GLMF Loge : NC 19/04/2011

La truelle ou le travail achevé

Voilà presque six ans que j’ai été initiée durant lesquels j’ai appris, au fil du temps, à utiliser les divers outils du franc-maçon qui m’ont été confiés. D’abord  lors de mon initiation puis, successivement durant la cérémonie de mon augmentation de salaire.

Dans ma première planche d’apprenti, j’ai façonné ma pierre brute avec « le ciseau et le maillet », puis devenue compagnon, j’ai utilisé le «niveau »  pour lui donner l’horizontale et la joindre aux autres, qui constituent  l’édifice  de mon chantier de compagnon.

Il est temps maintenant de finir mon travail et pour cela je vais utiliser « la truelle »,  que le vénérable m’a confiée au 5° voyage de la cérémonie de mon augmentation de salaire.

L’origine de la truelle comme outil de construction n’apparaît que vers le moyen-âge et nous vient du compagnonnage.

C’est un outil de maçon opératif, simple à utiliser, qui sert à saisir et étaler le plâtre, le ciment ou le mortier et également à le lancer sur les parois et à l’étaler.

On connaît  la truelle carrée pour les moulures, celle à bout arrondi, à cœur, à gouge, la truelle brettée,  la truelle étroite et longue dite « langue de chat », Etc.… Elles sont toutes utilisées pour des usages spéciaux et forment une grande « famille ».

Parmi toutes ces truelles, je retiens celle plus « maçonnique » formée d’une lame d’acier  triangulaire qui n’est pas sans rappeler l’équerre et son angle à 90° ainsi que le Delta ou triangle équilatéral, forme géométrique de base, qui a plusieurs significations symboliques selon les rites pratiqués. Au rite français il représente l’équilibre, avec l’œil en son centre il symbolise la connaissance.

Sa lame est rattachée à un manche en bois relié par une tige coudée. Sa forme angulaire lui permet une finition parfaite jusque dans les angles inaccessibles d’où, son utilisation pour un travail complet, parfaitement d’équerre.

Je pense que pour remplir pleinement sa fonction, la truelle  exige que l’on maîtrise parfaitement son utilisation car avec elle on saisit, on crépit, on lisse, on gâche. Son usage paraît évident, mais il faut pour s’en servir  acquérir également  la maitrise de la gestuelle qui rappelle entre autres, le geste rotatif du compas de géomètre car, mal utilisée et avec un mauvais mortier, l’édifice pourrait se fragiliser et s’écrouler.

Dans la loge, je note qu’elle n’est l’attribut d’aucun Officier même si elle est maniée par le vénérable-Maître lors de la cérémonie d’augmentation de salaire, donc, je pense que nous pouvons tous nous l’attribuer et, user et même abuser de sa signification symbolique : remuer et lier le mortier maçonnique.

Mais quel est ce mortier et de quoi est il fait ?

 A ce stade de ma réflexion, j’ouvre une petite parenthèse sur l’usage du mortier car, dans les temps anciens, il n’existait pas.

 En effet, les premières grandes civilisations comme celle des Egyptiens, des Babyloniens, des Chinois  etc. maitrisaient la pierre, la brique et le torchis pour construire leurs édifices, dont les plus connus sont le temple de Salomon, la tour de Babel, la grande muraille de Chine, les pyramides des pharaons mais cette maçonnerie était une maçonnerie dite sèche. On taillait  et assemblait les pierres et la précision de l’assemblage tenait lieu de ciment.

Ensuite, les Romains vont faire progresser l’art de la construction en introduisant dans leurs travaux de nouveaux liants comme la chaux ou le mortier.

Mais revenons à la composition du mortier. Je pense qu’il est élaboré  avec les sentiments maçonniques comme la fraternité, l’amour, la tolérance,  la beauté, la vertu, la satisfaction du travail accompli etc.  Aussi, lorsque que je le dépose entre les pierres, avec la truelle,  je les lie et les scelle solidement les unes aux autres comme doivent l’être les membres d’une loge, mêmes si ces pierres ne sont pas  polies parfaitement et c’est souvent le cas malheureusement malgré la bonne volonté que chaque maçon apporte à la taille de sa pierre brute.

 Donc, l’utilisation de la truelle prend toute sa valeur symbolique, quand je racle et lisse le mortier car je réunis, fusionne et unifie atténuant et je précise bien atténuant, par ce geste les différences et les particularismes de chacun de nous, mettant en valeur uniquement notre identité en tant que maillon de la loge ainsi que notre unité.


Ce mortier maçonnique est si riche que je ne peux pas développer tous les ingrédients qui le composent aussi j’en retiens trois qui sont :
-         le travail
-         la beauté
-         la tolérance.

La truelle ou gloire au travail :

En même temps au 5° voyage, la truelle  est associée à la « glorification du travail qui valorise l’être humain ». Dans le rituel, le vénérable dit :

« La truelle est l’outil par lequel l’œuvre du constructeur s’achève et devient parfaite, c’est par le travail que l’homme devient meilleur. C’est une véritable mission »

Mais il est un autre extrait du rituel qui me plait tout particulièrement car,  c’est la définition de la valeur que j’attribue au travail : la volonté de réussir. Celle qui est si souvent bafouée et critiquée dans le monde profane. L’ambition est une valeur qui n’est pas toujours bien vue dans notre société d’assistés de toutes sortes.

 Cette phrase du rituel  est la suivante :

 «  La paresse de l’individu sur le plan moral, spirituel et matériel, son absence de courage dans la lutte à entreprendre, sont aussi les raisons de la servitude. Presque tout, en réalité, dépend de notre courage et nous sommes les artisans de notre destin.

Je ne sais pas de quand date la rédaction du rituel mais je pense dire qu’il est très actuel de par les valeurs qu’il défend et que beaucoup devraient s’en inspirer.

Personnellement, en tant qu’apprenti, j’ai travaillé mon « moi intérieur », ma pierre brute, grâce au silence et au fil à plomb puis, comme Compagnon, j’ai parfait mon instruction avec le niveau, le maillet, la règle, le compas, l’équerre et le levier pour affiner plus précisément ma pierre.

 J’ai confronté mes idées avec mes autres S\et F\pour élargir mes connaissances mais, sur le plan pratique, je dirai que mon travail n’est pas terminé, (le sera-t-il un jour ?), aussi je dois me saisir mentalement de la truelle pour déposer le mortier entre les pierres de l’édifice et améliorer encore et toujours  mon « Moi ». Par ce geste je rejoins celles des personnes qui m’entourent pour créer un mur solide à géométrie parfaite

Autrement dit, je dois m’efforcer de projeter de la fraternité entre nous et autour de nous avec la volonté farouche de maçonner le « temple de l’humanité »

La truelle et la beauté

Je pense que c’est une des qualités essentielles  du maçon celle du beau travail fini.

 En effet, parce qu’elle est le dernier outil qui termine au 5° voyage, le « dur labeur de construction » (expression familière souvent employée pour parler de la difficulté du travail maçonnique et non le poids de celui-ci), la truelle  apporte la beauté qui est à mon sens, symboliquement associée aux hautes valeurs morales maçonniques que sont, le bien et le juste.

Les dictionnaires maçonniques  la définissent comme  « notre ressenti intérieur » et  également comme le symbole de la « connaissance bien faite. »

Je crois  que c’est également la qualité et la perfection qui s’obtient par la recherche de tout ce qui unit et par le rejet de tout ce qui divise les hommes. Elle  nous fait éprouver de l’admiration et  la satisfaction du travail accompli.

La truelle ou la tolérance, la clémence, la patience et le pardon:

C’est un vaste sujet, souvent traité dans les loges et qui, par la diversité des interventions m’a fait retenir entre autres, que c’est  l’attitude qui consiste  à admettre chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi-même. C’est un travail long et difficile sur soi-même que le Franc-maçon entreprend,  pour atteindre la perfection.

C’est  accepter et respecter la liberté d’autrui en matière de religion, d’ethnie, d’opinions philosophiques ou politique, c’est pratiquer la vertu.

Pour la clémence et la patience, je fais le rapprochement  avec l’expression familière « passer la truelle » et je choisis de l’associer à la fonction du Vénérable Maître dans la loge, qui symboliquement, manipule la truelle pour « arrondir les angles », pour exercer son autorité avec bienveillance, en cas de problèmes en loge.

En effet, sa charge consiste notamment à assurer le fonctionnement harmonieux de l’atelier, prévenir les conflits internes (souvent déclenchés par des « ego » démesurés et le manque de communication franche entre certains membres de la loge) et régler ceux déclarés.

Pour remplir sa fonction avec équité, par sa force bienveillante il va ressouder, grâce à la truelle certaines pierres en cours de polissage ou d’autres, plus anciennes, entrain de se fissurer.

Enfin, pour finir mon travail par une touche plus légère, je vous dirai que la truelle est la cuillère dans le langage de table, voisine de la tuile, du glaive, de la pioche, de la barrique etc. à l’occasion des agapes qui sont le prolongement du travail et l’occasion de partager après nos travaux,  un bon canon de poudre rouge , moment de convivialité qui renforce ainsi les liens qui unissent tous les membres de la loge.

J’ai dit, vénérable maître.

Chantal L\


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