L’Attouchement
« Prendre, avec la main droite,
celle de l’interrogateur, presser
légèrement avec
l’extrémité du pouce la
première phalange de l’index et frapper par un
mouvement invisible trois coups,
les deux premiers rapprochés, le troisième plus
espacé ».
Ceci est la définition de
l’attouchement figurant dans l’instruction au 1er
degré du G\O\D\F\
au rite français et ma toute première
réflexion a été qu’il doit
s’agir, avant
toute autre chose, d’un lien de
cœur entre deux personnes partageant les mêmes
aspirations. C’est tout l’objet de cette planche.
Pour autant que je sache, cet attouchement se pratique
essentiellement en 2 circonstances: à l’occasion
du tuilage et, éventuellement, dans la vie de tous les
jours. Bien qu’ayant été plusieurs fois
Rue Cadet, je ne l’ai pas pratiqué puisque le
tuileur m’a, chaque fois, fait l’accolade
accompagnée du frappé sur
l’épaule et en me demandant à
l’oreille les mots de semestre. D’attouchement,
point. En fait, la seule fois où je l’ai
pratiqué, et encore était-ce un attouchement de
circonstance, c’est lorsque notre F\G\E\ me l’a
appris lors de mon initiation, il y a moins de cinq mois.
Ceci étant, la symbolique de
l’attouchement du 1er degré, par ses 3 coups
pressés comme il est dit dans la définition, est
celle qui doit se pratiquer toutes les fois où
l’apprenti doit communiquer: ainsi pour
l’entrée du temple, pour la batterie et pour
toutes les manifestations ternaires. Nous sommes là en plein
dans la symbolique des 3 points du triangle, base de la trilogie en
usage au G\O\D\F\.
J’ai donc procédé à quelques
recherches, modestes, qui m’ont fait
découvrir au fil de quelques lectures que pratiquer
l’attouchement pouvait être délicat,
voire dangereux, voire carrément
déconseillé dans certains cas dont
l’appréciation appartiendra à chaque F\
concerné.
Bien entendu, j’ai essayé de rendre mon
travail sur l’attouchement le plus complet possible en
étant conscient de mon inexpérience et de mes
connaissances limitées mais, en tout cas, et je dois dire
que cela n’a pas manqué de
m’étonner, je l’ai fait avec une
espèce de douce frénésie en
allant chercher des informations, puis d’autres
appelées par les précédentes et ainsi
de suite. Pour un travail qui m’avait semblé
à priori anodin quand mon surveillant me l’a
donné, mais évidemment il savait très
bien ce qu’il faisait, imaginer d’en faire un livre
ne me semble finalement pas impossible. D’ailleurs, il en
existe peut-être et là je me suis volontairement
retenu de le vérifier pour ne pas être
tenté d’aller chercher des informations qui
m’auraient peut-être bien aidé mais ce
qui m’aurait sans doute supprimé les
plaisirs de la recherche et de mon apprentissage.
Voici donc le résultat de mes réflexions, en
débutant par madame De Staël qui
écrivait, évoquant les francs-maçons,:
« des hommes,
dont le caractère a quelque profondeur, qui cherchent
à se distinguer du reste des hommes par quelques signes ».
Après réflexion,
j’ai opté pour
l’ambiguïté de cette phrase dont le
côté positif avec la profondeur de
caractère me semble assombri par la fin.
L’œuvre de madame De Staël ne
m’est pas toutefois pas familière et je ne sais
pas si cette remarque sur les francs-maçons se veut une
critique plus ou moins négative ou une observation positive.
Se serrer la main est pour
l’humanité un acte civil très ancien
duquel ne peut se dissocier l’attouchement
maçonnique mais je ne suis pas sûr du tout, si
tant est que la franc-maçonnerie soit présente
dans ces pays, que des Japonais, les Asiatiques en
général, sans parler des Esquimaux qui
paraît-il se frottent le nez pour se saluer, puissent
aisément le pratiquer, du moins tel que nous le concevons.
Nous savons aussi que les Templiers se serraient les mains et les
avant-bras d’une manière particulière
pour se saluer; certains historiens établissant une relation
directe entre eux et les F\M\,
nous pouvons peut-être trouver là une des origines
de l’attouchement. Origine sûrement
intermédiaire puisque j’ai trouvé des
traces plus anciennes, très anciennes
même dont je parlerai plus loin.
Pour les autres, c’est-à-dire nous tous qui nous
serrons les mains à titre de salut, l’attouchement
peut être un signe supplémentaire de
reconnaissance mais aussi, et
surtout, le PREMIER signe de reconnaissance
éventuel. Pour ma part, je ne l’ai
pas encore pratiqué; aussi serai-je extrêmement
attentif à le faire ou non quand je jugerai me trouver dans
une situation appropriée.
Quoi qu’il en soit, je suppose
qu’après une rencontre dont je pourrais penser que
la personne, par son comportement, puisse être un F\M\, lui serrer la
main pour lui dire cette fois « au
revoir »
et pratiquer l’attouchement à ce
moment-là peut être le
bon moyen de me faire reconnaître si j’en ai envie
ou si je souhaite savoir pour l’autre personne.
Toutefois, il y a encore moins de quatre mois,
j’ignorais jusqu’à l’existence
même de ce signe. Je suppose donc qu’il
en est de même pour la plupart de mes concitoyens et, dans ce
cas, si la personne en question n’est pas un F\M\,
elle en sera quitte à se questionner sur la signification de
mon geste.
Alors, je
m’interroge quant à
l’interprétation éventuellement
ambiguë, voire négative, de ce geste
vis-à-vis de ma personne, donc de ses
conséquences elles aussi éventuellement
ambiguës voire négatives et cela conforte mon
intention d’être très prudent, voire,
pourquoi pas, attentiste, avec le risque, dans cette
hypothèse, de rater quelque chose. Mais se
dévoiler à un profane me semble être un
aléa potentiellement plus grand que le risque de
peut-être rater quelque chose de positif.
L’extrême prudence s’impose donc dans
tous les cas et cette prudence pourra toujours s’exercer par
d’autres moyens de reconnaissance, par exemple au fil
d’un dialogue de plus en plus précis.
Ceci étant,
j’ai pu vérifier dans un Manuel des convenances et
des bonnes manières (édition de 1959) qui est
dans ma bibliothèque que, je cite: « la
poignée de main, entre égaux, se donne sans
élever la main, sans la secouer, par un unique et
léger mouvement de haut en bas ».
Le manuel précise « entre
égaux », ce qui va
plutôt bien avec notre philosophie mais qui indique
peut-être, dans l’esprit du rédacteur,
qu’il puisse exister des différences entre
personnes.
Ces
éventuelles différences ne sont
d’ailleurs pas forcément négatives car
il pouvait être fait allusion à des
différences de grades militaires, par exemple, ou encore une
poignée de main entre un homme et une femme.
Néanmoins, au plan des convenances, l’attouchement
semble donc correct et facilement applicable sans digression.
J’ai voulu en savoir plus et j’ai donc
feuilleté quelques livres et dictionnaires,
maçonniques et profanes. Ainsi, je me suis
rappelé qu’en géométrie «
le point où des lignes se
touchent sans se couper est appelé point
d’attouchement ».J’aime
beaucoup cette définition dont il me semble
qu’elle peut s’intégrer à
notre symbolisme d’autant que les mathématiques
sont indissociables de l'architecture. Ainsi, un F\M\
qui pratique l’attouchement en serrant la main
d’une autre personne le fait par la simple action de la
toucher sans l’offenser – au contraire
-, sans interférer dans sa vie, sans passer sa
ligne de liberté personnelle DONC sans se
heurter mutuellement ou plutôt sans se couper
comme il est dit des lignes de géométrie. Sur ce
point précis, j’espère seulement
n’avoir pas dit d’ânerie puisque nous
avons maintenant un professeur de mathématiques parmi nous.
Tout ce que je viens de dire relève de la vie
contemporaine de l’attouchement maçonnique et il
est bien possible qu’il y ait d’autres
détails – ou plus que des détails
d’ailleurs – que je ne connais pas encore.
Pour ce qui est de l’histoire plus ancienne,
sans toutefois reparler des Templiers, il a
été établi que leurs
métiers manuels imposèrent aux maçons
du moyen age l’invention de signes et de mots de passe. On
peut toujours penser que l’attouchement était un
de ces signes.
Egalement au chapitre de l’histoire ancienne
toujours génératrice de nos actes modernes, le F\
Robert Freke Gould, écrivain anglais F\M\,
écrivait ceci, au début du XX°
siècle, dans son Histoire de la
Franc-Maçonnerie, je cite « L’usage
des signes et des mots de passe par les maçons anglais du
moyen age constitue une véritable conjecture et devient
probable ou improbable selon que nous affirmons ou que nous nions que
les coutumes des francs-maçons actuels sont un
héritage des temps anciens. Mais il n’existe
aucune évidence pour soutenir qu’elles furent
inventées sous la pression de la
nécessité ».
Il est intéressant de
noter cette incertitude dans l’esprit du F\
Gould dont j’ai cru comprendre que
l’œuvre faisait toujours
référence. Il laisse ainsi entendre que les
signes en question, et probablement l’attouchement parmi eux,
n’ont pas été
créés comme une nécessité
que nous estimons cependant indispensable de nos jours.
Nous pouvons raisonnablement déduire que
l’attouchement, signe parmi d’autres signes,
remonte très loin dans les temps d’autant que nous
savons, avec certitude cette fois ( Les Trois siècles de
la maçonnerie française par
André COMBES ) que, vers 1740, la simple
cérémonie de réception devint une
véritable initiation du profane, assortie d’un
rituel qui s’étoffa ensuite au fil des
années mais déjà doté de
signes de reconnaissance.
Avant de conclure, je tiens à vous dire que
je suis allé chercher d’autres informations dans
l’Histoire et Initiation de la Franc-Maçonnerie
(1975) de Christian Jacq. Au sujet de l’attouchement, il
raconte avec force détails que les enfants d’un
certain LAMECH, descendant d’ADAM,
créèrent la géométrie et la
musique pour JABAL quand TUBALKAIN créait
l’alchimie et l’art de forger. Ils inscrirent les
résultats de leurs découvertes sur 2 grandes
colonnes de pierre puis le déluge engloutit tout sauf,
justement, les 2 colonnes qui furent ensuite retrouvées par
un certain HERMES, ou HERMORIAN, qui prit alors le nom de NEMROD.
Celui-ci se mit à édifier des
tours, des palais, des temples et apprit à tous ses
frères maçons des signes et des attouchements
rituels qui leur permettraient de se reconnaître entre eux
dans n’importe quel pays.
Je ne sais pas si cette trace est admise comme plausible.
L’est-elle ? Dans ce cas, on pourrait dire que
l’attouchement, évidemment pas
forcément dans sa forme actuelle, est aussi vieux, ou
presque, que le monde.
Pour conclure, je voudrais vous citer cette jolie phrase de George Sand
:
« L’attouchement
d’une main pure et bien vivante pouvait écarter le
mal »
Une rapide analyse m’a permis d’y
trouver, presque à chaque mot, pour ne pas dire tous, un
sens maçonnique:
Ainsi de cette main
qui, donc, pratique l’attouchement.
Cette main qui
est pure
et je pense à ce but ultime qu’est la perfection
vers laquelle nous devons toujours tendre. Cette main qui est vivante,
donc libre, humaine. Cette main qui a le bien en elle, donc
évocatrice de fraternité,
d’égalité.
Finalement voilà une belle phrase mais bien
mystérieuse, pour moi en tout cas, dont je doute
qu’elle ait un rapport avec la franc-maçonnerie
– quoique…-mais je m’arrête
là car cette analyse pourrait être beaucoup plus
appuyée et je me suis déjà
autorisé une grande liberté.
Pour conclure vraiment cette fois, je ne peux
m’empêcher de vous dire qu’une citation
de Montesquieu a rythmé en permanence mes
réflexions et j’avoue que je n’arrive
pas à savoir pourquoi car elle ne semble pas avoir de
rapport avec l’attouchement. Et pourtant j’ai
cherché. « La
liberté est de faire tout ce que les lois permettent » extraite
de « De
l’esprit des lois ». Il est
vrai que ces mots sont toujours en moi et ceci explique
peut-être cela.
J’ai dit, V\M\.
R\ N\ |