les sociétés de compagnons n’avaient pas de but commercial.

C’étaient des groupements de compagnons crées par des compagnons , pour des compagnons et dirigés par des compagnons.

On peut dire que les sociétés compagnonniques  furent à l’origine un mouvement revendicatif d’ouvriers qui prit en charge la formation professionnelle et la promotion du monde du travail avec un caractère initiatique.

Ce furent aussi les ancêtres des syndicats ouvriers.

Et cette facette mériterait à elle seule une planche donc je ne peux me permettre de développer cet aspect.

Les ouvriers des corporations ( c’est à dire les artisans des autres métiers que ceux du bâtiment) rejoignirent peu à peu les sociétés de compagnons et les compagnons du Devoir de Dieu leur révélèrent peu à peu les secrets des initiations ,tandis qu’en 1804 les compagnons du non Devoir prirent certainement dans un esprit révolutionnaire le nom de « compagnons du Devoir de liberté «.

Les Loges des Compagnons acceptés

Lorsque les maîtres et les ouvriers se séparèrent au début du XIVème siècle ,les maîtres se regroupèrent au sein de nouvelles sociétés, conçues sur le modèle des sociétés de constructeurs , afin de se donner une formation purement technique qu’ils n’avaient plus.

Elles possédaient deux grades initiatiques (apprentis et compagnons ) et un grade électif (celui de maître ) et les grades se passaient avec des cérémonies initiatiques mais les épreuves n’étaient plus des travaux manuels mais des épures d’architecture.

Pour prendre une référence moderne on pourrait dire que ces sociétés étaient des cabinets d’architecte qui comprenaient des apprentis (commis), des compagnons (les architectes adjoints )et les maîtres qui détenaient le savoir,  dirigeaient les ouvriers , concevaient l’œuvre et la réalisaient.

Le temps passant et la société civile évoluant il est probable que les maîtres jouirent d’un grand prestige et qu’ils furent reçus par la noblesse et la bourgeoisie.

Nous sommes là au début du XVIII ème siècle.

Les maîtres pour être fréquentables par ces nobles , ces bourgeois et ces intellectuels voulurent sans doute acquérir une certaine culture et à cette fins invitèrent sur leurs colonnes des intellectuels pour discuter d’autres sujets que ceux de leur profession

Ce fut la naissance des « Loges de Compagnons Acceptés » qui devaient devenir par la suite des sociétés purement spéculatives.

Cette naissance eut lieu officiellement en Angleterre en 1723 par la promulgation de la charte d’Anderson.

Et l’on voit maintenant comment nous tenons d’un passé très très lointain nos coutumes initiatiques et notre vocabulaire sans que l’on puisse cependant savoir qui a inventé quoi et quand.

C’est l’histoire de l’œuf et de la poule sur au moins 20 siècles et peut être d’avantage.

J’ai dit ,Vénérable Maître.

S\ Comp\ Arlette Fle\


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