Obédience : NC Loge : NC 10/2002


Compagnons et Francs-maçons

Je vais vous faire un rappel des origines de nos amis compagnons ou tout au moins brosser un tableau où se mélangent allègrement origines médiévales, symbolisme, histoire, traditions et légendes.

Compagnon (du latin populaire « companionem ») veut dire « celui qui partage le pain avec un autre » de cum : avec et panis : pain, geste de communion qui s’accomplit avec amour. Ce serait vers 1020 dans la Chanson de Roland que ce terme a été employé. De là naît cette profonde union compagnonnique, qui puise dans une pensée l’amour du travail bien fait, le sens du devoir et l’accomplissement des rites du métier. « Compagnon » (du vieux français « Compaing») mot qui évoque la fidélité, est un nom chevaleresque qui inspire respect, bravoure, loyauté (Tous égaux liés par une amitié fraternelle confirmée par serment, se portant mutuellement secours et protection). Il est souvent associé à l’ordre des Templiers. Agricol Perdiguier (figure plus que légendaire du XIXème siècle, auquel se réfèrent les compagnons contemporains) pense que le Compagnonnage a été introduit en France par les Croisés qui s’étaient imprégnés des institutions musulmanes.

Nous trouverons des origines bien plus anciennes. La présence des symboles, des légendes nous permet de prendre conscience d'un esprit qui puise dans la tradition ses origines antiques. « Frère d’armes et frère du travail à l’égalité de condition ». Le compagnonnage ne marquera aucune dépendance, aucune supériorité. Nous verrons ainsi que les rites corporatifs tant dans leurs qualités techniques que dans leur valeur sacrée se sont transmis par métier et discipline particulière de siècle en siècle.

Sous cet aspect le compagnonnage a toujours existé, rassemblant des hommes heureux de s’unir dans le même métier pour parler de leur profession, désireux de transmettre leurs savoirs et leur savoir-faire à bon escient. Partageant la même conviction, la même recherche, ils se liguent pour défendre leurs intérêts, les tours de main propres au métier pratiqué ayant pour but le perfectionnement professionnel, moral et spirituel. A l’origine les membres étaient cooptés à l’issu d’épreuves de capacité, de transmission de rites, et bien entendu du fameux voyage de chantier en chantier et de pays en pays. Les corps techniques qui s’unissent pour œuvrer à la parfaite réalisation d’un bâtiment sous la direction reconnue d’un maître, reflètent le goût et le degré de civilisation d’un pays, justifiant la variété de ses connaissances. Les corporations de constructeurs ont pu ainsi jouir de privilèges sociaux qui marquent la considération que l’on témoigne à ces ouvriers d’élite.

Le compagnonnage a toujours excité la curiosité parce que son origine reste mystérieuse. Certains se réfèrent à la création du temple du roi Salomon. On s’interroge sur son secret, sur ses cérémonies symboliques, ses signes, mais aussi sur la fierté d’hommes très unis entre eux, qui accomplissent leur travail avec amour, en reconnaissant des devoirs envers leur profession et leurs compagnons. Autrefois, ils usaient même de codes, d’un vocabulaire leur appartenant et dont certaines expressions sont venues enrichir notre langue.

Si le mot « Compagnon » évoque immédiatement la relation qu’il y a avec le ou les compagnonnages, il faut savoir que l’utilisation de ce terme n’appartient à personne en particulier et encore moins à une quelconque institution. Nous voyons dans l’histoire des guildes et des corporations qu’il désigne l’état d’un homme de métier, d’un ouvrier qualifié qui a réussi un parcours de formation d’apprentissage (théorique et pratique) plus ou moins différent selon chaque corporation. Il peut signifier également selon les conventions collectives actuelles ou au sein des chambres de métiers, l’échelon professionnel dans une grille de qualifications.

I) La légende de Salomon 1013 à 930 av J\ C\

Cette légende a pour point de départ un passage de la Bible, le livre des Rois, rapportant la construction du Temple de Jérusalem, sous le règne de Salomon. Sous la direction d’un habile homme de métier : Hiram. Il fit construire un splendide ouvrage d’architecture destiné à abriter l’arche d’alliance. Dépassant le récit biblique, la légende précise que tous les ouvriers étaient organisés en différentes classes (aux signes de reconnaissance différents).

Le « Temple » érigé sous le règne de Salomon a donné lieu à de nombreuses interprétations, souvent légendaires comme nous le constatons au travers des rites compagnonniques et maçonniques. Si ces légendes et récits mythiques sont sujets à caution, ils présentent néanmoins l’avantage de nous éclairer sur l’essence même du compagnonnage. Les Compagnons font remonter symboliquement leur association à la fondation du Temple de Jérusalem, dont la description figure dans la Bible (I Rois, V 1 à 18). Salomon, dont le nom signifie « Le Pacifique » troisième roi d'Israël après Moïse (972 à 931 av JC) incarne la royauté universelle. Son père David, à qui l'Eternel confia les plans du Temple, l'approvisionnera en matériaux à l'emplacement retenu. Le premier Temple fut édifié sur l'ordre de Salomon par Hiram entre 967 et 961 av JC pour recevoir l'Arche qui symbolise l'Alliance entre Dieu et son peuple, et fixe ainsi sur la Terre promise son peuple jusqu'ici nomade. Ce fut Moïse qui réalisa le Tabernacle selon les prescriptions de l'Eternel (Exode XXV,10-17).

Une légende perdure tant chez les compagnons que chez les Francs-Maçons sur la construction de ce Temple qu’elle pourra être évoquée ultérieurement Cette planche s’adressant à tous au 1er grade.

On comprend pourquoi les compagnons prennent comme genèse de leur ordre la construction du Temple de Jérusalem ? La réponse n'en est que plus évidente. Ils veulent se donner ainsi une origine symbolique sacrée. Ils montrent leur attachement à l'une des plus anciennes et authentiques traditions : La Légende de Salomon. Toute socialisation humaine cherche à se sacraliser et les Compagnons ne failliront pas à ce principe. Ils se serviront des mythes, des légendes pour valider leurs origines. A partir des croisades les constructions bougent, dès lors symboliquement, le Temple semble être la construction idéale pour que le compagnonnage y trouve ses racines. En effet, ce chantier est l’expression de la perfection à atteindre grâce à la création d’une nouvelle organisation du travail.

Les trois fondateurs mythiques du Compagnonnage seraient le Roi Salomon et deux personnages : Maître Jacques et le Père Soubise, deux hommes qui auraient travaillé sous la direction du Grand Maître architecte Hiram. La Franc-Maçonnerie utilisera largement les légendes compagnonniques et ses rituels pour bâtir ses propres références.

II) La légende de Maître Jacques

Cette légende n’est pas accrochée à un texte biblique mais elle retrace, elle aussi, l’existence d’un architecte (tailleur de pierre) du Temple venu en France après une longue vie d’expérience. Selon celle-ci il aurait travaillé sur le chantier de la construction du temple de Salomon. Il se distingua par la réalisation de deux colonnes d’airain sur lesquelles il fit graver diverses scènes de l’Ancien Testament. Il devient alors Maître des tailleurs de pierre, des menuisiers et des maçons. Le chantier terminé, Jacques retourne en Gaule en compagnie d’un autre architecte Soubise avec lequel il se dispute pendant le voyage. Ils se séparent, Jacques part à Marseille et Soubise à Bordeaux, tous deux accompagnés de disciples dévoués. Lassé d’une vie consacrée à l’Art Royal, Jacques se retire sur un site qui plus tard s’appellera la Sainte Beaume, devenu aujourd’hui un lieu de pèlerinage pour les compagnons. Il y meurt, assassiné par des ouvriers jaloux, disciples de son rival Soubise.

Les derniers instants de sa vie semblent calqués sur la passion du Christ, et l’on peut penser que cette similitude représente une partie de l’enseignement traditionnel des Compagnons du Devoir. Maître Jacques n’est en fait que la transposition symbolique du Christ.

Les éléments de la passion du Christ servent de référence pour la cérémonie rituelle de « réception » dans certains métiers du compagnonnage du Devoir. Maître Jacques est à considérer comme le patron tutélaire d’une forme de compagnonnage qui n’acceptera longtemps que des ouvriers catholiques romains (jusqu’au siècle dernier).

Une deuxième version de la légende de Maître Jacques, voudrait en faire le Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay, brûlé par ordre de Philippe Le Bel.

Des ouvrages traitant de l’élimination des Templiers font état des relations privilégiées qui existaient entre Compagnons et Templiers dans le domaine de la construction. Une troisième version à cette légende laisserait supposer en fait que Maître Jacques représentait pour l’époque le « Chevalier, le Seigneur médiéval » qui serait parti, avec quelques compagnons, faire un voyage de l’Occident vers l’Orient – du royaume de France vers Jérusalem – pour revenir ensuite d’où l’idée du retour, chère aux compagnons. Cette image emblématique semble satisfaire certains compagnons qui voient à travers Maître Jacques une certaine liaison avec la « Chevalerie » et les chevaliers de l’époque.

III) La Légende du Père Soubise

Selon les récits, le Père Soubise aurait été moine bénédictin au XIIIème siècle (il aurait activement participé à la construction de la Cathédrale Sainte Croix d’Orléans). En fait la légende de Soubise (charpentier – il tient le compas) est implicitement contenue dans celle de Maître Jacques, avec les mêmes éléments de la passion du Christ servant de référence pour la cérémonie rituelle de « réception » dans certains métiers du compagnonnage du Devoir. Ainsi le texte le plus communément admis, voit en Soubise un architecte présent lors de la construction du Temple. D’autres légendes le considèrent comme étant le commanditaire du meurtre de maître Jacques. Finalement il existe une multitude d’interprétations qui relatent les origines du compagnonnage. Elles traduisent de façon allégorique les rapports entretenus par les premières sociétés compagnonniques avec les ordres monastiques (bénédictins et cisterciens) qui accueillirent les « oeuvriers » itinérants pour les former à l’art géométrique, et les doter ainsi d’une symbolique chrétienne adaptée au rituel de métier encore en vigueur tant dans le rite de Soubise que dans celui de Maître Jacques.

En règle générale le peu de connaissance que nous avons sur les rituels rapportent principalement l’existence d’une cérémonie d’esprit chrétien (utilisation de la Bible comme Volume de la Sainte Loi sur lequel on peut y prêter serment) où la table symbolise l’église, ses quatre pieds les quatre évangélistes, la nappe le suaire, le pain et le vin le corps du Christ.

IV) Nous venons de voir ce qu’est un compagnon. Nous allons voir ce que l’on nomme « Compagnonnage », les groupes formés entre ouvriers d’un même corps d’état dans un triple but d’instruction professionnelle, d’assurance mutuelle et de moralisation. Le lien qui unit les associés est resserré par la croyance à une antique origine et par la possession exclusive de quelques traditions mystérieuses. Il réunissait, à l'origine, les tailleurs de pierre, charpentiers, menuisiers, forgerons, serruriers : ouvriers pratiquant l'Art Royal de la Construction. C’est une aristocratie ouvrière, une chevalerie de métier. Avant le XIXème siècle les compagnons donnaient le nom de Devoir à leur association.

Si le terme de « Compagnonnage » est récent (1719), les pratiques (rites) qui nous sont parvenus tant dans le compagnonnage que dans la maçonnerie sont ceux des maçons opératifs, utilisant l'équerre, le compas, le maillet au sein de communautés corporatives forts anciennes réservées à des hommes du métier. L’Antiquité la plus reculée montre déjà des traces d’organisations corporatives, des associations de constructeurs. Une stèle conservée au musée du Caire atteste que les ouvriers ont pu s’unir et revendiquer. Les symboles du constructeur (équerre, compas, règle…) figurent sur les tombeaux romains de l’allée des Alyscamps à Arles.

Pour bien comprendre cette société initiatique ouvrière qu’est le compagnonnage il faut en rechercher les origines qui ont transmis ses symboles et une forme de pensée. Il faut interroger les guildes, les groupements fort anciens et en venir aux associations monastiques : L'Ordre des Templiers, Les Bénédictins, Les Frères Pontifes, Les Cisterciens.

C'est en Orient que les croisés apprirent des Byzantins et des Arabes l'art de fortifier un château, art millénaire en Asie et qui remontait jusqu'à l'Antique Assyrie. Les connaissances ainsi acquises permirent à ces hommes de lier avec cette grande « clarté » du Haut Moyen Age le spirituel au matériel. S'étant enrichi au contact des autres civilisations ainsi que chez les musulmans ils apprirent la construction qui reposait sur les lois statistiques et des mathématiques.

La Gaule romaine sera influencée par les Collegia fabrorum qui suivaient l’armée (les tignarii charpentiers et constructeurs de maisons). Les Collegia regroupaient des artisans par corporation. Bien qu’il s’agisse de groupements laïques, la religion y est présente et leur organisation prend souvent la forme de culte, allant jusqu’à se référer à des dieux tutélaires censés protéger la profession. En faisant vœu de rassembler des individus ayant des sensibilités similaires avec d’identiques préoccupations professionnelles, les Collegia dissimulent jalousement leur savoir et interdisent au profane l’accès à une certaine connaissance.

Malgré tout, l’histoire du compagnonnage est assez difficile à retracer car les archives ne sont pas conservées. Elles sont brûlées lors d’une fête annuelle. L’une des hypothèses avancées serait que le compagnonnage aurait été engendré par un mouvement de réaction (mécontentement – luttes contre les maîtres installés) par rapport aux corporations de métier déjà établies. On devient Compagnon pour devenir un bon ouvrier, un véritable expert.

La séparation des corporations en une confrérie patronale d’une part, et ouvrière d’autre part aurait été renforcée par le fait que l’accès à la maîtrise était réglementé de telle façon que les ouvriers n’aient pas les moyens de devenir maître. Le Compagnon veut compléter ses connaissances, se perfectionner, augmenter son savoir faire. Il veut connaître d’autres horizons, d’autres tours de main. Il veut enrichir sa vie d’homme par le voyage pour un jour devenir sédentaire à son tour et pouvoir s’installer comme Maître.

En Europe, les premières associations de métiers connues au Moyen-Âge sont des confréries religieuses qui ont, avant tout pour objet l'entraide et la charité. Ces confréries seront proscrites par l'église et le pouvoir dès le Xème siècle jusqu'au XIIIème siècle. Ce sont ces premières communautés ouvrières laïques qui semblent être à l'origine du compagnonnage. Ces corporations ouvrières (associations) qu'on appelait « métiers » sont à l’origine d’un mouvement ouvrier initiatique. Ces associations étaient composées de simples maîtres – artisans qui avaient pour but la défense d’intérêts catégoriels, mais aussi le maintien de l’unité et de la tradition de métier. La corporation de métier n’est pas le compagnonnage, car elle comprend des maîtres, des valets, des apprentis, et elle est imposée et protégée par le roi ou le seigneur dont ils sont attachés et dépendants. Ces ouvriers ne peuvent voyager. Ce compagnonnage admet des apprentis dont il fait des aspirants mais n’accepte pas les maîtres dont il conteste l’autorité.

Cette apparition des « métiers » est importante pour l’étude des origines du compagnonnage. L’esprit d’association ayant permis aux artisans de ces grands travaux de créer des corporations de métiers, nous pouvons penser que c’est ce même esprit qui poussa les ouvriers à la création de confréries d’un nouveau modèle.
 
A l’origine, les compagnons se recrutaient parmi les métiers manuels, les métiers du bois, de la pierre et du fer. Les légendes et la chronologie historique du Compagnonnage ainsi que les listes de préséance précisent le rang et le tour de passe des métiers consacrés par la tradition. Parmi les plus vieux métiers admis nous trouvons les tailleurs de pierre et les charpentiers, les menuisiers et les serruriers : pierre, bois, fer.

A partir du XIVème siècle viendront s’ajouter d’autres métiers qui, grâce à la cooptation et après un temps probatoire, auront le droit de recevoir le Devoir et de le transmettre à leur tour en créant de nouveaux Compagnons.

Chronologiquement nous trouvons, au fil des siècles, les Compagnons ayant reçu le Devoir :

- Tanneur Teinturier Cordier Vannier Chapelier Blancher-Chamoiseur.
- Fondeur Epinglier Forgeron Tondeur de drap Tourneur.
- Vitrier Sellier Poêlier Doleur Coutelier Ferblantier.
- Bourrelier Charron Cloutier Couvreur Toilier Plâtrier.
- Tisseur-Ferrandinier Sabotier Boulanger Maréchal-Ferrant etc.

Ces métiers ouvriront des chambres ou des cayennes pour former leur propre Tour de France, selon les rites de Maître Jacques, de Salomon ou du Père Soubise. La tradition compagnonnique repose sur un critère lorsqu’il s’agit d’accepter ou de refuser un métier au sein d’un Compagnonnage : il faut pouvoir transformer la matière en beauté, faire du métier un art. Certains métiers sont acceptés dans un Compagnonnage et refusés par un autre. Il en est de même pour les rites.

Ce qui compte avant tout c’est que le métier permette au Compagnon de concevoir et fabriquer de ses mains une oeuvre complète par l’application de techniques parfaitement maîtrisées, car si la « lumière », on entend ici la connaissance guide l’homme, l’esprit guide la main, ce qui est pour le compagnon la meilleure tradition de la transmission de la connaissance. Le menuisier pourra choisir entre le Compagnonnage du Devoir ou du Devoir de Liberté, ce métier est reconnu par l’AO et la FCMB. Alors que les techniques modernes ont fait disparaître de vieux métiers, il reste encore quelques maréchaux, le charron laissera place au carrossier et le serrurier se transformera en « métallurgiste ou métallier ». Nous trouvons :

Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France :

Boulanger                              Carrossier                Charpentier                Chaudronnier
Cordonnier-bottier                 Couvreur                 Ebéniste                    Forgeron
Maçon                                   Maréchal-Ferrant    Maroquinier              Mécanicien
Mécanicien-outilleur               Menuisier                Pâtissier
Plâtrier staffeur/stucateur                                        Plombier chauffagiste Sellier
Serrurier-métallier                   Tailleur de Pierre    Tapissier

Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment :

Charpentier                            Couvreur                           Ebéniste             Maçon
Menuisier                               Plâtrier staffeur/stucateur                              Plombier chauffagiste
Serrurier-métallier                  Tailleur de pierre

Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis :

En plus des 21 métiers énumérés à l’A.O. et à la FCMB, L’U.C. admet :

Ajusteur-outilleur               Armurier                      Bijoutier-joaillier            Blancher-chamoiseur
Bourrelier-harnacheur        Carreleur                     Céramiste faïence           Chapelier
Charcutier-traiteur             Charron                       Cimentier                       Ciseleur sur bronze
Coffreur                            Confiseur                     Cordier                          Cuisinier
Dinandier                          Doreur sur bois            Electricien                       Encadreur
Enlumineur                        Faïencier                      Ferronier d’art                Fondeur-mouleur
Fourreur                           Fraiseur                        Frigoriste                        Graveur
Horloger                         Imprimeur                      Laqueur-décorateur         Lithographe
Luthier                            Marbrier                        Marqueteur                      Miroitier
Modeleur                        Mosaïste                       Orfèvre                            Passementier
Peintre (bâtiment – décorateur – lettres – voiture) Photographe retoucheur    Plasturgiste
Porcelainier                    Potier d’étain                 Prothésiste dentaire           Relieur
Repousseur (métaux)     Sabotier                          Santonnier

Neuf métiers sont communs aux trois compagnonnages - les plus anciens et les plus traditionnels – (tailleur de pierre, charpentier, couvreur, ébéniste, maçon, menuisier, plâtrier, plombier, serrurier).

V) Des Corporations de Bâtisseurs  LA F\ M\.

Beaucoup de personnes imaginent encore que le Compagnonnage est une « forme de F\ M\ ». Cet amalgame est parfois issu d’une confusion entre les Compagnons des Corporations du Moyen Age, les Francs-Mestiers aux origines corporatives et les Compagnons du Tour de France. L’association compagnonnage et F\ M\ n’en est que plus facile dans l’échelle des représentations du public, car véhiculée dans la première moitié du XIXème siècle par bon nombre d’auteurs (époque où les loges maçonniques ouvrent leurs portes au monde ouvrier). C’est sur cette confusion que reposent les divers systèmes de représentations du Compagnonnage à l’aube de ce nouveau millénaire marqué par une sensible et constante diminution de l’influence de la F\ M\ au sein du pouvoir politique. Nous sommes loin des craintes d’un complot judéo-maçonnique attribué par un imaginaire propre à certains écrivains en quête de sensation et peu respectueux de la vérité historique.

Preuve parmi tant d’autres dans l’esprit du commun des mortels, de la permanence du couple compagnonnage/franc-maçonnerie. On retrouve dans le Compagnonnage et la F\ M\, le travail et la formation. Ces symboles illustrent les rapports complexes et multiformes qu’il peut y avoir entre « Maçons spéculatifs et Compagnons opératifs ». Ces similitudes laissent envisager un lien symbolique probable entre ces deux « corporations ».

Sur ce sujet, tout semble avoir été dit, mais trop de contre vérités continuent d’être développées qui nous poussent à soulever encore la question : quels sont les rapports entre Compagnons et Maçons ?

Symboles, outils, vocabulaire spécifique, signes, mots de reconnaissance entre membres qui se disent frères, références aux légendes relatives à la construction du temple de Salomon, entretien d’une certaine discrétion, sont quelques éléments qui facilitent cette confusion d’une F\ M\ ouvrière.

C’est ainsi que l’imaginaire social nomme le compagnonnage et que certains écrivains peu respectueux de la vérité colportent abondamment. Loin d’être des sociétés secrètes, il est préférable de dire que le compagnonnage et la F\ M\ sont des sociétés discrètes où règne une certaine sérénité humaniste. Quoi de plus normal de vouloir travailler avec discrétion au sein des Loges pour éviter tous sarcasmes et toute incompréhension susceptibles de troubler une recherche philosophique et un certain bien-être de se retrouver entre personnes de même pensée.

Le non historien ne peut en toute objectivité apparenter le compagnonnage à un mode de culture philosophique ésotérique comme le laissent entendre plusieurs auteurs contemporains assoiffés de sensationnel, sous le simple prétexte que les Compagnons tiennent aussi des réunions discrètes.

Certes la F\ M\ nous apporte un éclairage important sur la notion de Compagnonnage. Nous pouvons tenter d’établir une filière continue depuis les corporations grecques de bâtisseurs. Les collegia romaines persistèrent à travers la nuit des invasions barbares jusqu’à l’époque carolingienne, comme les corporations byzantines, les ateliers monastiques des grandes abbayes (Cluny, Corvey, Saint Gall, Mont Cassin…), les guildes d’architecture et corporations de maçons du Moyen Age jusqu’à leur culmination vers la grande fédération des maçons (tailleurs de pierre) qui obéiront à la Grande Loge de la Cathédrale de Strasbourg.

Le mysticisme du Moyen Age favorise une équivalence science, et c’est ainsi que d’une manière générale les intellectuels méprisant le travail manuel ne se mêlent pas aux travailleurs. Cette différence entre ces deux groupements ne fera qu’augmenter car dans la hiérarchie sociale les ouvriers ont une modeste place, ils ne peuvent côtoyer fraternellement l’aristocrate ou le noble.

Le travail est dédaigné. Les artistes sont recherchés, les peintres sont adulés, les sculpteurs font partie des arts majeurs principalement à la Renaissance.

VI) Les origines corporatives

Pour défendre leurs intérêts et gravir les échelons de la société ces ouvriers doivent s’associer. Pour y parvenir, ils utiliseront les lois et règles de leur métier inconnues des autres. Démontrant ainsi qu’ils font partie d’une corporation agissante et qu’il faut compter avec eux. Ceci donnera plus tard la Maçonnerie opérative. C’est en Angleterre vers l’an 1376, qu’apparaît le terme Franc-maçon selon Lionel Vibert (La F\ M\ avant l’existence des Grandes Loges), terme qui aurait désigné « un artisan supérieur » à qui l’on payait un salaire plus élevé ; et le fait que l’on parle de la Compagnie comme « compagnie des Maçons » semble indiquer que le préfixe Franc n’impliquait point la signification d’Homme libre comme dans la Corporation de 1376. Ce titre de franc-maçon définissait plus souvent le maître de l’œuvre et une plus grande maîtrise du métier. Cette explication tendrait à prouver qu’il n’y eut qu’une seule origine. Tout en puisant dans les plus antiques traditions et dépassant bien entendu les corporations romaines Compagnonnage et Maçonnerie corporative refléteront chacune l’esprit de tradition.

Composée essentiellement de l’aristocratie de robe et d’épée, d’intellectuels, et de la haute bourgeoisie, jusqu’à la fin du XVIIème siècle, la F\ M\ souhaitera la disparition du Compagnonnage, car elle n’y voyait qu’une association d’artisans et d’ouvriers indignes de siéger à leurs côtés (classe assimilée aux domestiques dont la condition est dite servile et indigne de siéger parmi eux). Ayant elle-même changé, au cours du XVIIIème siècle et surtout au début du XIXème siècle, la F\ M\ devenue spéculative va reconsidérer sa position vis-à-vis des Compagnons en découvrant chez eux des « hommes libres et de bonnes mœurs » dignes de recevoir la lumière maçonnique…

Longtemps fermées, les loges maçonniques se sont progressivement ouvertes aux ouvriers, particulièrement à la fin du XIXème siècle, ce qui permit à bon nombre de Compagnons de se diriger vers la maçonnerie : c’est plus le signe d’une reconnaissance et d’une réussite sociale que d’un véritable engagement idéologique.

Cette époque permettra à des Compagnons comme Perdiguier – entré en maçonnerie en 1845 – de développer un profond désir de « recherche spirituelle et intellectuelle ». C’est l’époque où certains compagnons invoquent le Grand Architecte de l’Univers et où un célèbre compagnon n’hésite pas à écrire que la maçonnerie et le compagnonnage sont frère et sœur. Ce sentiment d’admiration a d’ailleurs favorisé - grâce à cette influence maçonnique - l’écriture de certains rituels compagnonniques ; Etienne Martin Saint-Léon proposera une mise en parallèle de lecture des ces rituels maçonniques et compagnonniques afin de mettre en valeur cette influence maçonnique dans la forme et dans l’écriture. Il faut savoir que la quête spirituelle, la recherche constante des origines de l’homme a ainsi imprégné des mouvements divers d’où sont sortis les rites compagnonniques et maçonniques : rituel de la construction.

C’est pour cela qu’il convient de retenir plus particulièrement comme terme les origines corporatives des F\ M\ afin de mieux comprendre les véritables liens entre Compagnons/Maçons.

VII) De l’opératif au spéculatif

Dès le Xème siècle, des maçons normands travaillaient en Angleterre, et leur nombre augmenta après 1066, date de la conquête normande. Il est dit que leurs confréries de maçons du Moyen-Âge conservaient un noyau d’enseignements et de tradition mystique. Ces maçons français ont probablement introduit cette tradition en Grande-Bretagne, en même temps que l’architecture romane.

La tradition des « mystères » aurait été préservée par un petit groupe de gens du métier et se serait alors transmise aux bâtisseurs de cathédrales anglais, qui se montraient prêts, par leur tournure d’esprit, à l’accueillir. Conservée par la principale association de constructeurs anglais, la Compagnie des Maçons de Londres aurait survécue aux persécutions de la Réforme et de la contre réforme, et aux rigueurs de la guerre de Trente Ans.

L’existence possible d’un fondement ésotérique au sein de la Compagnie des Maçons de Londres n’est pas une hypothèse nouvelle. Nous lisons dans le Mason’s Guide und Compendium de Bernard Jones (1950) : « Passer directement de la forme opérative à la forme spéculative a peut-être été difficile pour la Maçonnerie anglaise, mais que ce passage se soit effectué par l’entremise d’une fraternité cachée au cœur même du métier et qui se serait fondu à l’époque de la Renaissance en une forme de Maçonnerie symbolique moderne, c’est là une continuité non seulement naturelle, mais parfaitement crédible ».

Le Compagnonnage est quasi inexistant en Angleterre sous la forme que nous lui connaissons au Moyen Age, alors que les rites de la F\ M\. Opérative y sont conservés. Elle acceptera des hommes en dehors de la profession de bâtisseurs pour admettre des Francs Métiers acceptés, afin d’établir la F\ M\ spéculative. La séparation en Angleterre entre Compagnons et Francs-maçons sera nettement marquée. Ces « Maçons acceptés » reprendront chez les « opératifs » les usages et les « anciennes charges » qu’ils lisent et appliquent. L’Angleterre a importé le Maître d’œuvre ou l’ouvrier qualifié. Le maçon ordinaire a été recruté sur place. Cela explique que l’on ne retrouve que des rites maçonniques.

L’étude de la F\ M\ anglo-saxonne nous démontre que le compagnonnage se composait d’ouvriers, de manuels et que les rites de la F\ M\ opérative étaient observés par l’élite, les maîtres d’œuvres et les architectes. Cet élément nous permet donc de confirmer que la F\ M\ et le Compagnonnage ont bien des origines antérieures au XVIIIème siècle, contrairement à certains auteurs qui tentent d’affirmer le contraire, en précisant que la création de la F\ M\ est issue uniquement de la Grande Loge Unie d’Angleterre par les Constitutions d’Anderson (1717/1723), tout en voulant ignorer cette importante chronologie des origines antiques des bâtisseurs à nos jours.

Les hommes ont des qualités originelles définies, mais certains ne peuvent qu’aider (tâches subalternes), d’autres parviennent à des conceptions plus affirmées, une hiérarchie s’instaure ainsi. On peut donc aisément faire une distinction entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent. D’où l’apparition de deux classes complémentaires, ceux qui travaillent la pierre, le bois, et ceux qui les commandent, qui donnent des indications selon leurs propres plans.

Ces derniers connaissent bien le métier pour l’avoir parfaitement maîtrisé avec des connaissances artistiques, scientifiques, littéraires, en opposition avec ceux qui travaillent. Sans être antagonistes ces deux groupements nous apparaissent l’un et l’autre humaniste. C’est ainsi qu’un clivage important s’établit peu à peu.

Les simples ouvriers qualifiés, uniquement travailleurs manuels forment le « Compagnonnage ». Ceux qui s’échappent du métier manuel, ont une position sociale plus élevée. Maîtres – d’œuvre, entrepreneurs, chefs d’exploitation en carrière et en forêts, les sculpteurs, les artistes tailleurs de pierre ou de bois se distinguent de cette association, de cette organisation. Ils forment l’élite des gens de métier et s’appellent les « Francs Métiers ». Ce serait donc probablement la position sociale qui aurait fait la distinction entre les deux sociétés.

Tout en conservant le symbolisme de leurs outils, des rituels comparables, les épreuves resteront plus pénibles dans le Compagnonnage qui s’adressera à des hommes plus endurcis.

VIII) Sentences religieuses et interdits royaux ont jalonné durant tous ces siècles la vie de ces constructeurs, qu’il est difficile de les ignorer. Qu’en est-il alors des origines mystiques et religieuses communes à ces deux groupements ? Trop de similitudes nous prouvent au fil des siècles que Maçons ou Francs-Mestiers (corporatifs-opératifs) et Compagnons étaient « un seul et même groupe d’hommes » dont s’inspirèrent plus tard les Francs-Maçons spéculatifs. Au fil des siècles, les compagnons montreront leurs marques distinctives sur de très nombreuses pierres taillées : équerre, compas ou maillet. Ces inscriptions sont portées aussi bien dans les temples maçonniques ou compagnonniques que dans les églises du culte catholique.

Origines religieuses, valeur du sacré, fond biblique sont autant de moyens de comparaison pour ces deux corporations; où même les éléments de décoration des temples se retrouvent identiques pour élever en commun la pensée de l’Homme vers l’Etre supérieur créateur de toutes choses, le Grand Architecte de l’univers.

L’histoire nous montre que les loges existaient bien avant 1717 et qu’elles acceptaient des « maçons non opératifs ». Les « anciens » maçons étaient les opératifs et les maçons acceptés les spéculatifs. René Guénon prétend qu’on a confondu les termes « corporatif » et « opératif ». Pour lui les « spéculatifs » sont les maçons qui ont rejeté les formes « opératives » de l’initiation maçonnique, pour s’en tenir à des spéculations purement philosophiques. Quant à nous, nous maintiendrons seulement les termes « opératif et spéculatif », en leur attribuant leur sens habituel : manuel et non manuel.

IX) Amalgame compagnons/maçons

Ces corporations sont toutes deux de forme essentiellement initiatique. Comme le souligne dès 1941, Emile Coornaert dans son étude sur les corporations, il faut pour accéder au compagnonnage y faire ses preuves ; spécificité qui à l’image de la franc-maçonnerie les met toutes deux à l’écart des autres formes de groupement caractéristiques de la société contemporaine.

Ce sont là quelques-uns uns des facteurs qui favorisent cet amalgame « Compagnons / Maçons ». Les sociétés initiatiques sont généralement entourées de mystère qui paraît étrangement s’accentuer à mesure qu’elles tentent de le faire disparaître par des informations qu’elles dévoilent sur leurs structures et leurs activités. L’image qu’elles donnent aux hommes du monde profane est d’avoir un secret jalousement gardé qu’elles ne peuvent et ne doivent dévoiler.

L’existence même de ces groupements fait problème, comme l’est pour l’homme incroyant le mobile du comportement de l’homme religieux. Certains romanciers souvent suivis par des historiens de la F\ M\ ou du Compagnonnage, ont mélangé alternativement l’idée que le Compagnonnage est issu tantôt de la Maçonnerie opérative médiévale, tantôt c’est la Maçonnerie opérative qui est issue du Compagnonnage médiéval.

Quant à nous, après avoir étudié les deux chronologies nous pouvons être tentés de conclure pour en faire notre hypothèse qu’il y a probablement une origine symbolique commune (les rituels empruntés aux corporations de métiers et des bâtisseurs), et non pas l’un provenant de l’autre. Cette troisième hypothèse ne pouvant néanmoins être complètement corroborée par des faits purement historiques, nous nous en tiendrons donc aux hypothèses légendaires qui furent véhiculées durant tous ces siècles par les deux associations et qui semblent satisfaire bon nombre de Compagnons et de Maçons.

X) F\ M\ Ouvrière ou compagnonnage

Certains compagnons, notamment ceux du Devoir (anciennement saint Devoir de Dieu) entretiennent avec la F\ M\, à l’image de la Fédération Inter Compagnonnique de la Seine (FIS), des relations épisodiques destinées à se faire connaître et à présenter une image compagnonnale souvent mal définie ou ignorée.

Sous le régime de Vichy, les compagnons de tous rites éprouveront quelques difficultés à contredire ceux qui souhaitent voir dans le compagnonnage une sorte de F\ M\ ouvrière. Si les conflits entre les trois groupes compagnonniques français sont décriés par bon nombre de compagnons, leurs divergences porteront avant tout sur la franc-maçonnerie qui devient le prétexte idéal pour mettre à l’index tel ou tel groupe en quête d’une nouvelle forme d’organisation et de vie fédérative.

Si l’Union Compagnonnique s’est sentie plus ou moins proche des instances maçonniques durant ces dernières décennies, c’est que ses dirigeants recherchaient en réalité à transformer les conditions d’acceptation des candidats et à développer en plus des valeurs professionnelles des valeurs philosophiques proches des valeurs maçonniques.

En fait l’Union Compagnonnique ne doit guère comporter plus de compagnons francs-maçons qu’il n’y en a au sein de la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment et de l’Association Ouvrière. Faut-il en conclure que le fait de l’adhésion de quelques Compagnons à l’idéologie maçonnique prouve que toutes ces associations compagnonniques y sont obligatoirement liées. Non, bien sûr, mais il est quand même évident que l’emprise qualitative et quantitative d’un mouvement, qu’il soit philosophique ou religieux peut avoir quelques incidences et d’inévitables répercussions sur l’idéologie de celui-ci et sur ses représentations dans notre monde contemporain.

Parmi les observateurs ou partenaires du compagnonnage, qui donc pourrait mieux parler de cette soit disante « F\ M\ ouvrière » sinon tout simplement les artisans eux-mêmes, les patrons, les employeurs de compagnons qui ont de fréquents contacts avec les trois compagnonnages (AO, FMCB, UC) pour leur propre entreprise.

Sollicités pour les placements et les embauches des apprentis ou compagnons, les artisans et chefs d’entreprise sont sans aucun doute les mieux placés pour évoquer au présent un compagnonnage moderne. Il ressort une image totalement opposée aux représentations de l’imaginaire social qui associe encore systématiquement le compagnonnage à une société secrète ou à une quelconque franc-maçonnerie ouvrière.

Les symboles, les rites et cérémonies compagnonniques sont toutefois regardés avec respect par les hommes de métier non compagnons. La « culture du métier » reste l’élément représentatif et fédérateur autour duquel le comportement des compagnons au travail les distingue au sein d’une communauté ouvrière et d’un monde du travail qui, dès la connaissance d’une appartenance compagnonnique, leur confère - certes un respect sans faille – mais surtout plus de devoirs envers la communauté que de droits à obtenir.

XI) Interprétation des symboles pour le compagnonnage

Le compagnon œuvre de ses mains, les symboles naissent pour lui par des gestes accomplis dans la pratique du métier et la réalité du travail quotidien. Ce travail qu’il effectue ne devient celui de l’esprit que parce qu’il est le prolongement du geste manuel réfléchit pour transformer la matière en chef d’œuvre. D’un côté il y a donc : le spéculatif (esprit) et de l’autre, l’opératif (pratique). Ces deux pôles ne s’excluent-ils pas ? Tout au contraire, le Compagnonnage cherche en permanence une fusion. Et peut-être est-ce là justement l’explication la plus vraisemblable de la rencontre de l’U.C. avec la F\ M\ aussi éloignée soit-elle de la condition ouvrière.

La symbolique maçonnique prend appui sur une philosophie du travail à laquelle les compagnons du XIXème siècle ont pu être sensibles. Si l’origine de la Maçonnerie reste obscure, malgré l’abondante littérature consacrée à l’étude de son histoire, celle du Compagnonnage ne l’est pas moins.

La F\ M\ a cessé d’être opérative et elle entend agir sur la spiritualité de ses membres qu’elle veut perfectionner. Le Compagnonnage, d’origine opérative médiévale, améliore tant techniquement que moralement l’individu qui vient à lui.

Nous constatons ainsi beaucoup de points communs entre ces deux groupes qui finalement visent à l’élévation de l’homme, au développement de l’Homme complet. Tout au long de ce XXème siècle, la F\ M\ donnera au travailleur manuel une place certaine dans la hiérarchie sociale en reconnaissant la valeur intellectuelle du « trait et du geste manuel ». L’accueillant ainsi dans ses rangs, (l’U.C.) elle lui confère une dignité à laquelle il aspire et qu’il croit pouvoir trouver dans l’égalité avec l’intellectuel. La tendance actuelle pour la F\ M\ est d’honorer de plus en plus la tradition compagnonnique qui fut assez négligée à l’époque où les loges étaient très fréquentées par les aristocrates et les militaires. Cette tendance se manifeste par un enrichissement du rituel et des travaux au deuxième degré, celui de Compagnon. Sachant que Compagnonnage et F\ M\ sont les deux seules véritables sociétés initiatiques en Occident.

XII) Interprétation des symboles pour LA F\ M\

Chaque « initiation » a ses formes particulières, on pourrait certes dire que l’initiation maçonnique est dérivée des initiations opératives et compagnonniques ; car elle se rapporte d’une part à l’Art de bâtir et d’autre part aux mystères antiques avec le mythe d’Hiram. Une parenté certaine existe entre les symboles et les rites maçonniques et compagnonniques. Ces derniers sont, à coup sûr, les premiers.

Mais c’est moins par leur support matériel que par les significations qu’on y découvre que l’on justifie la différence qui sépare compagnonnage et franc-maçonnerie. Les instructions maçonniques, qui ont pour objet d’expliquer le contenu des rites, se contentent en fait de rattacher le participant à toute une littérature datant d’époques anciennes, dont elles recommandent l’étude.

L’interprétation des symboles si tant est, qu’elle soit nécessaire, est laissée au Maçon ; et c’est dans le processus personnel d’interprétation – et en voyant les principes qui en émergent agir dans la vie de chacun – que la F\ M\ prend sa qualité de « mystère ». Cette interprétation démontre qu’une pensée ésotérique remontant à l’Antiquité se perpétuait probablement dans les confréries de maçons médiévales en Europe. De là, elle a pu être (ré)introduite en Angleterre par divers cheminements.

L’Art de bâtir, le Temple idéal, sont les buts qu’elle se propose de construire. Ce Temple est bien entendu l’Homme d’abord et la Société ensuite. Cette construction maçonnique est une construction tout intérieure, symbolique et métaphorique. Le temple de Salomon se situe au cœur de l’Homme et c’est dans le monde de l’idée et par la réflexion que se déploie l’itinéraire du Franc-Maçon. Cette libération spirituelle lui permet de se rectifier et de progresser vers le chemin de la connaissance.

Tous les symboles ouvrent les portes, à condition de ne pas s’en tenir – comme c’est souvent le cas – aux seules définitions morales. La F\ M\ est une véritable école d’initiation et non pas, comme on le croit communément une simple association fraternelle orientée, vers des buts plus ou moins politiques ou affairistes.

Dans le symbolisme de l’initiation maçonnique, le profane en « recevant la lumière » devient apprenti maçon. Il accède à ce symbolisme en participant à une dramaturgie rituelle, les « Degrés ou Grades », par laquelle la F\ M\ transmet ses enseignements moraux. Le travail de l’Apprenti consiste essentiellement à « dégrossir la pierre brute » et pour cela deux outils lui suffisent. Quand son habileté sera suffisamment développée, il deviendra « compagnon » et apprendra l’usage de nouveaux outils.

Plus tard il accèdera à la « Maîtrise » qui lui donnera le droit et le devoir d’enseigner la « science maçonnique » aux apprentis et aux compagnons. Dans les deux premiers degrés le maçon agit sur lui-même : de « pierre brute » il devient « pierre cubique » et peut alors s’intégrer à sa place dans l’édifice ou mieux dans le Temple idéal.

Ce travail est plus ou moins long à accomplir ; certains ne peuvent jamais parvenir à « dégrossir la pierre brute », non par manque de capacité, mais bien parce qu’ils n’en sentent pas la nécessité. Ceux-là, bien qu’initiés symboliquement selon le rituel, n’ont pas véritablement reçu la lumière. C’est sur ces « maçons » qui ne le sont pas, que le public forme son jugement. Ainsi se trouve calomniée la F\ M\ dont on méconnaît la véritable grandeur.

A\ P\

Extraits du livre « Des Maçons médiévaux aux Compagnons d’aujourd’hui » L'Edifice Editions 


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