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Du profane au sacré

Le passage du monde sacré au monde profane est un passage obligé pour ne pas dire incontournable de notre vie maçonnique car il nous permet de prendre du recul et de nous élever afin que nous puissions progresser. Ce passage, selon moi, se fait dans l’espace bien évidemment mais également dans le temps et nous avons comme aide un outil de qualité : notre rituel.

Le rituel sert de passage entre un état et un autre, une alchimie avec la transmutation de l’homme ordinaire en initié, la transition du profane au sacré. Il sert à préparer les frères à agir dans un espace-temps sacré, à les préparer à un voyage dans la tradition et à l’intérieur d’eux-mêmes.

La loge se ferme au profane. Le rituel peut commencer. Le franc maçon traverse une frontière pour passer dans un autre monde, pour l’instant plongé dans les ténèbres. Seul l’endroit où siège le vénérable maître est éclairé. « Prenez place mes frères, nous allons procéder à l’ouverture de la loge » dit-il. Le silence qui règne est le signe de la concentration de chacun face au sacré qui va se mettre en place.

Il y a un instant encore nous étions dans la vie ordinaire, dans un monde dit profane. Cet appel va ouvrir un espace différent, un espace sacré entre hommes égaux face au cheminement que nous entreprenons pour progresser.

Le vénérable maître s’adresse ensuite à toute la loge et nous changeons de monde : « Nous ne sommes plus dans le monde profane et nous avons laissé nos métaux à la porte du temple. Elevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la lumière ». Nous nous sommes donc débarrassés à l’entrée du temple de tout ce qui brille d’un éclat trompeur, de tout ce à quoi nous sommes attachés dans le monde matériel. Nous pouvons maintenant aller vers la lumière et ainsi entrer sereinement dans le monde sacré.

Rappelons avant tout quelques éléments de définition de ces termes profane et sacré. Le terme profane (qui n'est pas consacré, qui n'est pas initié, ignorant) vient du latin « profanum » (de pro « devant » et fanum « lieu consacré »). Au 18ème siècle, un profane était une personne non initiée à une science et qu’on ne pouvait admettre dans une société.

Le terme sacré vient du latin « sacere » qui signifie « inviolable », il a la même racine que sacrement qui est « sacrare » et signifie consacré par une cérémonie, il est également rattaché par sa racine au mot serment. Au 17ème siècle sacré qualifie tout ce qui appartient à un domaine interdit inviolable par opposition à profane.

Le sacré désigne donc ce qui est inaccessible, indisponible, mis hors du monde normal, ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes et s'oppose à l'utilitaire (le profane) qui est la réalité ordinaire et insignifiante.

On a également tendance à identifier sacré à religieux, ce qui est faux, puisque la Franc-maçonnerie est adogmatique, que le Franc-maçon entre dans un lieu sacré chaque fois qu’il pénètre dans un Temple.

Sacré vient également de « sacrum » définissant ce qui est à part, opposé à ce qui est propre à la vie courante et appartient à un absolu invisible bref au monde du divin.

Le titre même de cette petite planche suppose une contradiction, entre les deux termes. Il laisse percevoir, si non un antagonisme, mais au moins une progression qualitative entre deux états. C’est un peu comme si l’on entendait : « de la nuit vers le jour » ou bien encore du « sale vers le propre ». Qu’en est-il en réalité ? Peut-on à juste titre parler de limite entre le profane et le sacré ? Et où se situerait-elle ?

Pour mieux comprendre ce dont il s’agit, il nous faudrait partir d’exemples concrets tels la musique, le travail ou les lieux et je vais, avec vous, explorer un peu ces pistes. Puis, à la lumière de ces concepts, nous essayerons d’examiner l’activité à laquelle nous sommes en train de nous livrer pour essayer de déterminer où finit le profane et où commence le sacré.

De nombreux musiciens ont, selon l’expression commune, composé de la musique sacrée. Mais en quoi ces compositions sont-elles différentes d’autres œuvres de ces mêmes compositeurs de génie ? A priori aucun si ce n’est la destination de la pièce ! Il n’y a en effet aucun trait particulier qui permette de différencier sur le plan technique une œuvre profane d’une œuvre sacrée et une œuvre n’est donc déclarée sacrée que lorsque son auteur la destine à la liturgie, à la prière.

Si la destination de l’œuvre est une condition nécessaire à sa qualification de sacrée, elle n’est cependant pas suffisante. Est-ce que les chansonnettes chantées aujourd’hui dans les églises, lors des messes sont assimilables à de la musique sacrée ?

Mais alors quid de la musique sacrée ? Est-ce qu’elle existe ? Oui car il fut un temps où tout art, dont la musique, n’avait de raison d’être que pour conduire à la rencontre du Divin (c’est sans doute là, la fonction du sacré).

La vraie musique sacrée, que nous distinguons de la musique religieuse, se base selon les experts sur le rythme cardiaque et le souffle humain. Les tons sont en relation avec les saisons et les temps liturgiques, projetant l’humain hors du temps linéaire et profane, afin de lui permettre l’accès à un temps sacré car l’infini échappe au quantifiable et au mesurable.

Nous savons tous ici à quel point l’initiation maçonnique insiste sur la « glorification du travail ». Mais cette glorification n’a rien à voir avec une fuite en avant dans un activisme désordonné qui caractérise les sociétés occidentales modernes. Ce n’est pas la quantité qui prime, mais bien la qualité.

Envisagé d’un point de vue initiatique, le travail trouve sa signification la plus profonde et sa portée la plus haute car il dépasse, dans ce cadre, le petit plan humain du quotidien et de la banalité pour nous emmener plus haut.

Selon moi le travail, comme toute autre activité, devient sacré dès qu’il constitue une collaboration consciente et effective à la réalisation du plan du Grand Architecte de l’Univers. Il est bien évident que, sous cet angle de vision, l’aspect strictement rémunérateur devient plus que secondaire, il n’est plus le but suffisant de l’activité.

D’ailleurs a-t-on vu une abeille ou une rose réclamer un salaire mensuel ? Car dans ce cadre le travail redevient une vocation, une fonction naturelle de l’état d’être humain.
Voilà encore un contexte où le changement de regard, de destination de l’acte fait passer du profane au sacré comme par magie.

Certains lieux sont dits sacrés, ce sont généralement des lieux de culte et toutes les religions ont les leurs. Ces lieux se caractérisent souvent par une construction particulière comme les mosquées, églises ou temples.

On peut constater également que, dans ces lieux sacrés, outre les vêtements et le comportement ou l’attitude, une certaine gestuelle est imposée. Ces lieux sont donc rendus sacrés par l’attitude de ceux qui y pénètrent consciemment, et encore une fois, c’est l’usage qui sacralise. Souvenons-nous des différentes enceintes du temple de Salomon et des degrés de sainteté attachés à chacune d’entre elles.

Mais au fait, ne connaissons nous pas, nous aussi, un endroit où nous n’entrons que vêtus d’une manière particulière, en faisant des signes particuliers ? Ne serait-ce pas aussi un lieu sacré ?

Cette question nous conduit logiquement à considérer le travail maçonnique, sous l’angle sacré/profane, et à nous interroger sur notre attitude en loge : la manière dont je me comporte reflète-t-elle ma conscience d’être dans un espace et un temps sacrés ?

A la lumière de quelques éléments de réflexion, nous pouvons légitimement penser que les dispositions du rituel concernant notre vêture, nos signes et nos décors, sont destinées à orienter notre regard.

Il n’est pas ici question d’attirer nos yeux vers tel ou tel point cardinal, mais bien de donner à notre cœur, à notre centre, cette prédisposition à percevoir et à produire le sacré. C’est à, mon sens, la seule raison d’être véritable de la Maçonnerie.

Notre antique confrérie ne fait rien d’autre que de continuer la tradition antique et multimillènaire des religions à mystères et des sociétés initiatiques. La Franc- Maçonnerie n’a pas d’autre but que de nous relier à la source divine représentée par le Grand Architecte de l’Univers. Dès le cabinet de réflexion, c’est à l’intériorisation que nous sommes invités, afin d’y découvrir notre sacré.

A travers la musique, nous avons vu que la fonction du sacré était de conduire au divin, au travers du travail nous avons pris conscience que le sacré nous incite à nous améliorer et au travers des lieux nous avons eu conscience de travailler dans un lieu sur et sacré (le temple) accompagné d’une musique (le rituel) à dégrossir notre pierre brute.

C’est toute notre vie, ainsi que le monde qui nous entoure, que la Maçonnerie nous propose de sacraliser. En fait le sacré, est, sans doute, en premier lieu, un autre état de conscience. Un état de conscience différent du profane, élargi aux dimensions de l’infini. Cette partie, l’invisible, est la plus importante de l’univers. A. de Saint Exupéry disait que l’essentiel est invisible aux yeux et qu’il ne se voit qu’avec le cœur.

C’est pour progressivement prendre pied dans ce lieu et ce temps que la maçonnerie spéculative nous propose de travailler sur des symboles qui sont le seul moyen de dire ce qui ne peut être appréhendé autrement  et qui nous invitent à un voyage dans le temps et dans l’espace vers la recherche de notre idéal. C’est pour moi tout le sens de notre chemin initiatique.

V\ M\ j’ai dit.


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