Obédience : NC Loge : NC Date : NC

 

Le levier

Pourquoi le levier ?

D’abord parce que c’est un outil fascinant par son ambivalence. Bien manié il peut déployer et démultiplier des forces conséquentes. Mal utilisé, il peut être destructeur. De part son aspect physique, il semble être d’une simplicité enfantine mais il n’en est rien. Cette barre de fer, ou ce morceau de bois restera inerte et sans effet si l’on n’utilise pas un minimum d’intelligence et de discernement.Seule la force brute ne suffit pas.

Je vais vous donner la définition du levier telle qu’elle est indiquée dans le Larousse.

Levier : barre rigide que l’on bascule autour d’un point d’appui pour soulever des fardeaux. En littérature ce qui sert à soulever, à mouvoir, à surmonter quelques résistances.

Et c’est à cette version que je vais essayer de me rattacher dans cette planche. En effet, en maçonnerie, tout est « symbole ». Et la symbolique du levier me semble omniprésente tant dans la vie profane que dans la vie maçonnique pour peu que le jeune Compagnon que je suis, scrute dorénavant le monde avec un autre œil.

Je vais vous faire une description rapide et un peu d’histoire sur le levier.

Celui-ci se présente sous la forme d’une barre, le plus souvent en métal, de longueur variable, et terminée à une extrémité par une courbure aplatie. Les lois de la physique régissent son maniement. Notamment la force résistante à une extrémité et la force motrice à l’autre extrémité. La première devant être supérieure à la seconde afin que la charge se meuve.

Il requiert aussi de l’intelligence pour trouver le bon pivot et le bon point d’appui qui faciliteront le déplacement d’énormes charges.

Le levier serait apparu en Mésopotamie aux alentours du troisième millénaire puis repris plus tard par Aristote en -345 avant J.-C., et par Archimède vers -240 avant J.-C. Les chinois reprirent aussi à leur compte l’usage du levier en inventant la brouette au 1er siècle de notre ère. Il s’agit là mes Frères et mes Sœurs de la brouette chinoise à ne pas confondre avec la célèbre brouette japonaise enseignée dans le Kamasutra et dont les effets de levier sont moins symboliques, ceux là.

Le levier se classe en trois catégories :

- Levier de premi ère classe ou levier inter-appui : le point d'appui est situé entre les deux forces. Exemple (les ciseaux, les pinces, les rames) ;
- Levier de deuxième classe ou levier inter résistant : le point d'appui est à une extrémité du levier, la force exercée à l'autre, la force résultante se situe entre les deux. Exemple (la brouette, le décapsuleur) ;
- Levier de troisi ème catégorie : le point d'appui est attaché à la barre. Exemple (le coupe ongle, l’agrafeuse).

Archimède a dit : « Donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Et oui car sans point d’appui, il est impossible de soulever des charges importantes. En Loge l’Apprenti que j’étais a posé son levier sur les connaissances maçonniques du Second Surveillant et s’est aidé de son instruction pour acquérir les rudiments de l’Art royal. Les différents échanges lors des réunions d’Apprentis furent autant de leviers et de points d'appui qui m’ont permis de m’élever au grade de Compagnon car le levier, mes Frères, mes Sœurs, n’est-il pas un outil qui symboliquement permet de s’élever tant physiquement que spirituellement. La tâche du Second Surveillant fut ardue mais le levier « libano-écossais » est fait d'une matière qui plie mais ne rompt point sous le poids inerte de la pierre brute que j'étais, et ses nombreuses démonstrations du levier inter résistant qu’était le tire-bouchon m’on fait prendre conscience que le maniement du levier requière de la maîtrise.

Le Compagnon que je suis devenu a trouvé en Loge un autre point d’appui en la personne du Premier Surveillant. Je m’appuie sur son savoir et son vécu maçonnique ce qui me permet d'ébranler mes certitudes et tout ce qui me paraissait insurmontable. En effet je ne me pensais pas assez érudit pour m’exprimer sur les sujet traités en loge, et mon frère Bertrand pour ne pas le nommer, m’a donner confiance lors de nos réunion de compagnon et à forgé une certaine confiance qui me permet dorénavant de prendre la parole avec moins d’angoisse. Le travail de ces deux surveillants m’a aidé à mieux me connaitre, et donc à gommer certaines aspérités de ma personnalité comme le ferait le maillet et le ciseau sur la pierre brute, peut être que je me mue en pierre taillée ?

Leur sagesse et leur maîtrise m’amèneront, je l'espère, à paver la route qui m’amènera au grade de Maître et donc à continuer de bâtir ce temple intérieur.

Les Frères et les Sœurs de la Loge ont été aussi pour moi de multiples points d'appui, transmettant, via leurs travaux en Loge, de nombreuses connaissances qui se sont converti en un levier potentiel. Car la connaissance tout comme le levier, fusse t-il bien manié permet a l’homme d’acquérir un esprit critique et un jugement personnel. La connaissance tel que je la conçois, c'est-à-dire une accumulation de savoirs dispensées par les instances compétentes (écoles, universités) ou tous simplement acquises par diverses lectures ou échanges, permet aussi de tendre plus facilement vers son idéal de vie. Je m'explique. Les connaissances acquises lors du cursus scolaire sont retranscrites au travers de diplômes qui aideront son détenteur à avoir un accès facilité pour l'obtention d'un emploi et donc tout ce qui en découle (argent, stabilité familiale, etc.). La richesse pécuniaire est aussi un levier, mais si celui-ci est un levier plus futile, pour nous maçons qui préférons la richesse du cœur et celle de l’esprit à celle de l’argent. Eh oui dans ce monde ou l'argent est roi, celui qui possède ce levier aura beaucoup plus de facilité à lever bon nombre de barrières, quelques milliers d’euros et toutes vos envies et folies sont permises, alors que celui qui en est dénué devra suer sang et eau pour ébranler ces mêmes écueils.

Mais revenons à nous, Maçons, qui sommes débarrassés de nos métaux et donc de toute cupidité. Le levier le plus important est la fraternité, car nous sommes tous mes Frères et mes Sœurs des leviers en puissance. Mais il ne faut pas que ces leviers soient actifs seulement en Loge ; il faut qu'ils servent aussi dans le monde profane. Car c'est aussi un devoir du Franc-maçon tel qu'il est énoncé dans les Constitutions d'Anderson. Sans ces leviers la Concorde universelle n'aura pas lieu et toutes nos promesses resteront vaines. Peut-être que tous nos leviers actionnés à l’unisson permettront de mouvoir le bloc de l'immobilisme latent de notre société et de contribuer, même de façon infinitésimale, à l’amélioration de l'humanité. Utopie ! Diront quelques-uns. Certainement, mais l'espoir fait vivre, alors vivons ! vivons ! vivons ! Et espérons.

Pour continuer cette réflexion, un autre levier me paraît indissociable de la fraternité. C'est l'amitié, ce mélange de gentillesse, de bienveillance et de sympathie savamment dosé. En effet, qui n'a jamais eu besoin d'un ami fidèle, quelqu'un sur qui se reposer quand tout vous lâche. Mais cette amitié-là, avec un grand « A », la vraie, sincère mais non envahissante, celle qui est dénuée d’intérêt.

Pour illustrer mon propos je vais vous relater deux petites anecdotes personnelles.

La première se situe lorsque j'ai acheté mon commerce et que j’ai entrepris un petit rafraichissement de l’établissement.

De nombreux vices cachés sont apparus au fur à mesure des travaux de rénovation, et mon enveloppe budgétaire qui n'était pas élastique s'est vite retrouvée à l'état de peau de chagrin. Je me suis retrouvé dans une impasse, car plus moyen d'emprunter et il fallait bien finir les travaux pour ouvrir rapidement. Heureusement le levier de l'amitié s'est mis en branle. De nombreux copains rugbymans, qui ont été le point d’appui, sont venus me prêter main-forte pour accomplir les innombrables tâches restantes. Tout cela au seul nom de l'amitié, sans se soucier de savoir s'ils allaient être rétribués. Non, cela leur était égal. Pour eux l'esprit de groupe, l'amitié, comptait plus que le fric.

La seconde anecdote a été un moment de ma vie douloureux ou j'ai perdu ma grand-mère paternelle, celle qui me gardait le mercredi quand mes parents travaillaient, celle qui me gardait pendant les vacances, celle qui était ma confidente et qui était toujours là dans les coups durs. Bref plus qu'une grand-mère, une seconde maman. Et le jour où l'on m'a appris son décès, tout s'est effondré autour de moi, j'ai perdu le goût de la vie je trouvais cela injuste d'être privé d'un être cher. Mon errance a duré des mois avant qu'un ami trouve les bons mots et les bons gestes pour me faire sortir de cette torpeur. Cet ami, que je ne remercierai jamais assez, a été mon levier et mon point d'appui. Ses paroles et ses gestes ont été la force qui m'a permis de me relever. Sans ce levier je pense que le poids de ma tristesse serait resté figé un bon bout de temps et moi avec, l’amitié donc comme a dit Francis Bacon double les joies et réduit de moitié les peines.

Pour finir, car je sais qu’ici le temps est compté, je m'attacherai à une forme symbolique du levier : le syndicalisme.

En effet je trouve que le syndicalisme représente un levier puissant dont les travailleurs sont le point d'appui. Ce levier depuis maintes générations a permis au peuple d'accéder à de nombreux acquis sociaux, de défendre ses intérêts, d'instaurer un dialogue social.

Le symbole du levier peut revêtir bien d'autres images, et je ne vous les citerai pas toutes, car le propre du symbole est d’être personnel. Mes leviers ne seront donc certainement pas les mêmes que les vôtres.

Pour conclure mes Frères et mes Sœurs, j’espère que cette planche me servira de levier pour cheminer vers la maîtrise et ainsi continuer mon parcours initiatique.

J'ai dit, V\ M\.

B\ C\


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