Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Entrons dans les voies qui nous sont tracées
6007-3-1
Notre rite, le Rite Écossais Ancien et Accepté est plein de formules « choc » qui peuvent paraître mystérieuses aux oreilles de l'apprenti, parce qu'elles sont allégoriques, teintées d'ésotérisme ou de symbolisme opératif, on peut citer par exemple : « laissons les métaux...élevons nos cœurs en fraternité...que nos regards se tournent vers la lumière... ».
Mais l'initiation et la quête maçonnique, nous donnent les moyens et la capacité, j'ai presque envie de dire le devoir de les assimiler.
Une de ces formules « choc » au début de notre rite, marque le début de la tenue : « entrons dans les voies qui nous sont tracées ». Il y a donc, nous dit le REAA, des voies (et pas une voie), des voies tracées que nous empruntons à chaque Tenue et plus généralement dans notre vie de maçon. Quelles sont ces voies ?
 
« Entrons dans les voies qui nous sont tracées ».
 
Mais d'abord qu'est ce qu'une voie ? Cette image de la voie, envisagée de manière symbolique est souvent utilisée par les prophètes, les exégètes et les saints dans leurs paroles ou dans des textes religieux : le Bouddha invitait ses disciples à « trouver la voie », pour Lao tseu la voie à suivre était l'image du Tao, l'hindouisme demande à ses adeptes de suivre 3 voies ou marga : la voie de l'action (karma marga), la voie de la dévotion (bhakti marga) et la voie de la connaissance (jnana marga) ; Bien sur cette image de la voie se retrouve dans les grandes religions monothéistes …(« les voies vers Dieu sont aussi nombreuses que les âmes des hommes » proverbe islamique).
 
Quant à moi j'envisage le symbole de la voie à travers l'arcane bien connu du mat dans le tarot de Marseille, c'est une image chargée d’énergie, un homme sans doute un pèlerin ou peut être un compagnon du devoir marche seul, il s'aide d'un bâton, sa tête et donc l'esprit tourné vers le ciel, il avance un baluchon sur le dos malgré les blessures dans sa chair (un chien le mord). Le mat entre dans le jeu, sa voie est un chemin, c'est un symbole d'action et d'effort, sa voie est un but à atteindre, mais sa voie est déjà réalisation dès les premiers pas.
Ainsi comme pour le mat, la voie du franc-maçon, c'est aller vers un objectif mais c'est aussi découvrir et s'aider des outils qui vont lui permettre d'atteindre ce but. C'est cette réflexion que je me propose d'explorer avec vous : la voie nous emmène vers un objectif mais elle est aussi un lent parcours d'enrichissement personnel. La voie est finalité mais elle est aussi moyen.
 
Commençons par les moyens, si le mat peut compter sur son bâton , ses deux jambes, son énergie, son baluchon … de quels outils, de quels moyens dispose le franc-maçon pour « entrer dans les voies qui lui sont tracées ».
 
D'abord, « Entrons » : comme le mat part à la rencontre des 21 arcanes du tarot de Marseille, le rite nous fait entrer quelque part, il nous fait passer d'un lieu à un autre. On peut comprendre ce verbe (« entrons ») comme une injonction, c'est un effort qui est demandé au franc-maçon afin d’accéder à un autre lieu, j'ai presque envie de dire à une autre dimension. En effet la Tenue est la construction grâce à un rite, d'un espace-temps « sacré » où chacun en y entrant, abandonne ses oripeaux du monde profane pour redevenir l’initié qu'il est et apporter sa pierre aux travaux de la loge. Ainsi la première des voies du REAA, c'est la voie qui mène du profane au sacré. Elle détermine notre conduite et notre attitude pendant la Tenue, et aussi notre comportement dans le mode profane, j'y reviendrai plus tard.
 
Mais à l'écoute du rituel, d'autres voies transparaissent
J'ai souvent entendu (et lu) qu'un des  buts de la franc-maçonnerie était la construction d'un « temple intérieur », avec le REAA, on peut avoir le sentiment que la construction de ce « temple intérieur » ressemble beaucoup à celle d'un « temple extérieur ».
Pour construire une maison ou un édifice quel qu’il soit, il faut bien sur, des outils, des matériaux, des ouvriers... mais il faut aussi des plans, un chef d'équipe, une répartition du travail, du personnel qualifié … une des voies de la franc-maçonnerie, se trouve peut être dans cette organisation du travail et cet amour du travail bien fait.
En effet que faisons nous lors de chaque tenue, le responsable des travaux, le vénérable maître, confie la mission à ces deux chefs d'équipe, les premier et second surveillants de s'assurer de la présence et de la compétence des ouvriers présents sur le chantier :
« Frère second surveillant, quel est le premier devoir d'un surveillant en loge ? ».
« vénérable maître, c'est de s 'assurer que la loge est dûment couverte ».
« Frère premier surveillant, quel est le deuxième devoir d'un surveillant en loge ? ».
« vénérable maître, c'est de s'assurer que tous les assistants sont apprentis francs-maçons à leur place et à leur office ».
Une fois cette mission remplie, l'on distribue aux ouvriers présents sur le chantier leurs outils : il est procédé à l'allumage des 3 piliers : force, sagesse et beauté, valeurs indispensables pour la réalisation du travail, puis l'on fait apparaître les 3 grandes lumières : le Volume de la loi Sacrée, le compas et l’équerre qui peuvent symboliser les vertus morales que chaque ouvrier devra faire siennes afin de mener à bien son action. Ensuite le Vénérable maître peut procéder à l'ouverture des travaux.
Ainsi, une des voies que nous propose le REAA, c'est le rite lui même, c'est à dire la mise en place des conditions d'un travail bien fait, chaque ouvrier connaît sa place et sa mission, en effet en franc-maçonnerie, on ne travaille pas n'importe comment, cette organisation du travail rigoureuse est la condition sine qua non de nos travaux.
 
Le symbolisme peut être aussi considéré comme une voie
La démarche maçonnique est dans une large part une découverte du symbolisme (héritier de la tradition spéculative), c'est  un outil de  recherche et de réflexion. En tant qu'apprenti je me suis souvent interrogé sur « l 'utilisation » que je pouvais faire de la perpendiculaire, de la règle à 24 divisions, du tableau d'apprenti... Mais finalement une des voies, un des aspects de la démarche maçonnique est sans doute, la perpétuelle réflexion et méditation autour du symbolisme et la manière dont on peut l'utiliser dans sa vie profane : la perpendiculaire pour s'interroger s'il on prend les bonnes décisions, le compas pour prendre la mesure juste, équerre pour la droiture, la règle à 24 divisions pour apprendre qu'il y a un temps pour chaque chose, le pavé mosaïque pour comprendre que le monde n'est pas uniforme mais qu'il a besoin d’être lié …
 
Cette voie de la réflexion à travers le symbolisme c'est finalement le premier acte du franc-maçon à travers l'initiation en plus de la mort au monde profane.
 
Mais les voies du REAA ne sont pas que les outils d'une méthode d'éveil c'est comme je l'ai dit au début de ma planche la recherche d'un objectif de perfection.
 
Dans ce sens, la fraternité est incontestablement une des grandes voies de la franc-maçonnerie, le REAA peut être vécu comme une invitation à la fraternité, chaque franc-maçon est nommé « frère », lors du rituel d'ouverture le vénérable maître déclare : « élevons nos cœurs en fraternité », j'ai presque envie de dire qu'il y a un devoir de fraternité en franc-maçonnerie : le premier engagement solennel du franc maçon  le jour de son initiation c'est un engagement de fraternité : « je jure d'aimer mes frères et de les aider par mes conseils et mes actions », la fraternité est un des trois éléments de notre devise « Liberté, égalité, fraternité », cette voie est personnifiée dans la loge par la présence du frère hospitalier, là la fraternité peut s'apparenter à la solidarité il s'agit d'aider un frère dans la gène mais il s'agit je crois aussi d’être attentif aux autres quelques soient les affinités que l'on peut avoir avec eux, en leur consacrant de l'attention, de la considération, du temps à l'intérieur comme à l'extérieur du temple, « laissez les métaux à la porte du temple » c'est non seulement dépasser ses certitudes mais aussi ses inimitiés.
Cette voie de la fraternité doit bien sur être poursuivie à l'extérieur de la loge, être un homme généreux dans ses actes et ses paroles dans le temple et avare à l'extérieur n'aurait pas de sens.   Pourtant cette fraternité a, je crois, une autre dimension que celle entendue dans le monde profane, c'est d'abord est avant tout une fraternité dans le travail, elle laisse donc peu de place à l'auto-satisfaction ou à la recherche de salut dans l'au-delà puisqu'elle engage, conformément au rituel, l'initié à venir en aide à ses frères dans l'accomplissement de leur travaux, et à apporter sa pierre aux travaux de la loge. La voie de la fraternité est là aussi la voie du travail.
 
L'autre voie, comme objectif à atteindre, c'est la recherche de vérité, voir de vérités (au pluriel), cette recherche de vérité(s) est dans le REAA désignée par la lumière « qu'avons nous demandé ? La lumière ! ». Notre rite peut être compris comme un véritable hymne à la lumière, le rituel d'ouverture installe la lumière dans le temple, le rituel de fermeture la fait repartir. La lumière est un symbole de vérité spirituelle et de connaissance, mais il n'y a pas dans cette voie d'absolu, de dogme ou de credo qu'il faudrait assimiler, chaque franc-maçon doit découvrir cette lumière par lui même et celle-ci lui sera propre, sa vérité, son regard sur le monde, son interprétation du symbolisme sera  sien et différent de celui des autres. Être dans l'obscurité c'est être ignorant, être initié, assister à une tenue ce n'est pas recevoir comme par magie une connaissance absolue, mais c'est en empruntant la voie du rite, du travail, du symbolisme...recevoir les outils qui vont nous fournir les repères (et pas les certitudes) dans notre recherche de la vérité.
 
Il y a aussi une voie qui me paraît essentielle en franc-maçonnerie, c'est « porter au dehors l’œuvre commencée dans le temple », parce qu'elle répond à la question : que peut on faire de notre initiation, de notre engagement, de notre réflexion ? En effet la franc-maçonnerie n'aurait pas beaucoup de sens si chacun de ses membres gardait égoïstement la richesse qu'il a tiré du travail  accompli en loge.
Le REAA nous y invite : « Qu'il (notre idéal) inspire notre conduite dans le monde profane, qu'il guide notre vie, qu'il soit la lumière sur notre chemin. », c'est finalement chercher à devenir un homme meilleur dont il est question ici et modestement d'en faire profiter les autres ! Alors comment la franc-maçonnerie peut m'aider et nous aider dans cette voie : elle invite au désintéressement dans le temple : il faut laisser son « égo » de coté afin de servir avant de se servir, faire preuve d'altruisme, de bonne volonté, d'humanisme ... dans les actes (lors du passage du tronc de la veuve) mais aussi dans les paroles en apportant sa pierre aux travaux de la loge en se gardant de toute polémique,  mais elle nous invite aussi à développer ces vertus dans la vie profane c'est à dire en ayant toujours à l'esprit  les engagements que l'on a pris lors de son initiation et la manière dont ils doivent influencer notre comportement vis à vis des autres. Comme franc-maçon je n'ai pas la prétention d’être parfait, mais je m’efforce de me conduire honorablement, d’être libre dans mes pensées et surtout de faire à chacun le crédit de la fraternité, même si cela n'est toujours facile. Ainsi les francs-maçons en cherchant à s'améliorer eux même, s'engagent dans la voie de l'amélioration constante de la société sur le plan spirituel et moral comme en témoigne l'histoire de la Franc-maçonnerie.
 
« Entrons dans les voies qui nous sont tracées », au delà de la réflexion sur le rituel, ces voies tracées peuvent aussi être celles de l'Histoire. Suivre une voie c'est suivre un chemin mais c'est aussi souvent mettre ses pas dans ceux des autres.
 
L'histoire de la Franc-maçonnerie est pleine d'enseignements pour chacun de nous, en tant que franc-maçon nous devons nous rappeler que nous appartenons à un mouvement, à l'histoire très riche qui  trouve ses origines à la fois dans l'antiquité  (Pythagore), dans la Bible (Hiram), au moyen age avec les chevaliers templiers ou les bâtisseurs de cathédrales et qui est née (ou re-née selon les idées de certains frères) au XVIII ème siècle, souvenons nous à ce sujet de la planche entendue cet été sur John Theophilus Desaguliers. La franc-maçonnerie va faire la synthèse de la tradition biblique, ésotérique et humaniste des siècles précédents pour  porter les idéaux « des lumières » et aboutir  à la révolution française et un siècle plus tard à la loi de 1905 qui va mettre en place  la séparation de l'Eglise et de l'état.
 
La voie nous est montrée par notre obédience
Nous avons eu la chance cet été d'avoir  la visite de deux grands maîtres de la GLDF, Alain Noël Dubart et Marc Henry, leur présence nous a rappelé que nous travaillons en commun avec d'autres loges et que nous nous reconnaissons avec plus de 30000 frères dans le respect et l'application d'un rite mais aussi et surtout nous avons pu constater que nous appartenons à une grande obédience maçonnique française qui aura bientôt 300 ans (bien des nations n'ont pas cet age) et que nous devons en être fiers.
 
Enfin, l'autre voie pour moi, c'est l'atelier, incarnée par vous les maîtres et par ceux qui depuis plus d'une centaine d'années se sont succédé dans notre loge. Je veux d'ailleurs évoqué ici le souvenir de notre frère J. N., je garde encore le souvenir ému de son accueil au lendemain de mon initiation, en tant qu'apprenti, j'ai pu apprécier chez lui son sens de la fraternité, sa très grande assiduité ainsi que son ardeur au travail, nous avons tous en mémoire l'image de J. sortant de sa poche une feuille de papier sur laquelle il avait inscrit les réflexions qui lui correspondaient tant sur la planche du jour et qu'il voulait nous faire partager, je crois qu'à sa façon il était un franc-maçon qui montrait « une voie ». 

« Entrons dans les voies qui nous sont tracées ». J'ai, à la lecture du rituel, à travers l'image du mat dans le tarot de Marseille et avec mon vécu d'apprenti, mis en avant plusieurs voies : la voie comme chemin d'apprentissage avec la découverte du symbolisme, du rite et de la méthode de travail en commun, la voie comme quête avec la fraternité et  la recherche de la vérité (la lumière), porter au dehors l’œuvre commencée dans le temple, auxquelles j'ai rajouté la voie de la tradition, avec l'histoire de la franc-maçonnerie, l'appartenance à la GLDF, à une loge… Mais j'en ai sans doute oublié bien d'autres, mais toutes composent la voie de la franc-maçonnerie.  
 
Bref, si les voies du seigneur sont impénétrables celles de la franc-maçonnerie sont à la portée de chacun d'entre nous. Elles demandent juste au franc-maçon un effort incessant sur lui même dans sa recherche de perfectionnement et c'est cette voie que je m’efforce d'emprunter parmi vous.
 
Vénérable Maître J'ai dit.

J\ B\

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