GLNF Loge : La Fidèle Amitié - Orient d'Uzerche  16/11/2007


Le Cinquième Voyage

 
VMEVTMFEVGEQ

Le 17 mars de l'an 6006, lors de mon passage au grade de C, j’ai fait 5 voyages. Je me perdais dans ces cheminements avec tous ces échanges d'outils…Me restait pour souffler un peu le 5ème du genre, plus light en apparence et les mains libres ! Après avoir planché sur le mot de passe du C, « SCHIBBOLETH » et sur la complémentarité des tableaux de loges d'A. et de C., je confiais à mon 1er S. que le thème du 5ème voyage me paraissait, à la réflexion, fort intéressant car, pour reprendre une citation de Jules BARBEY D'AUREVILLY, écrivain du 19°siècle, « C'est surtout ce que l'on ne comprend pas, qu'on explique ! » C'est ainsi que je fus convié à essayer de traiter ce sujet, objet de la présente planche. Mes ouvrages de référence se sont révélés peu prolixes sur ce thème... me restaient mes souvenirs, mon vécu, mon ressenti, mes notes d'instructions et le rituel pour tenter de bâtir cette planche que je vous livre et que je vous remercie, d'avance, de compléter... Mais j'avais encore en tête cette pensée profonde d'Albert EINSTEIN : « Il faut toujours penser par soi même… mais tout redécouvrir…Ne rien négliger de ce qui est concevable ou imaginable »

Faisant mienne la réflexion de Christian GUIGUE, dans son livre « La formation maçonnique », il ne paraît pas envisageable de traiter le cinquième voyage sans aborder les quatre qui le précèdent car l'ensemble de ces pérégrinations forme un tout cohérent dont on ne peut rien retrancher, chaque voyage constituant une étape par laquelle il faut transiter pour pouvoir aborder la suivante. Il convient donc de retracer l'ensemble de la cérémonie de passage d'A. à C. avant de se consacrer au 5ème voyage...


L'A. proposé pour passer de la perpendiculaire au niveau est conduit, à la porte du Temple, par le Me des C., avant d'être confié à l'E., puis il rentre en loge, à l'ordre d'A., fait les 3 pas d'A, en tenant, dans sa main gauche, la règle qui repose sur son épaule gauche.

La gestuelle correspond à la soumission du corps à l'esprit. C'est dans cette posture que le VM lui annonce que pour devenir C., il aura 5 voyages à faire. Au deuxième degré, chaque voyage correspond à une acquisition de connaissances nouvelles tant intellectuelles que manuelles, ces deux savoirs étant intimement liés comme le sont l’équerre et le compas entrecroisés sur le volume de la loi sacrée, le C. devant avoir la maîtrise spirituelle des outils.

Pour le 1er voyage, l'E. Lui retire la règle et lui remet un maillet un ciseau, outils qu'il connaît déjà et l'accompagne dans sa démarche, en restant à ses côtés, sans le précéder. La déambulation se fait lentement, dextrorsum
(dans le sens des aiguilles d'une montre) ; les outils confiés signifient la résolution du C. à lutter contre ses passions pour se construire lui-même, sachant que, selon Joseph JOUBERT, moraliste du 18° siècle, « Pour descendre en nous-même, il faut d'abord nous élever ».  Devant la colonnette Beauté, les 5 sens lui sont révélés pour l’inviter à vivre en harmonie avec la nature. La Beauté ne se réalise qu'en unissant la Sagesse qui conçoit (le ciseau) et la force qui exécute (le maillet). Le C. doit finir de s'éclairer et apprendre à vouloir. Il s'agit de l'étape de la perception (ne sommes nous pas le résultat de la mémoire et du passé ?)

Cette marche côte à côte se poursuivra durant les voyages 2, 3 et 4. De même la circumambulation sera toujours dextrogyre, les 3 lumières centrales restantes toujours à droite de ce voyageur non solitaire, toujours accompagné.  Ainsi, effectuée de façon circulaire, la déambulation ramènera le C., à la fin de chaque voyage, à son point de départ... mais il ne sera plus le même : une évolution matérielle et spirituelle ainsi qu’une prise de conscience de l'Univers, symbolisée par le Temple, vont l'amener, étape par étape, à progresser et l'entraîner dans une spirale qui le mènera au 5ème voyage...


Après ce périple de transition, rappel du travail de l'A., le futur C. va faire 3 voyages, toujours en compagnie de l'E., mais avec des outils nouveaux, pour découvrir d'autres domaines qu'il pensait profanement connaître.


Pour le second voyage, il se verra doté d'une règle et d'un compas pour voir, mis en exergue, devant la colonnette Force, à l'Ouest, les 5 ordres d'architecture. Ces deux outils, générateurs de la ligne droite et du cercle, visent l'espace infini et celui limité, l'absolu et le relatif. Ainsi « armé », une pointe dirigée vers le ciel comme une direction à suivre, à s'élever, l'autre pointée sur son coeur comme pour sonder la profondeur et la sincérité de ses sentiments, le voyageur de ce 2ème voyage possède les clefs pour percevoir le rapport entre l'homme et l'Univers : c'est l'étape de la construction de l'Esprit, de la compréhension.


Lors du 3ème, voyage le C, se verra confier, outre la règle, une pince ou levier pour tenter de s'approprier les sept arts libéraux devant la colonnette Sagesse, à l'Est. Le levier, se révèle être un instrument développant la volonté, la persévérance pour amplifier l'action du C. afind d’approcher la perfection sachant, selon la maxime de Jack KORNFIELD que « chaque individu apporte au monde sa contribution unique ». La puissance du levier représente la curiosité positive du C. pour tenter de percer les mystères de ce monde. Ce 3° voyage constitue l'étape de la création, de l'intuition grâce à la maîtrise du Trivium ou des arts du langage et du Quadrivium.


Pour le 4° voyage, dernier voyage médian et actif, le C.,  toujours en possession de la règle qui reste l'instrument directeur (franchise, loyauté, rectitude) se verra doté d'une équerre, outil de l'exactitude, de l'équité, de la relation entre verticale et horizontale, devant lui donner la possibilité de mettre en rapport son lieu de vie ou microsome avec celui de l'infini, de la sphère céleste ou macrosome. Il peut alors dépasser les contradictions apparentes pour rechercher les sens du mystère et, comme le souligne Jean GIONO : « Quand les mystères sont très malins, ils se cachent dans la lumière... ». OSCAR WILDE
, écrivain britannique du 19° siècle , le formule autrement en disant : «  Le vrai mystère du monde est le visible, non l'invisible ». C'est le stade de l'illumination.

Ce n'est qu'alors qu'est offert au C, fort de ces quatre pérégrinations, l'ultime voyage de son grade : le 5°, celui dont le chiffre correspond à son âge... Cinq, symbole de l’homme et de l’univers, se situe au milieu des neuf premiers nombres et était considéré, en tant que tel,  par les Pythagoriciens, comme un signe d’Union. De même ce grade se trouve entre celui d’A. et celui de M.


Si le 1er voyage est une mise en garde sur les limites des sens et nous indique qu'il faut aller au-delà de la simple perception, si le second vise à organiser son esprit et à mieux se construire pour y parvenir afin de maintenir son être moral en harmonie (divine proportion), si le 3° est celui de la conceptualisation de l'intelligence qu'il nous est possible d'acquérir et si le 4° figure l'approche de l'harmonie universelle et l'ouverture vers une possibilité d'aller au-delà du monde visible, le 5ème voyage, lui, offre au C, la chance de pouvoir participer à la Construction, de devenir un bâtisseur. C'est l'aboutissement de ce pèlerinage. A ce stade sa pierre brute se doit d'être taillée, polie, achevée pour servir à l'édifice commun en conformité avec la maxime de RABELAIS : « Je ne bâtis que des pierres vives, ce sont des hommes ». Le C. pourra alors rayonner telle l'étoile flamboyante qui est son repère, son but, sa quête de tous les instants mais, pour se faire, il devra s'améliorer en permanence. C'est ce chemin plein d'embûches, ce parcours du combattant, que symbolise le 5° voyage.


Plus il devra lutter contre ses imperfections pour approcher le scintillement merveilleux et valorisant de la Lumière, plus le C. méritant trouvera satisfaction à son amélioration avant d'atteindre une plénitude dans état de sérénité qu'il se sera lui-même construit pas à pas. Serait-ce le chemin du bonheur ? Pas vraiment si l'on en croit le précepte selon lequel «  Il n'y a pas de chemin vers le bonheur ; le bonheur est le chemin, le bonheur est un voyage et non une destination » puisque selon la phrase rituelle d'invitation au chemin de St Jacques de COMPOSTELLE : «  le chemin façonne »....


Ce 5ème voyage se situe après un voyage de rappel ou de transition et 3 voyages médians avec des outils mis à disposition 
(au sens spéculatif) pour aller vers des manifestations créatrices.  Le C., délivré des vices profanes, devient libre : il est un ouvrier du progrès. Lors de ce voyage, le F. E. ne lui tient plus la main, il le précède : il ne l'accompagne plus dans son cheminement mais le guide, le laissant libre de prendre des chemins de traverse pour mieux s'accomplir et parfaire son périple qui l'amènera à la « Maîtrise ». Ce cheminement n'est pas aisé car, pour reprendre une citation de TinaTURNER, « Le plus important c'est de trouver sa voie… et on n'est jamais sûr d'y arriver avant de l'avoir trouvée»   Lors du 5° voyage, le C. fait ses choix qu’il doit assumer sans oublier pour autant que sa liberté s’arrête là où commence celle des autres. Il mène son chemin, amène sa contribution, donne, reçoit et partage, le tout dans une parfaite harmonie pour lui-même et ses F. Cette liberté dont il bénéficie doit lui permettre de se surpasser et, de par sa volonté, s’améliorer en corrigeant au mieux ses défauts. Pour atteindre le Ciel, il convient de voyager à l’intérieur de soi-même et le 5ème voyage permettra non seulement de satisfaire ce besoin de changement intérieur mais également répondra au besoin d’expériences nouvelles et au désir d’horizons nouveau. Le C. effectue ce voyage les mains libres, les bras le long du corps : il peut observer les informations recueillies lors des précédents voyages, explorer les résultats obtenus ou potentiels pour se les approprier et créer son propre édifice mental. Il convient, à ce sujet, de rappeler cette belle parole d'Audray HEPBURN, actrice américaine : «  Souvenez-vous, si vous avez besoin d'une main tendue, vous en trouverez une à chacun de vos bras.. : l'une pour vous aider, l'autre pour aider les autres... »

Le C. est sensé avoir franchi avec succès les 4 premiers voyages de son grade, il doit assimiler leurs sens respectifs pour expérimenter ces savoirs et outils, les faire siens pour découvrir, découvrir encore et encore découvrir et s'enrichir d'expériences à partager avec ses F. pour, à son tour, aider les jeunes A. Ce rôle de transmission est expressément visé par le VM dans son allocution à la fin du cinquième voyage : le C. doit former son plan de conduite pour l’avenir en restituant, par la parole et l’exemple, l’instruction reçue et ainsi montrer le chemin au moins initiés.


Selon le Rituel : le 1er voyage correspond à la 1ère année d’études ; les seconds et troisième aux 2ème et 3ème périodes des études, le 4ème  à une époque des travaux. Le 5ème voyage, lui, figure l’époque des épreuves de l’initié. Cette époque est indéfinie dans sa durée et semble correspondre à notre vie… On peut donc s’interroger sur l’absence de mise en valeur du grade C. car le second degré paraît être la charnière essentielle pour passer du monde « déprofanisé »  à celui qui conduira  vers la Connaissance (avec un grand C). Cette approche de l’Eternel ne pourra se faire qu’avec une volonté farouche et un libre arbitre …d’où les difficultés que devra surmonter le C.


Lors du 5° voyage, l’éducation pratique, matérielle du C. est terminée. Il n’acquière pas de nouvelle connaissance : il doit classer ce qu’il a déjà appris, réfléchir sur cet acquis et en tirer la morale qui en découle. Il quitte alors le monde formel pour accéder au monde de l’esprit. Cette spiritualité est fondée authentiquement sur le triple dialogue entre le maçon et le GADLU, les autres et lui-même. Partant de l'Occident (domaine de la sensation, de l'observation directe des faits), le voyageur s'enfonce dans la nuit du Septentrion (Nord, Lune, espace de l'imaginatif, de l'interprétation hypothétique) pour douter des apparences, tandis que l'Orient va projeter une lumière critique désillusionnante (synthétisation) avant un retour par le Midi via un sentier brûlé sous le soleil du raisonnement scientifique (examen relationnel minutieux). Ainsi, au travers de ce parcours qu'il va faire sien, le C. va vivre ce qui est en lui, non plus en théorie mais en pratique ; il va prendre conscience que l'intégration de l'Univers n'est pas qu'une résultante du savoir mais une nécessité du vécu, de l'expérience, du senti, du ressenti, de tout ce qui vibre dans notre corps, dans notre âme, ce qui fait de nous ce que nous sommes.


Il va digérer son savoir initiatique pour en posséder la pratique et le mettre en oeuvre en coordonnant les notions acquises pour mieux se maîtriser et peu à peu se faire une opinion, de par lui- même, de la relativité des choses. Puis partager ses acquis pour essayer de s'élever sur la voie de la perfection ; poursuivre avec persévérance ce travail sur soi-même pour progresser sur le chemin de la Vérité. L'impétrant devra savoir mettre à profit ce cinquième voyage pour ordonner ses idées, dresser le chemin déjà parcouru : avant hier profane, hier Apprenti, aujourd'hui Compagnon, demain Maître… et après-demain ? Ce cinquième voyage est une nouvelle quête : si le 1er voyage conduit à se poser la question « d'où venons-nous? », le 5ème doit lui permettre d'avancer sur l'interrogation « où allons-nous? ». Si l'on en croit Jean de la BRUYERE «  Il n'y aurait pour l'homme que trois évènements : naître vivre et mourir... et il ne se sent pas naître, il souffre à mourir et oublie de vivre ». Heureusement, le C. vit au sens propre du terme car comme le souligne, à juste titre, Oscar WILDE : «  Vivre est la chose la plus rare qui soit ; la plupart des gens se contentent d'exister ».


Si les 5 voyages évoquent les différents âges de l'être humain, le 5ème est celui de la Sagesse ou tout au moins du début de la Sagesse: « mon temps de vie a servi à quoi ? L'ai-je bien employé ? Que puis-je encore réaliser ? ». S'interroger sur le sens fondamental de notre existence. Introspection et méditation sont des voies offertes au C. pour mieux s'accomplir. Ainsi, après avoir appris ou approché la connaissance de soi-même, au travers un Apprentissage silencieux et parfois douloureusement muet au Nord, le C. se voit propulsé au Midi, doté de la parole pour expérimenter, communiquer et tenter de comprendre l'Univers qui nous entoure.


Ce 5ème voyage se fait les mains libres mais le C. a la chance d'être porteur d'une mission merveilleuse : approcher la Lumière par son travail constant, c'est un fardeau de choix ! Ainsi, un jour, un jeune homme posa cette question à un vieil homme solitaire : « Quel est, dans la vie, le plus lourd fardeau ? » Le vieillard lui répondit tristement : « De n'avoir rien à porter » (anonyme).


Essayer de percer le mystère des lois cosmiques, découvrir les secrets des Arts, approcher la Lumière... Cette appréhension se fera progressivement et, même élevé au grade ou degré de M., notre ancien C. s'interrogera encore sur le pourquoi de notre existence, sur le chemin à suivre jusqu'au jour où il réalisera l'ultime voyage que le profane appelle la mort. Ce voyage du C., dit le 5°, est à mes yeux un parcours de tous les jours : il n'est jamais fini puisqu'il doit conduire vers la perfection c'est-à-dire la réunion de toutes les qualités et l’absence de tout défaut. Le C. doit, dès à présent, prendre conscience que si la perfection n’est pas de ce monde, il n’en reste pas moins qu’il doit tendre vers cet état de pureté car il est en route sur le chemin du Divin.


Tolérance, persévérance, partage sont des valeurs qui seront mises à contribution pour favoriser la progression tant attendue ! Le mot COMPAGNON ne vient-il pas de l'association des mots latins CUM et PANIS, ne symbolise-t-il pas celui qui partage son pain, son savoir, son expérience ?


Pour transmettre, il faut à la fois connaître et voyager : le C. devra avoir saisi le sens des quatre premiers voyages, afin de s’approprier les messages qui s’en dégagent pour construire son œuvre : transformer l’A. qui est en lui en un véritable C., passer de la perpendiculaire au niveau.

 
J'ai dit

P\ V\
 
BIBLIOGRAPHIE
« LA FORMATION MACONNIQUE » de CHRISTIAN GUIGUE
« LA FRANC-MACONNERIE RENDUE INTELLIGIBLE A SES ADEPTES » d'Oscar WIRTH
« TENUE D'INSTRUCTION AU 2° DEGRE DU 09/12/2006 »
« PLANCHE SUR LE 2° VOYAGE DE FEVRIER 2007 » DU C. M\ L\.
« PLANCHE SUR LES QUATRE DERNIERS VOYAGES AU 2° DEGRE » d'un F. à l'Orient de LIMOGES
« CITATIONS, PENSEES, MAXIMES » issues de DIVERS OUVRAGES et sur INTERNET
« LE RITUEL DU REAEA. » de la G.L.N.F.

6002-A L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \