Obédience : NC Loge : NC 07/11/2003


Le Silence : Comme un Accord

Je suis né un soir de février 2002 entre midi et minuit, au même instant que mon jumeau.
Après avoir voyagé dans les ténèbres et les tourments j’ai aperçu la lumière.

Apres avoir reçu trois petites tapes sur l’épaule et avec une profonde respiration, j’ai poussé un grand « Ouf » de soulagement, mais je n’ai jamais eu le temps de crier ma vie.

Mes frères m’ont dit, « Petit frère tu seras sur la colonne du Nord et tu travailleras en silence ».

Surprenant de savoir que l’on est né naturellement à l’âge de trois ans, et que contrairement au nouveau-né je n’avais pas le droit de pousser mon premier cri.
Etait-ce le privilège de l’âge ?
Honnêtement je n’en avais pas non plus l’envie.

Mon arrivée dans cette nouvelle famille, dans un premier temps ne fut pas des plus faciles.
Assis sur ma colonne, à l’ombre de la lumière de la lune, de temps à autre un vent glacial m’envahissait, normal la lune n’est pas le soleil.

Et pour cause, avant dans les ténèbres, j’étais bien au chaud et jamais je ne me souciais de mon environnement.
J’étais bien entouré et enveloppé du bien et du mal, ainsi leur simple présence me prouvaient que j'étais vivant et me faisaient oublier ma propre existence.
J’étais surtout occupé à respecter la conformité des choses, et à déjouer les habituelles fourberies, je naviguais parmi ces écueils.

Depuis que la lumière me fut offerte, j’étais seul dans un nouvel ensemble.

Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.
Personne ne m’avait poussé à frapper à la porte de ce temple.  

Je me suis donc assis, dans cet état de silence.
Je regardais avec émerveillement et inquiétude, cette cérémonie et ce rituel.
Atmosphère dans laquelle ma seule participation était d’être présent en raison du mutisme.
Ma présence au premier abord se limitait à me lever, à m’asseoir et à faire les signes et les gestes.
J’étais un automate qui imitait les membres de cette nouvelle assemblée. J’avais une vague impression d’apprendre à avancer les pieds sans vraiment savoir comment marcher.

On m’avait donc offert en guise de bienvenue « le silence ».
Silence pesant s’il en est.

Effectivement mon installation se fit dans une forme un peu abstraite du mutisme, d’absence de parole, dans le respect d’un état sans bruit.

Pourtant autour de moi, mes frères avaient des débats d’idées, francs, courtois et respectueux.
Il y avait des échanges triangulaires.
Même si certains frères semblaient avoir oublié la règle du triangle ou la primauté de la réserve et du silence sur les colonnes.
Cette situation me troublait.

Cependant j’étais conforme à l’attitude que l’on m’avait assignée et demandée en entrant dans cette association.
Gants blancs, chemise blanche, tenue et cravate sombres, tablier à la bavette relevée, avec comme seul complice mon silence.

Pénible situation lorsque l’on vous fait faire les trois premiers pas pour oser ainsi franchir les portes du temple.

Ma formation professionnelle m’avait habitué au silence.
Vous savez le silence du vendeur qui écoute son interlocuteur pour noter et utiliser les objections de son client afin de lui monter les bienfaits du produit qu’il doit lui vendre.

Là je n’avais rien à vendre, personne à convaincre et rien à prouver.

C’était un silence gratuit.
Pourquoi une telle situation et un tel état ?
Alors que la franc-maçonnerie se dit philosophique et progressive.

Il fallut attendre une bonne année, et cependant j’avais toujours trois ans, pour trouver que le silence n’était plus une charge, qu’il n’était plus pesant et ni dérangeant.

Il était devenu un fidèle complice, un compagnon fiable, un outil précis. Un miroir dans lequel je pouvais regarder en moi-même.
Je venais de découvrir une nouvelle facette de ce diamant appelé Silence.
J’avais découvert que le silence n'était pas seulement une absence de bruit comme nous l’annoncent les encyclopédies, mais qu’il était pour nous bien plus.
De ce mutisme nous avions une perception d’un état dont on ne peut parler mais que nous pouvions symboliser.

Le silence est un dessein, un chemin et une voie (V O I E) interne, c’est aussi un son, un appel et une voix (V O I X) intérieure.

L’apprenti reçoit le silence, ce présent qui lui permet de s’expérimenter seul face à lui-même.
Je ne parle pas là du silence maçonnique, qui nous demande de la discrétion et de la non-divulgation des secrets et les mystères qui nous ont été dévoilés, ni du silence de l’état maçonnique, que nous devons avoir vis-à-vis de nos frères.

Le silence est bien l’outil de la lumière, qui est hélas absent du tableau de loge.
Cet outil qui nous permet d’entendre, d’écouter, et de comprendre ce que l’autre cherche à nous exprimer et d’éviter ainsi les quiproquos qui mènent à l’agression.
Entendre, comprendre et supporter une conviction qui n’est pas sienne.

J’ai découvert un silence constructif, proche de la méditation, un silence qui nous fait reconnaître les pierres blanches et les pierres noires de notre chemin intérieur.

Le silence qui nous révèle nos passions, nos failles, nos défauts, mais aussi nos valeurs, nos convictions et nos espoirs.
Celui-ci qui n’est, ni une règle, ni un dogme, juste un outil individuel et collectif qui nous pousse au respect des autres et de soi-même, qui nous ouvre les portes de notre inconscient.

En fait un silence, qui met à mal notre architecture interne, parfois au point de l’ébranler.
Ainsi, au plus profond du miroir, il ne nous reste plus qu’à reprendre nos outils et nous remettre à reconstruire l’édifice en péril.

Le silence nous pousse à écouter, non seulement avec nos oreilles, mais aussi avec notre cœur pour revisiter la fraternité.

Etre au silence n’est-il pas simplement apprendre à mettre nos connaissances en sommeil, pour mieux écouter, entendre l’autre sans juger, juste pour comprendre le pourquoi et le comment des expressions.

Cette mise en sommeil de nos acquis nous permet de mieux nous visiter, nous connaître, pour nous comprendre avant de comprendre le monde qui nous entoure, pour découvrir nos ignorances et surtout les reconnaître avec humilité.

Poser le silence en soi nous pousse vers une voie individuelle dans laquelle on découvre les bienfaits de taire les révoltes qui grondent en nous afin de mieux écouter notre conscience et d’agir avec efficacité.

Cet outil qu’est le silence donne à l’apprenti le temps et la maîtrise du travail, ainsi ces qualités lui permettront d’être en accord avec lui-même.

J’ai dit Vénérable Maître en chaire, Vénérables Maîtres et Maîtresses à l’orient et vous tous mes sœurs et mes frères en vos grades et qualités.

F\ P\


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