Obédience : NC Loge : Less 3 C\ P\ P\ - Orient de Reims Date : NC

Schibboleth

Schibboleth est un mot hébreu qui porte un double sens : épi de blé, ou eau courante (fleuve ou chute d'eau ou gué).

Le mot schibboleth est donné à l'apprenti avant qu'il ne soit passé compagnon. C'est donc un mot de passe ou de passage qui constitue la charnière, l'articulation, le pont entre les deux stades.

Dans l'ancien testament, le livres des Juges (XII – 6) nous rapporte un épisode de la guerre entre Ephraïm et Galaad. Aux fuyards d'Ephraïm qui tentaient de traverser les gués du Jourdain, les gens de Galaad demandaient de dire « Schibbolet » mais ils prononçaient « Sibbolet » et, ainsi découverts, se retrouvaient égorgés. Ainsi la justesse de la prononciation est-elle mise en exergue.

L'épi de blé

Dans les mystères d'Eleusis, l'initiation se terminait par la contemplation du plus grand et du plus parfait des mystères : un épi moissonné en silence. Les mystères d'Eleusis correspondent au culte de Démeter qui joue le rôle de la grande déesse mère, et dont la fille, Perséphone, passe 6 mois aux enfers et 6 mois sur terre, illustrant ainsi le thème de l'alternance des saisons et de celui de la mort et de la renaissance. Le grand enseignement d'Eleusis était celui de l'immortalité de l'âme et de son éternelle résurrection après la mort. Ainsi l'épi de blé schibboleth symbolise le cycle éternel de vie et de résurrection, par analogie avec le grain de blé qu'on enfouit en terre en hiver et qui se réveille au printemps.

L'épi de blé est aussi l'emblème d'Osiris, dieu mort et ressuscité. L'eau, par l'intermédiaire d'une sorte de baptême est associée à Isis. Ainsi l'association blé-eau peut renvoyer au mythe Osirien qui symbolise aussi l'unité originelle. Cette origine est assimilée à la grande déesse mère qui prend les traits d’Isis, encore dénommée stella maris, l'étoile de mer. Ainsi l'étoile flamboyante peut-elle être considérée comme un symbole de l'unité originelle.

Le rituel de l'initiation maçonnique montre déjà toute l'évolution ultérieure, comme la graine qui comporte virtuellement l'arbre en totalité. A l'apprenti, grain de blé qui va se développer, on signifie par le signe pénal que son avenir est déjà tracé et qu'il aura, comme les épis de blé, la tête tranchée pour mieux renaître par la suite.

L'évangile de Saint Jean (XII, 24-25) nous dit :

Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt,
Il reste seul ;
S'il meurt,
Il porte beaucoup de fruits.
Qui aime la vie la perd ;
Et qui hait sa vie en ce monde
La conservera en vie éternelle.
L'enseignement est donc précis mais difficile : il faut quitter le monde matériel pour
entrer dans le Royaume. Ainsi se perpétue le cycle mort/renaissance. Le blé va se transformer d'un simple grain en épi mûr et abondant, transformant un enracinement matériel en la promesse d'un domaine céleste.

Le fleuve

Dans la mythologie grecque, Okéanos l'océan personnifiait le grand fleuve primordial qui entourait la terre. Le fleuve symbolise aussi l'écoulement du temps qui passe sans jamais s'interrompre, comme la vie humaine. Comme le sang dans nos vaisseaux, les énergies psychiques suivent un mouvement constant et identique. Le fleuve évoque encore le pont qui permet de passer d'une rive à l'autre c'est à dire symboliquement de la vie à la mort, du monde visible à l'au(eau?)-delà. Les Hébreux célèbrent la sortie d'Egypte avec la traversée de la mer Rouge qui est la fête de Pessah, le passage. Ainsi, symboliquement, l'Egyptien qui meurt englouti dans la mer représente le vieil homme qui meurt en nous pour laisser la place à la Terre Promise.

Le fleuve, frontière infranchissable entre 2 univers, nécessite un objet miraculeux pour le traverser. Dans le franchissement de la mer Rouge, cet objet est le bâton de Moïse. Pour les Grecs et les Egyptiens, cet objet est la barque. Dans l'épisode des Juges, le mot de passe Schibboleth permet le passage de la mort à la vie mais seulement si on l'utilise avec justesse. De même, les Esséniens, les Thérapeutes et les Gnostiques avaient atteint le monde de la vie éternelle alors que les profanes faisaient partie du monde des morts: le passage d'un monde à l'autre constitue la résurrection qui se fait du vivant de la personne. Ainsi, le rituel traduit le passage de la conscience d'un état à un autre et enseigne que la méthode est contenue dans le
langage. Le langage est donc transformateur et modificateur de la conscience.

Mais la nécessité de la justesse de la prononciation souligne que la méthode doit être conforme. Il faut donc articuler correctement le bon mot. Si on ne « voit » pas bien, on ne prononce pas bien. La différence de prononciation entre Schibboleth et Sibboleth réside uniquement dans la différence entre le shin et le samek, dans l'origine du nom, dans le souffle et la vibration initiale. Mais l'origine symbolise aussi le centre : pour accéder au Royaume, il faut prononcer le mot avec justesse. La clé d'entrée est le mot.

Schibboleth/sibboleth forme un couple de mots opposés qui sont liés au couple vie / mort : schibboleth donne la vie, sibboleth entraîne la mort. Le mot est donc vital. Mais sibboleth est contenu dans schibboleth : le bon mot révèle un supplément de l'être, mais l'erreur est contenue dans le juste.

Les Ephraïmites connaissent le mot qui leur est donné mais, même s'ils le veulent, ne peuvent le prononcer correctement. Ainsi apparaît la notion de vouloir et de pouvoir. L'homme, même s'il connaît ses devoirs, n'a pas forcément la capacité de les réaliser et ne pourra retourner à son état d'homme parfait pré adamique. La question n'est donc pas l'ignorance mais l'impossibilité. De même, l'apprenti ne parle pas mais, par le signe d'ordre, il indique le siège de la parole qui reste caché. Le signe pénal indique que, s'il parle, donc si la prononciation n'est pas respectée, il aura, comme les Ephraïmites, la gorge tranchée. La clé n'est donc pas dans le silence mais dans la justesse de la prononciation.

Schibboleth le fleuve est à la fois la frontière qui sépare 2 états de conscience et le moyen de passage de l'un à l'autre. En fait, il relie ce qu'il semble séparer. Les 2 rives représentent le monde matériel et le monde spirituel qui, bien qu'apparemment séparés, forment un tout. Jephté, dont le nom signifie « il ouvrira, il libérera » est le gardien du passage et libérera l'homme du matérialisme en le faisant accéder au monde spirituel.

Si l'eau est le passage obligé pour accéder au monde spirituel, il faut cependant aussi être baptisé par le feu qui symbolise l'esprit. Ainsi Ionanan baptise par l'eau et Iehoshoua - Jésus baptise par l'esprit.

Si le mot de passe est Schibboleth, la difficulté est dans la prononciation du schin et c'est donc cette lettre qui est essentielle. Ainsi le shin, qui signifie feu, est-il le symbole de el Shaddaï, un des noms de Dieu. Le shin permet et autorise le passage. Le nom de dieu avec le tétragramme iod haï vav haï est imprononçable.

Si on adjoint au centre du tétragramme la lettre shin, le tétragramme devient alors prononçable sous le nom de Ieoshoua. Ainsi, Ieoshoua, le sauveur, permet le passage de l'homme à Dieu grâce au shin. Ieoshoua peut donc être le médiateur, le lien, le passage entre le matériel et le spirituel. Et l'apprenti qui était privé de la parole et qui ne pouvait qu'épeler va pouvoir désormais prononcer.

Alchimie

L'eau est la matière première de toute chose. En alchimie, passer le cours d'eau signifie prendre possession de la matière première, l'ouvrir pour en extraire les 2 principes soufre et mercure. C'est l'image de St Christophe (le mercure) portant sur ses épaules le Christ ( le soufre) pour traverser la rivière.

Jephté (il libérera) de Galaad (dur, rugueux, pierre) est celui qui ouvre la pierre donc le libérateur de la pierre philosophale pour en extraire les éléments spirituels.

L'eau lustrale était utilisée par les druides en prenant un tison ardent du foyer des sacrifices qu'on éteignait dans l'eau, mélangeant ainsi intimement les 2 polarités pour les enrichir mutuellement. L'eau lustrale du baptême chrétien, eau imprégnée du feu subtil incarné par le Saint Esprit, est synonyme d'eau initiatrice favorisant la naissance d'un homme nouveau, éclairé par la lumière divine, qui entre dans une nouvelle communauté. Poséidon ou Neptune est représenté sortant de l'eau et tenant son trident à la main, symbolisant là encore le mariage alchimique du soufre et du mercure.

Si le shin est contenu dans schibboleth, le feu est donc contenu dans l'eau. En alchimie, la matière première n'est qu'un feu contenu dans l'eau ou feu aqueux. Schibboleth représente donc la matière première et contient le secret du Grand Oeuvre.

Conclusion

Schibboleth est donc le mot que reçoit l'apprenti lors du passage au grade de compagnon. Ce sésame lui ouvrira la porte s'il le prononce avec justesse c'est à dire : S’il en comprend le sens.

La difficulté de prononciation porte sur le shin et c'est donc cette lettre qui est importante : c'est elle qui sauve et fait passer. Le shin représente le feu donc l'esprit que le compagnon devra savoir extraire de la matière pour passer du signe au sens, du matériel au spirituel. Mais le feu reste indissociable de l'eau, association symbolisée par le mot Shibboleth lui-même mais aussi par l'étoile flamboyante avec la lettre G, et c'est par l'intermédiaire de ces deux éléments que le compagnon progressera, ses pas étant guidés par l'étoile.

V\ D\


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