OISOT Loge : NC Date : NC

Un Epi de blé autour d’une chute d’Eau

Après de nombreuses errances stériles et irrationnelles, je décidais de tout reprendre du début, le jour de mon passage au deuxième grade. Je fus, ce jour là, étonné par l’insistance du rituel quant à l’explication du tableau de L\. Je suppose que la lecture et la compréhension de la planche tracée doivent être indispensable pour progresser et pour ressentir ce qui me préoccupe maintenant, une présence presque anodine mais essentielle, une ancre de navire, un épi de blé auprès d’une chute d’eau.

A l’inverse de la planche tracée du premier grade, qui ne présente qu’un assemblage de symbole dont l’apprenti est seulement spectateur et c’est un a priori, la planche tracée du second grade m’indique une amplitude et une direction.  Je me situe maintenant dans le temps, à midi, et dans l’espace, sur les parvis. Je vais du nord à l’est. Je me dirige vers ce  lieu secret, la C\ du M\. Je suis sur les parvis du Temple, après les col\ J\ et  B\. Je tourne le dos à l’extérieur, les yeux rivés au pied de l’escalier tournant. Je me dirige vers le sacré. Je vais donc effectuer une démarche rétrospective ou plutôt introspective quant à mon initiation et revenir sur mes pas, retourner au mouvement et au bruit dehors, hors du temple, près de l’épi, près de la chute d’eau. Je dois redescendre les trois marches entre J\ et B\ et retourner sur  terre, fouettée par les vents profanes et faire face à mes  désordres intérieurs,  pour réaliser la présence de cet épi de blé auprès d’une chute d’eau. Qui est-il, que me dit-il ? Cet épi, en amarrage au pied du temple, au début de mon parcours, au nord, à l’entrée des Parvis.

Cet épi de blé, courbé mais vigoureux et cette chute d’eau violente, bruyante, désordonnée représenteraient la naissance, la création, la création frénétique, la soif de vie. C’est une démonstration de la nature, en force, en abondance. Le mot pour épi de blé ou pour chute d’eau, en Hébreux est le même. Je penserais donc que ce symbole est dédoublé pour renforcer l’idée de force et d’énergie. Ce sont deux éléments distincts qui ne forment plus qu’un pour un objectif commun, faire germer les graines. Il faut donc y voir un acte copulatoire, un symbole alchimique. Et là, le symbole est clair. Le principe féminin et le principe masculin sont représentés. La conception et la naissance sont suggérées par un épi de blé auprès d’une chute d’eau. Les deux principes se confondent dans ce symbole. La terre est  matrice,  mère nourricière. Elle reçoit la semence. Et l’épi apporte cette semence. Mais il est aussi le résultat, il donne de nouvelles graines. Et l’eau, symbole de vie, permet ce résultat. La chute d’eau apporte aussi, du haut vers le bas, un mouvement perpétuel. L’épi de blé suggère également un mouvement perpétuel, mais du bas vers le haut, la germination, l’élévation, la germination, l’élévation, etc. L’initié, est cette graine. Il a germé en terre, dans le cabinet de réflexion. A la lumière, il s’élèvera au second grade, plus tard le temps de la  moisson viendra. Le salut au premier grade prend un  sens supplémentaire. L’équerre, symbolisée par la main droite, est prête, comme une faux, à moissonner la tête de l’épi. De plus le verbe équarrir veut dire tailler une pierre avec des angles droits mais veut dire aussi traiter le cadavre des animaux, plus exactement en  retirer la chair des os. Le salut au premier grade est donc une offrande encore aveugle pour une mort initiatique. Celui du second grade inclurait plus une notion de détermination personnel à son propre sacrifice. Tout d’un coup ce symbole n’est plus seulement le symbole de la conception et de la naissance mais également un symbole de sacrifice et de mort et, afin de poursuivre le cycle, un symbole de résurrection. Bref, cet épi de blé auprès d’une chute d’eau  représente la jonction entre la naissance et la mort, le point de départ et d’arrivée qui va du  profane au sacré.

De nombreux mythes et de nombreuses pratiques rituelles reviennent à mon esprit avec plus de clarté. Je ne peux qu’en faire mention et en aucun cas exposer chacune de ces légendes et de ces pratiques, qui m’éloignerais trop de mon sujet. Seulement ce symbole fait certainement référence aux  légendes sur la castration d’Attis, sur la mort et la résurrection d’Osiris et à des rituels primitifs ou premiers comme la circoncision, l’excision , et d’autres. Je précise d’ailleurs que nombre de ces légendes voit en cet épi, plutôt un épi de maïs, qu’un épi de blé. Le rituel seul enseigne aux maçons  la qualité de cet épi. Les premiers tableaux de Loges d’Harris, au rite émulation, ne contenaient  pas d’épi, mais seulement un plan d’eau, plutôt lacustre d’ailleurs. C’est le rituel qui apportent les réponses et les compléments. Grâce à cet épi de blé auprès d’une chute d’eau, le rituel prend encore une dimension primordiale, il apporte le sens. Il donne également la raison du mot de passe, Shibb\. L’étymologie hébraïque fait une distinction caractéristique entre Sibb\ et Shibb\. Sans approfondir, Sibb\ est constitué du substantif sebel ou siblah, qui veut dire une charge, une peine, un fardeau, la douleur même. Le mot arabe zabbal, signifie ramasseur d’ordure. Il en ressort deux sens, l’un comme mot de passe, sumbollon en grec, l’autre comme repas pris en commun. Quant à Shibb\ associé donc avec le substantif shin veut dire tirer, étirer, croître, se frayer un chemin. Avec la connaissance de ce mot, sans la connaissance du rituel, tout pousserait à penser qu’il faut prononcer Sibb\ et non Shibb\. Un profane se trahirait comme l’ont été les gens d’Ephraïm.

L’App\ s’inscrit encore dans Sibb\, et, pour le clin d’œil, il doit accueillir ses tâches matérielles en salle humide avec joie car il commence déjà la sacralisation de son être par des actes anodins. Il se prépare à son insu, au déchargement de ses peines et de ces fardeaux, fait de rancœur et d’orgueil, pour croître et se frayer un chemin. Plus tard il sera C\ et, comme moi,  découvrira le chuintement au dépens du sifflement.  Doit-on y deviner l’anéantissement du serpent, son soi inférieur, ses passions et ses émotions humaines par le contrôle de ses sens ? 

Le choix de ce mot de passe n’est  pas simplement une allusion biblique, c’est une évidence. C’est encore moins pour le souvenir et la commémoration de l’ évènement sanglant du massacre de quarante deux milles gens d’Ephraïm, sous les ordres de Jephté. A moins bien-sûr, et c’est une parenthèse, que ce fut un massacre initiatique, un sacrifice  collectif pour de nouveaux initiés. Jephté serait d’une dimension nouvelle. Il ne serait plus ce fils de catin, ce guerrier totalitaire et infanticide, mais deviendrait effectivement un juge, la lumière d’un groupe. Sa mère ne serait plus une simple prostituée dans le sens communément  utilisé aujourd’hui, mais une initiée dont l’école péripatéticienne d’Aristote en serait la continuité. L’origine grecque du mot  péripatéticien, péripatétein, signifie se promener. Je me plais à croire, pour rire, que mon périple dans les allées de mon  labyrinthe est seulement une promenade à multiples directions sur les sentiers de la vérité. Je me trouve moins pressé pour recueillir tous les petits cailloux que j’ai semé au hasard de ma vie profane. Mais je referme ici la parenthèse, et je reviens à mon épi de blé auprès d’une chute d’eau.

J’ai constaté la mesure infime, microscopique, d’une planche tirée de l’arbre de la connaissance, quand mon intéret s’est posé plus précisément sur l’alphabet hébraique à propos de Shibb. En particulier la  vingt et unième consonne de son alphabet, Shin, représenté sous la forme d’une dent... Elle est une des trois lettres mères et règne sur l’élément feu. Sa valeur numérique est de 300. Et le 3 représente l’équilibre. Elle correspond au chakra du troisième oeil. Dans la symbolique hébraïque cette lettre représente trois piliers de l’arbre des séphiroth et plus précisément le pilier droit de la grâce. L’analogie avec nos trois colonnes maçonniques fut naturelle et le mot de passe devint, dans mes réflexions,  le mot de passage non pas au seconde grade mais pour bien au-delà, pour accéder à l’Orient, à la beauté. Si j’entrevoyais les raisons d’un temps et d’une situation initiatique inconfortable, je réalisais également que je n’avais pas les outils nécessaires pour poursuivre. Ce coup d’œil rapide sur l’alphabet hébreux, ses combinaisons et sa symbolique m’apporta finalement plus de questions que de réponses.

En revanche, la compréhension et la pertinence de ce mot de passe par rapport à la référence biblique m’apporta peu. Mais la prudence m’a été enseignée, et je suppose du bout des lèvres, que nombre d’éléments symboliques de cet épisode biblique sont encore restés invisibles à mes yeux. Mais, il est certain qu’ au travers du rituel, l’explication du meurtre des gens d’Ephraïm apporte du sang au symbole. La mort, une mort rôde irrésistiblement autour de Shibb\, représenté par cet épi de blé auprès d’une chute d’ « os ».

Pour conclure, ce symbole serait le début et la fin du  parcours initiatique, la conception et la mort, le vivier et le charnier. Je comprends mieux maintenant le mal du C., ma souffrance. C’est Shibb\, mon épreuve de vérité. Je m’écorche à chaque pas, je me lacère à  coup d’équerre. Je dois me sédentariser, me creuser, retourner à la terre. Mon esprit doit maîtriser mes sens et mes émotions. Il doit dominer mon corps. Mon idée de quitter les parvis en faisant marche arrière au début de ma planche était stupide. Au contraire, il me faut poursuivre en avant pour  rejoindre cet épi de blé auprès d’une chute d’eau et m’y reconnaître. Je dois devenir semence et parcourir un cycle. Je pense à un poème de Goethe au titre évocateur « meurs et deviens ». Je dois renaître au sacré pour offrir mes services au grand géomètre de l’Univers, pour bâtir et pour me bâtir.                     

Il me faudra devenir cet épi de blé auprès du chute d’eau. Il me faudra devenir symbole, mais ceci est une autre histoire. Pour l’heure, encore nomade, je ne suis qu’une taupe nyctalope qui cherche à poser sa pierre, tombale.          

J’ai dit\

G\ J\


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