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Symboles et fables

Tout d’abord, il convient de rappeler brièvement les définitions des deux mots qui constituent ce propos.

Le symbole correspond à une image, un objet ou un geste qui traduit une idée. Il est né avec le besoin d’exprimer une intention en dépassant la barrière des mots qui limite bien souvent les usages. Bien avant d’être en mesure de nommer, l’Homme a représenté sous forme de dessins ce qu’il voulait exprimer. Prenons comme exemple les écritures primitives. Nombreuses transcriptions utilisaient des représentations rupestres comme les ornements dans des Temples naturels (cavernes, grottes, murs, …). Plus tard, sous forme d’écriture, des graphies ont transposé le réel animal, végétal ou minéral comme les hiéroglyphes, le sanskrit, le sumérien, l’araméen ou encore l’hébreu primitif... Ce ne sont là que des images substituées. On peut considérer que les symboles sont les ingrédients de base de notre cuisine langagière. Ils se sont établis depuis une source mère pour, aujourd’hui, alimenter cette planche qui pourrait fort bien être dessinée plutôt que parlée.  Les symboles ont pour but d’ouvrir des champs imaginaux en transformant un élément connu que le monde profane va pouvoir interpréter selon une assimilation personnelle en correspondance avec son niveau d’évolution et d’initiation. On peut dire que le symbole donne à penser. Il fait appel à l’intuition et ouvre un passage indispensable entre la matière et l’esprit.

La fable, quant à elle, serait née en Inde. Ce genre littéraire chemina depuis l’Indus jusqu’aux rives de la Méditerranée en suivant les routes du Croissant fertile. Par elle, circula la sève de notre civilisation. Elle est de même nature que :

·         La légende qui s’appuie sur des faits historiques,
·         Le conte qui s’appuie sur des traditions orales,
·         Le mythe qui glorifie les aspects du genre humain en lien avec une Histoire aménagée,
·         L’allégorie qui est une déformation de la réalité pour exprimer des abstractions difficiles à représenter.

    La fable en tant que suite de symboles, fait entrer en résonnance des éléments disparates en vue d’établir une diffusion ordonnée vers une unité à composer, un peu comme une musique qui est composée de notes éparses créant une harmonie. On peut oser une approche qui serait de reconnaître que, par sa morale induite, la fable fait passer la force du symbole en une force du verbe. La différenciation tient dans le fait que le symbole n’a pas de passé, qu’il ne raconte rien, qu’il s’agit tel un astre mort. C’est pourquoi dans la franc-maçonnerie ou l’alchimie, on a pris le soin d’accoupler les appareillages pour créer des résonances comme par exemple, un compas et une équerre, les colonnes J & B ou encore, la Lune et le Soleil. C’est l’articulation qui, par frottement et accouplement, générera une idée sous le symbole.

Prenons quels exemples chez La Fontaine.

La première fable du Livre Premier est connu de nous tous. Il s’agit de « la Cigale et la Fourmi ». C’est l’élément fécondant. Déconstruisons le mot cigale en : « CI » puis « GALE ». Le « CI » s’identifie à « ici ». « GALE » veut dire « pierre » (on retrouve cette étymologie dans le mot « galet » qui est une petite pierre). Cigale signifierait dès lors : « Ici est la pierre ». Dès lors, on peut oser le raisonnement suivant : « Si on suit un chemin, pour commencer, on lève tous le talon qui correspond à l’astragale, moitié astre et moitié gale. Donc moitié pierre, moitié lumière. Il faut rechercher la Pierre occulte connue sous l’acronyme VITRIOL. Voyez qu’il n’y a plus rien de commun avec la situation économique d’une Cigale ou d’une Fourmi. Si, d’un point de vue philosophique, cet apologue a du sens, d’un point de vue ésotérique ou anagogique, il ouvre des perspectives différentes dont nous sommes toutes et tous porteurs.

Il est de même pour la fable « Le Corbeau et le Renard ». Qui peut prétendre comprendre que le « Corbeau » est, par effet miroir, un « beau corps de couleur noire », donc l’œuvre au noir ? Il y a deux corbeaux en chaque humain ; l’un est esprit et l’autre matière ; principes permanents de création et de destruction. Son cri lugubre (croassement) en fait un messager de la mort. Le « fromage » qu’il tient dans son bec est affiné jusqu’à devenir transparent comme l’œuvre au blanc ? Il laisse entrer la Lumière. Quant au « Phoenix », il correspond à une sublimation de l’Être. Sa couleur pourpre et sa renaissance à l’issue d’une calcination en fera l’œuvre au rouge ? Et que dire du « Renard » qui, comme chacun le sait est un nom propre né par l’inversion du mot « narrer » (toujours cet effet miroir) alors que l’animal terrestre a pour seul nom : « goupil ». Le Renard dans toutes les fables sera l’agent initiateur.

Que dire encore de « La Grenouille qui veut se croire aussi grosse que le Bœuf » si ce n’est que le batracien ici évoqué nous habite et que le Bœuf dans les alphabets sémites correspond à la Lumière. Sous-tendant que l’on veut être l’égal des dieux jusqu’à tuer celui qui gêne le plus, c'est-à-dire soi-même. « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Tout le travail de La Fontaine sera donc de tracer un chemin non explicite tout au long de ses ouvrages pour, en 22 textes, instaurer un rite suffisamment élaboré pour dissimuler des Vérités seulement comprises par les initiés que nous espérons être. Tout le génie des premiers magisters fût d’éclairer notre route à partir d’un minerai depuis longtemps caché dans nos cœurs. Tous ont déroulé un chemin qui conduit le profane d’un acte de naissance entre les colonnes à une mort annoncée, tout comme les 22 arcanes du tarot ou bien les 22 lettres de l’alphabet hébreu ou bien les runes nordiques qui renvoie en écho notre doute existentiel. Tous les ésotérismes finissent par la Mort. Il ne s’agit pas, et vous l’aurez deviné, d’une fin de vie physique mais de la fin d’un cycle. Cette Mort appelle toujours une renaissance. Plus on monte, plus on prend de l’amplitude et plus on s’éloigne de la source. 

La fable, c’est du symbole en mouvement. Elle raconte une histoire. Et, bien que l’on sache que cette histoire est fausse, la magie opère toujours. Il ne faut donc pas s’étonner de découvrir que les animaux présents ou les situations évoquées remplissent des fonctions sacerdotales, sorte d’accumulations d’éléments sensoriels où chacun peut venir cueillir sa juste foi. Et, de vers en vers, de ligne en ligne, de conte en conte, de symbole en symbole, c’est tout un Monde, bestial ou végétal, qui s’aligne et propose une Révélation. Les fables se répondent en écho articulées par une mécanique, à portée scolaire, philosophique, ésotérique et, parfois même, anagogique. Quatre niveaux d’interprétation qui correspondent au parcours des Hommes dans leur quête. C’est pourquoi, il faut suivre le chemin proposé par le fabuliste car il a du sens. Cueillir un apologue de La Fontaine, au hasard, revient à vouloir cheminer dans les enseignements sans souci de la progression.
Quant aux « deux Mulets », pour l’un, il est chargé de l’argent dû à César. Quant à l’autre, il porte la poudre de savoir lié à la Connaissance qui est d’un autre ordre. Voici une première porte qui sépare les deux mondes que nous habitons : celui de l’Avoir et celui de l’Être.

L’apologue « Le Loup et le Chien » marque les territoires de la Liberté et de l’aliénation aux biens matériels. La Fontaine met en opposition deux comportements humains distincts. A la lecture de leur vie, il convient de dresser sa propre ligne de pensée et d'action. La laisse du Chien devient le lien qui nous attache aux métaux.

Et on va ainsi, déroulant les fables, mettre en vibrations, l’Homme révélé, sublimé, exalté, éthéré, en état d’apesanteur.

Avec « Le Rat de ville et le Rat des champs » et « Le Loup et de l’Agneau », c’est de notre double nature dont il est question.  Serions-nous un peu l’un et beaucoup l’autre ? « Si ce n’est pas toi, c’est donc ton Frère ». En tuant celui avec qui nous partageons les pâtures, nous exécutons notre partie occulte pour une révélation. Opposition du noir et du blanc, du révélé et du non-révélé. On retrouve pareilles situations avec Abel et Caïn. Libre à chacun de dessiner ce conte selon ses acquis et ouvrir un champ de connaissances partageables et extensibles à l’infini. Et, c’est dans le choix des mots, leur étymologie, que le lecteur trouvera une solution à l’énigme proposée. Question : Que représente vraiment le ruisseau ? Serait l’axe du monde. Le Loup et l’Agneau sont-ils réellement des animaux plutôt que des symboles ?

Avec « La Mort et le Bûcheron », on nous annonce que nous ne pourrons pas mourir au vieil Homme avant d’avoir effectuer notre parcours, avant d’avoir été révélé. Les symboles servis bout à bout dans cet apologue exceptionnel transpirent la misère au point qu’on est mal à l’aise devant les mots et finalement, avec nous-mêmes, assujettis que nous sommes à l’obligation de résultat. Vie de peines et de misères que celle de cet honnête homme qui traîne son désespoir tout au long des jours.

Nous restons dans cette quête avec la célèbre fable « Le Renard et la Cigogne ». Le Renard mange de manière vulgaire et la Cigogne cueille la Connaissance « en un vase à long col et d’étroite embouchure ». Nos enseignements ésotériques ne sont pas bien loin. Il nous faut mériter la transcendance pour accéder à une dimension spatiale que nous possédons en nous.

Avec « Le Chêne et le Roseau », c’est d’une fin en vu d’un recommencement qui doit ensemencer l’humanité dans un au-delà du miroir des apparences.

Tout au long de ces fables, nous voyageons au cœur de nous-mêmes et allons de nous vers nous pour atteindre ce centre, cet écho de la Parole perdue, la quintessence alchimique, l’Homme véritable, celui inscrit dans l’humain de Vitruve. La Fontaine nous enseigne que, si tout dans le symbole est arbitraire, tout est aussi à portée universelle. Voilà la première vérité sur les symboles et les fables, celle d’orienter le regard vers une Lumière à percevoir, une épaisseur à déterminer, un éther à révéler. Les symboles, tout comme les fables, ne sont aucunement la Lumière mais permettent d’en porter et d’en comprendre le sens. Ce qui est fondamental dans la compréhension de ces supports, c’est de permettre l’ouverture de l’Esprit vers des accès jusque là interdits par le langage commun. En fait, l’Homme a tellement de mal à concevoir l’invisible, le non-manifesté qu’il utilise des béquilles. Les fables, qu’elles soient issues du Panchatantra indien, d’Esope, de La Fontaine, Perrault, Lewis Carroll ou Grimm, les symboles qu’ils soient issus de l’alchimie, du mouvement rosicrucien, de la franc-maçonnerie ou des religions du Livre, offrent la possibilité de mettre en images le spectre de l’invisible pour qu’il entre par vibrations dans notre dimensionnement, un « Ordo Ab Chao ». Pour cela, tous les outils et animaux, gestes et mots constituant nos symboles et nos fables obéissent à une nomenclature commune et acceptée par tous les peuples de la terre. 

Il existe une constante planétaire qui fait vibrer à l’unisson les éléments entre eux quelque soit la latitude ou la longitude, correspondant à une représentation symbolique de la vie des Hommes. Ce qui est révélateur dans les symboles et dans les fables, c’est qu’ils sont permanents et ne souffrent d’aucune altérité. Grâce à leur intemporalité, les mensonges qui les constituent et la projection qu’ils nous imposent, ils font sortir les objets de leurs usages coutumiers pour devenir vecteurs de Connaissance. Qu’on se le dise : « La Connaissance ne s’append pas, elle se transmet sans jamais être révélée ». Bien assimilés par l’Homme, les fables et les symboles pourront ouvrir un chemin à celui qui recherche une issue. Ils n’offrent aucune clef ouvrant la porte sur un absolu tangible. Et il appartient à chacun, en conscience et en discernement, de nourrir son âme dans l’ombre portée d’un arbre méconnu. C’est pour nous donner à penser, nullement pour nous servir un prêt-à-penser. Ces supports donnent à l’Homme la Liberté car ils le forcent à concevoir. Les symboles et les fables offrent la particularité d’enfermer des secrets qui restent mystérieux même à ceux qui les manipulent. En conclusion, ni la fable, ni le symbole ne peuvent s’apprendre, seulement se comprendre. On peut juste fournir des clefs quant à l’installation de la Connaissance.

La force du symbole ou de la fable, c’est de tordre des images initiales pour leur donner une portée ontologique. En fait, notre société tout entière est basée sur des interprétations. Notre vie entière est faite de symboles ou de fables. L’important est de leur donner une juste traduction. C’est pourquoi, aucune fable ni aucun symbole n’aura qu’une seule et unique interprétation. Chaque personne la ressentira différemment. Et c’est là que naît cette liberté de percevoir les intentions selon sa propre histoire, sa propre attente. Chacun y trouve sa marque selon ses dispositions et son degré de perfectionnement.  Les fables sont une tentative de mise en mouvement d’un protocole initiatique. Les rituels maçonniques tout comme les livres de fables correspondent à des vibrations qui résonnent comme des notes de musique seules en mesure de créer une harmonie. Un symbole pris sans son environnement ésotérique est un astre mort presque dérisoire. Une fable isolée n’est qu’un joli conte. C’est le mouvement du mécanisme de l’horloge qui donne l’heure pas l’existence des aiguilles. Elles exposent un rituel dont il nous faut comprendre le sens pour être à l’heure de nous-mêmes. Le symbole tout comme la fable cache en son sein les secrets véritables. Et il est là le mystère tant convoité par notre communauté humaine, la révélation d’un fabuleux secret. Comme le disait Confucius, l’invisibilité donne du sens à notre compréhension du monde. Le symbole et les fables contiennent dans leurs expressions même, la révélation. C’est au cœur de cette invisibilité qu’on trouvera la pierre occulte, ce VITRIOL dont les alchimistes nous ont tant parlé.

En conclusion, avouons qu’aucun des symboles ni aucune des fables soumis à l’étude, pas plus que tous les autres ésotérismes cités, ne nous apporteront la Vérité. La Vérité se trouve dans ce que nous sommes en mesure de comprendre. Elle est inscrite en nous tout comme l’arbre est contenu dans la graine. Mais les arbres ne transmettent que ce que nous sommes en mesure de leur faire dire. Ils sont des portes vers la Connaissance mais ne sont pas la Connaissance parce que l’illumination est peut-être déjà inscrite en chacun de nous.

J’ai dit.

Hervé Priëls


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