Obédience : NC Loge : NC Date : NC
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Les voyages du Compagnon


Après l’immobilité silencieuse de l’apprentissage, devenu compagnon, je suis incité à prendre la route dans la grande tradition du compagnonnage de métiers.

La notion de voyage est récurrente dans notre cheminement avec ses trois versants : d’où l’on vient, où l’on est, où va-t-on. Le voyage c’est d’abord un éloignement qui porte à l’abandon des repères et certitudes habituels. C’est ensuite un moyen d’apprendre et de se parfaire dans son métier d’homme, au contact de nouvelles dimensions géographiques et humaines. C’est enfin l’occasion, l'épreuve, d’une exploration des espaces intérieurs inconnus de moi en moi, dont le cheminement n’est pas sans nous rappeler le symbolisme du Pavé Mosaïque, où seul l’initié aura cette faculté à se glisser sur les lignes étroites entre les dalles blanches et noires. 
Le symbole du voyage est un élément essentiel de la démarche et des rituels qui structurent la vie maçonnique. Il commence le jour de l'initiation après le passage par la porte basse, au travers des rites, de la connaissance de l’autre, de cette diversité qui nous amène à rassembler ce qui est épars. Chaque pas est une découverte ou une confrontation avec un élément symbolique, mais ce voyage dans le temps est une formidable aventure personnelle, vécue dans un groupe humain découvert puis choisi.

Les voyages symboliques de la vie maçonnique se passent dans l'espace et dans le temps, et ce calendrier maçonnique ne vise que l’amélioration de l’individu, la construction du temple intérieur. Cet apprentissage voulu, nous amène vers une introspection (rôle du silence), des efforts sur soi, un désir de perfection, un élitisme découvert ; ce travail au sein de l’atelier, sous l’œil bien veillant de la loge et sous le symbole de la voûte étoilée, doit nous permettre de porter à l’extérieur la sagesse acquise, que nous devons vivre de façon cohérente avec notre discrète vie profane. 
Vas de chantiers en chantiers, dit-on au compagnon opératif, que la main qui tient les outils s'affermisse, apprends des meilleurs ouvriers, ouvres-toi aux autres techniques, sois conscient de tes lacunes et faiblesses ; en bref vas t’enrichir et te perfectionner dans ton métier et reviens nous montrer la preuve de ta maîtrise par la présentation de ton chef-d’œuvre. Analogiquement le but de l'initié, à ce grade de compagnon en loge, se doit d'effectuer dans une recherche de sens, de multiples voyages symboliques et de ramener sans cesse à ses frères, le fruit de son perfectionnement.
Le grade de Compagnon est intimement lié au nombre cinq, nombre directement lié à l’étoile à cinq branches, le pentacle. Le but du rituel est d’allumer cette étoile pour qu‘elle devienne "l’étoile flamboyante".

Le rituel du Rite Ecossais Ancien et Accepté,  impose cinq voyages initiatiques, au terme desquels il lui sera présenté cinq cartouches portant chacun cinq inscriptions :
-         Vue, Ouïe, Toucher, Odorat, Goût
-         Dorique, Ionique, Corinthien, Toscan, Composite
-         Grammaire, Rhétorique et Logique, Arithmétique, Géométrie, Astrologie et Musique
-         Moïse, Socrate, Pythagore, Jésus, Confucius

Au cours du troisième voyage, l’étoile placée à l’orient est allumée : c’est l‘apparition de "l’Etoile Flamboyante". Puis vient la consécration du nouveau compagnon, cinq coups de maillets sont frappés sur l’épée flamboyante tenue au dessus de sa tête.

Les cinq voyages du compagnon induisent le  passage du stade d’apprenti au stade de compagnon ; en symbolique, se réalise le passage du fil à plomb qui concrétise  la verticalité, quête du principe qui est en soi du connais-toi toi-même, au niveau, quête de l’horizontalité, de l’égalité.  A chacun de ces voyages, il lui est demandé de lire un cartouche, et de méditer sur le sens des conseils  qui lui sont proposés.
Lors du premier voyage, il lui est recommandé de : VOIR, ECOUTER, TOUCHER, GOUTER et SENTIR

Ces cinq recommandations, préambule à son perfectionnement, lui conseillent de continuer à ouvrir son esprit et pleinement utiliser ses sens naturels, comme pour s’imprégner du monde extérieur, ce qu’il a commencé à faire, silencieusement, pendant sa période d'apprenti. D’ailleurs, le cartouche qui lui est proposé de lire, est appuyé au plateau du Frère Hospitalier, l’Officier de la Loge qui s’inquiète des Frères absents ou dans le besoin, des veuves… Cette indication lui rappelle qu’à tout moment,  ses sens doivent être en rapport avec son cœur.

Ce premier voyage, voyage introspectif,  lui rappelle également, que son premier devoir de Franc Maçon est de travailler sur lui-même et d'être à l'écoute des autres, à la recherche sans cesse de son idéal : la sagesse. 

Ce  voyage est réalisé avec les seuls outils de l‘apprenti, le ciseau et le maillet. Dépourvu du verbe, l’apprenti  ne dispose que de ces outils-là  pour se perfectionner ;  ils sont nécessaires a l’élimination des aspérités et à l’obtention d’une  pierre cubique impeccable ; cette pierre doit en effet, être utilisable en l’état pour la réalisation du temple dont  les initiés sont à la fois les constructeurs et les matériaux ; le ciseau est saisi de la main gauche et symbolise l’idéation ; le maillet représente la volonté nécessaire à toute action afin que l’on n’en reste pas a l’état de concept. Cette volonté agissante, se retrouve en loge au travers du Vénérable et les deux Surveillants qui,  par leurs maillets ouvrent et ferment les travaux.
 
Ce premier voyage se termine par la révélation des cinq sens, qui ont permis à l’apprenti  à partir de son état natif, de son intuition, de son voyage en lui-même, de son travail sur sa pierre brute   de mieux se connaître ; ces cinq sens vont maintenant  permettre au compagnon d’entrer  en relation avec les autres, afin de mieux les apprécier, de  quitter l’ombre du septentrion et de s’ouvrir ainsi au monde.

Lors du deuxième voyage,  des styles d’arts architecturaux lui sont proposés : DORIQUE, IONIQUE, CORINTHIEN, TOSCAN ET COMPOSITE.

Ce deuxième voyage lui demande d’enrichir et d’élargir ses connaissances en matière de construction car, sans cette richesse, point d’édification. C’est pour traduire symboliquement cette richesse, que l’on retrouve ce cartouche,  adossé au plateau du Trésorier. 

Ce voyage, celui de la conception, est effectué avec la règle et le compas. Si l’ouvrier est devenu performant avec le ciseau et le maillet, il n’en faut pas moins favoriser leur bon usage et élaborer le travail à réaliser; en pratique, la règle et le compas permettent de construire toutes les figures géométriques ; la règle avec ses 24 divisions est l’outil de  mesure idéal pour vérifier la justesse des proportions ; cette règle  est aussi potentiellement génératrice d’une ligne certes droite mais illimitée à ses deux extrémités; le compas au contraire circonscrit un espace précis modulable en fonction du degré d’ouverture de son angle. Sur le plan symbolique, la règle est la droiture et la justesse, le compas la prudence et le discernement.

La ligne de  conduite du Compagnon, doit bien-sur être droite mais aussi tenir compte des réalités afin de ne pas placer trop haut et en position inatteignable, le but de son voyage. L’esprit n’a pas de limite, la matière nous en impose, aussi,  il veillera à toujours concilier l’absolu et le relatif.

Le troisième voyage est effectué avec la règle et un levier.  La règle est toujours tenue par la main gauche passive pour guider le trait réalisé par la main droite. Le levier, lui, est tenu par la main droite; il est le symbole par excellence de la force incommensurable.   Symboliquement ces deux outils servent à la mise en place de l’œuvre par l’application de la raison, de la logique, de l’intelligence ; c’est la représentation de la puissance de la pensée correctement utilisée.

Ce troisième  voyage,  débouche sur la révélation des arts libéraux : GRAMMAIRE, RHETORIQUE et LOGIQUE, ARITHMETIQUE, GEOMETRIE, ASTRONOMIE et MUSIQUE. Il nous offre d’apprendre et comprendre,  pour nous enrichir du savoir de ces arts et de ces sciences humaines : 
-         LE TRIVIUM, art de la parole : grammaire rhétorique et logique
-         LE QUADRIVIUM, science du monde sensible : arithmétique, géométrie, astronomie et musique

Le trivium rend sa liberté de parole à l’ex-apprenti qui en était privé; Il  retrouve certes la parole mais ne doit s’en servir que selon des règles précises qui garantissent l’élégance, l’intérêt et la cohérence du discours. Les voyages vont être pour lui l’occasion de communiquer et s’enrichir au contact des autres et de leur savoir.

Le quadrivium, lui, va permettre au compagnon de construire, de bâtir en commençant par la maîtrise du calcul et la maîtrise du trait. La conception intellectuelle alliée à la règle et au levier  va le libérer de la pesanteur de la matière au sens propre comme au sens figuré, ainsi l’esprit n’est plus prisonnier de la matière et sépare le subtil de l’épais.

L’arithmétique, la géométrie, l’astronomie, la musique,  sont aussi des invitations aux voyages et aux découvertes ; chacun de ces arts ou de ces sciences, va accompagner graduellement celui qui veut s’éveiller à  la connaissance, tant visible qu’introspective. Il va devoir travailler sans relâche sur lui-même, œuvrer de bas en haut, monter vers la lumière, sans jamais oublier ses racines ;  au travers de cette volonté d’apprendre, s’instruire et grandir, il devra toujours garder à l’esprit la notion de PARTAGER, et c’est ainsi, qu’en tendant sa main, il ouvrira ses sens, il ouvrira son cœur. 

Le cartouche est quant à lui posé contre le plateau du second surveillant, d’abord parce que la beauté est le signe de l’apprenti et parce que grâce aux arts libéraux il pourra transmettre la tradition de nos symboles.

Le quatrième voyage est effectué avec la règle et l’équerre. La règle est,  et sera toujours présente dans toutes les actions du Franc-maçon. Par contre, l’équerre n’intervient qu’à la fin pour vérifier si le travail réalisé est conforme à l’objectif fixé, celui-ci n’étant pas la pierre cubique en elle-même, mais bien son intégration dans l’édifice. 

Lors de ce voyage, on lui propose de découvrir les noms de cinq grands initiés : Moïse, Socrate, Pythagore, Jésus, Confucius qui, en leur temps,  se sont efforcés de répandre leurs enseignements, sous une forme exotérique, afin que chaque initié en comprenne le sens ésotérique. L’exotérisme étant la lecture naturelle qui en découle, alors que l’ésotérisme est une lecture qui ne peut être décryptée qu’à l’aide de clés, donc par des initiés.

Ces grands initiés ont donné aux  hommes des indications pour obtenir le bonheur de l’âme, mais il est important de savoir quels sont leurs cheminements et le contenu de leurs messages. Là, les sens jouent un grand rôle, car il est nécessaire de toucher, sentir, entendre ce qu’ils ont à nous dire, et si leurs noms sont adossés au plateau du premier surveillant, c’est parce qu’il incombe à ce dernier de guider le Compagnon dans sa quête sur  le chemin de cette lumière.

Le cinquième voyage est effectué les mains libres ; l’initié ainsi affranchi, est  incité à voyager, à s’ouvrir au monde, à former un plan de conduite, qui dépasse le domaine de la manifestation formelle  avec son ouverture sur l’au-delà.

Certains rites adjoignent à ce cinquième et dernier voyage, une truelle. Elle doit permettre au Compagnon d’introduire entre les pierres, le mortier qui doit les lier fortement. Ce mortier n’est autre que l’estime réciproque sur laquelle est fondé l’amour fraternel des Francs-maçons. Elle devient alors le symbole de cette force qui rapproche les cœurs des hommes et apporte dans nos rangs l’harmonie, l’union et l’amitié, pour que triomphe l’esprit de solidarité et de fraternité.

C’est au plateau du Vénérable Maître, qu’il trouve le dernier cartouche avec la mention « Gloire au Travail ».

Cet emplacement pour qu’il se souvienne qu’il travaille de midi à minuit, lorsque le soleil va de l’orient à l’occident, mais aussi, pour rappeler à celui qui aspire au compagnonnage, qu’il devra travailler sans relâche, que ce travail initiatique demandera beaucoup d’efforts, de temps et d’humilité, pour continuer à mieux se connaître, à parfaire le travail sur soi qu’il a entrepris pendant son apprentissage.  

La fin des cinq voyages est marquée par la découverte de l’étoile flamboyante, guide du Compagnon qui sort des ténèbres de l’apprentissage, et qui  parcourt le chemin qui mène vers la lumière.  Elle est éclairée à l’Orient, à la place du Delta Lumineux ; elle siège au dessus du Vénérable Maître, et l’on peut lire en son centre la lettre ‘G’, qui suscite bien des réflexions sur sa signification, symbole peut-être de la démarche du Compagnon.

Au moment de la consécration du nouveau Compagnon, cinq coups de maillets sont frappés sur l’Epée flamboyante, tenue au dessus de sa tête. Le Vénérable Maître lui rabat alors la bavette de son tablier et lui dit qu’étant devenu Compagnon, il doit dorénavant la porter ainsi.  

Pour terminer, je dirai que ces cinq voyages ont rappelé au nouveau Compagnon de poursuivre l’ennoblissement de ses sentiments, sans pour autant que la raison et la science prennent le pas sur les nobles aspirations de son cœur. Sa quête du savoir ne devra jamais altérer sa compassion, ainsi, il affinera son caractère, et la pierre cubique harmonisée en ses lignes qu’il symbolise, pourra-t-elle dès lors, prendre place dans la construction idéale du Temple de l’Humanité.

Pour entamer son périple, on ne saurait que trop lui recommander cette très belle devise : «  Ne pas asservir, ne pas se servir, mais servir », car tous les progrès ne sont pas forcément bénéfiques, et de méditer en toute humilité, cette sentence de Rabelais : « Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme ».

Vénérable Maître, j’ai dit.

D\ M\
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