GLNF Loge : Fulbert de Chartres N° 790 - O.·. de Chartres 06/1999


Que la joie soit dans les cœurs

A la fin de nos travaux le VM procède à « l’extinction des feux », et nous dit :

Que la paix règne sur la terre !
le 1er surveillant :
Que l’amour règne parmi les hommes !
le second surveillant :
Que la joie soit dans les cœurs !

Mon propos de ce soir sera de m’attacher, selon le thème de l’année, à cette belle phrase proférée par notre F\ second surveillant.


La Joie
mes FF\ !
Quelle définition peut-on bien en faire ?
Attachons-nous à cet essai.

Nombre d’expressions y font allusion : l’on peut être fou de joie, avoir la joie de vivre, s’en donner à cœur joie, avoir la joie de se voir et/ou de se revoir, être transporté de joie, rayonner de joie, faire un feu de joie, mais aussi avoir de fausses joies… et bien d’autres encore, la liste n’est pas exhaustive.


Etymologiquement, le mot joie est issu d’abord, sous la forme de goie, du latin gaudia, pluriel du neutre gaudium (contentement, aise, plaisir) dérivé de gaudere « se réjouir ».


Que la joie soit dans les cœurs !

Il s’agit bien là d’exulter, d’atteindre le bonheur parfait et ainsi de rayonner afin que ce bonheur soit partagé, soit  diffusé. Les deux phrases qui précèdent cette dernière dans notre rituel peuvent nous montrer qu’elle en est en quelque sorte la conséquence. En effet, si la paix règne sur la terre et l’amour parmi les hommes, quoi de plus normal que d’avoir dans son cœur … la joie.

Que la joie soit dans les cœurs !

Il ne s’agit pas non plus d’aller nager dans un prétentieux hédonisme ou même de s’encanailler d’un épicurisme de mauvais aloi, mais bien de se trouver en phase avec une émotion intérieure qui transcende l’individu.
Beaucoup de philosophes ont parlé de la joie, d’Aristote dans son « Ethique à Nicomaque » aux philosophes contemporains c’est un sujet qui a toujours été abordé, plus sous le vocable de bonheur que de joie, mais qu’est-ce que la joie sinon un réel bonheur ? Comme la définition du Larousse le stipule la Joie est bien un sentiment de bonheur intense.
Bien qu’ayant été abordé par tous et de tout temps, la définition de la vie heureuse n’a pu être décrite précisément, d’ailleurs Sénèque en parlait ainsi :
« Vivre heureux ô mon frère Gallion, qui ne le désire ! mais lorsqu’il s’agit de définir la vie heureuse, tout le monde tâtonne »

Mais nous maçons, mes FF\, avons-nous une idée de la vie heureuse ?

Il me semble, et nous pouvons l’affirmer : oui, nous pouvons avoir une vie heureuse, oui nous  avons la joie dans notre cœur, et nous oeuvrons tous les jours que Dieu fait pour que cette vie heureuse que nous souhaitons à tous se réalise en cette humanité souffrante.
Et c’est bien en premier lieu et particulièrement dans notre conduite mes FF\ que nous nous devons d’être attentifs afin que les regards profanes qui nous jaugent soient bienveillants.
Comme il est dit dans les obligations du Maçon, je cite les constitutions d’Anderson. De la conduite à tenir chez vous et dans le voisinage :

Vous devez agir comme il convient à un homme moral et avisé.

Souvenez-vous mes FF \de notre catéchisme d’Apprenti :
« Quels sont les devoirs du Maçon ?
Fuir le vice et pratiquer la vertu. »
Ce qui veut bien dire que nous devons, comme le rappelle le VM\ « achever au dehors l’œuvre commencée dans ce temple » que nous ne devons pas perdre de vue que nous nous sommes engagés et que selon notre foi maçonnique, nous devons montrer l’exemple en étant avant toute chose des hommes vertueux sachant travailler à rendre la vie heureuse aux uns et aux autres afin que la joie soit dans leurs cœurs.
Nous devons être philanthropes et agir par des actes plutôt que par de belles paroles, il vaut mieux un petit acte qui apporte un grand plaisir que de belles phrases alambiquées qui ne sortiront pas d’un cercle restreint et finiront par ne faire plaisir qu’à nous-mêmes.

Que la joie soit dans les cœurs !

Dans son discours, qui ne fut jamais prononcé (21 mars 1737), car le Cardinal Fleury, ministre de Louis XV et hostile à notre ordre s’y opposa, le chevalier André Michel Ramsay parle de la joie, de notre joie de maçon « d’une joie pure et d’une gaieté raisonnable » où « tous les vices du cœur et de l’esprit sont bannis où nos repas ressemblent à ces vertueux soupers d’Horace où l’on s’entretenait de tout ce qui pouvait éclairer l’esprit, régler le cœur et inspirer le goût du vrai, du bon et du beau » ; n’est-ce pas ce que nous réalisons à nos agapes après chaque tenue mes FF \?

Que la joie soit dans les cœurs !

N’arrivons-nous pas chaque premier vendredi avec de réels soucis, personnels ou professionnels, en tout cas matériel et ne devenons-nous pas radieux à la vue de nos FF\ et comment sommes-nous après cette intense communion de cœur et d’esprit que représente notre tenue ? nous repartons le cœur gai et l’esprit tranquille « après avoir puisé de nouvelles forces » dans la chaîne d’union. le chemin, comme je l’ai rappelé plus avant, ne s’arrête pas là, cette force et cette gaieté, nous avons devoir de les transmettre.

Comment imaginer parfaire l’humanité si notre travail se limite à la loge et aux travaux des mois qui s’égrainent?

Comment penser se parfaire soit même si quotidiennement l’on ne se remet pas en question ?

Pour que la joie soit dans les cœurs il est primordial de distribuer l’amour autour de soi, et ce sans attendre rien en retour, l’amour est un acte gratuit, gratuit pour celui qui donne et si cher pour celui qui reçoit. Sans amour pas de joie, et pour commencer, il faut s’aimer soi-même, s’accepter, c’est le travail commencé dès le cabinet de réflexion où l’on s’accepte, l’on se tolère ; sans pour autant abandonner la quête du mieux, c’est un asymptote, l’on aura jamais fini de se perfectionner, mais l’on se doit de la faire. C’est vers une marche de progrès que doivent se diriger nos pas, marche de progrès pour nous, marche de progrès pour l’humanité. Un véritable altruisme doit nous envahir, il nous faut lutter avec une infatigable persévérance contre ce égoïsme malsain qui quoi qu’on dise sommeille à l’intérieur de chacun de nous.


L’orgueil, la vanité, le mépris, la jalousie, la rancune, la haine, tous ces vices et bien d’autres encore doivent être condamnés par nous, maçons « hommes libres et de bonnes mœurs » qui « creusons des cahots » pour les y enfermer.


Mais pour un réel bonheur, il faut vaincre le malheur et là mes FF, la tâche est ardue. Mon père me disait que le secret du bonheur « c’est de se contenter de ce que l’on a », la comparaison vous paraîtra audacieuse, mais ce n’est ni plus ni moins que ce que disait Marc-Aurèle « Ne rien attendre, ne rien fuir, mais se contenter de l’action présente ». C’est déjà un pas énorme vers l’abandon de l’esclave que nous sommes face aux biens de ce monde. Il faut ôter de nous le désir, car si l’on a pas ce que l’on désire, la joie n’est pas dans notre cœur.

Nous ne sommes jamais satisfaits, nous nous créons des besoins dont nous ne pourrions nous passer et pourtant, regardons autour de nous, oui regardons les sourires des enfants de Calcutta qui du fond de leur misère ne peuvent nous faire exclure la joie qui brille quelquefois dans leurs yeux.

Le sage dit que l’homme heureux n’a pas de chemise, c’est ici la parfaite démonstration de cette parole.

Vouloir, Avoir, sont des verbes dont il faut nous dépouiller au profit de verbes comme le verbe Etre, le verbe Aimer ; bien qu’Aristote, Épicure, Montaigne ou Spinoza chacun à leur façon disait « qu’être heureux, ce n’est ni avoir ni être, c’est faire ».
Si nous y réfléchissons, il est possible de ne pas être tout à fait d’accord avec cette maxime, à mon avis pour Faire il faut Etre, être soi, sans artifice ni faut semblant, être vrai, tout simplement ; donc Soyons et nous pourrons Faire !
La joie c’est l’oubli de l’ego pour la découverte du soi authentique, de l’être vrai, de l’homme de l’origine, de l’Adam primordial, de celui qui est au plus près du GADLU.

Regardons en nous-mêmes, jetons notre âme à nu sur le miroir de notre conscience et faisons l’inventaire, chaque jour, chaque soir, comme le faisait Pythagore « aujourd’hui, qu’ai-je fais de bien, qu’ai-je fais de mal, en quoi ai-je failli ? »

Ainsi, même si nous sommes persuadés que la joie est dans notre cœur, elle y sera beaucoup plus présente et pourra ainsi déborder de notre propre cœur pour atteindre celui des autres , tel est le but.

Que la joie puisse être en nos cœurs en tous moments, quels que soient les passages traversés, l’existence n’est pas toujours tendre, mais dans un état de joie permanent le mental n’a plus à se glorifier ni à se rebeller, il ne s’apitoie plus, il combat… la joie … c’est aussi une force, c’est un souffle qui provient du plus profond de nous mêmes et nous révèle…Etre vigilant et persévérant…

Nous avons en nous toute la force nécessaire pour réussir. Alors…

Que la joie soit dans nos cœurs !


J’ai dit VM
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B\ G\

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