GODF Loge : NC 12/10/2013


Agir aujourd’hui, pour que vive demain

Parce que nous sommes réunis, ici aujourd’hui, et d’origines diverses. Parce qu’Anglais, Ecossais, Français, ou Coloré ou pas. Parce que féminin, masculin ou les deux à la fois. Parce que nos langues parlent plusieurs langues mais parce que je crois, que nos coeurs n’en parlent qu’une. Parce que tous les chemins de la maçonnerie sont aujourd’hui menacés, nous nous devons de nous arrêter… Je vous demande de vous arrêter…afin de poser notre propre regard serein et lucide sur nous-mêmes.

Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui, est, je le crois, le propre de l’Homme. Et en tant qu’Homme je ne ferais pas mon métier d’Homme si je laissais le monde s’égarer.

Aussi doué qu’on soit, si on continue à faire de la philosophie alors qu’on en a passé l’âge, on devient obligatoirement ignorant, ignorant des raisons présentes, dans sa propre cité.

Et en maçonnerie, la quantité de nos certitudes est un bon indicateur de notre niveau d’ignorance. Vous le savez, les francs maçons sont des gens instruits, voire cultivés, c'est-à-dire que quand ils se mettent à déconner ils le font vraiment avec talent… En 40 ans, la franc-maçonnerie a perdu presque 50% de ses adhérents aux Etats-Unis, territoire restant à conquérir. En Afrique, elle est galvaudée. En France et ailleurs en Europe le nombre de francs-maçons augmente, mais les dissensions de toute sorte sont fréquentes et elles contrecarrent les raisons d’adhésions.

L'influence de la franc-maçonnerie sur la société a régressé partout…

N'est-ce pas le moment pour réfléchir sur le sens et le rôle de la Franc-maçonnerie au 21ème siècle ?

La véritable affaire du philosophe, dit-on, ce n’est pas de changer le monde, c’est de le comprendre. Oui mais, pour nous maçons, c’est de le comprendre certes, mais…pour pouvoir le changer. Et la vie n’est pas qu’un problème à changer, mais une réalité dont il faut faire l’expérience. Alors action.

Blottis dans l’atmosphère sécurisante de nos répétitives tenues, bercées par le cadencement régulier du tic-tac de nos travaux ; dans cet entre-soi fraternel. Je vous pose la question : N’avons-nous pas tendance à mettre inconsciemment en action ce que les neurophysiologistes appellent des filtres cognitifs, destinés à ne laisser passer que ce qui nous conforte dans notre vision du monde ? N’avons-nous pas parfois, le sentiment de perdre le contact avec la vie même, en nous profanisant ? 3 exemples cités récemment, par DACHEZ, BAUER et BARAT dans leur ouvrage commun :

1. Sur la cordonnite, maladie des Obédiences « Au-delà du cocon de la Loge, existe souvent un autre univers maçonnique. Une réplique « singeante » et profanée du monde extérieur. Passions, pulsions animent ce monde maçonnique, dans certaines Obédiences, où la largeur des sautoirs et la présence de médailles semble assurer une place potentielle dans les jeux d’un pouvoir virtuel. On tente d’implanter dans la maçonnerie les pratiques, non pas de la politique, mais des pires ratés du système ».

2. Sur l’incapacité des obédiences à assurer une production intellectuelle « Les S\ S\ et les F\ F\ travaillent assurément, les obédiences diluent, assèchent, éliminent, produisent une eau tiède au mieux, rien au pire. Les questions posées sont pour l’essentiel rétrospectives. On commémore, on célèbre, on fête, mais on ne réfléchit plus, on ne publie plus : on réimprime. On n’envisage plus l’avenir, le progrès, et demain, on administre la plupart du temps ».

3. Sur l’ennui profond que cela provoque chez bien des frères « On reste discret sur le turn-over inquiétant qui conduit de nombreux maçons à s’éloigner au bout de quelques années à peine. Sans doute du fait des scandales qui les choquent, de l’administration maçonnique qui n’a parfois rien à envier à son modèle profane, des petits jeux d’appareil assez peu reluisants, quoique fort prisés, mais surtout à cause de l’ennui suscité par tant de grandiloquence, de pompe, de gravité et de surestimation collective de la franc-maçonnerie, portant toujours une image d’elle-même, qui n’a plus grand chose à voir avec la réalité de son influence, aujourd’hui à son plus faible étiage historique ».

En vérité comme maçons, nous oscillons entre deux tentations : celle du repli pascalien qui dit : Tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose qui est, de ne savoir pas demeurer en repos et celle de satisfaire au serment que nous avons prêté, d’agir dans la cité.

Comment préserver alors nos 2 qualités essentielles qui ont fait ce que nous sommes ? Notre intemporalité, contraire de la temporalité qui profanise, et notre vison holistique du monde qui devrait nous donner ce recul indispensable, cette prospective accouchant de ce que nous fûmes : des laboratoires d’idées et de progrès pour cette humanité qui nous est chère.

Car, il est essentiel de bien comprendre ces deux aspects qui sont une spécificité de la Franc maçonnerie, séculière (donc dans le temps) et régulière (car traditionnelle). C’est à la capacité du maçon à gérer cette dialectique complexe et subtile que l’on mesurera l’apport irremplaçable de nos initiations et vérités, graines de bon sens et de nos justes visions passées.

De la nécessité de préserver une vie intérieure, impose la nécessité de prendre le temps, de s’arrêter, et de rompre avec ce rythme trépidant pour s’interroger sur soi, sur son rapport aux autres, au monde, et donc sur l’avenir de la vraie maçonnerie. Entendez moi, je ne parle pas des structures, pas des Obédiences, mais de nous F\ F\ et S\ S\, qui faisons les Obédiences et non l’inverse, car les Obédiences n’ont jamais fait de nous des maçons, c’est nous qui les faisons. Cela n’est pas si facile dans un environnement général où les mots d’ordre sont : des sensations fortes…des plaisirs immédiats…et ce fameux culte de l’apparence. Il faut plaire à toute force…pour s’estimer soi-même…sous la pression du rythme social.

TF1 fait des audiences et dispose de ses parts de cerveaux nécessaires à la pub, vidant les cervelles de tous ces regardants ahuris, prostrés ou hilares, affalés devant ces petites lucarnes diffusant à outrance ces émissions vides de sens. A coté de cela, Arte compte ses intellectuels, téléspectateurs aux lunettes cerclées déconnectés du monde, confortablement installés dans leur canapé Art-déco ; quand M6 court après les télés réalités qui ne sont en fait que de tristes réalités d’éphémères Célébrités Décervelées, prenant pour égéries celle qui sans talent ni travail, hérite de l’Empire Hilton en écumant les boites et les magazines nauséeux et people de ce monde sans repères, ou de celle-ci qui hurle en playback dans un micro factice car elle est provisoirement inventée, et mise à la mode par un service marketing innovant. Pendant ce temps l’Amérique élit Miss América, Nina DAVULURI, indienne de souche qui reçoit dans le quart d’heure, plus de 1000 Tweets disant « Miss América Terroriste’juste pour ses origines, Amérique pays de la Liberté dit on, l’histoire ne nous apprend donc rien… Près de nous, l’Italie jette des bananes à Mme le Ministre Cécile Kyengue, femme noire congolaise expatriée, Docteur diplômée d’ophtalmologie, élevée à la force de son travail jusqu'à devenir Ministre de l’Intégration… Ironie du monde… Farce politique ? ...Ou est le respect ? Ou sont nos valeurs ? Sommes-nous de ce temps ? Serons-nous de ces temps nouveaux ? »

La vie intérieure est rejetée du centre vers la périphérie où, pour reprendre une image pascalienne, « L’univers personnel a sa circonférence partout, et son centre nulle part ».

Mais que devient ce monde ? Sommes-nous, nous maçons, des handicapés ? Sommes-nous hors d’âge ?

Aujourd’hui, lorsque la vie intérieure ressurgit, c’est sur le mode de la pathologie dépressive, et de l’enfermement sur soi, pire, cela génère différents mouvements de replis communautaires, qui ne font qu’exacerber les peurs, peurs naissants de la prise de conscience dramatique du vide et de
l’insignifiance de l’existence.

De cet enchaînement mortifère, le maçon fidèle et travaillant suit pourtant son propre chemin initiatique. Il est, en principe préservé, n’ayant cessé à travers ses réflexions, de chercher à donner du sens à sa propre existence et au monde qui l’entoure. Mais pour se conformer aux engagements pris, il faut que notre capacité réflexive ne reste pas autocentrée… D’où l’impérieuse nécessité de se confronter à ces mondes là, car pour changer ce monde il nous faut le connaitre, du point de vue de toutes les diversités, masculins, et féminins bien sûr. Bouddha disait avec bon sens dans ses enseignements, « Rien ne peut être accompli simplement en lisant des mots. Un malade ne pourra jamais guérir simplement en lisant la notice ». Alors, Réfléchir, sortir, ET agir.

Et en ce qui nous concerne ? Un mot, à propos de nos Obédiences ? ...Ici, c’est à grands renforts de références historiques et d’exégèses savantes, qu’on vous démontre doctement à quel point la croyance en un être suprême est consubstantielle à la franc maçonnerie et combien il est indispensable de placer, pour certains, la Bible sur l’Autel des Serments ET en même temps, combien il est important d’exclure des travaux tous les gens de bien qui n’arrivent pas à avoir cet « Ami imaginaire ». Là, on saura vous démontrer que la maçonnerie ne peut être qu’exclusivement masculine, parce que la femme n’est pas initiable, ou que certains rites sont incompatibles avec la féminité. Ou ici encore, on annonce le plus grand nombre de membres, comme si la quantité primait sur la qualité. Là bas, on vous prouvera qu’il est possible de professer la « Fatherhood of God and Brotherhood of Man » tout en pratiquant l’exclusion des autres maçons… L’oxygène serait-il plus rare dans ces sommets ?

Moi je vous le dis, la base et les fondamentaux, il n’y a rien de mieux pour faire tenir un sommet droit.

A ce sujet, je proposerais un article unique à inclure dans tous les accords maçonniques : « Tout franc maçon régulièrement initié est libre de visiter toutes les loges de toutes les Obédiences et, toutes les Loges maçonniques sont libres de recevoir toute Soeur ou tout Frère régulièrement initié ». …réalisant à la fois le rêve des Constitutions d'Anderson (« le centre de l'union ») et celui de Ramsay (faire de la franc-maçonnerie comme de l'humanité, une « grande République dont chaque nation est une famille et chaque particulier un enfant »). En ce qui me concerne, je suis convaincu qu’il y a plusieurs chemins, mais une seule et même étoile. Seuls les chemins diffèrent pour tendre vers elle. C’est l’idée généreuse de la FETE DES TABLIERS.

Comment alors, allier cette généreuse idée de comprendre ce monde, dans les spirales de nos vies ? Comment bâtir et assoir cette indispensable et intemporelle vision maçonnique, devant faire de nous les précieux Gardiens du Temple ? Comment allier le temps de réflexion pour ce monde, avec le tourbillon des immédiatetés de celui-ci ? Comment agir tout en réfléchissant ? Comment réfléchir tout en agissant ?

Ou est ce fin filet qui serpente au milieu de nos pavés ? Nous est-il toujours visible ?

Comment faire pour survivre dans ce monde si différent de ce que nous sommes et pourtant QUI EST ce que nous sommes ? Quelles justes questions nous poser ?

La survie du monde en dépend-elle ou ne sommes-nous que des clowns aux nez rouges, déguisés de tabliers et de breloques se réunissant dans des caves à jouer les importants ? Ma réponse ?

...Pour le monde, je ne sais pas si sa survie en dépend mais…sur la façon nouvelle de l’appréhender pour NOUS préserver et en cela, garder une chance d’oeuvrer encore pour ce nouveau monde, vibrant de technologies et d’innovations, pour notre survie, et celle de la Franc maçonnerie. A cela je dis oui.

Plus nous sentons le besoin d’agir, plus nous devons nous efforcer à la réflexion. Plus nous sommes tentés par le confort de la méditation, plus nous devons nous lancer dans l’action.

Nous devons être, nous Maçons, plus que tout autre humanoïde, Jardinier Attentionné de ce nouveau monde à ensemencer, et être pour cela Cultivateurs Permanents du doute et de la raison, loin de toutes ces perverses vicissitudes de ce monde déboussolé. Cela induira de fait, vous le savez, une force sereine et intemporelle, celle de notre constante humilité. Mais attention, DANGER... Aujourd’hui, affleure à chaque instant, chaque actualité, le problème du mal.

« Je cherche la région cruciale de l’âme ou le mal absolu s’oppose à la fraternité » proclamait Malraux…voilà plus de trente cinq ans. L’auteur de « La condition humaine » a disparu…et TOUS NOS EFFORTS N’AURONT PAS PERMIS DE RESOUDRE malgré tout, ce qui reste sans doute, l’énigme humaine la plus difficilement concevable. Pendant des siècles s’est ancrée, la conception de Saint Augustin, selon laquelle Dieu en créant l’homme à son image l’a créé libre, donc libre de choisir le mal, conjuguée à l’acceptation résignée de la souffrance, de la maladie et de la mort. Dans ses « Essais de Théodicée (1) sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal » parus en 1710, Leibniz expose que pour réaliser le meilleur des mondes possibles, Dieu a dû consentir à y laisser une dose de mal. Un sacrifice nécessaire pour le plus grand bien de ce monde… On connait la suite pour nous maçons, les nommés « premiers nés du diable ».

La théorie leibnizienne par contre, fut contestée de manière frontale par Voltaire et Rousseau. A partir de la catastrophe de 1756, Voltaire composa ses « Poèmes sur le désastre de Lisbonne » dans lesquels il demande d’admettre que NOUS NE SAURONS JAMAIS ce qu’il en est, de l’enchaînement des causes et des effets. Rousseau lui répond dans « La lettre à Monsieur de Voltaire » et nous dit ceci : « Homme, ne cherche plus l’auteur du mal, cet auteur, c’est toi-même... Il n’existe point d’autre mal que celui que tu fais et que tu souffres, et l’un et l’autre te vient de toi ».

Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire… Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau...

Katrina, le tsunami asiatique de 2004…et Fukushima, semblent bien donner raison à M. ROUSSEAU,  tant la part de la responsabilité humaine est évidente. Allons-nous, nous détruire ?

Hannah Arendt, elle aussi taraudée par le problème du mal souligne, à partir de l’expérience de la Shoah, qu’un mal immense peut être causé par une « absence de malignité fondamentale ». En vérité pour Arendt, nos catégories mentales sont impuissantes à décrire et à juger le mal lorsqu’il dépasse l’inconcevable… Terrible constat qui se vérifie lorsque l’on pense, pour ne citer que des exemples emblématiques tirés d’une actualité récente, à l’attitude d’un Mohamed Merad tirant une petite fille par les cheveux avant de lui loger une balle dans la tête, ou à la terrifiante inhumanité d’un Anders Behring Breivik, responsable de la mort de 77 personnes, devant les assises de Stockholm.

Comment espérer encore, dans ce nouveau monde ?... Maçons êtes-vous déjà morts ?...

Martin Luther King disait déjà : Les Ténèbres ne peuvent chasser les Ténèbres. Seule la Lumiere le peut.

Alors : Esperons…Esperons…Esperons…Osons, Osons, Osons…

« Le barbare c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie » nous dit Lévi-Strauss dans « Race et Histoire ».

Nous Maçons, au regard de nos tradition et valeurs, de tout ce qui fonde notre raison d’être, nous refusons de croire à la barbarie et réaffirmons, sans angélisme, mais avec toute la puissance de notre conviction, notre foi en l’Homme et à la nécessité d’aider à son progrès en cultivant la raison mais…sans perdre de vue, que nous ne sommes que des passeurs, des chercheurs vigilants, et qu’il faut toujours garder « humilité présente » car connaitre et penser, ce n’est pas arriver à une vérité absolument certaine, c’est dialoguer avec l’incertitude. Je pense moi, qu’il faut croire tous ceux qui cherchent la vérité et douter de tous ceux qui la trouvent, surtout dans les plus hauts sommets. Les maçons sont des chercheurs, pas des trouveurs. Le doute n’est pas au dessous du savoir…mais au dessus.

A propos de notre monde d’aujourd’hui…ce réel que j’évoquais au début de ma planche prend aussi la forme, nous le constatons chaque jour, d’une réalité sociale qui NE PEUT nous satisfaire, pour rester sur le terrain qui nous occupe, celui de l’humain. Comment ne pas s’alarmer et constater que cette crise qui se décline autour de ce que les économistes appellent les trois « » : inégalité, précarité, pauvreté, débouche inévitablement chez ceux qui en sont les principales victimes, les jeunes, sur un sentiment d’abandon et de désespérance qui remet au goût du jour le fameux slogan « No future ».

Attention Maçons… Un ventre affamé ne réfléchit pas, vous dis-je…

Plus grave au-delà de cette situation que l’on pourrait « espérer conjoncturelle », on voit bien qu’un mouvement de fond traverse nos sociétés occidentales qui est la remise en cause de l’idée impulsée par les Lumières. Idée, selon laquelle l’humanité à travers les écueils et les embûches, marcherait inexorablement vers des lendemains meilleurs. Fini cette croyance. Fini cette hypothèse du 18ème siècle.

Les progrès conjugués de la science, de la médecine, de la technologie, et de l’éducation « devaient » progressivement triompher de la misère, de l’exploitation et de l’obscurantisme. La maçonnerie, a largement contribué à cette philosophie du progrès. Mais faut-il y croire, encore, et encore ?...

Certes, nos prédécesseurs ont eu également à affronter des moments difficiles, parfois sinistres, marqués par des conflits meurtriers ; mais,nous sommes en 2013...

Nous sommes, nous le voyons bien, confrontés à de redoutables enjeux aujourd’hui.

Il est nécessaire de dire à tous, la Liberté n’est qu’idéal et non réalités; l’idéal d’EGALITE est un leurre…

De nos jours, l’Egalité n’est autre que le principe réaliste d’acceptation de l’inégalité. Et la Fraternité n’est que parent pauvre d’Amour et s’éloigne quelquefois devant tant d’égoïsmes divers.

Le temps n’est plus où l’on qualifiait, dans nos constitutions : « d’honnête homme » celui qui pouvait embrasser la quasi-totalité du savoir de son époque pour donner sens à sa vie et au monde dans lequel il évoluait. Ce qui caractérise notamment la période post moderne que nous vivons, c’est l’irruption de cette complexité... Nous sommes un et multiple à la fois :

  • Homo faber, homme producteur, asservi à la machine et au travail.
  • Homo economicus au coeur du commerce,
  • Homo mythologicus doté d’un imaginaire (2), et transcendant sa condition matérielle,
  • Homo ludens, enclin au jeu, à la relation aux autres, et aujourd’hui en ce qui nous concerne,
  • Homo sapiens, théoriquement « raisonnable et humain ».

La Franc maçonnerie, elle, permet dans tout son chemin initiatique de saisir l’homme dans TOUTES ses dimensions et sait que l’animal humain est le produit d’une complexe alchimie.

Moi, je vous dis : N’hésitez pas : Vi-tri-o-lez-vous.

Notre pari, à nous Maçons, c’est celui du Sapiens, celui qui n’ignore rien de l’être multiple, qu’il est. C’est le pari du Sapiens, car c’est le parti de l’Homme, conscient, informé, et lucide. DARWIN disait déjà d’ailleurs en son temps : « Les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes ou les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements » et je rajouterais : la meilleure preuve d’intelligence, (car nous pouvons l’être nous maçons) c’est de raisonner à la fois sur deux idées contradictoires, par exemple : Savoir que les choses sont sans espoir et travailler en fonction de l’espérance. Dont acte.

Et lors des moments de doute, relisons les poètes qui ont tant à nous dire sur l’humaine condition, et c’est Rabin-Dranath Tagore (3) qui ME permet de vous offrir cette réflexion : « Lorsque je jette mon regard tout autour, je rencontre les ruines d’une orgueilleuse civilisation, qui s’écroule, et s’éparpille, en vastes amas de futilités ».

Alors comment faire ?... Castoriadis montre lui, comment l'imaginaire social institue et, parvient à faire tenir ensemble la société. Pour lui, la clé de cette énigme se trouve dans la « force de l'imaginaire ».

La société s'érige par la création « d'imaginaires sociaux qui relient les hommes » et donnent sens à leur action. Religions, idéologies, ou utopies politiques fournissent des croyances communes et structurent l’indispensable lien social. Moi je dis, Il nous faut, ne pas chercher à connaitre les réponses mais à comprendre les questions de ce monde.

Mais créer ces liens…c’est renoncer à la capacité infinie des possibles pour n’en retenir qu’un seul… Nous maçons, avons à faire ces choix. Ce n’est pas simple. Nous avons un rôle à jouer pour cela, rôle que je souhaite important, affirmé, et non honteux.

Un rôle qui n’a rien à voir avec ces textes insignifiants de marronniers maçonniques que l’on trouve dans ces presses qui n’ont qu’un seul but, faire de l’argent sans donner du sens à leur propos.

Ou sont d’ailleurs, ces talentueuses plumes d’antan ?

Elles ont du prendre le même bateau que leurs convictions, et ont coulées dans l’Océan de leurs futilités.

Pour ma part, pour notre futur, je ne céderai pas à la fatale désillusion de perdre confiance en l’Homme, et fixerai plutôt mon regard vers le prologue d’un Nouveau Chapitre.

M’accompagnerez-vous, vous, maçons, maçonnes, sur ce chemin plus que jamais initiatique ?... Mes S\ S\, Mes F\ F\, il nous appartient de participer à l’écriture de ce nouveau chapitre de l’Histoire avec un grand « H » car, …La pensée ne doit jamais se soumettre…Sinon ce serait cesser d'exister.

Même sous la constitution la plus libre, UN PEUPLE IGNORANT EST ESCLAVE et il ne peut y avoir, Ni vraie liberté, Ni justice, dans une société si l'Egalité n'est pas réellement la plus acceptable.

Nous devons donc chercher encore et encore, car l’esprit critique va de pair avec la liberté de conscience. Notre méthode maçonnique est par excellence une méthode du « penser ensemble » et le « penser ensemble », dans le respect des différences porte un nom : C’est la laïcité.

N’oublions pas : on a toujours raison de se révolter, c’est la seule manière de devenirs humains.

C’est dans l’Homme, dans sa raison et dans sa liberté qui constituent sa dignité, qu’il faut fonder les principes du respect de l’autre. Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses propres chaines. C’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres.

C’est ce sens là qui m’a fait m’impliquer pour la Laïcité. Nous travaillons aussi en mixité car nous croyons qu’elle est fondamentale, tant dans la perception du monde contemporain, que dans la compréhension des symboles qui eux aussi, sont masculins et féminins depuis l’origine des temps. Exister c’est coexister.

La Maçonnerie est une vraie chance dans un monde dissocié, déchiré, déshumanisé et facilement violent. Et le modèle maçonnique français par sa complexité, sa richesse, sa diversité, sa souplesse aussi, est une chance plus grande encore dans le monde maçonnique mondial, notoirement en déclin.

Le véritable avenir n’est pas dans l’enfermement, la réclusion volontaire et l’inscription d’une liste de gens fréquentables ou pas, mais dans le partage, l’ouverture et surtout la confiance en soi, mettant un terme à la méfiance et à la peur. En un mot dans la fraternité vécue, et mise en actes.

J’en termine, vous avez compris le message…

…Nous devons plus que jamais, continuer comme nous le faisons en ce jour, en allumant un nouveau Progrès, en éclairant une nouvelle page du Grand Orient De France, en allumant les Feux de notre nouveau et Respectable Atelier Agora, fait d’Hommes et de Femmes, c’est là en ce jour un des symboles de notre devenir…

Ce n’est pas l’espérance qui fait vivre, c’est l’existence qui crée l’espérance qui permet de vivre. Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui, est, je le crois, le propre de l’Homme vous disais-je. C’est tout un programme... Mieux, c’est une promesse à l’Humain. Il nous reste juste, juste cela… A respecter nos serments, afin qu’une Aube Nouvelle se lève. Le Roi est mort, vive le Roi.

J’ai dit.

D\ R\

Je me suis permis de joindre à l’intention de notre Secrétaire les trois bio et réflexions de mes accompagnants dans ce travail : Théodicée par Leibniz, L’imaginaire par Castoriadis et Edgar MORIN, et les poésies de Tagore. Mes S\ S\, mes F\ F\, V\ M\, J’ai dit.

(1). Théodicée, terme créé par Leibniz (cf. Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal, 1710), « » désigne la justification de la bonté de Dieu (thèse de l'optimisme), en dépit du mal inhérent au monde. En France, l'école éclectique (seconde moitié du XIXe siècle) a appelé théodicée l'une des quatre parties du cours de philosophie (psychologie, logique, morale, théodicée). Cette quatrième partie comprenait les preuves de l'existence de Dieu, la définition de ses attributs, la réfutation des objections tirées du mal physique ou moral. Ultérieurement, le terme théodicée est devenu synonyme de théisme philosophique, par distinction d'avec un théisme théologique qui ajoute aux arguments de raison des arguments de foi. Heidegger et ses disciples critiquent sous le nom d'onto théologie toute théodicée, tout théisme (qui recouvre à leurs yeux une confusion entre l'Être et l'Étant, ou entre l'Être et les êtres).

(2). L'imaginaire est une composante essentielle des sociétés modernes. Il est présent dans les représentations sociales pour Castoriadis, il représente même le « ciment » de la société et Edgar Morin Imaginaires sociaux (né en 1921). Selon Edgar Morin, l'homo sapiens est aussi homo demens. La vie imaginaire enrichit et organise la réalité. E. Morin a mené au début de sa carrière de nombreux travaux sur les imaginaires sociaux et les phénomènes de communication. Dans Les Stars, E. Morin décortique le star system. La star (Marilyn Monroe par exemple) incarne un imaginaire ancré dans les croyances de la société moderne (une fille « ordinaire » devient alors une déesse). Elle fait l'objet d'un culte, d'une légende. E. Morin montre aussi comment la fiction permet de comprendre et d'interpréter le réel (le spectateur se met « à la place » du personnage). Dans La Rumeur d'Orléans, E. Morin met au jour, au prix d'une longue enquête de terrain, les mécanismes et leurs composantes (fantasmes, mythes, obsessions, angoisses) qui concourent à l'émergence et à la diffusion de la rumeur.

(3). Rabindranath Thakur / dit Tagore, connu aussi sous le surnom de Gurudev est un compositeur, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe indien dont l'oeuvre a eu une profonde influence sur la littérature et la musique du Bengale à l'orée du XXème siècle.


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