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La longueur, la largeur et la hauteur de la vie

 
L’absence de notre Frère Philippe pour raison de difficultés professionnelles me donne l’opportunité de présenter une planche sur « La longueur, la largeur et la hauteur de la vie »
 
Ces termes géométriques qui nous sont familiers s’appliquent plus fréquemment à des éléments matériels mesurables.
Les employer pour désigner notre parcours terrestre peut paraître incongru, mais c’est le pari que j’ai voulu relever ce midi.
 
J’ai tiré profit d’une lecture du prophète Esaïe et des Juges, dont je reprendrai des citations au cours de mon propos.
 
La vie est un cahier dont chaque jour tourne la feuille. Chaque nouvelle journée s’écrit sur une page blanche.
Et chaque matin, tout en bas de la page encore blanche de la journée s’inscrit ce simple mot « acceptation ».
Et au dessus de cette signature et de cet assentiment préalable, vous laisserez, heure après heure, s’écrire les lignes de votre journée, avec leurs pleins et leurs déliés, avec leurs plaisirs et leurs inquiétudes, avec leurs chants et leurs plaintes.
Et votre consentement préalable ôtera à ce jour son poison d’amertume.
Vous saurez que les heures de votre vie sont portées par une Force plus forte que la vôtre.
Faites lui crédit !
Mes frères, en tout temps, en tout lieu, vous trouverez ce qu’il faut de sol ferme sous vos pas pour que vous puissiez continuer à avancer et que vous ayez le droit de trébucher.
En tout temps et en tout lieu vous trouverez ce qu’il faut d’eau fraîche pour rafraîchir vos lèvres des mots que vous n’auriez pas dû dire.
Nous cherchons ici un sens à notre vie et parfois, il nous arrive de nous sentir inutiles.
Les lys des champs peuvent également le paraître, ainsi que les oiseaux du ciel ou les cigales qui, sans façon, profitent du soleil sans se poser de question.
Si parfois, dans le désespoir, il vous arrive de souhaiter votre mort, dites vous qu’il est bon pour vous de profiter encore un peu de la vie. Vous aurez ensuite tout le temps pour profiter de l’éternité.
Chaque chose en son temps !
Si ce jour encore, la vie vous a été donnée et redonnée, c’est parce que vous aurez la force de la vivre et qu’il y aura du bon que vous la viviez !
 
La vie, c’est d’abord une affaire de longueur. C’est vrai, le temps passe vite, mais la vie est très longue, du moins à notre échelle.
Et c’est sûr, nous sommes inquiets.
On a l’impression qu’on n’aura jamais assez de force, d’énergie, de dynamisme, de courage pour supporter la vie jusqu’à la fin, pour aimer la vie jusqu’au bout.
Ainsi, Gédéon, un modeste paysan de l’Ancien Testament, craint de ne pas y arriver.
Il est dit dans le Juges : « Va avec la force que tu as, cela te suffira ».
Bien sûr, mes Frères, demain sera peut-être à nouveau difficile, mais allons avec la force que nous avons , affronter ce lendemain.
On dit souvent que pour affronter la vie , il faut être fort ;cette affirmation est d’ailleurs inculquée très tôt dans l’esprit des petits garçons que nous avons été , et que j’espère nous restons encore un peu ; il fallait serrer les dents , retenir ses larmes à défaut d’être des poules mouillées !
Je vous dis que pour moi, cela est faux !
On a le droit d’avoir peu et de vivre avec ce peu ; on peut espérer, même avec peu d’espérance ; on peut aimer son prochain ou son conjoint, même avec peu d’amour.
Un peu de pain suffit à notre vie, un peu de courage et de pardon suffisent à notre vie.
La force qui compte le plus dans la vie, c’est la sérénité.
Car même bousculés par les événements et les drames, il reste en nous une part à l’intérieur de nous qui reste sereine.
C’est un peu comme une porte un peu branlante, dont le GADLU serait le seul montant resté stable.
J’ai expertisé vendredi dernier un jeune homme victime d’un accident de moto, alors qu’il circulait paisiblement bien à droite de la chaussée.
Ce jeune agriculteur a perdu une jambe et son bras gauche est paralysé.
Vous vous doutez bien, que dans ces circonstances, on prend soin de mesurer ses mots, de peur d’être maladroit.
Cet homme, physiquement brisé, m’a montré qu’avec le peu qui lui restait de mobilité, il affrontait sa vie avec une énergie qui force l’admiration.
Je voudrais ajouter qu’une autre force compte aussi, c’est de savoir oublier le passé.
Les mauvais souvenirs, les rancunes, tout cela nous empêche de vivre.
Comment pourrions nous recevoir nos Frères de la Place Buirette, si nous n’accédions pas au pardon, après les dissensions qui nous ont opposés ?
Ce midi, mes frères, prenons conscience que c’est le premier jour de la vie qu’il nous reste à vivre, quelque soit notre âge !
Alors, il n’y a pas de temps à perdre !
Ce n’est pas la peine de s’emberlificoter avec ce qui s’est passé dans le passé.
Vous vous souvenez de la chanson d’Edith Piaf : »Je repars à zéro, je me fous du passé et du mal qu’on m’a fait »
Pardonner aux autres, c’est souvent une manière de revivre.
 
Mais la longueur ne suffit pas !
Il faut aussi de la largeur à la vie.
Ce qui rend la vie tristounette, c’est qu’on a l’impression de tourner en rond.
C’est ce qu’on appelle le mal de vivre, la mélancolie, l’ennui.
Soit, mais comment faire ?
S’il y avait des remèdes à la lassitude de vivre, cela se saurait ! 
 
Elie Wiesel racontait cette histoire :
« Il était une fois un alerte vieillard. Il était curieux de tout et s’intéressait à tout et il voulait absolument savoir ce que c’est que le paradis.
Il adresse une supplique à Dieu, car il était croyant.
Dieu, dis moi ce que c’est que le paradis, j’ai cherché partout.
J’ai lu la Bible, le Coran, la Tora. Je me suis intéressé à Nostradamus, au dernier Evangile de Judas, au dernier livre de Jean d’Ormesson, j’ai passé des heures avec ma concierge qui croit à l’astrologie, j’ai questionné mon cousin professeur à la Sorbonne, j’ai lu des livres sur les Bantous, les Zoulous, j’ai regardé des émissions à la télé sur les papous et je ne sais toujours pas ce que c’est que le paradis !  »
Et Dieu lui répondit :
« Mais tu es au paradis ; être curieux de tout, s’intéresser à tout, c’est déjà être au paradis, c’est la largeur de la vie, c’est le plaisir de la vie ».
Le livre d’Esaïe dit clairement : « Elargis l’espace de ta tente, agrandis la tente où tu vis. Allonge les cordes de ta tente »
 
Une autre histoire à consonance biblique :
Il était une fois des gens incroyants qui s’intéressaient à leurs prochains et même à leurs lointains.
Ils allaient porter de la camomille à la petite dame d’à côté. Ils tricotaient des kilos de couvertures pour les petits malgaches. Ils apprenaient le jeu de l’oie au petit arabe du coin.
Lorsqu’ils décèdent, ils arrivent, tout étonnés, droit au paradis.
Saint Pierre les accueille comme des amis en leur déclarant qu’il les connaissait bien et qu’il les avait souvent rencontrés.
« Alors çà nous étonnerait, sur terre nous n’allions jamais à l’église, ni au culte, ni à la synagogue, ni à la mosquée! »
Mais on leur répond :
« Chaque fois que vous vous êtes intéressés à quelqu’un, qu’il soit rupin, gredin ou même propre à rien, c’est moi que vous avez rencontré ! »
S’intéresser à son prochain, c’est donner de la largeur et de la largesse à sa petite vie ; c’est le contrepoison de la lassitude de vivre et de la monotonie des journées.
Même quand on devient âgé, l’intérêt pour les autres cela vous emmène toujours en voyage.
 
J’en viens à mon dernier point :
La hauteur de la vie.
Prendre de la hauteur c’est quoi ?
C’est tout simplement avoir un peu le sens de l’humour.
Vous le savez bien que quand on reste au ras des pâquerettes, les taupinières paraissent des montagnes infranchissables.
En revanche, les taupinières vues de haut sont bien moins terribles.
Dégonfler les baudruches de nos prétentions éviterait bien des conflits.
Mais donner de la hauteur à sa vie, ce n’est pas seulement cela.
Ce qui donne de la hauteur à la vie, c’est d’avoir un désir, une ambition qui dépasse la défense de ses petits intérêts personnels et de son petit bonheur à soi.
Esaïe dit : « Brise les chaînes injustes, combats pour la liberté des opprimés, partage ton pain avec celui qui a faim ? Si tu vois un homme nu, couvre le ».
C’est cela la foi maçonnique  qui donne des ailes pour vouloir mettre un peu d’arc en ciel au creux des ornières et des souffrances de ce monde.
Des ailes pour vouloir l’impossible, pour espérer l’impossible et quelquefois même, pour entreprendre l’impossible.
C’est prendre un parti un peu fou, fou d’amour qui ordonne d’embrasser les enfants prodigues, d’inviter les clochards à sa table.
C’est au service de cet idéal et d’utopie du triomphe de l’amour auquel nous sommes appelés et auquel nous nous sommes engagés.
C’est une force de protestation, d’insurrection et d’indignation que nous devons garder intacte en nous comme un bien éminemment précieux et qui nous distingue des hommes vulgaires
Il n’est pas toujours utile de s’engager aux antipodes pour vivre ce projet.
Vivons le en Loge, au calme de nos Ateliers, sans grand risque, ce beau principe, puis portons le hors de la Loge, au sein de notre cercle restreint, poursuivons ainsi notre apprentissage.
 
Saint Augustin écrivait :
« L’espérance a deux très beaux enfants. L’un s’appelle le courage et l’autre la colère »
Vous avez bien entendu, les deux enfants de l’espérance, ce sont le courage d’entreprendre, et aussi, l’indignation, la colère devant les injustices.
En fait, c’est tout un ; car ces deux enfants sont jumeaux.
 
Pour conclure je rapporterai cette parole de Martin Luther King :
« Donnez vous la tâche de découvrir ce que vous pouvez faire ici-bas et dès lors consacrez-vous avec passion à le faire.
C’est la longueur de la vie.
Aimez votre prochain, car ce n’est pas seulement une exigence, mais c’est aussi une chance et un contrepoison à la monotonie.
C’est la largeur de la vie.
Aime de tout ton cœur et indigne toi pour faire advenir la justice.
C’est la hauteur de la vie ».
 
J’ai dit

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