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La pierre dans le chantier

Depuis mon arrivée en Maçonnerie, ou plus exactement, mon initiation, j’entends parler de symboles, d’outils, de décors, de travaux, de tenue, de temple, de profane, d’initiées, de passage sous le bandeau, de planches, de planches tracées entre autres car je ne veux pas faire une liste exhaustive.

Dans mon esprit je tente d’y voir clair et de me dire : qu’est-ce que je fais en Loge ou en terme plus vaste : en Maçonnerie.

Tout ce que je viens de lister est intéressant pour savoir ce que c’est, mais à quoi cela sert face à la vie ? Car finalement, les tenues en loge, c’est bien, mais il faut dépasser cela et réfléchir…sur ce que cela veut dire pour nous, chaque être, membre de cette loge. Je résumerais alors cela par la réflexion : « la pierre dans le chantier ».

Il reste à déterminer ce qu’est cette pierre, ce qu’est ce chantier et en quoi cette pierre se trouve dans le chantier. Dans les termes profanes, la compréhension est facile, mais dans le sens maçonnique, l’exposé est plus profond.

Pour cette planche, je vais éviter d’aborder la question des outils, symboles ou autres car cela a été déjà dit maintes fois et je veux tenter d’agglomérer toutes ses connaissances pour déterminer le sens de ma réflexion. Ici, j’expose certaines idées, bien d’autres pouvant apparaitre au fur et mesure de l’étude.

D’abord, la pierre.

Là, veuillez m’en excuser, mais je me sens obligée de me référer à la vie profane.

Dès ses premières origines, l’homme a voulu exploiter les pierres pour créer son habitat. Dans un premier temps il s’est contenté de ramasser les pierres en surface, puis sa réflexion l’a conduit à rechercher des pierres de meilleures qualités, de pouvoir les assembler, de pouvoir les tailler pour élever des murs, des constructions, des édifices stables, hauts, grandioses. C’est ainsi que l’homme est passé de l’âge néolithique, de l’âge de pierre, à la construction de cathédrale et ainsi de suite. Bien évidemment, pour trouver sa pierre idéale, l’homme a dû réfléchir sur les moyens pour trouver cette pierre, et au fil du temps, il a créé, inventé les outils qui lui ont permis de construire tels édifices.

Revenons aux symboles de la Maçonnerie.

Lorsque des Maçonnes veulent essaimer, elles sont comme cet homme. Elles partent à la recherche de pierres pour créer ou agrandir leur Temple.

Dans un premier temps, elles se regroupent en petit nombre. Elles sont maîtresses, elles sont les lumières qui guident pour essaimer. Elles partent à la cherche des pierres dont elles ont besoin. C’est là qu’elles déclarent qu’elles ont trouvé de bonnes pierres, que telles profanes pourront faire une bonne pierre. Ces pierres brutes sont donc les profanes à initier.

Ces pierres brutes font l’objet d’enquêtes au nombre de 3 : personnalité, société et spiritualité. Ces profanes passent sous le bandeau. Un peu comme dans les ordalies, elles sont initiées au cours du  rituel des 3 voyages où elles subissent des épreuves, les 3 outils (maillet, ciseau et perpendiculaire) leur sont présentés. C’est le début de l’enseignement de la maçonnerie. Ces nouvelles pierres sont acceptées. Elles sont initiés, c’est-à-dire qu’elles sont entrées dans le Temple sacré, le monde maçonnique. Elles font partie de celles qui vont être taillées pour élever notre édifice. Nous retrouvons cette idée lorsque ces impétrants frappent trois fois la pierre brute à l’aide du maillet et du ciseau. A préciser que cette pierre brute est placée au pied du plateau de la seconde surveillante.

Ce geste sur la pierre brute de cette nouvelle initiée symbolise déjà l’idée de chantier.

La pierre est une matière vivante. Elle est l’éveil de la conscience, la naissance d’une autre attention, l’engendrement d’une autre vie. « V.I.T.R.I.OL. » signifie « Visite de l’Intérieur de la terre et tu trouveras la Pierre Cachée ».

Cette pierre initiée devient une pierre sacrée. Dans la civilisation grecque ces pierres sacrées étaient appelées « Baetylus », dérivé du mot araméen « beit » que l’on retrouve en hébreu et en arabe issus de l’araméen, toutes trois langues sémitiques et qui signifie « maison ».

Ces pierres ne sont pas toutes identiques, elles sont toutes différentes, tout en présentant les mêmes qualités requises pour la construction de cette maison, un édifice stable, équilibré, perpétuel. Elles sont l’égrégore, la richesse pour la construction de l’édifice car chaque différence est un enrichissement et complète l’autre. Le sens étymologique grec d’égrégore est : « faire lever – éveiller – réveiller - être éveillé – veille – veillant ».

Pierre MABILLE le définit comme « Un groupe humain doté d’une personnalité différente que celle des individus qui le forment ».

Leurs points identiques forment l’unité, et leur ensemble forme également l’unité. La taille de ces pierres est notre recherche de la Vérité sous les trois lumières « FORCE » (1ère surveillante-Soleil) - « BEAUTE » (2ème surveillante-Lune) - « SAGESSE » (Vénérable Maîtresse-maîtresse de la Loge).

Nous sommes en possession de tous les éléments pour construire notre Edifice, c’est-à-dire notre Temple. Nous avons tous les outils selon l’évolution de notre pensée et nous avons les bonnes pierres, c’est à dires les bonnes maçonnes, les profanes initiées. Tous les matériaux sont là.

Nous passons alors au chantier.

Contrairement à la réflexion populaire « quel chantier ! », pour exprimer un désordre innommable, notre chantier est une organisation disciplinée.

Je reviens au sens profane du terme.

Le chantier est un espace sur lequel ont lieu des travaux de construction, ou de démolition, en général fermé au public qui fait l’objet de mesures de sécurité telle que l’obligation de porter un casque, avec des règles d’hygiène. Toutes ces règles doivent être respectées, sous peine de sanctions. Dans notre Temple, nous avons la Constitution.

J’élimine le terme de « démolition » car le seul instant où on peut parler de « démolition » en maçonnerie, serait lors de la taille de la pierre. Mais peut-on parler de démolition lorsque l’on sait que cette taille vise une destinée constructive, même si cela semble l’être lors du passage dans le cabinet de réflexion puis sous la porte basse. En fait, c’est pour renaître de profane en initiée, c’est-à-dire en pierre sacrée.

J’aborde le terme de construction. Ce terme nous amène vers celui du bâtiment. Le temple peut être assimilé à un bâtiment, un Edifice, sur le plan virtuel. Car au début de la maçonnerie, les réunions se faisaient en extérieur, au centre d’un espace délimité par un trait ayant une forme géométrique, ouverte. Le Temple n’avait aucune matérialité.

Virtuellement, la construction de notre Temple met en œuvre une architecture avancée qui nécessite beaucoup de maîtrise à différent degré, celui de l’apprentie, puis de la compagnonne et enfin de la maîtresse. L’organisation de ces intervenants est bien réglée, car chacune a son rôle à jouer pour participer à cette construction. Nous avons les officières avec un nombre au minium pour que la construction se fasse, puis les autres maçonnes qui sont les maîtresses, les compagnonnes et les apprenties. L’ensemble forme les ouvrières élaborant l’Edifice. Chacune remplit son rôle. Chacune travaille en taillant sa pierre à son niveau. Ainsi, l’une fait une planche, l’autre fait son compte rendu sur sa participation dans une réunion d’un organe constitutionnel par exemple. Chaque réunion est notée dans la planche tracée. Ces réunions ont lieu régulièrement.

Ce ne sont pas des réunions de chantiers où assistent tous les représentants des corps de métiers participants à cette construction, sous la direction d’un architecte imposé par la loi, même si cela peut le ressembler. Ce sont des Tenues de Loge en présence de toutes les officières placées chacune à leur plateau pour exécuter leur travail, sous la Lumière de la Vénérable Maîtresse placée à l’Orient, car chaque ouvrière participant à cette construction a sa place réservée en fonction de son degré ou grade, ou du niveau de son travail. Comme dans le monde profane, nous voyons apparaître une grande organisation dans le chantier avec tous les corps de métiers : la Vénérable Maîtresse, la secrétaire, l’Oratrice, la couvreuse, les expertes, les surveillantes, les maîtresses de cérémonie, les hospitalière, trésorière. Il est à préciser que la Loge est la réunion sociojuridique des maçonnes pour prévoir la construction du chantier.

Chaque maçonne possède ses outils : le maillet, le ciseau, …

Toutes ces maçonnes voyagent pour mieux tailler la pierre et mieux construire notre Edifice, le faire évoluer, mieux transmettre toutes les données, connaissances acquises, comme le font les Compagnons dans le Tour de France du Compagnonnage.

Car comme dans le monde profane le travail dans notre chantier comporte une notion de dynamisme, d’évolution, de mouvement vers l’avant, avec une remise en cause de toute idée pour une meilleure adaptation à l’instant, tout en conservant les principes fondamentaux maçonniques qui sont Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité, quel qu’en soit les épreuves que cela pourrait engendrer. Ces principes sont les fondations immuables permettant à notre Edifice de supporter tout évènement C’est là qu’apparaît l’obligation de rationalité, de clairvoyance, de mesure, de maîtrise face aux pressions du monde extérieur. Nous laissons nos métaux à l’extérieur du Temple, l’apprentie n’a l’obligation du silence, la sœur couvreuse vérifie que le temple est couvert, la sœur Oratrice surveille le respect des principes maçonniques, les sœurs surveillantes transmettent aux nouvelles pierres et le tout sous la Lumière de la Vénérable maîtresse.

Tout ce travail nous renvoie à ce qui a été écrit précédemment sur le choix de la pierre, sa taille, ses différences mais avec ses qualités fondamentales.

Et là j’aborde la question de la pierre dans le chantier.

Quelle est cette notion de chantier en maçonnerie ?

Le chantier est un espace dynamique, c’est un travail constant. Nulle d’entre nous n’est détentrice de la perfection, par conséquent, notre chantier c’est d’abord  la construction de notre Temple intérieur. L’introspection, l’aptitude à identifier nos propres imperfections, à les reconnaître comme telles, la volonté d’y remédier sont les principes fondamentaux de notre chantier. Si nous devons rétablir l’ordre dans le monde, nous devons d’abord rétablir l’ordre en nous-même. Tout changement doit commencer par soi-même.

Le Temple est l’instant d’une réunion de chantier. Il est le lieu où les maçonnes se retrouvent pour faire état de leur travail. Mais leur travail ne doit pas s’arrêter là sinon ces réunions seraient sclérosées. Comme les abeilles, les maçonnes s’activent pour trouver les matériaux et se réunissent pour les assembler et construire l’Edifice. Le Temple est en chantier lors de nos réunions. Par contre, nous sommes et nous devons être en chantier tout au long de notre vie dès lors que nous sommes initiées, même après avoir quitté le Temple.

Ce chantier est symbolisé dans le temple par le pilier manquant. Notre mouvement circumambulation dextrogyre autour du tapis semble se faire sans aucun problème. Lors de l’allumage, la sœur experte passe devant le pilier « Force », puis « Beauté », puis « Sagesse » et puis, plus rien, un trou. Les sœurs constructeurs ont oublié ce dernier chandelier ou est-ce intentionnel ?

Ce pilier manquant nous montre que le cycle de notre travail dans le chantier n’est jamais clos, qu’une porte reste ouverte. Intentionnellement ce chandelier manquant est placé au centre du temple non seulement pour que nous le voyons, mais surtout parce qu’il est au centre de nous, chantier individuel et collectif. Il représente notre sentiment d’imperfection, notre conscience de cette imperfection alors que nous n’avons pas encore trouvé la solution. Ne serait-il pas un peu l’œil de Caen ?

Ce chandelier manquant est le symbole du chantier. Il est la dynamique de la construction, l’incitation à une intensification pour la création de notre Edifice. Nous devons passer de l’Obscurité vers la Lumière, du profane vers le sacré. Et là, nous n’avons jamais fini car en nous, nous avons, en résumant, le bien et le mal et nous devons en faire une troisième voie en maîtrisant le mal en bien et en rapprochant le bien vers ce mal maîtrisé.

La particularité du chantier maçonnique est que nous le retrouvons à l’infini, du microcosme au macrocosme et je cite, dans toutes les Loges, dans la Fédération de la GLFF, dans toutes les Obédiences, dans tous les Orients, chez tous les FF\ et SS\.

J’ai dit.

M\ S\ L\


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