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Le prologue de St Jean et le rituel REAA

Prologue Vient du grec « pro logos », « pro » signifiant avant et « logos » discours, donc c’est un discours introductif ou préambule.

St Jean l’évangéliste, frère cadet de Jacques, dit le majeur, etait fils de Zébédée et l’un des 12 apôtres. Il fut l’apôtre que Jésus aimait, d’où son surnom de préféré. Il serait né en Galilée à Beth Saïda. Après la mort du Christ, il mènera une activité de missionnaire au côté de Pierre. Puis, après le martyre de ce dernier, il voyagera en Asie mineure pour finir évêque d’Ephèse. Il décèdera selon la tradition en 99, âge avancé mais plausible.

Ce Ioan ou Ioannés (du nom grec) aurait reçu des enseignements que les autres disciples ne reçurent pas parce qu’il représente, dans la hiérarchie des puissances spirituelles, le chef des initiés à la Gnose chrétienne ainsi que de l’église ésotérique.

La crédibilité de son évangile est confortée d’une part par l’exactitude des descriptions des monuments de l’époque (démontrée suite à des fouilles) et qui ne figurent pas dans les autres évangiles, et d’autre part par plusieurs documents authentifiés (dont 2 papyrus) qui datent le document original entre 90 et 130 de notre ère. Une théorie voudrait que st Jean aurait rencontré un autre Jean, le prêtre, qui aurait effectué la rédaction sous la dictée de st Jean. Quant au prologue, il pourrait être l’œuvre d’un 3 ième Jean, très marqué par la pensée grecque.

Par ailleurs, aucun des autres évangiles ne commence par un prologue qui proclame les grands mystères de la création.

Le texte de l’évangile de St Jean a été choisi car il possède de nombreuses approches symboliques dont l’importance des nombres. En effet, le nombre 7 apparait couramment, dont les 7 strophes du prologue et il utilise à chaque instant 3 symboles : la lumière, le verbe incarné et la vie.

L’aigle, symbole de l’évangéliste, incarne une hauteur de vue, un regard universel et synthétique qui a séduit les grands maçons du 18ème qui ont considéré que le prologue représentait une réponse à leur recherche, une invite à consolider leur démarche et une nourriture convenant à leur faim spirituelle. Il s’agissait de mettre au cœur de la tenue ce logos, qui est la parole mais aussi l’esprit qui doit être sans cesse en mouvement et en création.

C’est en cela que l’initiation du REAA est un processus de transformation intérieure qui fait de l’homme un individu authentiquement libre et responsable, c’est-à-dire devenu apte à comprendre que toute vérité ne peut venir que d’en haut. Dans cette perspective, dès le grade d’apprenti, l’adepte est invité à découvrir la profondeur de sens du prologue de l’Évangile de Jean qui fait du Verbe la lumière qui éclaire tout homme. Cet évangile a ce double facteur de toucher l’esprit qui a besoin de comprendre et le cœur qui a besoin d’aimer.

Parmi les nombreux évangiles qui existèrent, celui de Jean diffère profondément de tous les autres. C’est celui qui a donné lieu au plus grand nombre de commentaires. Il constitue, en effet, l’évangile ésotérique du christianisme, c’est pourquoi son étude est du plus haut intérêt.

Luther déclarait que l’Evangile de Jean était bien l’évangile par excellence, l’évangile unique et tendre. « Cet évangile suffirait et nous pourrions nous passer des autres » disait-il. Sur l’autel de nos loges, le livre de la loi sacrée, ouvert au prologue de Jean est offert à la réflexion du maçon du rite REAA pour qu’il découvre la clef du message johannique. Il nous invite en premier lieu à rechercher la vérité dans son acception initiale qui en fait le contraire de l’erreur, la « sublime vérité » se maintenant toujours hors de notre portée. La maçonnerie voit dans la bible le symbole de la tradition ; le livre sur lequel nos sociétés ont construit, depuis leur origine, leur morale collective et leurs règles de vie privée et publique.

Le volume de la loi sacrée n’est pas un livre d’une religion particulière. Il propose une vérité universelle car il ne définit aucun dogme ; il reflète une loi morale qui est fondée sur l’amour de chacun pour l’autre et l’amour de cette pensée universelle qui nous domine et nous entoure.

Selon Hubert GREVEN, ancien grand commandeur du Suprême Conseil, les thèmes dégagés par Jean dans le cadre de la tradition primordiale se retrouvent dans l’idéal du REAA, à savoir la quête de la parole et de la lumière à travers l’amour fraternel, la justice envers les hommes et la recherche de la vérité.

Le REAA, qui reconnait l‘existence d’un principe créateur, conformément au manifeste du convent de Lausanne de 1875, pose comme Jean, le postulat qu’il existe un principe suprême reposant sur la parole et la lumière.

Le concept du GADLU est un symbole moins réducteur et moins contraignant que l’interprétation du Dieu révélé des religions et donne une approche métaphysique accessible à la raison humaine.

C’est ce qui a conduit un certain nombre de grandes obédiences à utiliser le prologue en ouverture, à savoir la GLDF, la GLNF (et ses dérivés) et la GLFF. Il s’agit de mettre au cœur de la tenue maçonnique le Logos, fortement présent dans le prologue de Jean mais aussi l’esprit qui doit être sans cesse en mouvement et en création pour vivre.

Les anciens maçons du Rite Ecossais ouvraient leurs travaux par ce rituel : « Frère 1er surveillant comment s’appelle la Loge ? V\ M\, la loge de St Jean. Pourquoi ? Parce que St Jean Baptiste et St Jean l’évangéliste ont été les patrons des anciens maçons. Allez plus loin. St Jean Baptiste est le précurseur de la Lumière et St Jean l’Evangéliste est celui qui a rendu témoignage à la Lumière et qui a été choisi pour transmettre aux hommes L’évangile de l’amour. Il est considéré comme un initié parfait ».

De même, c’est en pleine Lumière que les travaux étaient ouverts à la gloire du GADLU et que dans certaines Loges du REAA, les Frères écoutaient debout le Frère Expert donner lecture du prologue de Jean ; ce même Prologue que jadis le prêtre, considéré alors comme initié, devait lire mais pour lui seul, après le ite missa est.

Pourquoi un livre ? Question paradoxale puisque toute notre tradition est orale. En fait, d’après MAZZOLA, tout se passe comme si notre démarche avait besoin d’un livre. Il y a là quelque chose de profondément occidental, dans cette référence à un livre qui est en quelque sorte notre odyssée.

Dans un seul cas particulier, il est admis que le Livre de la Loi Sacrée puisse etre un autre volume que la Bible. En effet, lorsque le récipiendaire, non encore un F\ M\, doit prêter son premier serment, il est important que celui-ci soit effectué sur un ouvrage qui soit une référence pour la personne qui fait serment et soit porteur pour elle d’une signification forte, ceci afin que l’engagement possède une valeur personnelle aux yeux et à la conscience de celui qui s’engage. Pour cette raison, le serment peut être porté sur un autre passage de la Bible, de l’ancien testament par exemple, ou même un autre ouvrage de spiritualité.

Cependant et malgré cela, par la suite, l’admission aux grades de Compagnon puis de Maître ne pourra se faire que si le postulant a compris et intégré le sens du prologue de st Jean et il prêtera obligatoirement serment sur une Bible ouverte au prologue de St Jean.

La fraternité qui règne et unis les membres de l’obédience de la GLDF tient à cette unité de principe et d’engagement sur une même source de tradition et de valeurs spirituelles.

L’évangile de Jean est mentionné dès la fin du 17ème siècle, puisque le manuscrit d’Edimbourg, qui date de 1696 énonce que « le maçon doit prêter serment sur st Jean ».

Dès 1710, le manuscrit Dumfries précise que la bible, le compas et l’équerre sont les 3 colonnes de Loge. La transposition en tant que grandes lumières est effective dans le rituel promulgué en 1760 sous le titre « the 3 distinct knockd ».

En 1730, Samuel Pritchard dans son ouvrage « masonry dissected » évoque « d’où venez-vous ? De la sainte loge de st Jean ».

En tout état de cause, la maçonnerie française introduisit dans ses rituels dès 1745 le serment prêté sur l’évangile de Jean qui doit être embrassé par l’impétrant devant les Frères assemblés.

En France, on verra le GO substituer au prologue le livre de la constitution dès 1786 ; La GL, suite à un accord avec le GO le fera en 1938. En septembre 1953, Le Convent de la GL a décidé que « les obligations seront prêtées sur l’équerre, le compas et un livre de la loi sacrée, ce dernier étant considéré, sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le maçon qui s’engage à œuvrer éternellement à dégager l’ordre du chaos ».

Ce fameux prologue a fait l’objet de quantité de traductions par rapport au texte initial (j’en ai dénombré 7) dont on dit qu’il aurait été écrit en araméen puis traduit en grec. Celui de nos tenues est celui de la bible de Jérusalem utilisé par les catholiques, mais GREVEN, grand spécialiste du grec, en a fait une beaucoup moins religieuse bien sûr. Je vous distribue deux documents : le premier recto avec 5 débuts de traduction dont la Bible de Jérusalem, le second en recto verso les traductions de LEON DUFOUR et de GREVEN.

Essayons maintenant d’analyser les versets et la correspondance avec le rituel.

La notion de Logos est bien antérieure aux évangiles. Le père Humbert BIONDI fait remarquer que cette notion de parole ou verbe-démiurge se trouve déjà dans les spéculations égyptiennes du 15 siècles av JC. Héraclite, au 6iéme siècle avant notre ère, déplorait que les hommes soient incapables de comprendre la permanence du Logos bien que celui-ci soit à l’origine de la pensée humaine. Dans l’antique philosophie grecque le logos est en fait le principe qui gouverne le cosmos, la source de toute activité, de toute création et génération, notion assimilée aussi par les gnostiques.

Le Logos n’est pas une création de Dieu, comme peut l’être la sagesse, il est l’expression de Dieu, sa manifestation. D’après PHILON D’ALEXANDRIE, le Logos est avant tout un intermédiaire non divin entre Dieu et les hommes.

D‘après Paul LE COUR, Le verbe exprime l’action. Par ailleurs, il est un verbe-principe, c’est le Verbe être, lequel caractérise essentiellement l’existence, il est contenu dans les autres verbes. La phrase de Descartes « je pense donc je suis » devrait être transformée en « je suis donc je pense ».

Le terme de « lumière » signifie à la fois le principe suprême et la méthode pour y parvenir ; les penseurs du 17ème reprendront cette idée des 2 sens du terme lumière : dieu comme lumière et la lumière naturelle qui est en chacun de nous comme disait DESCARTES. C’est notre initiation…elle éclaire le chemin vers le divin, vers le couple lumière/ténèbres. Pourtant comme le dit le prologue, cette lumière est entourée par la ténébre. « La lumière était dans la tènèbre ». Mais jamais la ténèbre ne peut anéantir la lumière, tout au plus l’obscurcir.

Les notions de vie, de plan, d’architecte, de « salut » sont au cœur de notre processus initiatique et les principes de notre démarche, compatibles avec une lecture symbolique de Jean sans qu’on ait besoin de se référer à quelque religion dogmatique et/ou révélée. De même les valeurs qui guident notre action ne sont pas incompatibles avec l’enseignement de Jean. Ces valeurs qui sont aussi celles des lumières du 18ème sont la valeur infinie de la personne humaine, l’égale dignité de tous, la mission spirituelle de l’homme, la perfectibilité infinie et enfin la notion d’espérance, postulat de toute notre démarche.

Luc STEPHANE indique qu’il faut insister sur le fait que les premiers versets de ce prologue ne font aucune référence à Jésus, ni plus généralement à rien qui soit de la foi chrétienne. Le prologue de l’évangile évoque le commencement des temps. L’expression grecque qui ouvre le texte de st Jean, « en arké » a le même sens que « bereshit », le premier mot de la genèse.

PHILON d’ALEXANDRIE estimait que le logos serait une entité spirituelle intermédiaire entre dieu et sa création.

Pour être plus précis, je reprendrai ici l’analyse détaillée du Prologue qu’a faite Hubert GREVEN, notre passé Grand Commandeur car je n’ai pas la prétention de mieux analyser que lui. Vous pourrez suivre si vous le voulez sur sa traduction que je vous ai distribuée. Comme je l’ai indiqué plus haut, il été jusqu’à présenter une traduction originale du prologue que nous allons commenter.

1er verset : dès l’ouverture se pose le problème de la traduction du terme logos que la bible de Jérusalem traduit par verbe, mot emprunté au latin verbum, désignant un mot. Or logos en grec est moins restrictif puisqu’il veut d’abord dire parole. Enfin dieu est un terme spécifique à la religion chrétienne. Or il provient d’une racine indo européenne « bha », dénotant l’idée de brillance (ou lumière) et celle de parole, d’où sa traduction remplaçant dieu par lumière.

Ceci revient à dire que la parole existe depuis l’origine du monde créé et accompagnait la lumière. La fusion des deux concepts implique que le Principe Créateur est à la fois Parole et Lumière.

Versets 2 et 3 : la vertu créatrice de la parole se rencontre encore dans les sociétés primitives, ou le nouveau-né n’accède à l’état de créature qu’à partir du moment où il lui est donné un nom, acte de parole.

Versets 4 et 5 : Jean met en place le couple Lumière/ténèbres qui se développe tout au long de son évangile selon 3 axes principaux : De même que le soleil illumine la route, de même est lumière tout ce qui éclaire le chemin vers le divin, c’est le principe même de l’initiation.

La lumière est symbole de vie, de bonheur, de joie par opposition aux ténèbres, symbole de mort, malheur, tristesse ; aux ténèbres de la captivité de ses passions s’oppose la lumière de la libération et du salut. Enfin le dualisme lumière/ténèbres caractérise les 2 mondes opposés du Bien et du Mal. Ainsi les hommes se séparent entre « fils de lumière » et « fils des ténèbres ». cette opération s’est manifestée par la venue de la lumière, obligeant chacun à se prononcer pour ou contre elle.

Verset 9 : suite à un contresens d’interprétation entre se rapportant à l’homme et lumière, il faut comprendre « la parole était la lumière, la vraie, celle à laquelle il appartient d’éclairer tout homme, elle fit son entrée dans le monde ».

Verset10 : dans ce verset, il faut savoir que « le monde » possède ici 3 sens différents : c’est tantôt l’univers, tantôt le genre humain, tantôt encore le monde profane, d’où la traduction de GREVEN.

Versets 13 : Jean implique que son origine n’est pas dans le genre humain mais résulte d’une volonté supérieure à l’homme, la volonté divine d’amener la lumière parmi les hommes ; il s’agit de la lumière venue d’en haut éclairer le genre humain pour lui permettre d’accéder à la vérité.

Verset 14 : il franchit une nouvelle étape. La parole s’est incarnée dans le grand initié qu’était Jésus qui l’a transmise au genre humain. Si l’homme, faible et mortel, garde cette parole, il accèdera à la vie éternelle, celle de l’esprit.

Versets 16 à 18 : « oui de sa plénitude nous avons tous reçu et grâce pour grâce » signifie qu’une nouvelle grâce (nouvelle alliance) se substitue à l’ancienne.

« Nul n’a jamais vu dieu » justifie qu’il est aussi impossible de démontrer son existence que de la nier. Seuls ceux qui allient foi et raison sont capables de rechercher la parole qui donne la lumière et la lumière qui engendre la parole, et ainsi de parvenir à la véritable initiation ; seule la grâce, c’est-à-dire le passage de l’initié à la lumière permet d’accéder à la vérité.

Conclusion

D’après J\ J\ GABUT, c’est par le feu, « la Lumière intellectuelle pleine d’amour », dont parlait, DANTE que le F\ M\ est transmué et par la même rayonnant à son tour de la Lumière acquise, qu’il œuvre au terme de sa vie pour le bien des Frères et de l’humanité.

Travaillant dans une loge de st Jean, le F\ M\ fait sienne la loi d’amour. Il ouvrira son coeur et son esprit et cet agapè lui permettra de progresser vers la lumière. Cette lumière qui est aussi verbe, parole, créatrice et organisatrice de l’univers et qui éclaire les ténèbres est l’essence même de la vie.

Certains F\ M\ se revendiquent fils ou descendants des Lumières du 18ème, mais plus encore, par la sincérité de son serment sur les 3 grandes lumières, le F\ M\ entre dans une dimension de vie nouvelle et il peut alors se dire « né de la Lumière ».

V\ M\ J’ai dit.

B\ K\


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