GLFF Loge : NC Date : NC



Schibboleth
6013-8-1
"Nombreux comme des épis de blé"

Deux sens sont donné afin d’expliquer ce mot : « nombreux comme les épis de blé » et « beaucoup d’appelés et peu d’élus ». Et c’est ainsi que je me suis intéressé à ce mot ou symbole qui issu de la bible est prononcé dans une loge du rite français où tout rapport avec un dieu révélé est en quelque sorte une incongruité. « Nombreux comme les épis de blé » c’est un voyage dans mon enfance que j’ai fait en travaillant sur ce symbole. En effet mon grand-père tous les ans au mois de juillet coupait une gerbe de blé et l’enrobait autour du rétroviseur de sa voiture. A l’époque je n’ai pas eu la curiosité de lui poser la question : pourquoi ces épis de blé ? Je pense aujourd’hui qu’intuitivement mon pépé symbolisait à sa façon le bien fondé du travail. Je l’ai toujours connu au travail. Et ce n’est qu’à la mort de ma mémé qu’il cessa de « travailler ». Pour lui qui avait presque 84 ans le travail était devenu une activité associative au sein du club de rugby dijonnais. Jusqu’à sa fin il conserva ces liens. C’est dans ce contexte que Schibboleth a attiré mon attention.

Le blé symbolise dans bien des cultures, la vie, le travail et la survie de la communauté. En effet sans blé point de pain ! Sans ce pain que nous rompons au banquet d’ordre à la Saint Jean d’hiver, point de nourriture. Ce pain que nous venons de rompre est fabriqué avec le blé de l’été précédent. Il est consommé lors d’une fête de la St Jean d’hiver qui annonce le retour du soleil et le temps du travail aux champs. Courant novembre les agriculteurs ont ensemencé la terre avec les grains de blé pour les moissons de l’été suivant. Donc la boucle est bouclée. Sans blé pas de pain. Sans pain pas de partage. Sans pain, l’effort et le travail sont difficiles voire impossibles lorsque la famine pointe le bout de son nez.

La famine dans nos régions n’existe plus. Enfin la famine telle que nous la connaissons dans les livres d’histoire. Nous ne vivons plus aussi directement la famine mais nous la connaissons. Car telle la grande faucheuse, elle rode insidieusement dans les pays en voie de développement. La précarité alimentaire est toutefois parmi nous puisque sans les « resto du Cœur » créés par Coluche dans les années 80 elle serait bien présente en France. En Afrique ce n’est pas le blé mais le millet qui est l’aliment de base. En Asie c’est le riz, qui se cultive aussi de façon différente. En Amérique du Nord ou du Sud c’est le maïs et les haricots rouge. Mais qu’il s’appelle riz, millet, blé ou maïs quelle différence.

Et pourtant la différence est grande car comme le blé, le riz, le maïs et le millet, l’Homme blanc est différent de l’Homme noir comme celui-ci est différent de l’Homme jaune. L’Homme jeune est différent de l’Homme âgé. Je vous choque ? Mes sœurs je ne fais pas du racisme primaire. J’établis seulement un fait difficilement contestable. Reconnaître la différence des races ou des ethnies ne veux pas dire être raciste. « Nombreux comme les épis de blé » symbolise aussi qu’autant de race et de type d’Homme il y a sur terre, il y a de grains de blé dans un champ de la Beauce, de grains de millet dans un champ d’Afrique et que de grains de riz dans une rizière d’Asie et ainsi de suite. Ce blé qui symbolise la vie, symbolise aussi la différence et en son nom que d’atrocité. Je ferais un très audacieux parallèle entre l’histoire de la bible sur Schibboleth et la Shoa.

La bible raconte l’histoire de la guerre entre Eprhaïm et Galaad. Les Ephraïmithes refusèrent d’aider les Galaadites à combattre les Ammonites (fils d’Amon). Lorsque la guerre fut terminée entre les Fils d’Amon et les Galaadites, les gens d’Ephraïm passèrent le Jourdain et s’en allèrent demander des comptes aux Galaadites en des termes peu courtois. Une guerre éclata. Les gens de Galaad coupèrent les gués du Jourdain. Lorsqu’un Ephraïm tentait de passer la rivière les Galaadites lui posait une question : es-tu Ephraïmite ? S’il répondait : « non ». Alors il lui disait « eh bien, dis « Schibboleth » » il disait « Sibboleth » car il n’arrivait pas à prononcer avec l’accent correct le mot. Alors, on le saisissait et on l’égorgeait.
Schibboleth est un mot secret que nous recevons à la fin des cinq voyages de l’augmentation de salaire. Tout comme les Galaadites, le compagnon maçon répondra par Schibboleth, à la question sur le mot secret. S’il l’ignore c’est qu’il n’est pas compagnon ou pas maçon. La sœur tuileuse ne lui tranchera pas physiquement la gorge…mais…

Cette histoire tirée du livre des Juges date de bien avant la naissance du Christ, donc plus de 2 000 ans. Mais le fait simple de prononcer différemment un mot ou de porter un nom, indique notre provenance, nos racines. Dans les grandes lignes dès que nous disons Hirsch, Buitoni ou Lopez nous cataloguons d’office. Mais cela est aussi valable pour Abdelkader, Moustafa ou Fatima. Et pourtant lorsque Dupont voyage à l’étranger, il est Français. Donc « étranger ». Exception faite de Dupont de Nemours qui est américain mais d’origine française. On perd vite son latin dans ce brassage de population. Dans quelques décennies le simple fait de porter un nom typique ne voudra plus dire grand chose. Je viens d’en découvrir le sens profond. Depuis très longtemps nous avons cru que « Besson » (mon nom de jeune fille) était originaire du Dauphiné. Que nos ancêtres auraient fuit l’Isère lors de la révocation de l’Edit de Nantes. Il n’en est rien. Mes ancêtres sont installés dans un petit village du canton de Vaud depuis 1420. Et des Besson il y en a en pagaille dans toute la France. Le patronyme ne fait pas tout, il y a aussi la frontière du langage et l’horrible question « t’es d’où avec l’accent que tu traîne ? ». L’accent, la différence, le droit à la différence. Ce n’est plus un délit de faciès mais un délit de tonalité ou de sonorité. Combien de personnes n’osent pas s’exprimer de peur que nous leur jetions à la tête leur accent !

Quel rapport avec la Shoa me direz-vous ? Les Galaadites n’agirent pas mieux que les nazis avec les Tziganes, les Francs-maçons, les Communistes, les Juifs, les Homosexuels et n’oublions, pas s’il vous plaît, les handicapés. Nous étions tous différents de la race ou de la pensée arienne. Chacun de nous avait un petit quelque chose en plus ou en moins que les nazis ne pouvaient pas supporter. Mais pourquoi j’utilise le passé. Cette phrase doit aussi se lire au présent. Les nazis n’agirent pax mieux que les Lepenistes ou les Mégretistes avec les Francs-maçons, les personnes de couleur, les Juifs, les Homosexuels etc. Voilà pourquoi le sens de Schibboleth prends tout son sens « Nombreux comme les épis de blé », depuis des millénaires le blé est cultivé et nous n’avons pas réussi à l’exterminer de la surface de la terre puisqu’il est indispensable à notre survie. Mais aussi la différence des races, cultures et ethnies est indispensable à la survie de la planète. Sans cette différence nous serions tous des clones de nous même et donc sans grand intérêt puisque nous connaîtrions les pensées et les désirs de l’autre. Ce qui fait la richesse de toutes ces vies c’est la pluralité et non l’unité. La présence de Schibboleth au second degré symbolise aussi l’ouverture vers l’autre par son acceptation de la différence. Au second degré la compagnonne voyage et découvre d’autres loges, d’autres rites. Elle s’ouvre et prend part à la vie de la loge en rapportant les saluts fraternels d’autres ateliers ou en prenant la parole.

Schibboleth : « beaucoup d’appelés et peu d’élus » le paradoxe est que dans un champ de blé, nombreux sont les épis qui deviendront de la farine et du pain. Mais en ce plaçant sur un plan strictement maçonnique ou je dirais plutôt spirituel, il est vrai que recevoir la lumière n’est pas permis et n’est pas accessible à tout le monde. En fait j’en reviens toujours au racisme et à la ségrégation. Qu’elle soit de couleur ou de fait de société, la ségrégation est bien présente. Nous avons en France les Enarques, X-Mines, les Polytechniciens et le reste de la populace. La ségrégation existe aussi dans ce domaine. Mais Schibboleth c’est aussi la lumière, le soleil. Lors du premier voyage de l’augmentation de salaire nous posons le pied sur la première planche qui est de couleur noire. J’utilise le mot planche volontairement, car symboliquement nous glissons les pieds de la même façon que l’apprentie glisse ses pas pour rentrer rituellement en loge. A l’époque j’ai interprété cette première étape comme étant celle qui symbolise le silence de l’apprentie. Je pense que c’est aussi la couleur du pavé mosaïque où se trouve l’apprentie. Elle atteindra le pavé blanc en devenant compagnonne. Et c’est vrai puisque la dernière marche sur laquelle l’apprentie monte est transparente ou blanche. Le pavé mosaïque se recompose ainsi.

Ne vous méprenez pas sur mes paroles lorsque je dis que l’apprentie est symbolisée par le pavé noir et la compagnonne est le pavé blanc. Mais l’apprentie étant sur la colonne du Nord elle ne reçoit pas bien, ni suffisamment de lumière pour prendre la parole et s’exprimer en loge. Je l’ai ressenti très fortement lorsque je vous ai présenté mon travail d’apprentie. L’émotion et l’obscurité, d’autant que nous étions à la bougie ce soir là, m’ont assaillie. Mes paroles furent confuses bien que vous ayez essayé de me mettre à l’aise et de m’aider. Mais rien n’y fit. Aujourd’hui j’ai vu l’Etoile Flamboyante et je suis passée sur la colonne du midi, où les chauds rayons de soleil m’éclairent. En écrivant ces lignes je comprends que ma réflexion sur le pavé mosaïque est très logique. Apprenties et compagnonnes ne peuvent bouger de leur colonne respective. Tout comme les pavés blancs et noirs sont immuables. Seules les maîtresses peuvent se positionner sur les colonnes où bon leur semble. C’est en atteignant la maîtrise que je pourrais ainsi mieux évoluer sur le pavé mosaïque. Ce n’est pas non plus un hasard si dans notre rituel l’Etoile Flamboyante est positionnée à coté du soleil. Notre Vénérable Maîtresse est une de nos trois lumières. Tout comme Etoile Flamboyante guide la compagnonne dans son chemin de chaque jour, notre Vénérable Maîtresse guide la loge. Nous découvrons l’Etoile Flamboyante en atteignant la cinquième marche qui se situe au niveau du plateau de la Vénérable Maîtresse.

Gloire au travail. C’est le cartouche que nous présente lors du dernier voyage notre Vénérable Maîtresse. Ainsi nous revenons à la case départ soit : Dans le pot noir nous ensemençons la terre avec les grains de blé lors du premier voyage. Dans le pot bleu nous aérons les jeunes pousses vertes lors du deuxième voyage. Dans le pot vert nous arrosons le blé en tige lors du troisième voyage. Dans le pot de couleur rouge nous purifions par le feu le blé en épis de couleur verte lors du quatrième voyage. Lorsque nous effectuons le cinquième voyage nous recevons ces grains de blé que nous devrons à nouveau travailler sans relâche. Les quatres premiers voyages rappellent l’utilisation des symboles : la terre, l’air, l’eau et le feu, soit les quatre étapes que nous effectuons lors de notre initiation. Le cabinet de réflexion et les trois voyages qui suivent. Mais là nous avons les yeux bandés, nous sommes dans le noir. Lors de l’augmentation de salaire, nos yeux ne sont pas bandés car nous avons reçu la lumière. Mais aussi parce nous quittons les ténèbres de la Colonne du Nord pour découvrir l’Etoile Flamboyante qui va nous être révélée et la lumière qui brille sur la colonne du midi. Ceci se réalise lors du cinquième voyage.

Mais Schibboleth symbolise aussi l’union de deux énergies vitales l’une positive et l’autre négative. Car enfin qu’est-ce qu'un grain de blé sans la terre nourricière (énergie négative) et le soleil (énergie positive) pour le faire pousser ? Rien d’autre qu'un vulgaire grain sans utilité, impropre à la consommation. J’aimerais aussi vous faire partager ma réflexion sur un écrit de la bible, la parabole du semeur. Que nous trouvons dans Mathieu, Marc et Luc « Un semeur sorti pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin, les oiseaux vinrent et la mangèrent. Une autre partie tomba dans les endroits pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre, elle leva aussitôt parce quelle ne trouva pas un sol profond ; Mais quand le soleil parut, elle fut brûlée et séchée, faute de racine. Une autre partie tomba parmi les épines, les épines montèrent et l’étouffèrent. Une autre partie tomba dans la bonne terre, elle donna du fruit, un grain cent ; un autre soixante un autre trente. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ! »

Cette parabole est très intéressante, car en parlant du blé elle nous explique plusieurs point de vue et angles d’explications. Ainsi le sens de la phrase « beaucoup d’appelé et peu d’élus » prend toute sa dimension. Entre les oiseaux, le ruisseau et les cailloux, le blé s’éparpille et peu est utilisé pour la production du bon blé. Il va de soit que je parle au niveau symbolique car de nos jours avec les machines performantes et l’agriculture à grande échelle il n’est point question de perdre 1kg de graine. Restent les oiseaux… Si le travail est mal fait, il périt. Si le semeur sème dans une terre noble, sa récolte sera importante, et il recevra en abondance. A l’inverse s’il sème dans une rue sa maigre récolte ira à d’autre. En tant que maçon nous utilisons des symboles et des signes de reconnaissance que les profanes ignorent.

« Vous entendrez de vos oreilles et vous ne comprendrez point » dans nos ateliers, nous utilisons le même stratagème, tout réside dans l’art de composer un travail au 1er degré, compréhensible par les apprenties, en utilisant des symboles du second degré sans les nommer et donc déchiffrables par les compagnonnes, alors que le travail présenté s’adresse au grade de la maîtrise. C’est l’un des aspects de la maçonnerie face au monde profane. Cela est valable pour toute société initiatique. Tant que les clefs ne sont pas données, le profane ne peut accéder à la connaissance des outils, connaître et comprendre nos symboles afin de travailler au sein de la loge.

« Vous regarderez avec vos yeux et vous ne verrez point » c’est un travail sur soit que nous devons faire afin de mieux connaître tous les symboles qui nous entourent. Ce n’est pas en quelques jours, que nous maîtrisons les outils. Même si nous les comprenons, c’est un travail de toute une vie et en cela Schibboleth est intéressant. Car le travail sur un outil n'est pas déjà fini que le prochain travail doit être mis en chantier. Que ce soit un travail d’apprentie ou de compagnonne ou une planche de maîtresse. Un autre aspect du travail maçonnique est qu'un outil travaillé au premier degré est retravaillé de façon complémentaire au second et sans aucun doute au troisième. Mais c’est aussi le travail à l’extérieur et surtout tel le semeur le travail vers d’autres loges. Nous disons bien que nous « essaimons » lors de la création d’une nouvelle loge. Cela veux bien dire que nous devons planter la graine dans une bonne terre riche en personnalité et diversifiée. Une loge trop élitiste s’asphyxie de par la teneur trop élevée de ces sujets traités. L’inverse est également vrai. Un peu comme la corde et les lacs d’amour qui entourent et décorent notre temple. Unis mais différents. « Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la parole et la comprend ; Il porte du fruit et un grain en donne cent, un autres soixante, un autre trente ». Donc avant d’essaimer nous devons bien maîtrise nos outils. Si notre destinée est de travailler au perfectionnement de l’Humanité, nous ne devons pas oublier que l’humanité est bien trop grande pour une seule personne. C’est ensemble que nous parviendrons à réaliser ce but humaniste quelque peu utopique. L’épi de blé à fonction décorative, ne produira point de nourriture. En revanche les champs de blé bien ensemencés et cultivés produiront nourriture en abondance. Une maçonne ne pourra travailler que sur elle-même. Mais c’est en loge que le travail le plus important se fera. Par la réflexion et le partage. Donc pour moi Schibboleth symbolise l’unité de l’Homme dans la diversité des races. Dans le pot rouge nous purifions par le feu le blé en épis vert.

J’ai dit,

V\ L\L\O\


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