DH Loge : Fraternité Universelle - Orient de Dakar - Sénégal Date : NC

Les outils desVoyages du Compagnon

Le rêve récurrent d’un enfant et d’un adolescent c’est de voyager ; la maçonnerie me permet d’assouvir ce désir lié à mon âge. Je vais donc vous entretenir de mes voyages comme compagnon.

De tous temps l’homme a été avide de déplacement.  Nous sommes tous nomades de lointaines origines, curieux de découvrir d’autres horizons dont se nourrissent nos songes, impatients d’admirer les merveilles du vaste monde, de ressentir mille nouvelles émotions, de s’approprier de multiples secrets. Partir est un appel puissant et attractif vers la connaissance du monde dans son ensemble.
Le voyage est l’épreuve de l’homme, c’est un moyen de son émancipation, une occasion de faire ses preuves, de découvrir d’autres aspects du monde et de soi-même.

Il est tentant de faire un clin d’œil au Compagnonnage, qui est un mouvement ouvrier qui apparaît vers le XV° siècle, un peu partout en Europe, qui connut l’apogée de sa renommée au XIX° siècle avant de disparaître presque entièrement suite à l’industrialisation, et de connaître ensuite une période de renouveau.
Le compagnonnage désigne le temps du stage professionnel qu’un compagnon devait faire chez un maître pour l’apprentissage de l’art de bâtir, de la manière de tailler la pierre pour la construction de tous ces monuments que nous avons hérités des siècles passés.
Le mot compagnon est issu du latin populaire « companio » c'est-à-dire « qui mange son pain avec » Les compagnons se distinguent des autres artisans parce qu’ils sont des professionnels hors pairs, d’une compétence au-dessus de la moyenne, compétences qu’ils acquièrent durant les années qu’ils passent à voyager de maître en maître, de ville en ville. Ils sont connus en France sous l’appellation de « compagnon du Tour de France ». Ils possèdent des coutumes très particulières, avec des rites initiatiques secrets qui tissent entre eux des liens fraternels, et un sens de la solidarité très prononcé.
La F\ M\ spéculative revendique d’être une continuation de ces maçons tailleurs de pierres.

Les voyages dans mon parcours de cherchant sont un des éléments  d’un travail structuré, permettant de cheminer le long du sentier du perfectionnement. C’est d’abord un éloignement qui porte à l’abandon des repères et des certitudes habituelles. C’est ensuite un moyen d’apprendre et de parfaire la quête de la vérité et de la lumière et son résultat doit être ma propre transformation et la maîtrise de mon moi.

Les chemins pour y arriver sont multiples mais le fil conducteur m’a été donné par les voyages initiatiques que j’ai effectués  depuis que je suis en loge.
Mon propos de ce soir n’est pas de m’attarder sur les trois premiers voyages lors de mon acceptation comme apprenti maçon, mais d’insister sur les cinq voyages lors de mon augmentation de salaire, voyages qui m’ont appris à me servir des outils indispensables à la transformation de ma pierre brute en pierre cubique parfaitement taillée, afin que je puisse harmonieusement m’intégrer dans l’œuvre collective.

La règle est l’outil qui est présent dans les quatre premiers voyages. Elle est donc indispensable pour contrôler le maniement de tous les autres outils qui seront à ma disposition.

Lors du premier voyage je me suis servi du Ciseau et du Maillet pour m’aider à faire disparaître toutes les aspérités du bloc de Pierre que je suis, de manière à ce que je puisse tenir exactement à ma place et m’intégrer utilement  au temple que nous construisons. Mais pour rendre possible mon incorporation je dois savoir me transformer en livrant sur moi un travail constant de perfectionnement. Le Ciseau aide à affiner le caractère à être plus réceptif à l’instruction, à augmenter les connaissances. Le Maillet est l’énergie, la volonté, la détermination morale qui permettra d’utiliser ces connaissances pour une application plus juste et plus rationnelle.

La règle enseigne que je dois être droit physiquement et moralement, juste dans mes relations avec mes semblables. Elle apprend la place de l’organisation dans tout travail, dans toute pensée. Seul la méthode, l’ordre et la rigueur permettent de mener à terme l’oeuvre entreprise en employant judicieusement le temps qui nous est imparti. Utilisée à bon escient la Règle doit amener à trouver la mesure et la discipline au quotidien, à faire attention à tout ce que nous faisons, et à être constant dans notre ligne de conduite que nous nous sommes librement choisie pour l’édification de notre Temple intérieur.

A la fin de ce premier voyage, j’ai observé le cartouche des Sens.
Ceux-ci m’ont été donnés par le Grand Architecte de l’Univers pour mieux appréhender le monde qui m’entoure et aider à une meilleure perception des situations et les analyser sans emportements et sans passions.
 Pouvoir apprécier les merveilles de la nature,
- Avec l’ouie pour entendre les sons,  les mots de passe, écouter ma voix intérieure ;
- Le goût pour détecter la subtilité de différents arômes, et discerner plusieurs saveurs en me remémorant l’épreuve de la coupe d’amertume ;
- La vue pour voir les signes, me regarder dans le miroir sans crainte  contempler les objets, tomber sous leurs charmes, leur beauté 
- Sentir les effluves d’un parfum, percevoir par l’odeur les yeux fermés la présence d’une personne ou d’une chose.
- Entrer en contact avec un être, l’identifier en le touchant, l’apprécier en le palpant, reconnaître même dans le noir grâce aux attouchements une sœur ou un frère ;
Oui les Sens sont utiles pour un meilleur entendement, une appréciation plus fine des valeurs spirituelles, une clairvoyance plus grande, un tact et un discernement plus affûtés. Leur équilibre et leur valorisation sont indispensables  au perfectionnement de mon esprit, en sachant que la raison doit toujours être présente pour éviter des interprétations hâtives.

Le deuxième voyage s’est effectué avec, outre la règle, un autre outil indispensable à la vérification et au contrôle du travail accompli. Il s’est agi du Compas, emblème du discernement qui apprend la prudence et la circonspection.
Il permet d’établir les proportions, d’évaluer la portée et les conséquences de tout acte. Il  prédestine au dynamisme constructeur de la pensée, de la créativité, de l’invention. Il appelle à une ouverture d’esprit.
Les Arts thème du deuxième cartouche, donnent le sentiment et le désir de l’idéal.
Les ordres d’architecture apprennent à bâtir après avoir fait le travail préparatoire et jeter les bases d’une fondation forte, gage d’une œuvre solide.
Les arts libéraux aident par :
-         l’art du langage à mieux comprendre et communiquer de façon plus correcte, plus éloquente, plus méthodique, plus efficiente finalement.
-         l’arithmétique ou l’art des nombres aide à déchiffrer leurs valeurs symboliques, leurs caractères secrets, leurs qualités.
-         La géométrie source inépuisable de connaissance ; elle est importante pour l’âge du compagnon puisqu’elle justifie la présence de la lettre G au centre de l’étoile flamboyante. Elle apporte force harmonie et rigueur.
-         L’astronomie qui par la connaissance des corps célestes  permet de mieux approcher les symboles de notre rituel
-         L’art musical conduit à travers les sons et la beauté des rythmes à la véritable sagesse.
-   Les arts plastiques concourent à la beauté de l’édifice.
Ainsi grâce à ces piliers que sont la sagesse, la force et la beauté je peux être utile à l’élaboration de l’œuvre collective.
 
La Règle et le  Levier m’ont été confiés au 3° voyage. Elles sont complémentaires et indissociables. Le levier, correctement employé, permet d’utiliser les connaissances, de contrôler l’énergie dans l’action et dans l’effort. Il donne les moyens de multiplier les forces à condition que l’on sache utiliser les points d’appui mis à notre disposition, sous le contrôle de la Règle et des normes. Par une ténacité et une volonté affirmée le Levier aide à tenir les engagements, et rappelle que penser librement, sans préjugé et sans dogme, est une obligation pour tout Maçon.
Par ce voyage il m’a été permis de pénétrer les secrets de la nature  grâce aux  Sciences. Tout est sous l’emprise de l’investigation scientifique. De l’hypothèse à la confirmation, le raisonnement doit être rigoureux. Cependant les recherches  ne doivent pas se faire à l’encontre de la dignité humaine et aboutir à des dérives maléfiques, destructrices et par delà au sentiment de savoir et de pouvoir absolus. La Règle aide à la pratique scientifique sous le contrôle d’une morale stricte.

Le périple se poursuit par le 4° voyage. Cette fois je suis en possession en plus de la Règle, de l’Equerre qui apporte la rigueur et la stabilité dans l’effort. Ils  permettent de s’aventurer sur le chemin de la vérité en faisant en sorte que les bases du raisonnement soient parfaitement ordonnées et que nous ne soyons pas aveuglé par des éléments subjectifs et sentimentaux. De plus ils obligent à développer les vertus de rectitude, de droiture et d’équité indispensable à la vie maçonnique. Ils aident à vérifier le travail accompli et leurs maniements demande une constante remise en question  de soi-même.
Leurs utilisations  sont nécessaires à mon insertion dans l’édifice en construction, car je dois maintenant me joindre à ceux qui travaillent sur le chantier commun.
Au cours de ce voyage il m’est proposé de découvrir les Bienfaiteurs de l’Humanité. Ceux-ci doivent servir d’exemple. Ces grands initiés qui se sont consacrés au progrès de l’humanité  montrent le chemin à suivre vers la Sagesse et l’amour du prochain. Ce cartouche est une invitation à approfondir toutes les traditions de manière à ce que nous puissions perdre tous préjugés, toutes compréhensions limitées et restrictives qui empêchent de progresser dans la voie de la lumière et de la connaissance universelle.

Le dernier voyage se fait les mains libres, avec le plus bel outil, le plus bel instrument dont le Grand Architecte de l’Univers m’a doté qui est ma main aux cinq doigts, prolongement et effecteur de ma pensée. Cinq comme mon âge maçonnique, 5 comme le nombre de voyages que j’ai effectués, 5 comme le nombre de  branches  de  l’étoile  flamboyante,  5 comme  le  nombre de pas, 5 comme le nombre des points d’attouchement.
Il me reste à classer dans mon esprit ce que j’apprends pour une utilisation plus judicieuse. Je dois me remémorer et récapituler les principes qui me sont inculqués. Je dois former un plan de conduite pour l’avenir et savoir choisir les outils appropriés aux tâches qui s’offrent à moi.
Cette œuvre se met en place par l’amour du travail bien fait grâce à l’aide de tous.
Glorifier son travail comme l’indique le cinquième cartouche c’est le marquer par un état d’esprit, une manière d’être, une façon de faire. Cette attitude enseigne une vigilance et une conscience de tout instant dans l’œuvre à accomplir au quotidien.
Travailler, encore travailler, toujours travailler pour éloigner le vice, l’ennui et le besoin.

Ces périples m’ont permis d’aller de chantier en chantier, les outils à la main, apprendre des meilleurs ouvriers en m’ouvrant aux autres techniques, en considérant la réalité extérieure sous des aspects différents, en mesurant l’emprise des sens sur la nature physique, en approfondissant les Arts et les connaissances scientifiques, en bénéficiant de l’héritage et de la sagesse des anciens. La finalité de ces voyages est de pouvoir présenter une œuvre la plus proche de la perfection.

V\ M\ , et vous tous, mes SS\ et mes FF\ , en vos grades et qualités,

Je ne passerai pas sous silence la possibilité qui m’est offerte de voyager de Loge en Loge, dans les Obédiences amies. Ces visites je peux désormais les effectuer seul,  m’enrichir en découvrant les autres rituels, et cultiver les liens puissants d’amitié, de fraternité, de solidarité et de tolérance qui unissent les francs-maçons du monde entier.

Symboliquement cette philosophie du voyage est mise en exergue dans la marche du compagnon, qui après les trois pas de l’apprenti, fait faire un pas de coté, comme une invitation à voyager, pour approfondir les différents aspects de la connaissance, pour s’instruire au contact des autres, et accomplir ce voyage intérieur nécessaire à la maîtrise de soi.
Puis le dernier pas me ramène dans la voie initiale et me rappelle que les écarts dans ma recherche de la vérité ne doivent pas me désorienter, et que je resterai toujours un éternel Apprenti, car jamais je n’aurai fini d’apprendre.

J’ai dit V\ M\

W\ D\
Les Liens vers plus de 15 Travaux sur ce sujet, sont au sommaire du Recueil R108 : Le Cinq, Cinq Voyages, Cinq Sens
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